lundi 21 mars 2011

La Libye au Darfour


« C’est un épisode peu connu : pendant plusieurs années, la Libye a occupé le Darfour avec la bénédiction du Premier ministre soudanais de l’époque, Sadiq al-Mahdi. Ce dernier avait touché des millions de dollars de Tripoli dont il s’était servi pour remporter les élections de 1986. En échange, les Libyens se sont installés au Darfour dont ils voulaient faire une base arrière pour reconquérir le Tchad et renverser le régime d’Hissène Habré. Kadhafi avait créé une

« légion islamique » composée de Soudanais, de Libyens, de Tchadiens et même de Libanais envoyés par le leader druze Walid Joumblatt, parce qu’il voulait, à l’époque, arabiser le Darfour. C’est tombé en plein milieu d’une famine qui a fait 90 000 morts et décimé les trois quarts du cheptel. Il y avait déjà des conflits pour l’exploitation des pâturages et des points d’eau entre pasteurs arabes et paysans africains. La propagande libyenne a agi comme du vinaigre sur une blessure ouverte. Il y a eu une première guerre civile qui a fait 3 000 morts et qui s’est terminée en 1989. »
Cité par Luis Martinez dans "Nouvelle Libye ?"

mercredi 16 mars 2011

Le Sud Soudan est-il tombé dans le piège de son nouveau voisin ?

Samedi dernier les représentants du Sud Soudan ont annoncé la rupture de leur relations diplomatiques et, donc des négociations, avec le Nord.


Pourtant les 2 pays (le Sud Soudan sera reconnu par la communauté internationale en juillet) sont dépendants l'un de l'autre :
- les réserves pétrolières sont au Sud mais les infrastructures de transport, raffinage et d’exportation au Nord et 98 % des revenus du Sud issus des recettes pétrolières. De plus majorité des travailleurs soudanais du secteur sont du Nord - Par ailleurs 6 millions de nomades du Nord font paitre leurs troupeaux au Sud 8 mois de l’année(d'où les conflits réguliers à la frontière notamment dans la région d'Abeyi). Et 50% du personnel enseignant au Sud sont des nordistes.

Les accords de paix de 2005 prévoyaient le referendum d'autodétermination mais aussi la délimitation de la frontière entre les Nord et le Sud. Les acteurs extérieurs qui ont largement soutenu les accords de paix (Etats-Unis, GB, Norvège...) ont fait preuve de légèreté en ne soutenant pas le processus de transition vers le referendum. Ainsi ce qui aurait du être fait en 6 ans devrait l'être en 5 mois...(précédent billet sur la question ICI)


Outre la question de la délimitation de la frontière, du partage des ressources pétrolières et du rattachement de la région d'Abeyi d'autres négociations restent en suspens avec cette rupture du dialogue :le Partage de la dette et des actifs, le partage eaux du Nil (ICI), la nationalité ( 1.5 M de sudistes vivent au Nord et de nombreux sudistes vont s’y faire soigner, étudier, travailler).Un responsable du HCR, Bilqees Esmail, a déclaré qu’« il n’y a pas encore un d’accord finalisé entre les deux gouvernements, mais il y a eu des déclarations faites par les deux parties assurant qu’ils cherchent tous deux à éviter les cas d’apatridie » et qu'il n'y a eu qu’un nombre limité de « communications officielles vers les communautés locales, de sorte que les gens continuent de prendre la décision de rester au Nord ou de partir sans avoir tous les faits »

Une actualité qui fait échos au propos de deux chercheurs (Marc Lavergne et Gerard Prunier) lors d'un café géopolitique début décembre sur la question (ICI) : "Les tribus du Nord vont traditionnellement avec leur bétail au Sud en saison sèche, et vice-versa. La fixation d’une frontière politique ne pourra pas bloquer ces mouvements et la région d’Abyei est un modèle réduit de cette zone frontalière. (...) Les négociations en cours sont difficiles, car l'indépendance du Sud va retentir sur le Nord. Les deux pays vont continuer à vivre côte à côte et devront donc trouver des moyens de coexister. L'angoisse de pogroms plane contre les nombreux sudistes ou descendants de sudistes qui vivent dans le Nord après proclamation de l'indépendance.(...)Les populations arabes ne pourront pas garder la main sur le Sud, car les élites du Sud n’entendent pas partager leurs ressources avec les arabes du Nord."

Source : mission économique, Nicolas B., Opérations de paix

mardi 15 mars 2011

Sources thème du mois AGS

Pour enrichir les réflexions d'AGS sur le thème du mois, vous trouverez ici une bibliographie et une sitographie succinctes. Cette liste est, bien sur, non exhaustive et vise plutôt à servir de base de départ. Elle attend vos ajouts et critiques dans l’espace « commentaires ».

Sitographie :
- Progression du nombre des États Membres de 1945 à nos jours ICI
- Organisation des nations et des peuples non représentés, 57 peuples et nations sont membres de cette ONG créée en 1991 ICI Liste de ces peuples et nations ICI
- Un peu daté mais à consulter pour information : la liste Movements for National, Ethnic Liberation or Regional Autonomy ICI
- A consulter absolument pour découvrir tous les ouvrages et articles sur le nationalisme : The Nationalism Project (ICI) et son blog (ICI)

Articles en ligne :
- Réflexions sur l’augmentation du nombre des États : Stéphane Rosière, « La fragmentation de l’espace étatique mondial », L'Espace Politique [En ligne] , 11 | 2010-2 , mis en ligne le 16 novembre 2010, Consulté le 20 février 2011. ICI
- Une analyse multiscalaire des référendums d’autodétermination et l’emboîtement des représentations et stratégies à différentes échelles: Amaël Cattaruzza, « Les référendums d'autodétermination: démocratisation ou balkanisation du monde ? », L'Espace Politique [En ligne] , 3 | 2007-3 , mis en ligne le 22 décembre 2007, Consulté le 20 février 2011. ICI
- De la même auteure : « Fragmentation : cloisonnement et/ou recomposition de l’espace politique ? », L'Espace Politique , [En ligne] , 11 | 2010-2 , Consulté le 12 mars 2011. ICI
- Commençons exceptionnellement par la conclusion de cet article….: « Bien souvent, le nationalisme et la proximité culturelle ne sont utilisés que pour mieux masquer l’intérêt économique à court terme. Le monde est entré dans l’ère de la prolifération étatique et du sécessionnisme à tous crins, mais aussi, et peut-être de façon plus flagrante, dans celle du cocooning stratégique » BONIFACE, P., 1999, « Danger ! Prolifération étatique », Le Monde Diplomatique, janvier, p. 32 ICI
- Une réponse à cet article vise, entre autres, à minimiser le phénomène décrit par P. Boniface : PEGG, S., 1999, « The Nonproliferation of States: A Reply to Pascal Boniface », The Washington Quarterly, vol. 22, n°2, p.139-147.
- Exposés des participants et synthèse des discussions du Séminaire « Droit à l'autodétermination des peuples autochtones », New York, le 18 mai 2002, ICI

Articles :
- FEARON, J. D., 2004, « Separatist Wars, Partition and World Order », Secutity Studies, vol. 13, n°4, p. 394-415
- KOLSTØ, P., BLAKKISRUD, H., 2008, « Living with Non-recognition: State- and Nation-buiding in South Caucasian Quasi-States », Europe-Asia Studies, vol. 60, n°3, p.483-509.
- TAGLIONI, F., 2005, « Les revendications séparatistes et autonomistes au sein des États et territoires mono- et multi-insulaires: essai de typologie », Cahiers de géographie du Québec, vol. 49, n°136, p. 5-18.
- SMITH, A.D., 1979, "Towards a Theory of Ethnic Separatism", Ethnic and Racial Studies, vol. 2, n° 1, p. 21-37.

Ouvrages :
- BADIE, B., 1995, La fin des territoires, Paris, Fayard, 276p.
- DIECKHOFF, A., 2000, La nation dans tous ses Etats, Champs, Flammarion, Paris
- et vient de sortir : JOAO MEDEIROS (dir.), 2011, Le Mondial des nations, Paris, Choiseul, 574p.

samedi 12 mars 2011

Rapport : La politique africaine de la France

A lire ce week end .... le dernier rapport d'information de M. Josselin de ROHAN, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur la politique africaine de la France. (Téléchargez ICI)


Résumé: "Au moment où la France a entrepris de renouveler les accords de défense qu'elle avait avec un certain nombre de pays africains, comme l'engagement en avait été pris par le Président de la République dans son discours du Cap le 28 février 2008, il a semblé à votre commission pertinent d'analyser ce que sont les lignes directrices de la politique de notre pays vis-à-vis de l'Afrique.
Ces principes, qui fondent notre politique, s'inscrivent naturellement dans le cadre de la diversité et de la singularité de chacun des pays avec lesquels des accords ont été passés.
Le présent rapport traite principalement des questions de défense et de sécurité.
S'agissant de nos rapports avec l'Afrique subsaharienne, l'analyse montre que depuis 1990 c'est la continuité qui l'emporte. Depuis 30 ans, du discours de La Baule au discours du Cap, la politique diplomatique et de défense de la France en Afrique évolue sans rupture majeure mais en suivant l'évolution des grands bouleversements mondiaux et en s'y adaptant.
Elle a été ainsi marquée par deux inflexions majeures dues, pour la première, à la chute du mur de Berlin en 1989 et à l'effondrement du monde bipolaire qui a entraîné une « démocratisation » du continent, et pour la seconde, aux effets de la mondialisation qui conduit inévitablement à l'internationalisation des politiques et au multilatéralisme.
Entre ces deux adaptations majeures, nous avons procédé à de très importants changements de structure de la coopération française qui tirent les conséquences de ces bouleversements et permettent d'accompagner les politiques."

A lire sur ce blog mes précédents billets sur la question ICI.
Le rapport du Sénateur souligne que la "continuité (...)l'emporte", de mon côté je note qu'en alternant volontarisme, désengagement et attentisme, la France a sérieusement brouillé son image tant sur le continent qu'auprès de la communauté internationale.
Sur l'Européanisation de la politique africaine de la France : ICI
Concernant le titre et l'objectif de ce rapport je renvoie également à une citation d'Antoine Glaser et Stephen Smith (cités aussi sur ce blog) "Le jour où, au lieu de se targuer d'une "politique africaine" censée faire le bonheur du continent noir, il existera une politique française en Afrique, qu'on pourra présenter aux citoyens-électeurs-contribuables français comme étant de leur intérêt, la France aura tourné la page de son passé colonial" ....

jeudi 10 mars 2011

54, 55 …après le Sud Soudan, le Somaliland ?

En juillet, le Sud Soudan sera le 54ème États africains reconnu par la communauté internationale. La récente décision du peuple sud soudanais ouvrira-t-elle la boite de pandore des revendications indépendantistes africaines ?

L’indépendance du Sud Soudan est une singularité. Elle fut soutenue par des puissances extérieures au continent et contre le principe fondamental d’intangibilité des frontières de l’Union Africaine hérité de 1964.
L’accord de paix de Nairobi du 9 janvier 2005 entre le gouvernement de Khartoum et la rébellion sudiste de John Garang, incluant le referendum d’autodétermination de 2011,   a mis fin au plus long conflit du continent africain (3 millions de morts, 5 millions de déplacés/réfugiés).
La principale conséquence de cette indépendance pourrait être au niveau régional. En effet, le Somaliland, État de facto depuis 1991, toujours en attente de reconnaissance internationale voit dans l'indépendance du Sud-Soudan une opportunité de faire valoir ses revendications à son tour : « If the international community accepts the independence of southern Sudan, there is no reason why the door should not be open for us also” affirmait en début d’année le président Somalilandais. En 2010 le pays a organisé des élections présidentielles qui se sont passés dans le calme et la transition démocratique fut reconnue de tous. Au lendemain de son élection le nouveau président, Silaanyo, affichait clairement l’objectif principal de son mandat : “During my tenure as president I will vigorously fight for the recognition of Somaliland. The world must recognize our democracy”.

Le Somaliland a tout d’un Etat sauf…la reconnaissance formelle des autres Etats !  Ce petit pays  au Nord  de la Somalie souhaite retrouver les frontières du British Somaliland, une colonie distincte de la Somalia Italiana et dont elle a obtenue son indépendance séparément. De fait son rattachement au reste de la Somalie fut bref (rappel historique :  ICI, Vidéo Somali independence Day 1960 )



C’est également un ilot stable  ayant assis son autorité sur son territoire. Un rattachement à moyen ou même long terme avec la Somalie du Sud est inenvisageable. Le pays dispose de ses propres forces de sécurité et de sa police, d'un système judiciaire et d'une monnaie, d’un drapeau, de timbre (édités en Grande Bretagne), de gardes côtes formés par les Britanniques, d’institutions qui fonctionnent…. Le secteur privé est très dynamique (7 opérateurs de téléphone presque autant de journaux). C’est aussi la seule économie au monde où plus de la moitié de la population dépend du pastoralisme nomade pour vivre.

Pourquoi une reconnaissance internationale si le Somaliland fonctionne déjà comme un Etat ? Outre la possibilité de siéger dans les instances internationales, d’être reconnue par l’ONU, le FMI….une reconnaissance permettrait des relations bancaires et la possibilité d’établir des contrats d’assurance et donc aux investisseurs de s’implanter et à l’Etat de connaitre un essor économique.
De fait, les missions britanniques, américaines…se succèdent à Hargeisa la capitale. Les britanniques seraient venus demander, en octobre 2010, la collaboration des gardes-côtes du Somaliland à leur lutte contre la piraterie maritime et auraient offert en contrepartie des armes et des moyens de détection radars. Ils se seraient également déclarés intéressés pour disposer d'une base navale près de Berbera. De même les Américains ont changé de stratégie en Somalie. Désormais le dialogue et l’aide financière avec les régions périphériques de la Somalie sont privilégiés. Pourtant aucun pays occidental de se risquerait à s’ingérer dans les affaires africaines et à contredire les principes de l’Union Africaine en reconnaissant ce nouvel État.
L'Éthiopie et Djibouti traitent ce voisin comme un égal et commerce avec lui (le Somaliland est même un nouveau débouché maritime pour l’Ethiopie) mais ils n’ont pas la légitimité pour le reconnaitre. L’Ethiopie serait une nouvelle fois perçue comme un État colonial par ses voisins.
La souveraineté du Somaliland est donc reconnue implicitement de tous mais la reconnaissance internationale reste un acte discrétionnaire de chaque État et personne ne souhaite faire le premier pas. La seule solution serait une reconnaissance officielle par un État africain tel que l’Afrique du Sud…mais quel intérêt pour cet État ?
La  situation risque de perdurer et ce statut quo s’installer dans le long terme dans la mesure où aucun Etat ne prendra la décision de reconnaître en premier le Somaliland. Le précédent sud-soudanais pourrait rester une singularité et « le secret le mieux gardé d'Afrique », comme le nomme ses dirigeants, le rester...

Pour aller plus loin :
- Une sélection d'articles des Nouvelles d'Addis sur le Somaliland : ICI
- Une sélection de liens Somalilandais ICI
- "Somalia & Somaliland :  Envisioning a dialogue on the question of Somali unity"
- "Debating secession and the recognition of new states in Africa"
- "Somaliland : à l'Union Africaine de montrer le chemin"
Sonia Le Gouriellec, Good Morning Afrika

jeudi 3 mars 2011

Djibouti : "Un pays fragile dans une Corne de l’Afrique effondrée "

Mardi Eric Laurent recevait Alain Gascon
dans l'émission Les enjeux internationaux.
Résumé : "Une certaine agitation se fait sentir à Djibouti, marquée par une opposition croissante au président en place depuis douze ans. Son désir de se maintenir au pouvoir et les tensions grandissantes marquées par les vieux clivages ethniques risquent de transformer le pays en un lieu d'affrontements sanglants.
Enfin, la proximité de zones politiquement sensibles, comme la Somalie et le Yemen font de cet ancien territoire français des Afars et des Issas un lieu qui pourait devenir de plus en plus fargilisé..."
Écoutez l'émission ICI