dimanche 11 avril 2010

"Congo: l'enlisement du projet démocratique" par l'ICG


Le dernier Policy Briefing de l'International Crisis Group est paru le 8 avril. Vous pouvez les télécharger ICI.
Résumé : "La consolidation de la démocratie en République démocratique du Congo (RDC) est entravée dans presque toutes ses dimensions et le régime congolais reste fragile. Lorsque Joseph Kabila (photo) est devenu le premier président élu démocratiquement en 2006, la communauté internationale a considéré cette élection comme une avancée majeure du processus de paix.

Aujourd’hui, l’équilibre des pouvoirs est quasiment inexistant. Le cabinet présidentiel a pris l’ascendant sur le gouvernement, le parlement et le pouvoir judiciaire. Les libertés fondamentales sont fréquemment menacées et des réformes institutionnelles essentielles – la décentralisation et la réforme du secteur de la sécurité – n’ont pas significativement progressé.

A moins que les autorités politiques congolaises ne redonnent en 2010 un nouvel élan à la transformation démocratique et au renforcement des institutions, les avancées obtenues durant la période de transition et l’effort international consenti pour stabiliser ce géant régional sont compromis. Les partenaires extérieurs du Congo doivent remettre la démocratisation et la réforme institutionnelle au centre de leur dialogue avec le gouvernement de Joseph Kabila et ils doivent lier l’aide au développement qu’ils lui accordent aux progrès enregistrés sur ces sujets.

En 2006, pour la première fois dans l’histoire de la RDC, les Congolais choisissent leurs dirigeants nationaux et provinciaux à travers des élections crédibles. L’année précédente, ils ont adopté par référendum la constitution la plus démocratique de leur histoire. Elle traduit une détermination apparente à rénover radicalement la gouvernance politique et économique et à reconnaître les aspirations démocratiques inassouvies depuis l’indépen­dance. La mise en œuvre de cette nouvelle constitution nécessite des réformes institutionnelles fondamentales, telles que la décentralisation et la refonte des structures de sécurité.

L’origine de ce dessein politique remonte aux négociations de Sun City qui mirent fin à des années de guerre civile et à la Conférence souveraine du début des années 1990. Il associe le retour d’une paix durable au Congo à l’équilibre des pouvoirs entre le gouvernement central et les provinces, tout autant qu’à l’établissement de véritables contre-pouvoirs à leur niveau respectif.

Kabila a obtenu un mandat de cinq ans en s’associant à cette vision durant la campagne électorale. Il s’est engagé à redresser un Etat défaillant et à combattre la corruption ; il a proposé un programme de reconstruction du Congo suivant cinq priorités stratégiques : les infrastructures, la santé, l’éducation, l’habitat et l’emploi ; il a promis de promouvoir la démocratisation, notamment en respectant l’Etat de droit et en organisant des élections locales. Presque quatre ans plus tard, le constat est néanmoins accablant. La présidence a entrepris d’étendre son pouvoir sur les autres branches de l’Etat et entretient des réseaux parallèles de prise de décision.

L’exécutif conduit une campagne anti-corruption orientée politiquement qui met en cause l’indépendance de la justice. Le régime utilise les moyens financiers et les outils de coercition à sa disposition pour éliminer les contestations et pour réduire les insurrections locales qui éclatent depuis 2006. Kabila examine la possibilité de modifier la constitution sous le prétexte de résoudre les difficultés rencontrées dans la mise en place de la décentralisation. Tout amendement constitutionnel ayant pour effet de concentrer davantage de pouvoir à la présidence ou de limiter les expressions dissidentes menacerait cependant un système de contre-pouvoir déjà très affaibli. Il est aujourd’hui peu probable que les élections locales se tiennent avant la fin de la législature courante, ce qui risque de compromettre le respect du délai constitutionnel de la fin 2011 pour tenir les élections générales.

Malgré cette tendance autoritaire, la communauté internationale, qui s’est pourtant beaucoup investi dans le processus de paix, est demeurée globalement silencieuse. Les autorités nationales sont extrêmement sensibles aux signes assimilables à une tutelle extérieure. Invoquant le principe de souveraineté, le gouvernement congolais demande le retrait rapide de la mission de maintien de la paix des Nations unies (MONUC) d’ici l’été 2011 et annonce qu’il prendra en charge l’organisation des prochaines élections générales. Il négocie l’allégement de la dette congolaise qu’il espère obtenir avant les célébrations du cinquantième anniversaire de l’indépendance prévues pour le 30 juin 2010.


Compte tenu de la taille du pays et des tensions politiques internes déjà existantes, la RDC est sujette à des rébellions locales alimentées par des querelles intercommunautaires. Certaines insurrections ont démontré un potentiel suffisant pour entraîner une perte de contrôle des autorités. Dans ce contexte, une nouvelle stratégie internationale doit être conçue pour relancer le mouvement de consolidation démocratique et pour prévenir de nouveaux risques de déstabilisation.

Poursuivre le projet démocratique est indispensable pour stabiliser le Congo à moyen et à long terme. Produire un nouvel élan susceptible d’inverser la tendance actuelle exige que les réformes institutionnelles et le programme législatif cessent d’être uniquement considérés sous leurs aspects techniques. Ils représentent d’abord un véritable test de la volonté politique du gouvernement d’améliorer les pratiques de pouvoir et ils doivent constituer un élément central de tout dialogue portant sur l’attribution de nouvelles aides internationales. Les étapes suivantes sont nécessaires pour relancer la transformation démocratique :

* Entamer immédiatement la préparation des élections générales de 2011. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) doit être établie rapidement et un budget adéquat doit simultanément lui être attribué. Dans l’intervalle, les autorités électorales actuelles doivent présenter un plan opérationnel clair pour ces élections qui servira de base de discussion avec les bailleurs de fonds.
* Institutionnaliser la lutte contre la corruption. Une stratégie de lutte contre la corruption fondée sur les efforts de la société civile et les expériences enregistrées dans d’autres pays sortant d’une période de conflit doit être élaborée et mise en œuvre par des agences indépendantes nouvellement crées.
* Garantir les droits fondamentaux à travers la loi et les institutions. Le parlement doit créer une Commission nationale des droits de l’homme comme indiqué dans la constitution, réviser le code pénal pour se conformer à la convention des Nations unies contre la torture, limiter les pouvoirs de l’agence nationale de renseignement (ANR), et passer une loi protégeant les journalistes, les militants des droits de l’homme et les victimes et témoins de violations des droits de l’homme.
* Harmoniser le processus de décentralisation avec le renforcement de capacités et la dotation budgétaire des provinces et des gouvernements locaux. Le gouvernement de Kinshasa doit mettre en place une commission d’experts nationaux et internationaux pour explicitement décider quand et comment se tiendront les élections locales. Dans le cas où ces élections ne peuvent avoir lieu avant les élections générales de 2011, un nouveau calendrier doit alors être élaboré.
* Etablir un partenariat clair entre la communauté internationale et le gouvernement congolais sur la réforme du secteur de la sécurité. Une dimension politique doit compléter l’approche technique actuelle. Des critères d’évaluation doivent être élaborés pour mesurer les progrès réalisés et appliquer une approche d’assistance conditionnée.
* Lier l’aide au développement à la gouvernance démocratique. Considérant le rôle essentiel joué par les bailleurs de fonds au Congo, ceux-ci doivent se servir de leur influence financière et politique pour soutenir le processus de construction d’institutions démocratiques. Les nouveaux partenaires asiatiques du Congo doivent être encouragés à inscrire leurs interventions dans cette perspective dans la mesure où ils ne peuvent que bénéficier de l’existence d’un régime plus stable et efficace avec lequel coopérer et commercer."

samedi 10 avril 2010

Les Etats riches en ressources naturelles s'arment de plus en plus (SIPRI)


Le SIPRI Yearbook 2009 est sorti (téléchargez ICI) il contient : "une combinaison de données originales dans des domaines tels les dépenses militaires, les transferts d’armes internationaux, la production d’armements, les forces nucléaires, les conflits armés majeurs et les opérations multilatérales de maintien de la paix, et d’analyses sur les aspects importants du contrôle des armements, de la paix et de la sécurité internationales."
Cette année l'institut constate qu'une course aux armements a opposé ces cinq dernières années des pays pourtant pauvres où l'argent consacré à l'achat d'armes, avions de combat en tête, aurait pu être utilisé à meilleur escient et de souligner également qu'au niveau planétaire, les ventes d'armes ont été supérieures de 22% à ce qu'elles ont été en 2000-2004. A l'échelle mondiale toujours, "les avions de combat ont représenté 27% du volume total de transferts d'armes" sur la période étudiée. "Les commandes et les livraisons de ces armes potentiellement déstabilisantes ont conduit à une course aux armements dans des régions où règne la tension: Proche-Orient, Afrique du nord, Amérique du sud, Asie du sud et Asie du sud-est", note le Sipri. Selon le responsable de l'enquête, Paul Holtom, au cours des cinq années passées "les Etats riches en ressources naturelles ont acheté des quantités considérables d'avions de combat à prix élevé. Les pays voisins ont réagi à ces acquisitions en passant commandes à leur tour".
La part de l’Afrique dans le commerce mondial des armements ne dépasse pas 7 %. C’est en Afrique du Sud que la progression est la plus forte, en raison des mesures de sécurité exceptionnelles prises à l’occasion de la Coupe du monde de football. La valeur de ses importations d’armements avoisine 2,2 milliards pour la période 2005-2009 (+ 4 600 %, record absolu). Mais d’autres pays africains achètent eux aussi énormément :
- le Tchad (+ 826 %),
- la Guinée équatoriale (+ 426 %),
- le Mali (+ 328 %),
- la Namibie (+ 258 %),
- le Nigeria (+ 161 %)…

jeudi 8 avril 2010

Après Amin Dada, l’Armée de Résistance du Seigneur sème la terreur


La LRA (Lord Resistance Army), la plus vieille rébellion du continent africain, fait tragiquement reparler d’elle par des attaques répétées depuis février dans les pays voisins de l’Ouganda. Ces attaques auraient fait plus de 200 morts depuis 2008 dans l’Est de la République Centrafricaine (RCA) et près de 300 morts (320 selon un récent rapport de l’organisation Human Rights Watch) fin 2009 dans le Nord Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Le mode opératoire est toujours le même : les combattants évoluent dans la zone frontalière reliant l’Ouganda, le Soudan, la RDC et la Centrafrique, et de villages en villages prennent des otages et des biens de valeurs. Pour le ministre Délégué à la Défense nationale centrafricaine : « C'est une guerre qui nous est imposée ». La RCA, incapable de faire face à cette nouvelle déstabilisation sur son territoire, a donné son feu vert en juin 2009 pour que l'armée ougandaise poursuive la LRA sur son territoire.

Origines de la rébellion
La LRA est active depuis l’arrivée au pouvoir de Museveni en 1988, après une période de guerres civiles et de coups d’Etats opposant les ethnies du nord et celle du sud (Obote, Amin Dada…), elle figure sur la liste américaine des groupes terroristes à combattre. Cette guerre est la plus ancienne de la région et entrave les perspectives d’avenir.
Au départ, ce mouvement est un mouvement populaire d’autodéfense des populations Acholi du nord du pays (carte ci-dessous), face à la prise de pouvoir de Museveni, et donc des ethnies du Sud-ouest. Son objectif est de remplacer le pouvoir de Museveni par un pouvoir basé sur la bible. L’Ouganda a été marqué par le clivage entre protestants et catholiques. L’une des particularités du pays est d’avoir été construit par le colonisateur britannique sur la base de la juxtaposition au sein d’un même territoire de l’aire géographique nilotique et soudanaise face à l’aire Bantou. Bien qu’associées, ces deux parties ont été maintenues dissociées au niveau géographique, politique et administratif jusqu’à l’indépendance du pays. Comme le rappelle Bernard Calas : « L’Ouganda est le produit d’une histoire particulière qui va transformer un blanc cartographique en un territoire limité et soumis à une même tutelle politico-administrative. Son devenir contemporain y trouve ses racines ». Le problème récurrent est donc de maintenir l’unité entre ces deux parties régionales qui luttent pour le pouvoir. Le territoire actuel était au départ composé de plusieurs royaumes et le pays tel qu’il est aujourd’hui a été construit par ajustements successifs.
La LRA s’est formée à partir du mouvement millénariste d’Alice Auma, le Holy Spirit Movement (HSM). La prêtresse se disait possédée « par l’esprit Lakwena (=messager) qui lui ordonne de constituer [des] forces armées [...] pour renverser le gouvernement » ainsi que pour « purger le monde du pêché et construire un monde nouveau où seront réconciliés l’homme et la nature» (Behrend). Pour Brett la répression exercée par la NRA ((National Resistance Army, branche armée du mouvement de Museveni) sur les populations Acholis crée une transition au sein du HSM, d’une dynamique d’expiation de la culpabilité vers une dynamique de rébellion. Le sociologue Behrend explique la multiplication des conflits dans la région et les discours sur la sorcellerie ont produit un phénomène de « moral panic », « dans [un] contexte de terreur générale et de menace intérieure et extérieure à la communauté » et le HSM proposait des solutions morales. La prêtresse prend ensuite le nom d’Alice Lakwena. Le HSM prêche un syncrétisme mêlant christianisme, islam et religions traditionnelles. Les combattants acceptaient de se soumettre à un rituel de purification où ils étaient aspergés d’une eau leur assurant la protection des esprits même contre les balles !
A l’origine l’armée, comptant près de 10 000 combattants (beaucoup d’anciens militaires attirés par le repentir et parce qu’ils craignaient de connaître la marginalisation politique et la discrimination), rencontre de nombreux succès et entame une marche vers la capitale. Elle est défaite à 60km de Kampala en 1987 et Alice Lakwena s’exile au Kenya. Les troupes rejoignent plusieurs mouvements qui succèdent aux HSM dont celui de Joseph Kony (photo). Ce dernier emprunte la plupart des idées, du discours et des méthodes du HSM cependant la LRA est moins messianiste. Dans les mouvements de rébellion le chef possède un rôle très important dans la motivation des troupes. Ce type de conflit repose en effet sur la figure charismatique d’un homme (ou d’une femme) et de sa capacité à accomplir la mission qu’il s’est fixé.
Au départ les Acholi étaient conciliants et offraient des denrées et des hommes aux rebelles pour les soutenir. En effet, l’une des premières phases d’un mouvement de guérilla consiste à gagner l’appui des masses. Cette mobilisation a pour but de déboucher sur la constitution d’une infrastructure politique clandestine et sur la popularisation du projet. Cette stratégie présuppose que l’État est impopulaire ce qui était le cas dans cette région. Les paysans nilotiques du Nord se sentaient exclus d’un développement qu’ils ne voyaient que de loin.
Dans les années 1990, l’armée gouvernementale a forcé les Acholi, (environ 2,5 millions de personnes), à se rassembler dans des camps de déplacés. Cette politique a eu l’effet recherché puisque, coupés de leurs sources de recrutement et de ravitaillement, les rebelles se sont mis à piller les villages et à kidnapper les jeunes enfants engagés de force dans ce combat. En outre, sur le plan militaire, la guérilla cherchait à disperser au maximum les forces armées. Jusqu’en 1992, le mouvement dispose de capacités militaires réduites. Sans soutien extérieur, il se contente d’effectuer des opérations de brigandage à petite échelle et des actions criminelles. Entre 1992 et 1994, la LRA est la cible d’une offensive d’envergure menée par l’armée gouvernementale.
Le plus important, en dehors du soutien de la population, consistait à organiser des bases où la guérilla pouvait connaître une relative sécurité. Ces bases étaient vitales. La LRA a donc trouvé du soutien auprès du régime islamique de Khartoum, alors soucieux de limiter l'aide militaire apportée par l’Ouganda, avec le soutien de la Grande-Bretagne et des États-Unis, à l’Armée de libération populaire du Sud-Soudan (SPLA) du chrétien John Garang. En 1994, les forces soudanaises arrivent près de la frontière. Dès lors la guérilla bénéficie d’un important soutien notamment par la livraison de matériel et la mise à disposition de bases arrière. La LRA dispose alors d’environ 4000 hommes. La NRA n’est pas en mesure de réagir aux pillages des villages. La seule solution adoptée est de soutenir la SPLA dans le Sud du Soudan. Le conflit interne devient régional. La NRA pénètre sur le territoire soudanais pour détruire les bases arrière de la guérilla. C’est une véritable stratégie croisée qui s’organise et s’autoalimente, chaque guérilla (LRA et SPLA) bénéficiant de bases arrière et de soutien dans le pays voisin.
La LRA perd un peu de son soutien populaire en 1999 lorsque les autorités de Kampala développent une nouvelle politique qui favorise le rapprochement entre les autorités locales et les populations. Dès lors on ne peut plus parler de guérilla mais de rébellion.

Un conflit dans l’impasse
Qualifiée de « crise humanitaire la plus négligée du monde » par l’ancien secrétaire général adjoint des Nations unies en charge des Affaires humanitaires, Jan Egeland, la guerre civile ougandaise a provoqué des dizaines de milliers de morts (100 000) et environ 2 millions de déplacés dans le Nord de l’Ouganda et le sud du Soudan depuis 1986. Les membres de ce mouvement sont accusés de massacres, de viols, d'attaques de la population civile et autres violations des droits de l'homme. Ses effectifs seraient aujourd’hui constitués à plus de 80% d’enfants soldats. Plus de 25.000 enfants ont été enlevés par la LRA depuis 1986 dont 30 % de filles et sont utilisés comme soldats, porteurs et esclaves sexuels. Ils sont souvent mutilés par les rebelles.
Aujourd’hui, le conflit avec la LRA est dans l’impasse. Aussi bien les tentatives politiques de résolution du conflit que la solution militaire ont échoué. La population Acholi, qui vit dans des camps de déplacés, continue à être victime des rebelles et de l’abandon du gouvernement. La survie de la rébellion passe nécessairement par un bon renseignement sur l’adversaire or il arrive souvent par l’infiltration dans l’armée et surtout des sympathisants locaux. Pour Gérard Prunier si cette rébellion perdurent c’est aussi parce qu’elle sert « les appétits d’une classe d’officiers souvent corrompus, auxquels la guerre permet d’entretenir un flou ».
La Cour Pénale Internationale a émis des mandats d’arrêts en septembre 2005 qui visent les 5 hauts responsables de la LRA dont Joseph Kony et son adjoint, Vincent Otti. L’intervention de la CPI suscite une vive controverse dans le pays. Ces inculpations constitueraient un frein au processus de paix entamé en juillet 2006 entre les rebelles et le gouvernement. D’autant que cette cour pourrait aussi s’intéresser aux exactions commises par l’armée ougandaise.

Sources :
BALENCIE (J.M.), de LA GRANGE (A.), «Mondes rebelles : Guérillas, milices, groupes terroristes », Paris, 2001, Michalon
BEHREND (H.), « War in Nothern Uganda-The Holy Spirit Movements of Alice Lakwena, Severino Lukoya and Joseph Kony (1986-97), in CLAPHAM (C.), “African Guerillas”, 1998.
BRETT (E.A.), “Neutralising the Use of force in Uganda: The role of the military in Politics”, in The Journal Modern African Studies, 1995
CALAS (Bernard), PRUNIER (Gérard), « L’Ouganda contemporain », Paris, 1994, Khartala, 303 p.
CHALIAND (Gérard), « Terrorismes et guérillas », Paris, 1988, Complexe, 177 p.
ESSOUNGOU (André-Michel), « Chantage à la paix en Ouganda », in Le Monde diplomatique, avril 2007.
JOES (James), « Modern Guerrilla Insurgency », Preager, 1993.
PRUNIER (Gérard), « Forces et faiblesses du modèle ougandais », in Le Monde diplomatique, 1998
RENO (W.), « Warlord Politics and African States”, 1998.
TABER (Robert), “War of the flea the classic study of guerrilla warfare”, Potomac book, Dulles 2002, p.170
TAWA (Habib), « La Prusse de l’Afrique », in Le Nouvel Afrique Asie, n°6, mai 2006, pp. 42 à 45.

mercredi 7 avril 2010

Le Trans Saharan Gas Pipeline : Mirage ou réelle opportunité ?


Le Trans Saharan Gas Pipeline : Mirage ou réelle opportunité ? par Benjamin Augé, doctorant à l’Institut français de géopolitique (Paris 8) sur le site de l'IFRI (téléchargez ICI).

"Le continent africain possède 8 % des réserves gazières du monde. Sa relative faiblesse économique et l’absence presque totale de réseaux gaziers entraînent une consommation intérieure très réduite (quasi nulle en dehors de l’Algérie et de l’Égypte) qui permet une importante capacité exportatrice de son gaz. Relier l’Afrique subsaharienne à l’Union européenne (UE) par un gazoduc est donc un projet économique assez logique. Les deux blocs intéressés en discutent avec de plus en plus d’intensité depuis le début des années 2000. La stratégie paraît à priori évidente. La zone européenne compte trois importants producteurs de gaz : Norvège (non-membre de l’UE mais associée étroitement à sa politique énergétique), Grande-Bretagne et Pays-Bas, avec respectivement une production de 99,2, 69,5 et 67,5 milliards de mètres cubes en 2008. Toutefois, la production de la Norvège et des Pays- Bas va commencer à décroître dans quelques années ; celle de la Grande-Bretagne diminue déjà de façon significative depuis 2000 et les Britanniques importent actuellement un tiers de leur gaz pour leur consommation domestique (93,9 milliards de mètres cubes en 2008). Les importations de l’UE vont donc mathématiquement croître progressivement. Or, la crainte d’une dépendance au gaz russe (aujourd’hui de 25 % en moyenne parmi les 27) dans un futur proche conduit l’Union à vouloir diversifier ses sources d’approvisionnement. Si aucune diversification n’est mise en place, la Russie pourrait approvisionner quelque 70 % du marché européen (27 pays) d’ici à 2050. La solution de multiplier les usines de regazéifications pour importer du gaz naturel liquéfié (Liquefied Natural Gas, LNG) est actuellement clairement privilégiée par plusieurs pays de l’Union : France, Italie, Espagne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Pologne. Les pays du golfe Persique, l’Égypte, l’Algérie et les États-Unis approvisionneront ces nouvelles usines. Le Trans Saharan Gas Pipeline (TSGP) qui relierait le Nigeria au Niger et à l’Algérie, elle-même connectée à l’Espagne et à l’Italie par des gazoducs existants ou en construction, pourrait s’avérer un choix supplémentaire d’approvisionnement de long terme. Cependant, si ce gazoduc de 4 128 km considéré par le NEPAD comme prioritaire n’est pas un rêve, ni même un défi du point de vue technique, plusieurs éléments financiers, sécuritaires et géopolitiques vont devoir trouver une solution avant une hypothétique prise de décision formelle de développement dans les prochaines années."

mardi 6 avril 2010

Good Morning Afrika membre de l'Alliance Géostratégique


Vous l'aurez remarqué un nouveau logo est apparu dans la colonne de droite.... Good Morning Afrika est désormais membre de l'Alliance Géostratégique, une plateforme réunissant des blogueurs d'univers différents autour de la géostratégie. "L'alliance géostratégique un think tank ?" s'interroge l'un de ses membres (ICI) vous en jugerez par vous même. L'ambition est, en tout cas, de débattre ensemble et d'ouvrir nos horizons de réflexion. L'Alliance s'ouvre au continent africain et tous les africanistes s'en réjouiront !

Afrique du Sud : disparition de l'apôtre de l'Apartheid

L’assassinat d’Eugène Terreblanche, fondateur du Mouvement afrikaner, connu pour son insigne à trois branches rappelant la croix gammée, risque de radicaliser l’Afrique du Sud s'inquiètent plusieurs médias.

Eugène Terreblanche, le leader du Mouvement d’extrême droite de la résistance afrikaner (AWB), est sorti de prison en 2004 après une condamnation pour tentative de meurtre sur un vigile noir, qui restera avec des lésions cérébrales irréversibles, en 2001. Son mouvement a été réactivé en 2008, mais reste faible.
Peut on imaginer une déstabilisation du pays. Je ne pense pas. En revanche une mauvaise pub à quelques semaines de la Coupe du monde de football, c'est sur. Ce qui est inquiétant c'est le regain de tensions général en Afrique du Sud qui trouve aussi son expression dans le racisme.L’agitation sociale est tangible, et la dégradation des services publics sociaux ne devrait rien arranger. En mai 2008, des attaques xénophobes contre les immigrés du Zimbabwe, du Mozambique et du Niger, et des mouvements sociaux contre la hausse du coût de la vie et les augmentations des tarifs d’électricité en juillet-août 2008, ont secoué le pays. La population pauvre marque sa déception face aux problèmes sociaux, à la crise énergétique, à la détérioration des services publics de santé et d’éducation, aux affaires de corruption au sein du parti… Le vieux slogan électoral de l'ANC «better life for all» a créé des frustrations.

lundi 5 avril 2010

Classement Wikio avril 2010

Wikio vient de lancer un nouveau classement, le Top des blogs dans la catégorie Internationale (ICI). Et bonne nouvelle Good Morning Afrika figure en 13ème position pour le classement d'avril!

Les 20 premiers du classement (notez le succès des blogs consacrés à la Chine) :
1 Coulisses de Bruxelles
2 Marketing en Chine
3 Alliance geostratégique
4 Internet Chine
5 Pour convaincre
6 Amour de la Chine
7 Mon Blog Défense
8 Philosémitisme
9 Vincent Jauvert
10woodsb.net
11 jcdurbant
12 GreatAmerica
13 Good Morning Afrika
14 Tout sur la Chine
15 Le-Lac-des-Signes
16 le Blog Chine
17 Business Internet Chine
18 Un oeil sur la Chine
19 eToile
20 Regard d’un français sur la Chine

Phase pré-électorale en Ethiopie

Plus de 6 000 candidats du parti au pouvoir et des principaux partis d’opposition en Ethiopie se sont inscrits pour disputer les 546 sièges du parlement éthiopien, lors des prochaines élections nationales, a déclaré, lundi, la Commission électorale nationale d’Ethiopie (NEBE).
Le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (EPRDF, au pouvoir) a enregistré à lui seul 1 850 candidats pour le scrutin prévu le 23 mai 2010, selon la NEBE. Tandis que les principaux partis d’opposition du pays, constitués du Forum pour la justice et la démocratie, le Parti pour l’unité de tous les Ethiopiens, le Parti démocratique éthiopien et la Coalition pour l’unité et la démocratie, ont inscrit respectivement 1 282, 1 010, 510 et 270 candidats.
62 partis politiques, y compris le parti au pouvoir, se sont inscrits pour prendre part aux élections nationales. Environ 30 millions d’éthiopiens sont appelés aux urnes
Actuellement, des partis sont en pleine campagne électorale et organisent des débats télévisés sur diverses questions politiques, économiques et sociales du pays.
La majorité des 62 partis politiques prendront part à la fois aux élections législatives et régionales.
Les élections nationales, prévues le 23 mai prochain, seront le quatrième du genre à se tenir sous le régime actuel depuis son arrivée au pouvoir en 1991.
Malheureusement le gouvernement éthiopien a multiplié ces dernières années les pressions et menaces pour diminuer l’influence de l’opposition et museler la presse et la société civile, a dénoncé Human Rights Watch (HRW). Cette campagne vise, selon HRW, à s’assurer de la victoire aux élections législatives, tout en évitant les violences post-électorales de 2005. Ces élections, marquées par une ouverture démocratique et une percée de l’opposition, s’étaient soldées par une victoire de la coalition au pouvoir depuis 1991. Les violences post-électorales avaient fait plus de 200 morts, essentiellement des manifestants de l’opposition tués par les forces de l’ordre.
Dans un rapport intitulé “100 manières de mettre la pression : violations des libertés d’expression et d’association en Ethiopie”, HRW décortique les pratiques du Front révolutionnaire et démocratique des peuples d’Ethiopie (EPRDF).
L’ONG estime notamment que l’emprisonnement de figures de l’opposition, à l’image de Birtukan Mideksa (photo) depuis décembre 2008, constitue la partie visible d’un travail de sape de l’opposition par le parti au pouvoir.

Celui-ci se joue dans l’Ethiopie rurale, qui concentre 85 % de la population. Nombre de témoins interrogés par HRW ont expliqué que l’obtention de semences, d’engrais ainsi que l’accès à la santé ou aux programmes de travail contre nourriture, sont conditionnés dans les campagnes à l’adhésion au parti au pouvoir.
Devant la percée de l’opposition en 2005, le parti au pouvoir a, selon HRW, renforcé son assise dans le pays à la faveur des élections locales de 2008 et d’une vaste campagne de recrutement, passant « de 760 000 membres en 2005 à plus de quatre millions, trois ans plus tard ».
Ainsi, enseignants et fonctionnaires sont priés d’assister à des sessions d’informations organisées par le gouvernement, au cours desquelles leur sont distribués des formulaires d’adhésion au parti du Premier ministre Meles Zenawi (photo).

Le rapport d’HRW détaille également les tracasseries administratives imposées aux partis d’opposition et dénonce l’échec de la “diplomatie silencieuse” des puissances occidentales face à leur principal allié dans cette région particulièrement instable.

« Les gens oublient qu’en pratique et en théorie, ce gouvernement est une sorte de régime communiste qui ne croit pas aux droits de l’individu. Il croit au droit de l’Ethiopie de se développer », confie un diplomate à HRW.

Interrogé par l’AFP, le porte-parole du gouvernement, Bereket Simon, a qualifié ces accusations de « rididules », alors « qu’au contraire l’Ethiopie progresse sur tous les fronts ».

« Le fait qu’ils (HRW) critiquent ces progrès démontrent que tout cela n’a rien à voir avec les droits de l’homme ou la démocratie », a estimé le porte-parole.

vendredi 2 avril 2010

Les "Rendez-vous d'HEI-Ji" se tiendront du 8 avril au 6 mai 2010 à l'école des Hautes Etudes Internationales


Un peu de publicité ne fait pas de mal !
La Junior Entreprise (HEI-Ji) de l'Ecole des Hautes Etudes Internationales organise un cycle de conférence : Quelle défense pour la France ? Avec des intervenants qui retiendront surement votre attention !

- "Les services de renseignement", jeudi 8 avril 2010, 18h - 20h avec Stephan BW., ancien de la DGSE et actuel Chargé de mission au Secretariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale.
Lieu : Grande salle de l'Ecole HEI, au 54 avenue Marceau, 75008 PARIS.

- "Quelle politique de dissuasion nucléaire pour la France ?" avec le Général X. Jarry, Commandant de la force aérienne stratégique, le 15 avril à 18H.

- "Quelle place pour la France dans les nouvelles questions de sécurité ?" avec Hervé Morin, le 4 mai à 18H.

- "La guerre d'Afghanistan : témoignages" avec le Colonel F. Chatellus, Commandant des forces françaises en Afghanistan.

Nombre de places limitées. Entrée libre sous réserve d'inscription. S'inscrire.

jeudi 1 avril 2010

Publications de l'International Crisis Group : Soudan, Darfour, Tchad, Libye

Rigged Elections in Darfur and the Consequences of a Probable NCP Victory in Sudan (Téléchargez ICI)

Résumé : "The principal preoccupation of the ruling National Congress Party (NCP) is to win the elections now scheduled for 11-13 April 2010. It has manipulated the census results and voter registration, drafted the election laws in its favour, gerrymandered electoral districts, co-opted traditional leaders and bought tribal loyalties. It has done this all over Sudan, but especially in Darfur, where it has had freedom and means to carry out its strategy, since that is the only region still under emergency rule. Because of the fundamentally flawed process, the international community, working closely with the African Union High Level Implementation Panel for Sudan (AUHIP), should acknowledge that whoever wins will likely lack legitimacy; press for Darfur peace talks to resume immediately after the elections; insist that any Darfur peace deal provides for a new census, voter registration and national elections; and lay the groundwork for a peaceful referendum on southern self-determination and post referendum North-South relations.
One indication of the NCP’s long-term plans to rig the elections was the management of the 2008 census. The flawed results were then used to draw electoral districts, apportion seats in the national and state legislatures and organise the voter registration drive. Census takers – aided by NCP party organisers – expended great efforts to count supporters in Southern Darfur (mostly inhabited by Arabs), nomads of Northern Darfur and some tribes loyal to the party. They also reportedly counted newcomers from Chad and Niger, who had settled in areas originally inhabited by persons displaced in the Darfur conflict, and issued them identity papers so they can vote as Sudanese citizens. However, most of the estimated 2.6 million internally displaced (IDPs) living in camps, as well as people from groups hostile to the NCP living in “insecure” neighbourhoods of cities and the population of rebel-controlled areas were not counted.
Darfur is important for the NCP because Southern Darfur is the second most populous state and Northern Darfur is the fifth. The three Darfur states combined have 19 per cent of Sudan’s population (according to the flawed 2008 census), slightly less than the South. Darfur has been allocated 86 seats out of 450 in the national assembly (the latter number may increase to 496, if the assembly approves an agreement the NCP reached with the Sudan People’s Liberation Movement, SPLM, the dominant party in the South). Winning big in Darfur is thus central to the NCP’s hopes of capturing enough votes in northern Sudan to ensure its continued national dominance.
The NCP was able to gain advantages by dominating the drafting of election laws, despite opposition from the SPLM and other parties, and through the demarcation of favourable new electoral districts based on the flawed census results and organised by a National Elections Commission (NEC) heavily influenced by NCP members appointed to its various branches. As a result, constituencies have been added in areas where NCP supporters are the majority and removed in areas where they are not.
The voter registration process in Darfur also favoured the NCP. According to national and international observers alike, many groups targeted in the conflict, especially IDPs, were unable to register or refused to do so. In many instances, people were deliberately denied sufficient time and information, while teams worked hard in remote areas to register nomads who support the government. NCP party organisers aggressively helped register likely supporters and new immigrants; security personnel deployed in remote areas were registered in contravention of the NEC regulations. Lastly, the NCP has co-opted local leaders and played the ethnic card, further polarising the population. It has used money and offers of positions of power to buy the loyalty of tribal and community leaders, who in turn have been mobilising their constituencies to support the ruling party.
The result is an almost certain victory for the NCP. And the consequences for Darfur are catastrophic. Disenfranchising large numbers of people will only further marginalise them. Since the vote will impose illegitimate officials through rigged polls, they will be left with little or no hope of a peaceful change in the status quo, and many can be expected to look to rebel groups to fight and win back their lost rights and lands.
Ideally, elections would be held after a peace deal has been negotiated and the problems with the census, voter registration and demarcation of electoral districts resolved. However, this is not likely. The NCP is desperate to legitimise President Omar al-Bashir, who has been indicted by the International Criminal Court, and the SPLM fears any delay may risk jeopardising the South’s January 2011 self-determination referendum. To contain the damage from rigged elections to both the Comprehensive Peace Agreement (CPA) that ended the North-South conflict and the Darfur peace process, therefore, it is necessary that:

*electoral observation missions in Sudan take note of the severely flawed process, and governments and international organisations, especially the UN Security Council and AU Peace and Security Council, state that whoever wins will lack a genuinely democratic mandate to govern;
* the international community, working closely with the AUHIP, demand that CPA implementation and Darfur peace negotiations resume immediately after the elections, and any new peace deal in Darfur include provisions for a new census and voter registration drive in the region and new national elections at that time; and
* the AU, UN and Intergovernmental Authority on Development (IGAD), as well as other key international supporters of the CPA act immediately after the election to encourage the Khartoum government and the Government of Southern Sudan (GoSS) to agree on the critical steps needed to ensure a peaceful self-determination referendum in the South in January 2011 and stability in both North and South in the aftermath of that referendum."

Libye/Tchad : au-delà d'une politique d'influence (Téléchargez ICI)

Résumé : "Depuis l’arrivée au pouvoir de Mouammar Kadhafi en 1969, la Libye est devenue le voisin le plus important du Tchad. Pendant la présidence d’Hissène Habré, la relation devint hostile et fut marquée par différentes interventions militaires. Depuis l’entrée en fonction d’Idriss Déby, la Libye a abandonné toute revendication territoriale sur le pays et s’est transformée en parrain régional, jouant un rôle actif dans les négociations de paix entre le régime et ses rebellions. Elle a en effet les moyens financiers et l’autorité pour amener les protagonistes à négocier, mais son suivi de la mise en œuvre des accords passés laisse souvent à désirer. Sa diplomatie a connu de brefs succès en facilitant la cooptation des rebelles par N’Djamena mais a suscité peu de progrès à long-terme pour une stabilisation du Tchad. Le contraste entre les pressions exercées pour obtenir des signatures sur les accords de paix qu’elle chaperonne et son manque d’intérêt pour leur application suggère que les médiations de Kadhafi sont moins fondées sur un désir de stabiliser le Tchad, que sur une volonté de préserver son influence régionale.
L’implication de la Libye au Tchad est marquée par une histoire ambivalente et douloureuse. Une stratégie visant à occuper et même annexer de larges portions du territoire tchadien combinée à un soutien continu aux opposants du régime, a conduit dans les années 1980 à plusieurs confrontations militaires que le Tchad a été en mesure de gérer grâce à l’aide de la France, son ancienne puissance coloniale. La Libye a ensuite été incapable d’ex­ploiter la chute d’Hissène Habré et l’arrivée au pouvoir d’Idriss Déby, ces évènements coïncidant avec les sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU, qui l’ont isolé et affaibli dans les années 1990. Tripoli a ensuite reconnu l’évolution du contexte géopolitique et adapté en conséquence sa politique à l’égard de son voisin tchadien. La Libye ne pouvait fondamentalement pas changer le cours de sa politique nationale mais elle a réussi à devenir un acteur incontournable dans la lutte de Déby contre son opposition armée. D'une façon ou d’une autre, Kadhafi a été impliqué dans presque toutes les négociations internes tchadiennes, et plus particulièrement dans celle de Syrte en 2007.
En raison de la crise politique interne au Tchad, de la détérioration des relations tchado-soudanaises et de l’émergence de la crise du Darfour, la Libye a été en mesure, depuis 2003, de consolider sa position en tant que parrain régional. Elle a utilisé ses liens avec l’oppo­sition armée des deux côtés de la frontière pour devenir le principal médiateur entre les factions rebelles. Elle a aussi rétabli le contact entre N’Djamena et Khartoum, et via ce processus, a peut-être prévenu ce qui aurait pu être une guerre directe entre les deux régimes, avec des conséquences régionales désastreuses.
Toutefois, les succès diplomatiques de la Libye au Tchad ont été de courte durée, en raison notamment d’un manque d’intérêt sur les réformes à plus long terme et de sa difficulté à tolérer les contributions d’autres acteurs régionaux ou internationaux dans sa quête de domination régionale. Tripoli utilise rarement son autorité pour contraindre les parties à respecter les accords qu’il a négocié et les différentes délégations soupçonnent toujours un agenda caché derrière la diplomatie libyenne. En effet, Kadhafi ne cache pas son désir que ses médiations fassent également avancer ses ambitions géostratégiques. En même temps, le gouvernement tchadien utilise les bons offices de la Libye pour coopter des opposants armés, qui, à leur tour, tentent de tirer profit des accords de paix à des fins personnelles. Enfin, le manque de coordination entre les initiatives libyennes et les autres initiatives de paix a conduit à une lutte d'influence qui a permis aux différents protagonistes de jouer plusieurs interlocuteurs les uns contre les autres.
Les efforts de Kadhafi au Tchad ne l’ont que partiellement aidé à améliorer son image internationale et ont, en fait, davantage renforcé l'impression que la politique étrangère libyenne reste contradictoire. Au Tchad, Kadhafi fournit les moyens financiers et politiques de la stratégie de Déby de cooptation des opposants, grâce à des postes et de l’argent, entravant ainsi toute réforme interne sérieuse qui pourrait éventuellement conduire le pays à sortir de sa longue crise politique. Un engagement politique menant à des réformes structurelles nécessaires à la stabilisation du Tchad permettrait cependant à la Lybie de capitaliser sur ses efforts de médiation, tout en gardant son influence régionale."