mardi 31 décembre 2013

Agenda politique international 2014

Nous partageons avec vous ici les grands événements qui devraient marquer la vie politique internationale pour l’année 2014 (non exhaustif bien sûr).



Janvier 2014
-        La Grèce prend la présidence tournante de l'Union européenne et succède à la Lituanie.
-        La Russie prend la présidence tournante du G8.
-        La Lettonie adopte la monnaie unique européenne.
-        Mayotte entrera dans l'Union européenne en tant que neuvième région ultrapériphérique, mais restera hors de l'espace Schengen

Février
-        7 février : ouverture des XXIIe Jeux olympiques d'hiver à Sotchi en Russie (jusqu'au 23 février)

Mars
-        23-30 mars Elections municipales en France
-        RDC : élections "provinciales, urbaines, municipales et locales"
-        Turquie : élections locales (régionales, provinciales et communales)

Avril
-        Afrique du Sud : élections générales (présidentielles et législatives)
-        Algérie : présidentielles
-        Afghanistan : présidentielles
-        30 avril : législatives en Irak

Mai
-        25 mai Union européenne : élections parlementaires
-        31 mai Elections générales en Inde
-        25 mai Belgique : Élections législatives

Juin
-        Coupe du monde de la FIFA 2014 au Brésil
-        4-5 juin G8 à Sotchi
-        6 juin 70ème anniversaire du débarquement allié en Normandie

Juillet
-        L’Italie prend la présidence tournante de l’UE
-        Indonésie : présidentielles

Août
-        Centenaire du début de la première guerre mondiale (4 août)
-        Turquie Présidentielles

Septembre
-        4-5 septembre : Sommet de l’OTAN au Royaume-Uni sur la fin des opérations en Afghanistan  
-        18 septembre : Référendum sur l'indépendance de l'Écosse.
-        Elections sénatoriales en France

Octobre
-        États-Unis : élections sénatoriales et des représentants
-        Bolivie Présidentielles


Novembre
-        14 et 15 novembre / sommet du G20 à Brisbane, en Australie
-        XVe Sommet de la Francophonie à Dakar

Dates non fixées :
-        Syrie Présidentielles ( ?)
-        6ème sommets des BRICS au Brésil (mars-avril ?)
-       Nombreuses élections présidentielles en Amérique centrale et latine (Bolivie, Uruguay, Salvador, Colombie, Panama, Brésil)
-        Nigéria : élections générales
-        Centrafrique législatives (selon accord du 11 janvier 2013)





dimanche 29 décembre 2013

Recension : Al-Shabaab in Somalia (Stig Jarle Hansen)

Notre recension a bénéficié d'une première publication sur le blog War Studies Publications (merci à l'animateur).
Qu’on se le dise, Stig Jarle Hansen est le spécialiste du groupe Al-Shabaab, ce groupe de fondamentalistes affiliés à Al-Qaïda, qui a émergé en Somalie à partir de 2005-2006[1]. Les commentaires des plus prestigieux spécialistes de la Somalie en quatrième de couverture (Gérard Prunier, J. Peter Pham, Christopher Cook, Markus Hoehne) sont élogieux et augurent une lecture enrichissante.


Professeur de Relations internationales en Norvège, Hansen a vécu en Somalie au moment même où le groupe commençait à faire parler de lui. C’est même Godane, le futur leader du mouvement qui lui délivra son visa. Il le dit lui-même, sa première impression du groupe fût positive. En effet, les Shebabs n’étaient alors composés que de quelques dizaines de jeunes, intégrés à l’Union des Tribunaux Islamiques (UTI). Ce dernier administrait le sud du pays en 2006 et était parvenu à y restaurer un semblant d’ordre et de sécurité. Très vite, Hansen a compris que le groupe se distinguait du reste des mouvements de l’UTI, une autre facette se dessinait. Composé de jeunes dont le chef se faisait appeler « Gaal dille » (« tueur de Chrétiens » en somali) les Shebabs se faisaient les chantres du concept de choc des civilisations. Cette double facette - restauration de la sécurité et idéologie civilisationnelle - existe encore aujourd’hui.
Hansen nous explique l’évolution du groupe, son idéologie et les moyens militaires employés pour parvenir à ses fins. Il adopte un plan chronologique pour montrer les différentes phases de l’émergence du groupe dans un contexte national où la religion est devenue un refuge identitaire face au désordre général. Le groupe s’est formé au sein de l’Union des Tribunaux islamiques (2005-2006) et s’est renforcé dans le combat contre « l’envahisseur » éthiopien (2007-2008). Selon Hansen, son âge d’or serait la période 2009-2010 avec l’échec de la prise de contrôle du territoire national par le Gouvernement Fédéral de Transition (GFT). La période actuelle, à partir de 2010, serait une période de « troubles » pour le groupe (perte de territoire, interventions des acteurs régionaux et internationaux). 


Pour l’auteur, le groupe est certes, le fruit du contexte national d’insécurité, mais il est également le signe de l’exportation de l’idéologie d’Al Qaïda en Somalie. En cela, l’auteur reprend le concept de « glocalisation » développé par J.P. Daguzan en France. Il décrit brillamment la complexité du groupe, les différentes alliances, les réseaux en Europe, au Moyen-Orient et aux Etats-Unis, ainsi que les différentes interprétations de l’islam qui sont l’objet de nombreux débats internes.
Hansen montre le soutien de la population, notamment le milieu des affaires, qui croyait en l’une des facettes des Shebabs et acceptait tacitement l’autre. On le sent, l’auteur admire la capacité des Shebabs a mettre en place une forme de gouvernance fondée sur une idéologie et un système juridique et scolaire, alors qu’aucune autre organisation n’y était parvenue jusqu’alors. Al-Shabab a même développé un système fiscal qui aurait permis au groupe de s’autofinancer, sans soutien extérieur. Néanmoins, cette hypothèse est sujette à débat parmi les spécialistes. De plus, le groupe a, dans une certaine mesure, réussi à transcender les divisions claniques, sous-claniques et sous-sous-claniques bien qu’aujourd’hui les dissensions observées au sein du groupe sont elles-mêmes liées à ce problème clanique.

Hansen explique également comment l’utilisation des réseaux sociaux et des moyens de communications modernes ont permis aux Shebabs de se faire connaitre et de recruter à plus grande échelle. Cet élargissement de sa visibilité a aussi contribué à faire évoluer l’idéologie du mouvement. Dans le même temps, l’évolution du groupe a créée des divisions internes, entre les jeunes somaliens nationalistes, désœuvrés et hostiles à l’intervention éthiopienne d’un côté et, de l’autre, les nouvelles recrues issues de l’étranger ou de la diaspora, dont l’agenda est plus global et religieux. Il note également que les kamikazes shebabs sont rarement des Somaliens recrutés dans le pays mais des étrangers ou des membres de la diaspora radicalisés dans le monde occidental.
Hansen analyse parfaitement un autre point : les acteurs internationaux ont à plusieurs reprises fait l’erreur d’oublier la capacité de résilience du groupe. La fin du groupe a été annoncée à plusieurs reprises depuis 2008, mais il a toujours su se réinventer et sa capacité de nuisance est restée intacte, comme l’a prouvé l’attentat du Westgate Mall de Nairobi en septembre 2013. L’auteur semble véritablement impressionné par cette habileté à se réinventer. Pour Hansen, Al-Shabaab est le seul groupe affilié à Al Qaïda à avoir administré un large territoire (de la taille du Danemark avec 5 millions d’habitants), il a exporté des combattants dans le reste du continent africain (Nigeria, Sahel, Kenya et Ouganda) et ils auraient, ainsi, contribué à un « African momentum for jihad ».


Le nombre de détails[2], de noms et de dates risquent de déstabiliser les néophytes, d’autant qu’il n’existe pas dans l’ouvrage de véritable rappel sur la division clanique de la société alors même que l’auteur s’y réfère dès qu’il cite un acteur. On pourrait aussi reprocher à l’auteur d’avoir survolé les éléments de méthodologie sur la collecte des données et les sources utilisées. Toutefois, un index des noms propres situé à la fin permet de trouver rapidement les références, les notes de fin et la bibliographie sont riches et invitent à poursuivre la lecture d’autres ouvrages sur la question. L’introduction est brillante et apporte des clarifications très utiles sur les débats qui agitent le monde académiques anglophones sur la Somalie et les différentes organisations politiques qui y ont émergé depuis 1991. Cet ouvrage est une mine d’or pour les spécialistes et sa lecture leur est essentielle. Il présente, explique et décortique l’évolution de l’idéologie et de la tactique de « l'une des organisations politiques somaliennes les plus efficaces de ces vingt dernières années ».
Se procurer l'ouvrage : ICI



[1] Selon Hansen mais la période fait débat parmi les spécialistes.
[2] On note par exemple la liste exacte des taxes appliquées à Kismayo en 2010, ou encore le montant attribué au soldat qui tuerait un ennemi (30 $) alors qu’à la même période la police et l’armée n’étaient pas payé.

vendredi 13 décembre 2013

Recension : La guerre au Mali

Nous publions ici, avec l'aimable autorisation de son auteur, Yves Gounin, une note de lecture parue initialement dans la revue Politique étrangère (4/2013, p.202).



Yves Gounin : "Il faut reconnaître à Michel Galy le mérite d’avoir réuni autour de lui les meilleurs spécialistes du Mali pour commenter, à vif, l’opération Serval lancée par la France le 11 janvier 2013 et la replacer dans le temps long historique.
Comme l’expose très clairement la préface de Bertrand Badie, la crise au Mali est un cas d’école de conflit multi-dimensionnel. 
Au premier chef le niveau national : la crise d’un État failli, rongé par la corruption, souterrainement travaillé par l’islamisme, où l’armée qui a pris le pouvoir le 22 mars 2012 s’est posée en ultime recours (Jean-Luis Sagot Duvauroux, Eros Sana), la marginalisation des populations touarègues, tenues à l’écart de la construction nationale malienne (Hélène Claudot-Hawad). 
Les enjeux régionaux ensuite (Grégory Giraud) : les frontières des Etats issus de la décolonisation tracés en contradiction avec la culture nomade des Touarègues, des « printemps arabes » qui ont largement débordés de leurs frontières, le retour de Touarègues surarmés de la Libye où ils servaient de garde rapprochée à Kadhafi, la criminalisation des groupes indépendantistes et fondamentalistes, l’ombre portée de l’Algérie (François Gèze) ... 
La dimension mondiale enfin : les relations entre la France et l’Afrique, l’intervention militaire internationale, sa légitimité politique, sa faisabilité militaire, ses objectifs politiques …


On pourra toutefois reprocher aux contributeurs de La Découverte leur parti-pris. L’intervention française au Mali est à leurs yeux lestée de deux pêchés irrémissibles. Trahissant la promesse de rompre avec la Françafrique, François Hollande y conduirait « un processus de recolonisation qui n’ose pas dire son nom » fondé sur « une sorte de « doctrine Monroe » à la française » (p. 18). Pire encore : il marcherait pour ce faire sur les traces de George W. Bush et de sa politique néo-conservatrice. La charge est rude, qui n’hésite pas à comparer les reniements du pouvoir socialiste sur l’Afrique, de Mitterrand à Hollande, au « mollétisme de triste mémoire » (p. 87).
La charge est excessive. N’en déplaise aux adeptes de la théorie du complot et aux contempteurs de la désinformation dont les médias se feraient les complices, la France ne poursuit pas au Mali une politique néo-colonialiste. Avant comme après l’élection de François Hollande – et sur ce point les auteurs ont raison de souligner la continuité de la politique française – la France s’est inquiétée du délitement de l’Etat malien et de l’influence grandissante de mouvements terroristes aux objectifs flous. Son intervention militaire n’en fait pas le supplétif des Etats-Unis dont les intérêts et surtout la connaissance de la zone sont nettement moindres que ceux de la France. Son intervention n’en fait pas non plus une puissance néocolonialiste. Car elle n’est pas guidée par un quelconque projet de « mise sous tutelle du Mali » (p. 87). Autant la France joue au Mali un rôle essentiel, qui justifie que ce soit vers elle et non vers les Etats-Unis – ou vers la Chine étonnamment discrète sur ce théâtre – qu’il se tourne, autant le Mali ne compte pour rien dans la politique internationale de la France ou dans son économie (il n’est que son 84ème client et son 160ème fournisseur de la France).
Sans doute la sortie de crise sera-t-elle longue et périlleuse. Mais le pire n’est jamais certain. Et la bonne tenue des élections présidentielles de juillet 2008 laissent augurer une issue positive."

L'ouvrage : ICI

samedi 7 décembre 2013

Café Guerre et environnement

Pour son trentième café stratégique, l'alliance géostratégique vous invite à venir partager une soirée avec Jean Michel Valantin le jeudi 12 décembre et discuter avec lui autour de la thématique Guerre et environnement.



Le café se déroulera comme d'habitude au café Concorde. Par courtoisie pour nos hôtes, qui accueillent gratuitement ces cafés, merci de consommer au moins une boisson !

vendredi 6 décembre 2013

Al Qaïda et le Jihad aujourd’hui

Plus de dix après le début de « la guerre contre le terrorisme », la menace incarnée par Al Qaïda a considérablement évolué. Point de situation par Yves Trottignon ancien analyste contre-terrorisme à la DGSE, analyste senior au sein de Risk&Co, publié par le Centre de Doctrine d'Emploi des Forces.





Ce qu'il faut retenir de la note : 
1- La lutte contre le coeur d’Al Qaïda n’a pas eu d’effet durable sur l’intensité de la menace terroriste.
2- Si l’organisation centrale est affaiblie, elle reste une force de proposition relayée par des mouvements régionaux.
3- L’idéologie jihadiste parasite les revendications locales et les détourne à son profit.
4- Les groupes jihadistes agissent sans coordination étroite mais selon des logiques politiques et opérationnelles voisines contre des cibles communes.
5- La menace est portée par des groupes structurés comme par des individus isolés agissant au nom de la cause.

La note est à téléchargée ICI

Érythrée. Pourquoi Asmara est-il un cas d'école dans la Corne de l'Afrique ?

L'auteur de ce blog a eu l'honneur d'être invité par Thierry Garcin dans les Enjeux internationaux pour évoquer le cas de l'Erythrée.



Présentation de l'émission : 
"Vingt ans d’indépendance, mais aussi vingt ans d’enfermement et de perturbation systématique.
L’Érythrée, dès son indépendance, a réussi à se mettre à dos tous ses voisins, avec une violence imperturbable.  
Avec la grande Éthiopie, pour un litige frontalier complexe. Avec le grand Yémen (îles Hanish). Avec le petit Djibouti. Avec le grand Soudan (quand celui-ci n’était pas divisé en deux). De surcroît, il s’est impliqué d’une façon picrocholine et délétère dans la permanente guerre civile somalienne.
Symptôme, il s’illustre aujourd’hui par l’apport de réfugiés désespérés  en Méditerranée (Lampedusa).
C’est à la fois un royaume ermite et un État perturbateur.
Bref, quelle est sa logique, par-delà l’étrange personnalité de son dirigeant et la nature si décriée de son régime ?"

Vous pouvez écouter l’émission ICI


dimanche 20 octobre 2013

Good Morning Afrika dans les médias

A la suite de l'attaque du Westgate Mall à Nairobi, nous avons eu l'occasion d'intervenir à plusieurs reprises dans les médias, nous vous proposons ici les liens vers ces interviews :



- "Affaiblis en Somalie les Shebab ont porté la terreur au Kenya, " dans Libération le 24 septembre 2013 : ici

- "Actualité internationale - Attentat de Nairobi : du conflit régional au jihad global", CulturesMonde (France Culture), le 27 septembre 2013, ici

- "Y a-t-il un projet panislamiste radical en Afrique?", Du grain à moudre (France Culture), le 15 octobre 2013, ici

-"Les Shebabs sont affaiblis, mais pas faibles. Malgré des dissensions internes, l'organisation terroriste garde une forte capacité de nuisance", Slate Afrique, le 16 octobre 2013, ici

jeudi 17 octobre 2013

L’UNESCO ou la victoire de la Realpolitik

Le 4 octobre dernier, la directrice générale sortante de l’UNESCO, Irina Bokiva, était réélue pour quatre ans à son poste, au premier tour de scrutin par 39 voix sur 58. Ils étaient trois en lice pour prendre la tête de l’Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture: la directrice sortante, la Bulgare Irina Bokova, le Franco-Libanais Joseph Maïla et le Djiboutien Rachad Farah. La défaite est rude pour ce dernier, qui jouait la course à la victoire jusqu’au dernier jour.


L’ambassadeur, représentant du Sud, avait réussi l’exploit de recueillir les promesses de votes des 14 représentants africains, de l’Union Africaine, de l’IGAD et de l’OCI, soit 25 voix au total, qui, si elles avaient été tenues, lui auraient au moins permis d’accéder au second tour. Auditionné le mercredi 2 octobre par le conseil exécutif de l'institution les échos sont bons, l’ambassadeur a réussi son grand oral. Comment expliquer cette défaite ? Les promesses de vote ne se sont pas avérées suffisantes puisque Rachad Farah n’a finalement recueilli que 13 voix, et le candidat du Liban, Joseph Maila, en a recueilli 6. Rachad Farah a confié à Jeune Afrique qu’« une fois de plus la solidarité multilatérale n’a pas fonctionné. Elle n’est qu’une déclaration d’intention sans conséquence concrète ».

Les défections sont à compter parmi les membres de l’OCI en particulier l’Arabie Saoudite, Bangladesh, Pakistan et l’Egypte. L’Algérie, quant à elle, lui a donné sa voix. Les appels de l’Ethiopie et les consignes de vote de l’UA en faveur du candidat djiboutien ne sont pas avérés suffisants. Le Congo Brazaville, le Gabon, le Mali, le Burkina Faso et la Tunisie n’ont su s’autonomiser et se sont alignés sur le vote de la France en faveur de la candidate sortante. Selon la Lettre de l’Océan Indien, celle-ci aurait bénéficié du lobbying de Jean-Paul Carteron « fondateur et président du Crans Montana Forum, ambassadeur des Iles Salomon auprès de l’UNESCO et consul honoraire de Bulgarie à Monaco ».
NB : La victoire est revenue au candidat ayant obtenu 30 voix sur un total de 58 pour une réélection au premier tour par le Conseil exécutif de l'Organisation. Ce dernier est composé de 58 membres. Les votes se font à bulletins secrets. Composition du  Conseil Exécutif : ICI

Le programme de Rachad Farah : ICI

Les oppositions : ICI

lundi 14 octobre 2013

Le groupe al-Shabaab et l’attaque de Nairobi (2/2)

Nous vous proposons ici la suite d'une note publié pour le CDEF dont la première partie est parue hier.

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 La prévisible attaque du Westgate Mall

Le Kenya, une cible idéale

Les incursions répétées des Shebabs et de diverses milices armées en territoire kenyan, la découverte de réserves d’hydrocarbures dans le Nord et donc la nécessité de sécuriser cette zone, ainsi que les enlèvements de touristes britanniques, français et espagnols sont autant de motifs d’intervention qui précipitent l’opération kenyane Linda N’chi le 14 octobre 2011 . Cette intervention laisse craindre un enlisement des troupes kenyanes qui sont, quelques mois plus tard, intégrées à l’AMISOM dont le concept stratégique est révisé. En effet, cette mission se limite alors au contrôle de quelques quartiers de la capitale somalienne. De plus, elle a beau être une mission multinationale elle était essentiellement composée de troupes ougandaises et sous commandement ougandais. Il s’agit également de renforcer les moyens de la mission.


Les Shebabs promettent alors des représailles qui ne tardent pas à suivre . Le 24 octobre 2011, deux attaques à la grenade font trois morts et 25 blessés à Nairobi. Les Etats-Unis avertissement également de l’imminence d’attaques contre des lieux fréquentés par les étrangers (centre commerciaux, boîtes de nuits, etc). Les attaques, attribuées à des militants Shebabs en territoires kenyans se multiplient en novembre 2011 et en 2012 (on pense notamment à l’attaque contre les églises de Garissa en juillet). Le 7 janvier 2012 les Shebabs diffusent une vidéo déclarant que le Kenya est une « House of war ». Le Kenya est une cible d’autant plus facile pour les Shebabs qu’ils auraient établi une présence permanente au Kenya dès juillet 2011, en particulier au sein de la large diaspora somalienne et la population somalie résidant le quartier de Eastleigh à Nairobi et le camp de réfugiés de Dadaab dans le Nord. Des réseaux semblent aussi établis avec les non somalis à Eldoret et sur la côte .
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Par ailleurs, rappelons qu’au début des années 1990, Al-Qaïda n’était pas parvenu à s’implanter en Somalie. D’une part, parce que la population se méfiait de ces étrangers qui prônaient un islam peu populaire en Somalie. Ce sentiment était exacerbé par la xénophobie des milices armées locales. D’autre part, Al-Qaïda ne semble alors pas avoir mesuré l’importance de l’islam traditionnel, spécifique à la Somalie , et les représentants de la nébuleuse ne surent pas s’adapter aux renversements fréquents d’alliances entre clans et sous-clans et durent faire face à des difficultés logistiques considérables, au manque de sécurité, etc. En revanche, la nébuleuse aurait réussi à établir des réseaux au Kenya où le comorien Mohamed Fazul Abdallah la représentait. Ces réseaux planifient les attaques contre les ambassades américaines de Nairobi et de Dar-Es-Salam en 1998, ainsi que les attaques de Mombassa en 2002. L’essor des Shebabs redonne une seconde vie à ces réseaux.

Une attaque à l’envergure surprenante

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Le 21 septembre 2013, armé d’armes légères, de fusils d’assaut et de grenades, un commando d’une dizaine d’individus, d’ethnie somalie et de différentes nationalités, a pénétré dans le centre commercial de Nairobi, le Westgate Mall. Revendiquée par le porte-parole des Shebabs, cette attaque est commentée en direct par les militants du groupe sur twitter, via différents comptes, au fur et mesure de leur suspension par l’administration du réseau social.
Cette attaque rappelle fortement celle de Bombay en novembre 2008. Elle est remarquable par son envergure. C’est la première fois que les Shebabs effectuent une prise d’otages de cette ampleur, avec l’impact psychologique que cela implique au niveau national et international. Une opération de communication menée avec succès donc. Le choix de cette cible, un centre très fréquenté le samedi par les kenyans de diverses communautés et les expatriés, révèle une grande préparation, la volonté d’avoir un impact médiatique internationale et le désir d’instaurer un climat de peur. Les Shebabs voyant leur ambition de prendre le pouvoir en Somalie s’éloigner, leur stratégie semble être de déstabiliser les régimes ennemis dans une sorte de stratégie d’exportation de la guerre au-delà des frontières somaliennes. Enfin, l’attaque révèle « un véritable saut qualitatif et le passage à une autre dimension opérationnelle ».
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Les conséquences de l’attaque pour le Kenya

L’attaque du Westgate Mall risque d’avoir des répercussions plus graves que les attentats de 1998 sur le Kenya. En premier lieu, l’image du pays se trouve dégradée et les recettes touristiques, dont dépend fortement l’économie nationale, pourraient s’en trouver diminuées. Politiquement cette attaque pourrait renforcer la légitimité du mandat du Président Kenyatta alors même qu’il était, avec son vice-Président, inculpé de crimes contre l’humanité par la Cour Pénale Internationale, suite aux émeutes ayant suivi les élections de 2007. Néanmoins, la cohésion nationale et l’unité du pays face à cette attaque risque d’être limitées dans le temps. Les communautés somalies, considérés avec une certaine suspicion par les autorités de Nairobi en raison des revendications sécessionnistes de la post-indépendance et de la porosité actuelle de la frontière avec la Somalie qui permet tous

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les traffics, ainsi que les communautés musulmanes, déjà marginalisées et occupant des territoires pauvres, pourraient porter le prix de la responsabilité aux yeux des autres Kenyans, au risque de pousser les plus jeunes membres de ces communautés à rejoindre les groupes jihadistes ou sécessionnistes (le Monbassa Republican Council par exemple). En effet, La pauvreté et le sentiment de marginalisation sont les meilleurs agents recruteurs et le défi est grand pour le régime kenyan qui avait déjà la responsabilité de tourner la page des divisions internes, de réformer l’Etat suite à la nouvelle Constitution adoptée en 2010.

dimanche 13 octobre 2013

Le groupe al-Shabaab et l’attaque de Nairobi (1/2)

Nous nous proposons de reproduire ici, la première partie d'une note réalisée pour le Centre de Doctrine et d'Emploi des Forces (CDEF).

Le 21 septembre 2013, le groupe Harakat al-Shabab al-Mujahideen revendiquait une fusillade dans le Westgate Mall, un centre commercial de Nairobi. La prise d’otages qui suivit fût exceptionnellement longue et meurtrière avec 68 morts et près de 200 blessés. Alors qu’on pensait le groupe terroriste affaibli par des dissensions internes et par la perte de contrôle d’une partie du territoire de la Somalie du Sud, cette action, montre que sa capacité de nuisance reste intacte et marque une évolution dans la stratégie du groupe. Avant de revenir plus en détail sur l’attaque de Nairobi et ses répercussions (2), il convient de comprendre l’évolution du mouvement (1).


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Al-Shabaab, un mouvement jeune à l’internationalisation récente

Al-Shabaab signifie « jeune/jeunesse » en arabe. Ce groupe l’est pour deux raisons : son émergence récente et sa composition. En effet, l’utilisation du terme « Shebab » est, au départ, une appellation générique reflétant la jeunesse de ses membres. La déliquescence de l’Etat somalien, après la chute de Syaad Barre en 1991, et la succession de conflits qui suivirent, générèrent un contexte idéal à la « mooryanisation » et au recrutement de jeunes par des mouvements combattants comme les Shebabs. Un recrutement souvent plus opportuniste qu’idéologique.

De l’émergence d’un groupe local…

Les informations concernant la genèse du mouvement sont rares et discordantes mais on peut retenir que le groupe aurait été fondé en 2002/03 par d’anciens combattants jihadistes revenus d’Afghanistan. Entre 2004 et 2006, ce groupe, qui s’apparente alors à une milice, se rapproche de l’Union des Tribunaux Islamique (UTI). Après l’intervention éthiopienne, la défaite de l’UTI en décembre 2006 et le ralliement de Cheick Sharif Cheick Ahmed, un ancien chef de l’Union des Tribunaux Islamiques, au gouvernement fédéral de transition, les Shebabs deviennent un véritable groupe à l’idéologie et l’organisation propre, et le premier groupe insurrectionnel du pays. Son objectif est alors d’amener les troupes étrangères à se retirer de Somalie, de renverser le Gouvernement Fédéral de Transition (GFT), et d’imposer un régime islamiste régit par la Sharia. L’objectif du mouvement reste d’instaurer un Emirat islamique sur l’ensemble du territoire somalien, comme préalable à la réalisation de l’Umma. Les objectifs du mouvement ont évolué, jusqu’à projeter d’étendre son action au-delà du territoire national somalien dans une vision pansomalienne. Dès 2009, le groupe révélait clairement ses ambitions transnationales, bien qu’on puisse penser que dans le contexte de l’époque cela relevait plus de la propagande afin d’attirer des combattants et des financements étrangers.

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…au développement d’un mouvement combattant transnational

Les liens avec la nébuleuse globale Al-Qaïda sont de plus en plus forts. Dès 2006, le mouvement se rapproche d’Al-Qaïda . En réponse, Ben Laden relaie les accusations de trahison portées par les Shebabs à l’encontre du nouveau président somalien, Cheick Sharif Cheick Ahmed, qu’ils comparent au président afghan Hamid Karzaï et appellent au jihad contre son régime. Les Shebabs prêtent ensuite formellement allégeance à Al-Qaïda et Al-Zawahiri reconnaît le ralliement du groupe à la nébuleuse en février 2011.

Le 11 juillet 2010, le groupe montre qu’il a les capacités et l’ambition d’étendre son champ d’action à des cibles au-delà des frontières somaliennes. Il mène sa première grande opération en dehors de Somalie, des attentats-suicides pendant la retransmission de la coupe du monde de football à Kampala en 2010. L’Ouganda est visé en représailles à son engagement au sein de la mission de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM) et à la présence de milliers de soldats ougandais en Somalie. Le groupe est de plus en plus actif dans la région. Dès 2010, il mène également de nombreuses incursions dans le Nord du Kenya contre les forces kenyanes.
Suite à l’intervention kenyane de 2011 et au recul des Shebabs sur le terrain, l’idéologie globale a pris le pas sur une idéologie initialement nationale qui visait à défendre le pays contre la présence éthiopienne, assimilée, de façon caricaturale, à une invasion chrétienne, bien que les forces étrangères présentes en Somalie (Ethiopie, Kenya, Ouganda, Burundi, etc.), et leurs soutiens, restent des ennemis à combattre.

Un basculement vers la guérilla et le terrorisme conséquence d’un repli sur le terrain

Les premières cibles des Shebabs sont les représentants du Gouvernement Fédéral de Transition, les forces de sécurité somaliennes, les personnels de l’AMISOM et leurs alliés en Somalie. L’attaque de Kampala en 2010 marque donc un premier tournant dans la stratégie du groupe. De même, si les premiers raids en territoire kenyans sont limités, des attaques en 2010 et 2011 contre des postes de sécurité kenyans proches de la frontière, marquent une nouvelle étape.


En général, les Shebabs évitent de s’engager directement face à une armée conventionnelle. Après le départ des troupes éthiopiennes en 2009, les insurgés Shebabs sont parvenus rapidement à prendre le contrôle de villes de province sans beaucoup combattre. En effet, les forces gouvernementales et les milices locales étaient soient absentes, soient incapable de faire face à ce type d’insurrection. De fait les Shebabs rencontrèrent peu de résistance. Néanmoins, si des alliances locales leur permettent d’intervenir sur des zones étendues, le contrôle social n’y est pas direct. Le morcellement du territoire somalien ne doit pas être appréhendé comme une logique de blocs. Les membres d’Al-Shabaab sont présents sur tout le territoire mais ils n’en contrôlent que certaines parties. En réalité, le contrôle effectif du territoire par le groupe est assez faible.
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Lorsqu’ils ont commencé à reculer, et à perdre leurs fiefs notamment le port de Kismayo qui était un vecteur de ressources important, les Shebabs ont adopté des tactiques de la guérilla. Ce fut notamment le cas à Mogadiscio lors de leur retrait en août 2011. Le porte-parole des Shebabs le qualifiera de « retrait tactique » et le groupe est alors passé d’une guerre de position, afin de conserver le contrôle de la capitale, à de la guérilla urbaine. Une tactique privilégiée au fur et à mesure que les Shebabs perdent le contrôle de nombreuses villes majeures du Sud du pays.
Les influences extérieures se reflètent dans l’utilisation de moyens longtemps ignorée en Somalie comme les engins explosifs improvisés et surtout les attentats-suicides auxquels ils ont recourt dès 2006. Le groupe utilise de plus en plus les assassinats politiques. En juin 2011, il utilise pour la première fois une femme kamikaze afin de tuer le ministre de l’Intérieur du GFT. Certains rapports évoquent également le développement de capacités maritimes.