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vendredi 28 octobre 2016

Recension : Politics and Democracy in Microstates de Wouter Veenedaal


« Quelles sont les conséquences politiques de la taille d’un État ? » telle est la question posée par le chercheur néerlandais Wouter Veenedaal. Le lien entre la taille de la population et la démocratie est un des plus vieux débat de la science politique. Les études quantitatives montrent que les petits États et les micro-États seraient, comparativement, plus enclins à développer des gouvernances démocratiques. « Small is democratic » semble un adage partager depuis des siècles, des philosophes grecs à Rousseau en passant par Montesquieu. 


Aujourd’hui encore les organisations internationales font la promotion des avantages de la petitesse et invitent les États en reconstruction après un conflit à des pratiques de décentralisation et de dévolution afin de confier plus de pouvoirs et de compétences politiques à des unités réduites. Pourtant, aucune hypothèse satisfaisante ne permet d’expliquer cette corrélation entre la taille et le caractère démocratiques d’un État.  Au contraire, de plus en plus d’études de cas tendent même à l’infirmer en soulignant l’intensité des rivalités personnelles, de la corruption et du clientélisme dans les petits États. Il semble donc qu’il y aurait un écart entre la théorie suggérée par la recherche quantitative et la réalité constatée les travaux qualitatifs. Les institutions démocratiques des petits ou micro États seraient une façade et la réalité démocratique de leur système politique doit être relativisée. D’après, Wouter Veenedaal cette énigme relève bien de l’approche méthodologique quantitative qui a été privilégiée jusqu’à présent pour étudier ce lien. Il propose ici une étude comparative de la nature des systèmes politiques dans quatre micro-États : San Marino, St Kitts et Nevis, les Seychelles et Palau. Il nous éclaire sur les réalités politiques de ces États présentés comme démocratiques. Si ces analyses peuvent s’avérer intéressantes pour des spécialistes de ces zones géographiques, en revanche le politiste ne s’étonnera pas des résultats de l’étude. Elles démontrent qu’une explication monocausale (la taille) ne permet pas d’expliquer le système politique même dans les micro-États. L’auteur démontre, sans surprise, que la situation géographique, l’histoire coloniale ou encore les relations internationales sont des variables essentielles. Néanmoins, on retiendra de cette étude les stimulants chapitres sur les débats théoriques et l’état de l’art.

jeudi 12 février 2015

Recension The World’s Most Dangerous Place. Inside the Outlaw State of Somalia

Nous proposons une recension de l'ouvrage de James Fergusson dans le dernier numéro d'Afrique contemporaine. Elle est accessible gratuitement ICI.


samedi 7 juin 2014

La piraterie en BD, notes de lecture

Après le cinéma et les célèbres Captain Phillips et Hijacking, c’est au tour de la BD de s’emparer de la thématique de la piraterie. Paru en avril 2014, Black Lord. Somalie : année 0 (Tome 1), retrace les mésaventures de Maxime Stern, skipper du Queen Lucy, un yacht de luxe arraisonné par des pirates Puntlandais.
Le héros désabusé conduit un groupe de touristes Français qui fêtent les 18 ans de la fille d’un riche homme. En s’approchant trop près des côtes somaliennes, les touristes sont pris en otages par des pirates alors que Maxime Stern parvient à s’enfuir. Recueillis par une famille de pécheurs dont le père de famille, Djad, compte l’aider à rejoindre la France, Maxime va découvrir les origines et les enjeux de la piraterie dans ce pays de la Corne de l’Afrique, privé pendant vingt ans de gouvernement. Si la BD traite peu de relations internationales, elle distille au fil des planches la réalité de cette piraterie contemporaine. Des déchets toxiques, au pillage des eaux par des pêcheurs étrangers, en passant par les effets néfastes et coûteux du khat, cette BD d’action ressemble à un roman photo ou à un story board d’un film de Bruce Willis. Les dessins hyper réalistes de Jean-Michel Ponzio (il a utilisé des photos retravaillées) donne à cette BD toute son originalité et en fait selon les mots de Guillaume Dorison une véritable « fresque fictionnelle (inspirée de faits réels mélangés) ». Si la lecture vous fera passer un bon moment tant le scenario est bien pensé mêlant action et suspens, la description faite de la société somalienne et des Somaliens peut paraître surprenante, pour ne pas dire décevante, car très peu crédible : l’habitat du pécheur Djad, les relations entre Aisa sa fille et Churchill le n°2 des pirates, des pêcheurs Somaliens qui ressemblent bien souvent à des Nigérians etc.
Quelques extraits : 



dimanche 13 avril 2014

La fantaisie des Dieux. Note de lecture

Patrick de Saint-Exupéry, grand reporter et rédacteur en chef de la revue XXI, signe avec Hippolyte une très belle BD-reportage. Ce n’est pas le génocide qui est raconté et expliqué mais la trajectoire de Patrick de Saint-Exupéry, en 1994, dans l’Ouest du Rwanda puis son retour sur les lieux du drame vingt ans plus tard. Ainsi, l’ouvrage est une série d’allers retours entre photos du Rwanda de 1994, plus précisément à Kibuye, et le voyage du journaliste, avec le dessinateur Hippolyte, sur ses propres pas en 2013. Aucune image d’horreur juste des témoignages qui laissent deviner le pire.
A la grisaille parisienne succède les images colorées du Rwanda. Les aquarelles d’Hippolyte rendent le dessin poétique. Une certaine légèreté règne dans ce petit paradis qu’est le Rwanda mais lorsque l’image se fait plus précise, le lecteur aperçoit des cadavres emportés par le courant du fleuve. Un témoignage pudique qui laisse au lecteur se représenter l’horreur. Derrière le silence se cache un génocide. On comprend que ce silence est celui des morts mais aussi celui de la communauté internationale. « Un génocide c’est d’abord du silence ».
Dès ses premières pages « La fantaisie des Dieux » ne laisse pas place au doute. Pour l’auteur, Mitterrand, le Président de la République savait. Son administration l’avait informée, dès 1990, d’un risque d’ « élimination totale des Tutsi » (p.6) au cœur de l’Afrique centrale. L’ouvrage s’ouvre sur une citation en exergue, qu’aurait dit le Président : « dans ces pays-là, un génocide ce n'est pas très important ». Plusieurs facettes du génocide sont traitées. Les Caterpillar du ministère des Travaux publics qui récupèrent les cadavres après le massacre de l’église « Home Saint Jean » (p.24), le préfet qui organise les assassinats, le poids de la colonisation et de la christianisation lorsqu’un fantôme qui hante l’esprit de l’auteur rappelle : « le mot ethnie n’existe pas dans notre langue » (p.33) L’ouvrage questionne la responsabilité des différents acteurs dans le drame.

On comprend aussi le contexte de l’époque. Si le rôle joué par la France fait toujours polémique, la thèse de l’auteur est que les plus hautes autorités de l’Etat savaient mais se sont laissées aveuglées par « leur allié » hutu. Les militaires français, qu’accompagne l’auteur en 1994, sont eux-mêmes surpris par l’accueil qui leur est réservé : « les génocidaires accueillent les Français en amis. Ils étaient sûrs que nous  venions les aider à finir leur travail » (p.47). On comprend le trouble qui envahit ses hommes lorsque les tueurs les accueillent, les ordres de l’état-major, les comptes rendu envoyés à Paris qui restent sans réaction, les discours politiques, les aveux des assassins pour qui il est normal de tuer les enfants qui sont des complices des rebelles, le récit des rescapés à Bisesero, etc. Ça n’est pas les militaires de l’opération Turquoise présents sur place que l’auteur accuse, au contraire il les dessine impuissants et dépassés. A Bisesero, il a observé avec eux "un champ d’extermination à ciel ouvert » (p.72), il a vu ce gendarme s’effondré en réalisant qu’un an avant il avait formé la garde présidentielle et qui conclut « nous avons formé les assassins » (p.73)

On retient quelques citations marquantes : « C’est la goutte d’eau qui dit la mer et cette mer fait peur»,  "la folie est une excellente meneuse d’hommes » (p.28), « l’organisation est la condition de la démultiplication du crime. Le déni sa soupape »…

Pour aller plus loin (MAJ) :
-Le blog d’Hippolyte : ICI
 Indications of Genocide in the Bisesero Hills,Rwanda, 1994 », Yale University, Genocide Studies Programm
-« Patrick St-Exupéry & Hippolyte : BD/ Les superhéros à l’épreuve du temps : série », in Un autre jour est possible, France Culture, 4 avril 2014, (en ligne), ICI
- Olivier Schmitt : " Génocide and International Relations"