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vendredi 18 novembre 2011

Un regard sur les élections tunisiennes

Deux Tunisiennes ont accepté de répondre à nos questions et nous font part de leurs sentiments sur les élections qui se sont déroulée en Tunisie, le 23 octobre dernier pour élire une Assemblée constituante..



Le peuple tunisien vient de voter pour son Assemblée constituante, quelles sont vos premières réactions aux résultats des suffrages ?

C’est une étape historique. Il s’agit des premières élections libres et démocratiques pour la Tunisie. Malheureusement, le rêve s’est transformé en cauchemar avec l’annonce des résultats et la victoire du parti islamiste Ennahdha. En effet, la « révolution du jasmin » prônait la liberté, la dignité et le droit. Nous craignons que cet élan démocratique n’ait été confisqué par un parti islamiste.

Les exemples de l’Algérie et de l’Iran sont des illustrations exhaustives de la dérive de ces partis islamistes, arrivés au pouvoir de manière démocratique. C’est donc avec amertume que la majorité des tunisiens ont découvert les résultats des élections. Au lendemain de cette journée historique, la Tunisie se réveille avec « la gueule de bois ».

Que pensez-vous du traitement médiatique de ces élections en France ?

Les médias français ont mal couvert les élections et leurs enjeux. Ils ont exposé la période électorale tunisienne en se focalisant principalement sur le fameux parti Ennahdha, parti qu’ils présentent comme étant modéré.

Il est toutefois important de signaler que la Tunisie, n’est pas la Turquie, et qu’elle n’est pas laïque. Les journalistes français ont présenté ce parti et son dirigeant Rached Ghannouchi, comme une alternative démocratique à la dictature, en oubliant de souligner les aspirations extrémistes propres à ce parti, qui pourraient nous mener à une nouvelle dictature.



Les médias ont fait abstraction des réelles motivations de ce parti, en se contentant d’affirmer qu’il était islamiste mais modéré. Il s’agit d’un oxymore, on ne peut être islamiste et modéré. En se focalisant principalement sur Ennahdha, les médias français l’ont hissé au rang de favori. Nous trouvons cela injuste de fournir une couverture médiatique à ce parti et de ce fait, négliger les autres partis. On se demandait à Tunis, si France24, Bfm tv et itélé n’étaient pas en charge de promouvoir la campagne électorale de ce parti, tellement la focalisation était flagrante.

On considère que les médias français ont contribué au succès d’Ennahdha et ont failli à leur obligation d’impartialité. Nous les classons aujourd’hui dans le même panier qu’Aljazeera, qui se veut pro- islamiste.

Avez-vous des informations sur les tendances du vote des tunisiens de France ? Qu'en pensent les tunisiens de Tunisie ?

Les tunisiens de France ont crée la surprise en plaçant le parti Ennahdha premier des votes.

C’est d’autant plus étonnant que ces immigrés tunisiens vivent dans une démocratie et jouissent de tous leurs droits. Pourquoi ont-ils voté pour un parti islamiste ? C’est une stupéfaction à Tunis. Les tunisiens sont révoltés par le vote des immigrés, qui sanctionne ceux qui vivent principalement en Tunisie. On pense qu’il s’agit d’un vote sanction de citoyens binationaux en désaccord avec leur société.

Sur les réseaux sociaux, plusieurs groupes ont manifesté leur colère et incompréhension face à ce vote des tunisiens de France. Aussi, ils crient au scandale et jugent ce vote inutile et handicapant pour la Tunisie moderne post Ben Ali. Ainsi un groupe a été crée sur Facebook, invitant les français à voter Marine Lepen pour sanctionner à leur tour les immigrés tunisiens qui ont voté Ennahdha.

Ce désaccord entre tunisiens en France et tunisiens en Tunisie prend des allures de règlement de compte.

Qui est le leader d’Ennahdha ?


Le leader d’Ennahdha est Rached Ghannouchi. Il était exilé à Londres durant une vingtaine d’années. Il est revenu en Tunisie à la suite d’une amnistie en janvier 2011.

Les dirigeants de ce parti sont vieillissants et déconnectés de la réalité tunisienne, mais la base de ce parti est représentée par des radicaux. Alors qu’ils étaient interdits auparavant, les courants extrémistes et salafistes ont pris le contrôle des mosquées. Ceci est d’autant plus inquiétant qu’anti-démocratique. Utiliser les lieux de culte à des fins politiques est dangereux.

Le leader du parti Ennahdha a évoqué, durant une interview sur les révolutions arabes, que l’objectif ultime des musulmans est l’instauration du califat. Naturellement, Rached Ghannouchi est bien conscient qu’il est impossible d’atteindre cet objectif dans le court terme mais il l’envisage sur du long terme.

Dans son livre, « La femme entre coran et réalité des musulmans », Rached Ghannouchi affirme que « la fonction de la femme est essentiellement sexuelle ». Dans le même livre, il affirme que « tant qu’il y a des hommes au chômage, les femmes ne devraient pas travailler ».

Aussi, à l’annonce de la mort de Ben Laden, Ghannouchi a évoqué, sur Al Jazeera, « l’engagement progressiste et humaniste » de ce dernier, même s’il a dénoncé ses « excès » !!! Ceci nous donne un aperçu de la personnalité de Ghannouchi et de ses ambitions pour la Tunisie à venir.

Après les élections, les dirigeants du parti ont pourtant tenté de rassurer les laïcs notamment sur le statut des femmes, vous n'y croyez pas ? Pourquoi ?

Les dirigeants du parti Ennahdha se sont empressés d’affirmer qu’ils n’instauront pas la Charia et qu’ils ne toucheront pas aux acquis de la femme. Néanmoins, ils ont toujours été vagues et imprécis sur leurs affirmations. Ils sont des adeptes du double langage.

Les femmes tunisiennes ont acquis des droits avancés par rapport aux autres pays arabes. Le code du statut personnel, équivalent du code civil français, place la femme tunisienne au même rang que l’homme. Cette particularité déplait fortement aux islamistes, qui dans leurs derniers discours affirmaient que « la femme tunisienne s’était pervertie en agissant comme une occidentale ».

Ils ont aussi déclaré que la « débauche de la femme tunisienne était une honte pour la religion musulmane ». Ainsi, avec ce genre d’affirmations, nous nous attendons au pire.

De ce fait, nous ne croyons pas du tout au discours hypocrite d’Ennahdha sur la préservation des droits de la femme tunisienne. Ils restent flous quant à l’instauration de la charia, considérant que c’est un objectif ultime. Ils sont constamment en contradiction. Les derniers événements à Tunis sont inquiétants, mais ils ne sont mêmes pas relayés par les médias français ! Plusieurs femmes universitaires ont été agressées et persécutées au sein même des universités tunisiennes. Le silence de la communauté internationale est scandaleux. Ennahdha renoue donc avec ses vieilles habitudes des années 80, durant lesquelles plusieurs femmes non voilées ont été aspergées d’acide chlorhydrique, par des activistes du parti.

En France, on a une image d'une Tunisie laïque avec une importante classe moyenne et on découvre aujourd'hui un autre visage de la Tunisie, vous aussi ? Comment expliquer la montée de l'islamisme ?

Oui, la Tunisie à travers ces élections apparait sous un nouveau visage. Mais, il faut relativiser cette montée de l’islamisme, qui n’englobe pas toutes les catégories sociales.

Il ne s’agit pas de faire le procès de l’Islam. La Tunisie est musulmane et nous tenons à nos valeurs et traditions. Le problème consiste à séparer le politique du religieux. Il ya eu durant ces élections beaucoup de personnes qui ont voté pour Ennahdha car celui-ci prônait un retour de la religion et des valeurs traditionnelles. Or, cette attitude vise à gagner des voix plus qu’à servir une cause. C’est de la manipulation et de l’opportunisme politique. Il faut aussi prendre en compte, les dernières années de la dictature de Ben ali, qui ont crée un fossé entre les classes sociales et ceci n’est pas étranger au fait que les plus démunis se ruent vers un parti religieux. Il n’est pas nouveau que l’islamisme puise dans la misère sociale.

Ainsi, Ennahdha s’est appliqué à monnayer les voix de ses électeurs, en leur offrant des compensations financières pour le mois de Ramadan et en offrant à ses adhérents le mouton de l’Aïd. Ce genre de pratique n’est pas démocratique. On assiste aujourd’hui à une nouvelle forme de dictature qui profite du contexte économique pour s’accaparer les votes des plus démunis.

Quelle est l'atmosphère aujourd'hui en Tunisie ?

Après la surprise du résultat, la majorité des tunisiens sont pessimistes. Néanmoins, ils ne contestent pas le résultat des urnes et acceptent le jeu de la démocratie.



Plusieurs cas de fraudes et des dépassements ont été signalés et nous attendons la décision de la justice à ce sujet. Ennahdha est accusé de ne pas avoir respecté les règles démocratiques des élections. L’atmosphère est donc pesante. Plusieurs atteintes aux droits individuels par des sympathisants islamistes ont été constatées, notamment dans des universités. On assiste à une radicalisation inquiétante des mœurs alors même que le nouveau gouvernement, dirigé par Ennahdha, n’est pas encore en place.

Les femmes sont les plus touchées par ces représailles, qui remettent en cause leurs libertés et leurs droits. Elles sont très inquiètes pour leur avenir. Ceci étant, on assiste à l’organisation d’une opposition, qui n’est pas négligeable. Ils veulent s’allier et créer un front commun pour contrer le parti islamiste. Ennahdha est la première force politique aujourd’hui, mais nous ne baisserons pas les bras. Il faut rester vigilant.



Comment sont perçus les Français ? Les Américains ? Le Qatar a joué un rôle important également, comment est-il perçu ?

On pense que les français ont été dépassé par les événements, de leurs débuts jusqu’à aujourd’hui. La réaction française s’est longtemps faite attendre, contrairement aux américains. Ces derniers se sont empressés de prendre position et de reléguer la France au rang de spectateur. Cela peut paraitre contradictoire, car la France avait une place privilégiée en Tunisie. Les Etats-Unis ont « marqué le territoire » en organisant toutes sortes de manifestations au niveau politique, culturel et social, prenant ainsi l’ascendant sur la France. Il n’est donc plus choquant d’entendre le leader d’Ennahdha dire qu’il faut se débarrasser de la langue française, lui préférant la langue de Shakespeare.

Le leader islamiste déplore que la société tunisienne soit « devenue franco-arabe, c’est de la pollution linguistique ». Il affiche un islamisme anti-français, un des thèmes de prédilection du Front islamique du salut en Algérie dans les années 90. Les Etats-Unis et le Qatar ont soutenu le parti Ennahdha et l’ont financé. En plaçant des islamistes modérés à la tête du pays, ils espèrent contrer les salafistes.

C’est tout de même ironique que le Qatar se positionne en donneur de leçon, lui qui n’a rien de démocratique. C’est un pays très critiqué en Tunisie. On voit d’un mauvais œil les financements faramineux du Qatar au profit du parti islamiste Ennahdha. La manipulation étrangère est bien réelle. Nous craignons la mise en route vers une dictature islamique.

La Constitution doit être entièrement réécrite, quelles sont vos craintes ? Vos désirs ? Regrettez-vous la révolution ?

Nous ne regrettons pas la révolution même si elle nous échappe aujourd’hui. Le système Ben ali arrivait à sa fin et était au bord de l’implosion. Nous aspirons à un avenir meilleur et surtout à une démocratie réelle. Nous souhaitons faire valoir nos droits et assurer leur pérennité. Or notre plus grande crainte serait de nous retrouver dans une nouvelle dictature.

La constitution doit être réécrite, mais nous insistons pour que le statut de la femme et les droits et libertés individuels de chacun ne soient pas remis en question. Il est impératif pour nous d’avancer et non de faire un bond en arrière.

Nous craignons que le parti Ennahdha s’approprie cette révolution et qu’il modifie la Constitution dans son intérêt. Nous sommes tres méfiants quant aux aspirations profondes de ce parti. Leur double langage est une arme fatale contre la démocratie.

Aujourd’hui nous pensons que derrière cette révolution, se cache tout de même le spectre de l’ingérence étrangère. Dans quel but et dans quel intérêt, l’avenir nous le dira…

Comment voyez-vous votre pays dans 5 ans ? Comment voyez-vous votre avenir et dans quelle Tunisie ?

La majorité des tunisiens sont inquiets et pessimistes. L’avenir est très incertain. Nous avons peur que la parenthèse de la Tunisie de Bourguiba se ferme définitivement. Nous verrons si le peuple a eu tort ou raison de faire confiance à Ennahdha. Les tunisiens se posent beaucoup de questions concernant ce printemps arabe. Les révolutions arabes ont-elles libéré les peuples ou les ont-elles asservi ? Nous craignons aussi que les grands perdants de ces soi-disant « révolutions de printemps » pourraient être ceux qui sont le plus attachés aux valeurs de la liberté d'expression et de pensée et qui étaient aux premiers rangs lors de ces révoltes. L’Occident a voulu soutenir et croire en « ces islamistes modérés », peut-être pousseront-ils l’indécence jusqu’à nous parler de « lapidation modérée ».

Pour aller plus loin, nos deux interlocutrices nous proposent :

- Révélations. Six ans avant la chute de Ben Ali, Washington préparait déjà la carte islamiste pour la Tunisie

- Tunisie : Ennahdha, le double langage ?

- Exclusif : les écrits islamistes de Rached Ghannouchi traduits en français

- Rached Ghannouchi: "Pour quoi je suis islamiste" (1993)

- En Tunisie, des islamistes agitateurs cultuels

- Ci-dessous, des extraits d'un rapport de la cour fédéral canadienne disponible intégralement ici : http://www.unhcr.org/refworld/pdfid/47161475d.pdf
"Le MTI/Ennahda est un mouvement qui prône l'usage de la violence; il est composé d'une branche armée qui utilise des méthodes terroristes et qui est financée par plusieurs pays et mouvements. Cette branche du mouvement est impliquée dans des assassinats et des attentats à la bombe. Le mouvement, qui est présent dans plus de 70 pays, est aussi impliqué dans le trafic d'armes et dans le financement d'intégristes algériens, dont le Front Islamique du Salut (le « FIS » ). L'objectif ultime du mouvement est l'islamisation de l'État, c'est-à-dire l'instauration d'un État islamique en Tunisie.

Le leader du mouvement, M. Rached Ghannouchi, un terroriste faisant partie intégrante de l'internationale islamiste, est considéré par certaines sources comme étant l'un des maîtres à penser du terrorisme. M. Ghannouchi a fait un appel à la violence contre les États-Unis et a menacé de détruire leurs intérêts dans le monde arabe. En outre, il a demandé la destruction de l'État d'Israël.

Le MTI/Ennahda a commis 12 crimes pouvant être qualifiés de crimes graves de droit commun, à savoir :
i) attentats à la bombe en France en 1986;
ii) attentats à la bombe à Sousse et à Monastir en 1987;
iii) des incendies de voitures en 1987 et 1990;
iv) de l'acide projeté au visage d'individus en 1987;
v) complots en vue d'assassiner des personnalités du gouvernement tunisien en
1990, 1991, et 1992;
vi) complot en vue de déposer par les armes l'ancien président tunisien Habib
Bourguiba en 1987;
vii) agressions physiques dans les lycées et universités, de 1989 à 1991;
viii) l'utilisation de cocktails Molotov en 1987, 1990 et 1991;
ix) incendie criminel de Bab Souika en février 1991;
x) tentative d'incendie d'un édifice universitaire en 1991;
xi) des lettres de menace en 1991 et 1992; et
xii) le trafic d'armes à compter de 1987. "

- Mohamed Zrig : Complice de terroristes et candidat des Frères Musulmans pour représenter le Canada à l’Assemblée constituante tunisienne
Sonia Le Gouriellec, Good Morning Afrika

vendredi 28 janvier 2011

Badie sur la démocratie et les élections

Le jeudi 20 janvier dans un chat sur le MOnde.fr Bertrand Badie a donné son analyse des évènements en Côte d'Ivoire et en Tunisie, extraits :

" (...) Une élection n'a de sens que si elle est approuvée comme mode de régulation politique par tous ceux qui y participent. Autrement dit : pas d'élection sans démocratie instituée, pas de démocratie possible sans Etat installé, et pas d'Etat concevable sans nation construite autour d'un contrat social. On voit bien, par exemple dans le cas ivoirien, que le vrai défi d'une élection est de faire en sorte que la minorité battue tienne son échec pour légitime. (...)


En bref, l'organisation matérielle d'élections dans des pays qui ne sont pas arrivés à bout de leur guerre civile et où la puissance publique n'est pas parfaitement structurée et légalisée a peu de chances d'aboutir à des résultats probants. Maintenant, si les élections sont contestées et si, comme en Côte d'Ivoire, le candidat réputé défait refuse d'admettre son échec, la "communauté internationale" peut-elle le faire changer d'avis ? Et comment ? Un candidat qui obtient 47 % des suffrages ne peut pas être tenu pour un dictateur isolé. Il a une base sociale. Dans le cas ivoirien, il incarne presque la moitié du pays. Une opération de commando à la Noriega ne serait donc pas suffisante. La vraie question qui se pose est de savoir si une armée étrangère peut reconstituer par la force un contrat social déchiré.(...)

La principale erreur des Nations unies est d'avoir pensé un processus électoral dans un contexte de démilitarisation et de démobilisation inachevées : l'Onuci n'a pas su faire ce qu'avait réussi la Minul au Liberia ou la Minusil en Sierra Leone. Le principal rôle de l'acteur onusien est de créer les conditions d'une vraie compétition électorale. En Côte d'Ivoire, l'élection n'apparaissait que comme le prolongement de la guerre intestine amorcée en 2002 en mobilisant d'autres moyens.
On ne s'étonnera pas que les résultats électoraux soient eux aussi le prolongement de la guerre civile par d'autres moyens. (....)

On est en fait confronté, à travers cette expérience, au danger de vouloir mêler, voire confondre, le rôle du juge et celui du médiateur. Etre médiateur suppose d'occuper une position intermédiaire et équidistante entre deux protagonistes ; être juge consiste à donner raison à l'un contre l'autre. Il s'agit bien, donc, de deux rôles distincts. Les Nations unies ont, dans l'affaire ivoirienne, jugé. Nous n'avons pas les moyens d'établir ici si elles ont accompli cette tâche de manière correcte. Mais s'y étant installées, elles s'interdisent désormais de jouer le rôle de médiateur. D'où l'apparition de toute une série d'acteurs nouveaux qui s'efforcent de tenir ce rôle ainsi laissé vacant : des chefs d'Etat de la Cédéao, le premier ministre kényan, ou, tout au début, l'ancien président sud-africain.(...)"

Sur la Tunisie : " (...) D'abord, la dictature a fait oublier la culture démocratique, a rasé la vie politique, a cassé les forces d'opposition et a aboli le débat public. Une élection n'est pas possible ni légitime sans que tous ces éléments se trouvent préalablement restaurés. D'autre part, cette révolution a une particularité remarquable : c'est peut-être la vraie première révolution post-léniniste que nous connaissons. C'est-à-dire sans leader, sans organisation, sans interlocuteur, donc, qui puisse parler au nom du mouvement social ou le confisquer. Or, l'élection est fondamentalement une institution élitiste, qui suppose un personnel politique, des partis, bref, une oligarchie qui sera portée par les urnes. Un temps de latence devient indispensable pour que se constitue cet autre préalable nécessaire.(...)

Prenons-la [la démocratie] comme un idéal, c'est-à-dire faisons-en une valeur partagée par tous, c'est-à-dire reconstruite par ceux-là même auxquels elle est censée s'adresser. Sa faiblesse se trouve dans sa dérive procédurale, dans son universalisme naïf, dans son formalisme, dans la volonté de plaquer et d'imposer de l'extérieur des modèles tout faits auxquels on ne cherche même pas à faire adhérer ceux auxquels on veut l'adresser. Peut-être que le fond du problème est là ; nous avons oublié chez nous que la démocratie était un idéal, nous n'en retenons plus que l'aspect facile de technique de gouvernement : on l'exporte telle quelle et on veut en faire en plus une technique d'action diplomatique ; on a alors tout faux.