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mercredi 2 juillet 2014

Génocide rwandais : les réponses de François Léotard

Nous assistions, ce lundi 30 juin, à un colloque organisé par l'association RBF-France Forum de mémoire : « Rwanda : Réflexions sur le dernier génocide du XXèmesiècle » devant une assemblée très engagée, composée de rescapés, de personnalités médiatiques (Sonia Roland) et politiques (l’ambassadeur du Rwanda en France). 
La première table ronde « stigmatiser, exclure, éradiquer. La logique génocidaire, de la planification à l’extermination » s’est avérée assez décevante pour une raison principale: la présence d’un seul africaniste (Gérard Prunier) sur une table ronde constituée uniquement d’historiens. L’intervention de Gérard Prunier avait pour but de rappeler la méconnaissance française et internationale des spécificités politiques, culturelles, et ethniques du Rwanda avant, pendant et après le génocide, mais aussi de refuser les approches comparatistes de l’étude du phénomène génocidaire. Or, c’était bien là l’objectif de cette table ronde qui réunissait Jacques Sémelin, Tal Bruttmann (spécialiste de la Shoah) et Raymond Kevorkian (spécialiste du génocide Arméniens). La définition du génocide est restée celle retenue par la Convention de 1948 alors même que les chercheurs ont élargit cette définition aux actions génocidaires. De fait, cette table ronde est restée assez superficielle et décevante pour celui qui souhaitait, soit avoir une présentation de la recherche académique sur le phénomène génocidaire, soit une analyse du génocide rwandais. Alors que la salle souhaitait élargir le débat sur la prévention des génocides, elle semble être restée sourde aux appels de Gérard Prunier des évènements se déroulant actuellement, dans le silence médiatique, au Soudan.

La deuxième table ronde semblait particulièrement attendue par le public et pour cause, François Léotard, ancien ministre de la Défense, intervenait pour la première fois sur l’opération Turquoise, aux côtés de Bernard Kouchner et de Nicolas Poincaré, journaliste à Europe 1, présents au Rwanda en 1994.
François Léotard a introduit son intervention en rappelant que les deux victimes de ces débats étaient : la vérité et la responsabilité. Seules trois institutions en France peuvent approfondir la vérité : l’Université, la Justice et le Parlement. Sur l’opération Turquoise il a rappelé en être responsable « avec fierté », « nous avons fait ce que nous pouvions et ce que nous devions faire (…) la gestion de l’armée française est irréprochable »  car elle s’est déroulée dans le respect de la personne, le refus du meurtre (il n’y a pas eu de morts Français ce qui prouverait que la France n’a pas participé aux combats), la déontologie militaire a été respectée. Nicolas Poincaré s’est montré plus nuancé : « ni les militaires, ni les humanitaires, ni les journalistes n’ont été sans reproche surtout pendant l’opération Amaryllis». Il prend l’exemple du colonel Tauzin qui fût de fait un temps dirigeant de l’armée rwandaise avant le génocide et en première ligne au début de l’opération Turquoise.
Tous les intervenants se sont entendus sur le rôle du Rwanda dans la politique africaine de la France à l’époque et sur le complexe de Fachoda qui pouvait exister, confirmé par l’attitude américaine dans la région. Le principal sujet de discorde entre François Léotard et le reste de la salle a concerné la responsabilité politique de la France, précisément le choix de son allié. Pourtant, finalement, les intervenants étaient d’accord : il n’y a pas eu de faute militaire mais des erreurs politiques. Pour l’ancien Ministre de la défense, la France n’a pas choisi de soutenir un homme, certes disqualifié, mais la stabilité. L’erreur politique vient de Mitterrand qui est « né avec une autre France, et une autre Afrique ». Il a rejoint les critiques de Gérard Prunier qui, quelques minutes plus tôt, comparait l’ancien Président de la Vème République à un maurassien. Pour Bernard Kouchner les relations entre la France et le Rwanda relevaient depuis des années d’un compagnonnage qui a évolué défavorablement.
L’autre point d’accord, relayé par la presse le lendemain (ICI, ICI, ICI) portait sur la transparence. Pour François Léotard : « aucune raison d’invoquer le secret défense dans cette affaire ». Il s’est même dit prêt à aller voir le Ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, en compagnie de Bernard Kouchner, pour obtenir les documents relevant du ministère de la Défense. On pourra reprocher à l'ancien ministre de la Défense de s’être parfois laissé emporter dans la provocation face à une assemblée hostile notamment :

1/ lorsqu’il refusa de critiquer la mission d’information parlementaire de 1998 – Kouchner rappela qu’il a été interrogé par cette mission mais que ses questions n’ont pas été publiées- ;
2/ lorsqu’il loua les travaux de Pierre Péan et Bernard Lugan, deux « spécialistes » marginalisés par la communauté scientifique et qualifié par Kouchner de « faux-témoins absolus »;
3/ lorsque, de façon condescendante, il affirma : « je considère que ce qui a été fait par la France est à son honneur (…) nous avons sauvé des dizaines de milliers de vie, ça suffit au bilan » ;
4/ lorsqu’il se montra particulièrement imprécis sur les évènements à Bisesero ;
5/ lorsqu’il évita de répondre à plusieurs reprises à Bernard Kouchner : pourquoi avoir disposé l’opération Turquoise sur la route de l’exode des Hutus plutôt qu’à Kigali ? Il rappela alors que ce type de choix relevait de l’exécutif.

En revanche, il était appréciable d’avoir le rappel du contexte complexe dans lequel il évoluait : de nombreux conscrits étaient alors engagés dans le siège de Sarajevo ; l’achèvement de la rédaction du Livre Blanc (« Turquoise n’était pas une hypothèse de travail ») ; les conditions d’opération (le stress et le manque d’information) ainsi que le processus décisionnel français. On notera également que l’ancien Ministre de la Défense a reconnu avoir pu être abusé par des acteurs locaux qui lui auraient donné des informations erronées de la situation sur le terrain.
Les commémorations du génocide se poursuivent, pour aller plus loin : 
- une sélection d'article académiques proposées par Taylor & Francis ICI
- 4 émissions spéciales de La Fabrique de l'Histoire sur France Culture consacrée au Rwanda après un voyage d'étude réalisé en avril 2014 par une équipe de chercheurs. ICI

dimanche 13 avril 2014

La fantaisie des Dieux. Note de lecture

Patrick de Saint-Exupéry, grand reporter et rédacteur en chef de la revue XXI, signe avec Hippolyte une très belle BD-reportage. Ce n’est pas le génocide qui est raconté et expliqué mais la trajectoire de Patrick de Saint-Exupéry, en 1994, dans l’Ouest du Rwanda puis son retour sur les lieux du drame vingt ans plus tard. Ainsi, l’ouvrage est une série d’allers retours entre photos du Rwanda de 1994, plus précisément à Kibuye, et le voyage du journaliste, avec le dessinateur Hippolyte, sur ses propres pas en 2013. Aucune image d’horreur juste des témoignages qui laissent deviner le pire.
A la grisaille parisienne succède les images colorées du Rwanda. Les aquarelles d’Hippolyte rendent le dessin poétique. Une certaine légèreté règne dans ce petit paradis qu’est le Rwanda mais lorsque l’image se fait plus précise, le lecteur aperçoit des cadavres emportés par le courant du fleuve. Un témoignage pudique qui laisse au lecteur se représenter l’horreur. Derrière le silence se cache un génocide. On comprend que ce silence est celui des morts mais aussi celui de la communauté internationale. « Un génocide c’est d’abord du silence ».
Dès ses premières pages « La fantaisie des Dieux » ne laisse pas place au doute. Pour l’auteur, Mitterrand, le Président de la République savait. Son administration l’avait informée, dès 1990, d’un risque d’ « élimination totale des Tutsi » (p.6) au cœur de l’Afrique centrale. L’ouvrage s’ouvre sur une citation en exergue, qu’aurait dit le Président : « dans ces pays-là, un génocide ce n'est pas très important ». Plusieurs facettes du génocide sont traitées. Les Caterpillar du ministère des Travaux publics qui récupèrent les cadavres après le massacre de l’église « Home Saint Jean » (p.24), le préfet qui organise les assassinats, le poids de la colonisation et de la christianisation lorsqu’un fantôme qui hante l’esprit de l’auteur rappelle : « le mot ethnie n’existe pas dans notre langue » (p.33) L’ouvrage questionne la responsabilité des différents acteurs dans le drame.

On comprend aussi le contexte de l’époque. Si le rôle joué par la France fait toujours polémique, la thèse de l’auteur est que les plus hautes autorités de l’Etat savaient mais se sont laissées aveuglées par « leur allié » hutu. Les militaires français, qu’accompagne l’auteur en 1994, sont eux-mêmes surpris par l’accueil qui leur est réservé : « les génocidaires accueillent les Français en amis. Ils étaient sûrs que nous  venions les aider à finir leur travail » (p.47). On comprend le trouble qui envahit ses hommes lorsque les tueurs les accueillent, les ordres de l’état-major, les comptes rendu envoyés à Paris qui restent sans réaction, les discours politiques, les aveux des assassins pour qui il est normal de tuer les enfants qui sont des complices des rebelles, le récit des rescapés à Bisesero, etc. Ça n’est pas les militaires de l’opération Turquoise présents sur place que l’auteur accuse, au contraire il les dessine impuissants et dépassés. A Bisesero, il a observé avec eux "un champ d’extermination à ciel ouvert » (p.72), il a vu ce gendarme s’effondré en réalisant qu’un an avant il avait formé la garde présidentielle et qui conclut « nous avons formé les assassins » (p.73)

On retient quelques citations marquantes : « C’est la goutte d’eau qui dit la mer et cette mer fait peur»,  "la folie est une excellente meneuse d’hommes » (p.28), « l’organisation est la condition de la démultiplication du crime. Le déni sa soupape »…

Pour aller plus loin (MAJ) :
-Le blog d’Hippolyte : ICI
 Indications of Genocide in the Bisesero Hills,Rwanda, 1994 », Yale University, Genocide Studies Programm
-« Patrick St-Exupéry & Hippolyte : BD/ Les superhéros à l’épreuve du temps : série », in Un autre jour est possible, France Culture, 4 avril 2014, (en ligne), ICI
- Olivier Schmitt : " Génocide and International Relations"

samedi 12 avril 2014

Les Tweets/actualité de la semaine par @MorningAfrika

Corne de l’Afrique :
1/ Le spécialiste de l’Erythrée Dan Connell revient sur l’ « hémorragie migratoire » érythréenne et la terrible trajectoire des migrants érythréens : « Eritrean Refugeesat Risk » 
2/ La semaine a également été marqué par l’assassinat de deux employés de l'ONU à l'aéroport de Galkayo, l'un était français. Ils travaillaient pour le bureau de l'ONU contre la drogue et le crime (UNODC). Les médias ont rarement précisé que la ville se situe entre deux régions autonomistes. Galkayo se divise en deux, une administration puntlandaise au nord et une administration du Galmudug au sud. 
3/ Toujours dans la Corne de l’Afrique, la 29ème Flotte iranienne a accosté dans le Port de Djibouti pendant trois jours ICI


Les commémorations du génocide rwandais ont généré de nombreux tweets :
1/ Dans The Telegraph : « After the Rwandan genocide 20 years ago, we said 'Never Again'. Did wemean it? » , Justin Forsyth, s’interroge sur les leçons tirées par la communauté internationale après le génocide et sa lenteur à intervenir en cas de massacres. 
2/ Dans « Mémoire d'un génocideet raison d'Etat » sur France Inter, Bernard Guetta aborde la polémique qu’a provoquée le président rwandais Paul Kagamé en accusant la France d’avoir joué un rôle direct dans le génocide. Il revient sur les relations entre la France, le pouvoir Hutu de l’époque et le FRP de Paul Kagamé.
3/ Dans le Foreign Policy, Seyward Darby rappelle qu’une autre ethnie a été massacré lors du génocide rwandais, les Twas, soupçonnés de soutenir les rebelles.
4/ Annier Thomas, de l’AFP, nous livre un témoignage poignant de sa couverture du génocide il y a vingt ans.
5/ Sur la politique de la France et l’aveuglement du pouvoir français, regardez les extraits de 7 jours à Kigali: avec Mehdi Ba, « Le complexe impérial français et ses conséquences », Hélène Dumas « l'abandon de la communauté internationale » et Patrick de Saint-Exupéry sur la colline de Bisesero et le rôle des militaires français, ainsi que de nombreux témoignages.
6/ Dans un « message aux armées », le ministre de la  Défense a répondu « aux accusations inacceptables [de complicité  dans le génocide rwandais] proférées à l’encontre de l’armée française ces  derniers jours » et défendre l’« honneur de la France et de ses armées ».  Selon J.-Y. Le Drian, c’est le « risque que l’Histoire se répète » qui a justifié  le « devoir » de la France d’intervenir en Centrafrique. L’intégralité du texte  est publiée sur Lignes de défense

RCA :
Dans Libération, F. Richard  se penche sur le sort des 14 000 musulmans « piégés au cœur de la  ville de Boda, assiégés par des miliciens anti-balaka résolus à les  anéantir », malgré la présence d’une centaine de soldats français.
Toujours selon Libération, au regard de la  situation actuelle, l’objectif de 2015 pour les élections présidentielles « paraît aujourd’hui relever du pur fantasme » 
Adoption de la résolution 2149 portant création de la MINUSCA et envoi de près de 12 000 Casques bleus en RCA qui devront  relever la Misca d’ici le 15 septembre. Mais critique également du délai de déploiement. La force onusienne ne sera pas opérationnelle avant septembre, Libération, affirme que « pour la France […], le passage de relais  n’est pas pour demain ».

Piraterie :
Le Marin signale l’adoption par la commission du Développement durable de  l’Assemblée nationale, le 08/04, du « projet de loi […] autorisant les gardes  armés à bord des navires battant pavillon français dans les zones de  piraterie ». Le vote du texte en séance publique à l’AN est prévu le 15 mai. 

vendredi 4 avril 2014

Génocide rwandais et blocages mémoriels (MAJ)

Nous commémorerons le 6 avril, les vingt ans du génocide rwandais. Si les journaux commencent à rappeler, le souvenir de cette tragédie risque d’être éclipsé par une autre commémoration celle des 100 ans de la première guerre mondiale, et par les controverses qui ne cessent d’entourer l’étude du génocide. En effet, l’analyse des évènements est depuis 1994 sujette à controverses (surtout depuis le 10ème anniversaire) et malheureusement les commémorations risquent de ne pas être sereines. La question du génocide rwandais reste mystifiée en France. A quoi est du ce nouveau blocage mémoriel ? Les débats se résument à deux questions: le rôle de la France et les causes du déclenchement du génocide (qui a abattu l’avion d’Habyarimana : Hutu extrémistes ou tutsi ?). Il nous semble que ce débat est biaisé pour plusieurs raisons que nous proposons d’analyser dans ce billet.


Premièrement, la domination de la lecture ethnique comme élément d’interprétation des causes du génocide. Précisons d’emblée que nous ne nions pas l’existence des ethnies. Néanmoins, d’après cette lecture, qui a dominé et biaisé le débat, les Tutsi et les Hutu seraient destinés à s’affronter, et les massacres sont le résultat d’une opposition raciste atavique. Les recherches ont pourtant démontré que l’on pouvait plus évoquer l’existence de classes sociales que d’ethnies. Or cette lecture ouvre la voie à un autre mécanisme, celui de l’accusation des premières victimes du génocide : les Tutsi. Cette approche exclue toute analyse des évènements ayant conduit à l’exécution du génocide. Cette lecture s’appuie sur les travaux d’anthropologie de la race élaborée à la fin du XIXème siècle. D’après cette littérature les Tutsi sont définit comme « hamito-sémitiques », ils ne seraient donc pas africains. Les hutus ont repris cette idéologie et dirent que les Tutsi étaient les juifs d’Afrique. ... Cette littérature refuse de penser le racisme en Afrique comme une idéologie construite politiquement et socialement. Elle leur nie toute dimension politique ou toute instrumentalisation. 
C’est là que le blocage débute. Les premiers écrits sur le génocide portent sur ses causes. Ils avancent dès les premières semaines du génocide cette explication ethnique. Ces écrits émanent des médias et des autorités françaises. Ces premières représentations des évènements et leur persistance guide encore aujourd’hui le processus mémoriels. Les premiers travaux des chercheurs tenteront d’y apporter une réponse. Colette Braeckman est, en ce sens, une pionnière et essaie, dès 1994, de comprendre les raisons historiques qui ont mené le Rwanda au génocide. Elle trouve des explications dans le legs colonial, la dimension ethnique de la « révolution sociale » de 1957-1962 et le développement d’une politique raciste qui en découle. 

Deuxièmement, les controverses sur le rôle de la France sont tenaces, du fait de la monopolisation du débat par des réseaux partisans et des sites anonymes. Ces blocages mémoriels sont récurrents en France. Pour ne pas rouvrir ce débat nous vous invitons à lire Daniela Kroslak qui propose une analyse selon trois critères de responsabilité - connaissance, capacité, participation - sans pour autant verser dans une diatribe anti France. Elle rappelle que la tolérance anglo-américaine envers le FPR est aussi discutable que le comportement français. Il y a aussi la thèse d’Olivier Lanotte qui est l’un des travaux les plus exhaustif et rigoureux sur cette question.
Certains chercheurs ou pamphlétaires, qui sévissent encore aujourd’hui risquent de bloquer le processus mémoriels avec des débats stériles. Pourtant, marginalisés académiquement pour le manque de rigueur scientifique de leurs analyses ils ont développé des interprétations dénigrant ou relativisant l’évènement. Ce voile cache les vraies questions sur les causes et racines historiques du génocide, l'idéologie hamitique, les complicités internationales, le rôle de l’Eglise, l'histoire du FRP avant et après le génocide.  
Une citation de Stéphane Audoin-Rouzeau, Jean-Pierre Chrétien et Hélène Dumas (dont nous recommandons vivement de lire les ouvrages) résume le traitement de cette question : « il semble que les vieilles antiennes du discours ethnicisant ou misérabiliste n’aient pas cédé le pas devant les acquis de la discipline historique. Le regard réducteur porté sur les sociétés africaines reste plus largement partagé qu’on ne pourrait le penser (…) Les explications politiques et sociales des connaisseurs de la région ont souvent été jugées « compliquées », comme si l’Afrique, en somme, se devait d’être simple à nos yeux ».

A lire : 
Collette Braeckman : "Le Rwanda est devenu une histoire française"

mardi 5 octobre 2010

Scandale sur le génocide hutu

Le rapport "Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo" est disponible ICI Le rapport souligne que les attaques des forces rwandaises contre des réfugiés hutus et des membres de la population civile hutu « pourraient être qualifiées de génocide si ces faits sont prouvés devant un tribunal compétent »

Le Projet Mapping avait 3 objectifs :

* Dresser l’inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003.
* Évaluer les moyens dont dispose le système national de justice pour donner la suite voulue aux violations des droits de l’homme qui seraient ainsi découvertes.
* Élaborer, compte tenu des efforts que continuent de déployer les autorités de la RDC ainsi que du soutien de la communauté internationale, une série de formules envisageables pour aider le Gouvernement de la RDC à identifier les mécanismes appropriés de justice transitionnelle permettant de traiter les suites de ces violations en matière de vérité, de justice, de réparations et de réforme.

Selon le Haute Commissaire aux droits de l’homme, Navi Pillay
: « ce rapport reflète l’engagement des Nations Unies à aider le gouvernement de la RDC dans ses efforts pour éradiquer la culture de l’impunité qui a permis les violences sexuelles et d’autres graves violations des droits de l’homme (...) la divulgation fin août du texte (…) avait conduit à des discussions intenses sur un seul aspect du rapport à savoir l’évocation de la possibilité que les forces armées du Rwanda et leurs alliés locaux auraient pu commettre des actes pouvant constituer des crimes de génocide ».
Pour l’ambassadeur de la RDC auprès des Nations Unies, Ileka Atoki : « le gouvernement congolais, et moi-même également, à titre personnel, sommes consternés. Ce rapport est détaillé, il est crédible. Les victimes congolaises méritent justice. Elles méritent que leurs voix soient entendues. Comme tous les Congolais, je souhaite vivement justice pour tous ces crimes ».
Pour le Burundi, le porte-parole du gouvernement burundais, Philippe Nzobonariba déclare : « le Burundi ne peut pas reconnaître un rapport qui est clairement destiné à déstabiliser la sous-région et qui n’a pas été mené de façon objective. Le Burundi s’est tenu à l’écart du conflit congolais et d’ailleurs, aucun gouvernement burundais n’a jamais reconnu une présence militaire au Congo. On aurait dû consulter et tenir compte de l’avis de tous les pays impliqués à tort »

Pour le Rwanda : « le désir de valider la théorie du double génocide est présent en permanence à travers le rapport de l’ONU en mettant en miroir les acteurs, l’idéologie et les méthodes employées pendant le génocide rwandais de 1994 ».

Le gouvernement ougandais
quant à lui menace comme le Rwanda de revoir sa participation « aux différentes opérations régionales et internationales de paix ».

vendredi 27 août 2010

Les Grands lacs face à un nouveau génocide ?

A peine réélu et dans un contexte plutôt tendu (voir nos précédents billets ICI) Kagamé doit faire face à une nouvelle affaire.
Hier Le Monde révélait un rapport de l'ONU établissant que des faits de génocide ont pu être commis contre des HUtus en RDC entre 1996 et 1998 par des militaires rwandais soutenus par le Rwanda : « les attaques systématiques et généralisées contre les Hutus réfugiés en RDC révèlent plusieurs éléments accablants qui, s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiés de crimes de génocide ».
Le rapport décrit "la nature systématique, méthodologique et préméditée des attaques contre les Hutu [qui] se sont déroulées dans chaque localité où des réfugiés ont été dépistés par l'AFDL/APR sur une très vaste étendue du territoire". "La poursuite a duré des mois et, à l'occasion, l'aide humanitaire qui leur était destinée a été sciemment bloquée, notamment en province orientale, les privant ainsi d'éléments indispensables à leur survie"."L'ampleur des crimes et le nombre important de victimes, probablement plusieurs dizaines de milliers, sont démontrés par les nombreux incidents répertoriés dans le rapport. L'usage extensif d'armes blanches (principalement des marteaux) et les massacres systématiques de survivants après la prise des camps démontrent que les nombreux décès ne sont pas imputables aux aléas de la guerre. Parmi les victimes, il y avait une majorité d'enfants, de femmes, de personnes âgées et de malades", dénoncent les auteurs.

D'après Le Monde « le président rwandais, Paul Kagamé, a tenté d’empêcher la publication par l’ONU de ce rapport et que Kigali a menacé de retirer ses troupes de opérations de l’ONU en cas de fuites dans la presse ». Au total 3652 Rwandais participent aux missions de maintien de la paix de l'ONU (3326 au Darfour, 298 au Sud Soudan, 21 en Haiti, 4 au LIban, 3 en Centrafrique)

Selon le HCDH, « nous avons dit au Monde que la version finale, officielle serait publiée très rapidement. Nous sommes extrêmement déçus qu’ils aient continué à publier cette version alors qu’ils savaient que ce n’était pas le rapport définitif ».

Le soutien, jusque-là inconditionnel, de la communauté internationale, tend à s’atténuer de plus en plus...
Rappel chronologique :
- novembre 1996 : attaques, par l’armée rwandaise, des camps de réfugiés hutus en RDC. Sans doute plus de 300 000 morts.
- fin 1996 : création de l'AFDL (Alliance des Forces Démocratiques de Libération du Congo) par Laurent-Désiré Kabila.
- mai 1997 : entrée de l’AFDL et des troupes rwandaises à Kinshasa.
- juillet 1998 : Laurent Désiré Kabila expulse les Rwandais.
- 2 août 1998 : opération aéroportée rwandaise sur la base militaire de Kitona (Bas Congo) pour prendre Kinshasa. L’Angola intervient pour sauver LD Kabila.
- 1998 : création, par le Rwanda, du RCD/Goma. Début de la deuxième guerre du Congo.
- 30 juillet 2002 : accords de Prétoria entre le Rwanda et la RDC
- 13 septembre 2002 : annonce du retrait de l'armée rwandaise par le président Kagame mais malgré le retrait annoncé, le Rwanda poursuit une politique d’ingérence dans l’Est de la RDC.

Selon l'ONG International Rescue Committee (IRC), 3,8 millions de personnes auraient péri, entre août 1998 et avril 2004, sur le sol de la RDC, victimes directes ou indirectes des guerres.