dimanche 25 septembre 2011

Le rôle des Nations-Unies dans la gestion de la transition en Côte d'Ivoire

L'IFRI organise le 27 septembre de 17:00 à 19:00 une conférence autour de Choi Young-Jin, ancien représentant spécial et chef de l'Opération des Nations-Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), sur le rôle des Nations-Unies dans la gestion de la transition en Côte d'Ivoire


Résumé : "Autrefois pays modèle en Afrique de l'Ouest, la Côte d'Ivoire a connu ces dernières années une crise politico-militaire sans précédent qui a occasionné d'innombrables bouleversements. L'ONUCI, dont le déploiement en Côte d'Ivoire a débuté le 4 avril 2004, s'est vue confier par le Conseil de sécurité la mission de contribuer à la pacification du pays. L'organisation des élections devait être l'aboutissement de ce processus mais n'a pu empêcher une résurgence de la crise avant l'arrestation de Laurent Gbagbo et l'investiture de Alassane Ouattara le 21 mai 2011."
Inscription : ICI

samedi 24 septembre 2011

Bases secrètes en Somalie : l'interview du journaliste

Le journaliste Jeremy Scahill lance le débat sur les attaques menées par les Etats-Unis en Somalie. Ci-dessous son interview dans le Morning Joe sur MSNBC.



Lire :
- L'article "The CIA's secret sites in Somalia" dans le journal The Nation par Jeremy Scahill ICI
- "U.S. assembling secret drone bases in Africa, Arabian Peninsula, officials say" du Washington Post ICI

jeudi 22 septembre 2011

Combien gagne un pirate ?

A la suite du billet "Piraterie : un impact économique limité ?", interrogeons-nous, combien rapporte la piraterie, aux pirates et aux investisseurs ?



Coûts et dépenses annuels (pour 1 financier, 4 bateaux et 12 pirates) en 2008.

REVENUS
Investissement par le financier
                Skiff et moteur hors-bord   14 000$
               Armes et munitions             2 000$
               Grappins et échelles            1 200$
               Aide à la navigation, GPS   4 000$
Paiements de rançons                   600 000$
                                                           Total revenus 621 200$
DEPENSES
Coûts opérationnels
              Nourriture, fournitures...       72 800$
              Maintenance des équipements 31 200$
              Soins aux victimes                15 750 $
              Pots de vin                            180 000$
                                                      Total des dépenses 299 750$

BENEFICES
Total des bénéfices (brut)                                 321 450$
Total des bénéfices (sans les investissements) 300 250$
Part du financier                                              120 250$
Parts des pirates                                               180 000$
Part par pirate                                                    15 000$

Sources : Calculs réalisés par Raymond Gilpin, sur la base de témoignages de pirates capturés, pour trois détournements réussis, sur neuf tentatives dans l’année, et deux paiements de rançons.
Les frais de nourriture et de fournitures sont calculés pour 208 jours de travail sur l’année.
La rançon serait, en général, divisée ainsi : 20% pour le(s) financier(s), 20% pour les coûts d’opération, 30% en pots de vin, 30% pour les pirates.

mardi 20 septembre 2011

2 ans de billets sur l'Afrique

Good Morning Afrika fête sa deuxième année d'existence et vous remercie de votre fidélité !

dimanche 18 septembre 2011

Somalie : Gate of hope

Une belle vidéo, résumant le drame somalien à travers l'aide médical apportée par l'AMISOM.



jeudi 15 septembre 2011

Enfin la chute des Shabaab en Somalie ?

Quand les médias occidentaux, sensibilisaient encore l’opinion publique, au drame humanitaire qui touche une partie de la Corne de l’Afrique, un autre sujet fut également médiatisé (très relativement il est vrai) : le retrait des Shabaab de Muqdisho. Cet évènement inaugure-t-il un tournant stratégique dans la lutte contre le jihadisme en Somalie ?

Le 6 août 2011, le président somalien annonçait le retrait des Shabaab de Muqdisho. Pour le porte-parole du mouvement radical, Sheikh Ali Mohamud Rage, ce retrait est tactique et temporaire, les radicaux conserveront leurs positions dans le reste du Sud de la Somalie (le Somaliland étant indépendantiste et le Puntland autonomiste). Néanmoins les difficultés du mouvement sont-elles temporaires ? Peuvent-elles expliquer ce retrait ? Plusieurs facteurs interviennent :

1) L’offensive des forces de l'Union africaine (Amisom) et des troupes gouvernementales, contre les Shabaab menée depuis plusieurs semaines sur le marché stratégique de Bakara, bastion des insurgés, et dans le nord-est de la capitale, a mis à mal les efforts des Shabaab. Acculé, le mouvement extrémiste aurait perdu une centaine d’hommes. Par ailleurs, il souffrait de difficultés d’approvisionnement en munitions et de difficultés financières, entre autres parce que les transferts de fonds venus des Etats-Unis se tarissent.
2) Il existait de nombreuses divisions internes. Ces divisions furent exacerbées par la gestion de la sécheresse et l’accès aux zones, sous leur contrôle, aux humanitaires. La manne financière liée à la mobilisation internationale est aussi devenu un véritable enjeu. A titre illustratif, les extrémistes réclamaient 10 000$ de taxes pour l’accès à une zone qu’ils contrôlaient, auxquels il s’agit d’ajouter 10 000$ de frais d’enregistrement, plus 6 000$ tous les 6 mois et 20% de taxes sur les marchandises importées sur leurs zones (y compris la nourriture). Même les populations sont taxées et certains chefs guerre se taillent de véritables principautés. Cet été, les Shabaab ont réclamé 30$ par hectare de terres irriguées aux agriculteurs vivant le long du Juba dans la région du Lower Juba (en rouge sur la carte). (ICI, ICI, et ICI)
3) Des divisions aussi, quant aux objectifs du mouvement. Lorsque les Shabaab ont traité le président du Gouvernement Fédéral de Transition (GFT) de traitre et d’apostat, Ben Laden s’en ait fait l’écho, comparant Cheikh Sharif Cheikh Ahmed au président Afghan, Hamid Karzai, et appelant au “jihad” contre son régime. Puis, le mouvement a prêté allégeance à al-Qāʿida (septembre 2009), mais les liens semblent plus symboliques qu’effectifs. Cette déclaration s’inscrit dans une volonté des fondamentalistes somaliens de s’aligner sur l’agenda global de la nébuleuse terroriste et d’être reconnus comme l’une de ses « filiales », tout en restant indépendants. Elle implique l’arrivée de combattants extérieurs et l’apparition d’un discours jihadiste menaçant les pays voisins. L’État islamique voulu en Somalie par certains groupes militants dépasse les frontières actuelles de l’État et englobe des régions peuplées de Somalis, en Éthiopie et au Kenya notamment (Grande Somalie), d’autres souhaitent lutter comme le GFT perçu comme illégitime. Des divisions claniques apparaissent aussi, paradoxalement il reste à espérer que ces divisions claniques, qui font aussi obstacle à l’émergence d’un pouvoir central en Somalie, et que dénonce officiellement le discours trans-clanique des intégristes, seront aussi celles susceptibles de les faire tomber.


4) Les difficultés rencontrées ces derniers mois furent également exacerbées par des défaillances au sein de l’appareil de commandement. Ainsi, la mort en juin de Fazul Abdullah Mohamed, le cerveau des attentats du Kenya et de Tanzanie en 1998, les blessures de Bilal al Berjawi, le cerveau des attentats de Kampala en juillet 2010, celles de l’émir Ibrahim Afghani, la mort de cinq commandant fin juillet, ont affaibli le mouvement. Des changements ont rapidement eu lieu dans le leadership, ainsi Ibrahim Haji Jama Mee'aad , un Somalo-américain, est devenu le chef des Shabaab, à la place d’Ahmed Godane. Ce dernier serait devenu responsable des affaires étrangères et des relations avec al-Qāʿida à la place de Fazul Abdullah Mohammed.

Ainsi, la guerre se poursuit (ICI et ICI) et les Shabaab cherchent déjà de nouveaux soutiens à l’extérieur et misent sur la diaspora. Ils gardent toujours le contrôle d’une large partie de la Somalie du Sud où sévit la famine. Par ailleurs, les armes continuent d’arriver par le Yémen. Si l’AMISOM et les troupes somaliennes ont repris le contrôle des zones délaissées par les Shabaab à Muqdisho, des craintes apparaissent quant à une possible résurgence des chefs de guerre sur ces zones (ICI). Ces chefs auraient d’ailleurs toujours à leur disposition des milices. Celles-ci furent même utilisées dans la bataille de Mogadiscio ces dernières semaines.
Enfin, et surtout, les ingérences étrangères se poursuivent.



Et tant que le conflit qui oppose l’Ethiopie à l’Erythrée ne sera pas réglé, toute résolution de la crise somalienne sera compromise. En effet, ce conflit persistant est au cœur de la déstabilisation de la Corne de l’Afrique. Après la guerre de 1998-2000, un accord de paix est signé le 18 juin 2000suite à la médiation de la présidence algérienne de l'Organisation de l’Union Africaine. Elle prévoit la mise en place d'une commission frontalière chargée de délimiter et démarquer la frontière. Les deux parties acceptent, par avance, la décision de la commission comme définitive et contraignante et le 13 avril 2002, la commission arbitrale attribue Badme à l’Erythrée.Dès lors l’Éthiopie, qui a militairement gagné la guerre, refuse la décision et laisse ses troupes dans cette région, qu’elle occupe depuis le XIXème siècle. Depuis, le processus de paix est en panne et l’Erythrée reproche à la communauté internationale de n’avoir rien fait à l’encontre de l’Éthiopie pour la forcer à appliquer la décision de la cour d’arbitrage. Ce positionnement a entrainé au fil des ans la radicalisation du régime érythréen. Il sert aussi l’Ethiopie qui en période de crise interne utilise la rhétorique nationaliste pour renforcer sa légitimité interne.
Il est fondamental d’analyser ce conflit pour comprendre la politique étrangère des acteurs étatiques régionaux. Les protagonistes de ce conflit ont, par la suite, interféré dans le conflit somalien. Et ils contribuent toujours à l’attiser.


mardi 13 septembre 2011

VIIe Congrès international des Victimes du terrorisme

L'Association Nationale des Auditeurs Jeunes de l'IHEDN, partenaire de l'Association française des Victimes du Terrorisme, organise le "VIIe Congrès international des Victimes du terrorisme", du jeudi 15 au samedi 17 septembre 2011, à l"École militaire (Amphithéâtre Foch).


Programme :
Jeudi 15 septembre 2011

14h00 Cérémonie d’ouverture
15h00 Parole de victimes
17h00 Avis d’experts : L’efficacité de la collaboration entre les États dans la
lutte contre les organisations terroristes. L’exemple franco-espagnol

Hôtel de Ville de Paris, Place de l’Hôtel de Ville, 75004 Paris
20h00 Cocktail dînatoire

Vendredi 16 septembre 2011

09h30 Table ronde : Le cas particulier de la prise d’otages
11h30 Table ronde : Impact d’un attentat terroriste sur l’environnement
familial des victimes
15h00 Avis d’experts : Évolution de la menace terroriste.
Recrutement de la jeunesse par les organisations terroristes
16h30 Table ronde : Victimes du terrorisme et société :
rôles des États, des employeurs et de la société civile

Théâtre du Châtelet, Place du Châtelet, 75001 Paris
20h00 Genèse de la Fédération Internationale des Victimes du Terrorisme
20h30 Concert de musique classique

Samedi 17 septembre 2011
09h00 Présentation du projet «I AM YOU »
09h30 Parole de victimes
11h30 Projection du documentaire «Killing in the name »

Mur pour la Paix, Champ de Mars, 75007 Paris
13h00 Cérémonie publique solennelle


Inscription obligatoire à l'adresse : contact@afvt.org
(Nom, Prénom, Pays, Mail et Numéro de téléphone)

Plus d'informations sur www.afvt.org


dimanche 11 septembre 2011

Un comité Afrique à l'ANAJ-IHEDN

L'ANAJ-IHEDN vient de créer un comité Afrique !

La réunion de lancement de ce nouveau comité aura lieu le 29 septembre à 18H30 (salle de comité 1 à l'Ecole militaire) pour échanger sur les initiatives à porter au sein de ce comité. Si vous souhaitez rejoindre cette nouvelle aventure ou si vous connaissez des personnes intéressées mais non membre de l'association, un système de parrainage est possible pour rejoindre l'ANAJ, donc n'attendez plus !

POURQUOI LE COMITE AFRIQUE ?

L’Afrique, longtemps considérée comme un continent en marge, est aujourd’hui animée par des dynamiques qui en font un espace plus que jamais intégré aux grandes questions stratégiques internationales.

Avec une croissance exceptionnelle depuis plusieurs années, certains parlent d’une « embellie historique », d’autres affirment que « les perspectives sont plus favorables que jamais ». Attirés par les perspectives économiques les puissances mondiales convoitent son potentiel encore largement inexploité, ses terres, ses richesses naturelles… L’Afrique est aussi devenue un terrain d’affrontement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.


REJOIGNEZ CE COMITE DES LA RENTREE

Conscients des multiples enjeux liés au développement et à la stabilité de ce continent aux portes de l’Europe le comité vous propose d’engager une réflexion sur l’ensemble de ces questions au sein du comité Afrique.

Le 29 septembre le comité discutera d’un projet de conférences à la rentrée sur le terrorisme en Afrique et de l’organisation des conférences/débats avec des personnalités qui font l’Afrique d’aujourd’hui et de demain. Pour participer à cette réunion, inscription obligatoire (jusqu'au 26 septembre pour l'accès au site de l'Ecole militaire) à : afrique@anaj-ihedn.org

vendredi 9 septembre 2011

Piraterie : un impact économique limité ?

Voici quelques extraits de la présentation faite au colloque Guerre et économie organisé par le Club participation et progrès et l'Alliance GéoStratégique le 1er juillet 2011 à l'Ecole militaire. Cette présentation s'intitulait "la piraterie un business porteur ?". Les actes de colloque sont en préparation.



Pour mesurer le coût de la piraterie, doivent être pris en compte :
-le paiement des rançons qui s’élèverait à 240 millions de dollars cumulés depuis 2009 ;
-le surplus occasionné par le détournement d’une minorité de navires vers le cap de Bonne Espérance. Une minorité de navire ont fait ce choix car le passage par le détroit de Bab El Mandeb permet un gain de temps de 14 jours et une économie de carburant entre 800 000 et 2,7 millions de dollars selon le navire. Par ailleurs, il semblerait que seul un navire sur 400 soit détourné mais ce chiffre est soumis à caution puisqu’il ne prend pas en compte les actes de piraterie locaux;
-l’augmentation du prix des marchandises. Après l’attaque contre le Sirius Star le prix du pétrole aurait augmenté de 1,4% ;
-le coût pour les pays voisins : le gouvernement seychellois estime la perte à 12 millions d’euros par an, les prises de thon auraient diminué de 20%, la production de conserverie de 11%, les activités du port de 40%, les revenus du tourisme de 10% et le gouvernement doit allouer 2,3millions d’euros par an (4,3% du PIB) à la lutte contre la piraterie . Les lignes ravitaillant la Tanzanie et le Kenya sont directement touchées, les navires doivent effectuer un détournement de ces lignes qui entraine un surcoût estimé à 5 millions de dollars par an ;
-pour les pêcheurs locaux à qui les pirates ponctionnent des vivres et du carburant. En se prenant au commerce local et régional ils risquent de déstabiliser des économies déjà fragiles ;
-le coût humain : 500- 700 otages actuellement, 4000 personnes ont été maintenues par les pirates ;
-le coût humain pour les Somaliens. Atalante est aussi une mission de protection des navires affrétés par le PAM (Programme alimentaire mondial) et par l’AMISOM.
Une économie de la lutte contre la piraterie s’est développée : les assurances, la construction navale, les sociétés militaires privées et les fabricants d’armes non-létales…

Figure : Coût total de la piraterie (par an)
Rançons                              176 millions $
Primes d'assurance             Entre 460 millions $ et 3,2 milliards $
Routage des navires           2,4 à 3 milliards $
Équipements de sécurité    363 millions $ à 2,5 milliards $
Forces navales                    2 milliards $
Poursuites judiciaires         31 millions $
Opérations dissuasives       19,5 millions $
Coût pour l'économie régionale 1,25 milliards $
dont l'Egypte                      642 millions $
dont le Kenya                     414 millions $
dont les Seychelles             6 millions $
TOTAL                              7 à 12 milliards $ par an

Source : Anna Bowden, The Economic costs of maritime piracy

Bien que la piraterie ait fortement augmentée dans cette zone elle reste peu couteuse par rapport au chiffre d’affaire de l’industrie du transport maritime et le coût de l’opération militaire de lutte contre ce phénomène excède de loin le total des rançons versées aux pirates . Ainsi, d'après K. Menkhaus, « le volume total du contingent suédois constitué de 152 personnes, deux corvettes et un navire de soutien stationné pendant quatre mois en 2009 est supposé avoir couté 285 millions de couronnes suédoises (soit 36.5 millions de dollars) (…) soit l’équivalent de l’ensemble des rançons versées en 2008 entre 20 et 40 millions de dollars US »
Le total du montant des rançons s’élèverait à 240 millions de dollars depuis 2009, mais la lutte contre la piraterie, donc le surcoût par la communauté internationale (avec les navires de défense), serait estimé entre 10 et 16 milliards de dollars. La piraterie représenterait 1/1000 du coût total du transport maritime.
Globalement l’impact économique de la piraterie est donc limité même si elle reste une menace stratégique, humaine et politique intolérable.


Lire :
- Anna Bowden (dir.), « The Economic Cost of Maritime Piracy », décembre 2010, 26p, ICI
- Michèle Battesti, « Entretien avec S. E. M. Claude Morel, ambassadeur de la République des Seychelles en France », Lettre de l’Irsem n°4 -2011, ICI
- Gascon Alain, « La piraterie dans le golfe d'Aden : les puissances désarmées?», in Hérodote, 2009/3 n° 134, p. 107-124.
- « Rapport d’information déposé en application de l’article 145 du règlement par la commission de la défense nationale et des forces armées sur la piraterie maritime et présenté par m. Christian Ménard », Assemblée Nationale, n°1670, 13 mai 2009
-K. Menkhaus, « Dangerous Waters », in Survival, vol.51, n°1, 2009, p.23-24
-Jean-Marc Le Quilliec, « Reprendre l’initiative dans la lutte contre la piraterie au large de la Somalie », in Revue Défense Nationale, Tribune n°71 ICI
- Anne Gallais Bouchet, François Guiziou, « Piraterie : Perturbation de l'économie maritime? », Note de Synthèse N°128, ISEMAR, octobre 2010, p.1 ICI

samedi 27 août 2011

La politique africaine de la Libye (2/2)

II.Des actions d’une grande diversité sans réelle cohérence


Marginalisé dans le monde arabe, M. Kadhafi s’est tourné vers l’Afrique, se déclarant africain avant tout. C'est sa façon de jouer un rôle à l’échelle du continent et de tenter d'exister sur la scène internationale. Cette stratégie s’est déployée de manière chaotique, mais la pénétration de l’Islam en Afrique est aujourd’hui incontestable.


a) L’échec de l’action militaire directe

L’intégration par la conquête militaire a été sans aucun doute le premier objectif de Kadhafi. En témoigne la conquête et l’occupation temporaire du Tchad au début des années 1980 qui a tourné au fiasco militaire pour les forces armées libyennes. Cette incursion a obéi à une analyse stratégique, Kadhafi voulait se protéger d’éventuelles incursions soudanaises en agrandissant son territoire au Sud dans la bande d’Aozou (ICI). Cet échec n’a pas fait renoncer le Président libyen à sa volonté de domination militaire, pas plus que le raid punitif américain qui a tué son fils et détruit sa résidence, mais il l’a fait plus prudemment : il est arrivé accompagné de plus de 3 000 soldats en 1997 au Tchad où il n’est pas resté plus d’une semaine, il a installé en 1997 et 1998, des bases militaires en Centrafrique et à Gbadolite au Nord de la République Démocratique du Congo pour soutenir la rébellion, positions qu’il a abandonnées après une nouvelle défaite militaire cuisante près de Gbadolite. La Libye n’avait pas vraiment les moyens de ses ambitions et à perdu, avec la chute de l’URSS, le principal soutien de ses actions en Afrique.
Elle a tenté de repositionner sa politique étrangère en utilisant la médiation plutôt que l’intervention militaire pour poursuivre sa politique d’influence sur le continent. Ainsi on peut penser que la Libye est passé d’une stratégie de puissance , à une stratégie d’influence assimilée au Soft Power.

b) Un leadership politique qui peine à s’imposer

La politique internationale du Guide résulte d’une ambition personnelle et d’une volonté de domination sur l’Afrique. Le régime cherche, notamment dans le cadre de l’Union Africaine, à fédérer les États africains. D’ailleurs c’est en partie sous l’impulsion de la Libye que l’Organisation de l’Unité Africaine (1963), en perte de vitesse, a été remplacée en 2002 par l’Union Africaine. Aujourd’hui son projet d’Etats-Unis d’Afrique est soutenu par certains obligés de la Libye , mais refusé par de nombreux pays, menés par l’Afrique du Sud et le Nigeria.
Après avoir refusé en 2004 la présidence de l’Union Africaine « parce qu’il pensait qu’il devait aider l’Afrique à réaliser son unité continentale indépendamment de toute position officielle », le « Frère Guide de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste, Roi des rois africains » (tel qu’il a demandé à être appelé après son élection à Benghazi par les chefs traditionnels du continent les 28 et 29 août 2008) a accepté la présidence en 2009 et s’est réinvesti dans la gestion des conflits. Il a notamment défendu une position différente de celle du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine, en prônant la non-application de sanctions contre la junte putschiste du général Mohamed Ould Abdel Aziz.
Malgré tout, les deux vecteurs de l’interventionnisme sont plutôt d’ordre économique et idéologique.

c) Les pétrodollars : soutien au prosélytisme religieux

Le discours sur le panarabisme étant moins porteur Kadhafi a réactivé la composante religieuse de sa rhétorique. Il paraît vouloir étendre son influence sur les États les plus fragiles pour ensuite les dominer de manière plus progressive et lente. Ainsi l’influence libyenne se développe vers trois ensembles géographiques : d’abord vers les pays du Sud. 
Naturellement le Tchad, pays proche, puis la République Démocratique du Congo, via la Centrafrique et même des ramifications en Afrique du Sud. La Libye aimerait un plus grand rapprochement avec le Niger et le Tchad car elle y a une volonté de regroupement hégémonique, qu’elle a tenté d’accomplir par des moyens militaires, mais qui désormais passe par les moyens économiques. Elle finance aussi des projets au Cameroun, au Gabon et au Nigeria. Ensuite vers l’Afrique de l’Ouest : la Sierra Leone et le Liberia , via le Niger, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Afin de favoriser l’expansion musulmane elle essaie de créer une emprise islamique dans cet axe. La Mauritanie et le Sénégal restent assez méfiants face aux velléités d’expansion libyennes. Enfin, vers l’Afrique de l'Est (notamment en Somalie) malgré une concurrence avec l’Égypte et des réticences de certains pays comme le Soudan.
Il convient de rappeler que la situation économique libyenne est liée naturellement aux ressources, mais aussi aux choix politique du régime. Le pétrole est à la fois la richesse et l’arme de la Libye. La production se situe entre 1,3 à 1,7 million de barils/jour (11ème rang mondial) qu'elle ambitionne de porter à 3 millions b/j à l'horizon 2010. Les réserves estimées à environ 43 milliards de barils. Ce pétrole représente 95% des exportations et un tiers du PNB. Outre l’achat d’armes, la manne pétrolière autorise de grands travaux lancés au nom de la diversification de l’économie. Le pays possède des réserves de gaz de 1.500 milliards de m3 pour une production de 2.600 millions de pieds cubes par jour.
Le pays n’a que des échanges économiques limités en termes de volume et de finances avec l’Afrique. Ce mobile ne joue donc qu’un rôle secondaire, voir mineur, dans la politique d’influence libyenne. En outre, le développement économique du pays est freiné par l’étroitesse économique et le manque de main d’œuvre. L’appel à l’immigration est donc indispensable. On compterait près de 50% de main d’œuvre étrangère venant d’Afrique, du Maghreb et d’Asie. Cet afflux de main d’œuvre est un moyen de pression considérable sur les pays d’origine économiquement dépendants des devises de leurs immigrés et menaces de déstabilisation politique en cas de retour massif de ces populations. La Libye oscille entre répression et tolérance à l’égard de cette population. En effet, un rapport de l’ONG Human Rights Watch du 12 septembre 2006 intitulé « Endiguer la marée : exactions à l’encontre des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés » dénonce les traitements infligés aux ressortissants subsahariens par les autorités libyennes. Pour justifier la répression les Libyens reprochent aux étrangers d’être responsables de la progression de la criminalité et de la propagation de certaines maladies (notamment le Sida).
Kadhafi utilise donc ses moyens financiers pour aider à l’islamisation du continent notamment par le canal d’une organisation la Daawa Islamiyya (la Pastorale islamique) qui fait du prosélytisme religieux en distribuant des denrées alimentaires, des médicaments….dans les pays pauvres du Sahel mais aussi en construisant dans chaque capitale des mosquées et des instituts de formation d’imams locaux. Les méthodes sont d’une grande diversité : des dons ou prêts financiers aux régimes amis qui deviennent des obligés du Guide aux ONG soutenues par la Libye qui disposent de fonds très substantiels pour attribuer des aides réservées aux musulmans africains.


Kadhafi n’avait pas de politique panafricaine car il n’avait pas de stratégie pour le continent. Ses objectifs étaientassez flous et difficiles à cerner. Il n’avait pas renoncé à jouer un rôle primordial en Afrique, mais a dû abandonner son soutien officiel au terrorisme. Seul constante : son désir de vouloir nuire aux intérêts occidentaux.