dimanche 8 septembre 2019

Dernières nouvelles du continent (3)


Corne de l’Afrique
Le Khat, cette plante « broutée » en Afrique de l’Est, est de plus en plus demandé. Emeline Wuilbercq y consacre un article dans Le Monde. Elle rappelle que « le volume de khat expédié hors des frontières a plus que doublé, passant de 22,4 millions à 48,8 millions de kilos. D’octobre à novembre 2018, la plante a même dépassé le café en tant que principal produit d’exportation en valeur. Elle a rapporté 107 millions de dollars (97,5 millions d’euros) en un mois, selon le ministère du commerce et de l’industrie, soit le double de celles du café". Terrence Lyons (qui vient de publier un ouvrage sur l’Ethiopie) écrit avec Hilary Matfess un article pour The Monkey Cage. Après la tentative de coup d’Etat fin juin et la perspective des élections en mai 2020, comment le régime éthiopien peut-il faire face à l’escalade des violences ? A voir également : Al Jazeera propose un reportage sur la présidente de la Cour Suprême Meaza Ashenafi.
Anne-Laure Mahé à l’IRSEM publie une note de recherche sur l’appareil sécuritaire soudanais. Elle s’interroge la transition en cours est-elle « un  véritable  changement  de  régime  ou  une  simple  transformation  du  système  pour survivre à la crise ? ». Le 5 septembre, Abdallah Hamdok a présenté la composition de son gouvernement de transition (dix-huit membres dont quatre femmes).
Très heureuse de vous annoncer la sortie prochaine de « Diplomacy and Borderlands. African Agency at the Intersections of Orders” dirigé par Katharina P. Coleman, Markus Kornprobst, Annette Seegers. J’y signe un chapitre “Establishment of a New Regional Order in the Horn of Africa”.
Afrique de l’Ouest
Nous vous annoncions la publication de l’ouvrage de Benedikt Erforth “Contemporary French Security Policy in Africa. On Ideas and Wars”, il est interviewé par le CERI et revient sur sa méthodologie : “ This research aims at explaining French interventionism by drawing on actors’ subjective perceptions of reality. To do so, the book adopts an actor-centric constructivist ontology. It combines both institutional and ideational approaches to identify the emergence of ideas and to trace their diffusion within the French foreign policy apparatus. By investigating ideational variables through the lenses of the policy-makers themselves, this book seeks to unravel the hidden dynamics of decision-making. This micro-foundational approach is rooted in discourse analysis and pays particular attention to the processes and people that constitute the state.France Inter a consacré son émission Secrets d’infos à l’assassinat Ghislaine Dupont et Claude Verlon il y a six ans.
Migrations
Les décodeurs publient un graphique sur les pays qui accueillent le plus de migrants/réfugiés (guerre, climat, autre raison de force) dans le monde. 


Histoire
Quel bonheur de lire Cheikh Hamidou Kane, l’auteur de L’Aventure ambiguë. A près de 90 ans il accorde une interview au journal Le Monde : « Il faut poursuivre le travail entamé. Rome n’a pas été construite en un jour ! L’Afrique, comme disait Ki-Zerbo, a été victime d’une dépossession de son espace – ses empires ont été dépecés en une cinquantaine de territoires, au profit des colonisateurs. L’Afrique n’existe plus. Elle a perdu son initiative politique et son identité endogène. A l’école, ce sont les langues du colon qui sont enseignées. La législation, l’organisation sociale et familiale sont calquées sur celles de l’Occident. Il faut donc que l’Afrique redevienne elle-même en se basant sur les structures antérieures à la colonisation ». On y apprend également qu’il a un projet en cours : « Je travaille à un projet qui me tient à cœur depuis un moment. Je veux retracer l’épopée de l’empire du Mali fondé par Soundjata Keïta. Elle a donné naissance à la charte du Mandé. J’aimerais rappeler cette page d’histoire à la jeunesse africaine et au monde ».
Le Cours de l’histoire sur France Culture consacre une émission à l’histoire de l’Afrique avec François-Xavier Fauvelle : « Il y a une ethnicisation et une esthétisation de l’art africain. (…) C’est pourquoi je milite pour une restitution de l’art africain aux pays d’origine et surtout pour une resémantisation, c’est-à-dire travailler les pays à qui on veut restituer, pour qu’on reconstruise des discours dont ces objets ont été privés en même temps qu’ils ont été transférés. Ce n’est pas tout de rendre, il faut savoir bien rendre. (…) Le travail de tout historien qui travaille sur l’Afrique c’est de rendre le passé disponible ». L’historienne Sarah Fila-Bakabadio présente ensuite ses travaux sur l’Afrocentrisme ?
Littérature
Bravo à Abdourahman A. Waberi selectionné pour le Prix Renaudot  avec son livre «  Pourquoi tu danses quand tu marches » ! J’ai hâte de découvrir l’ouvrage qu’il a écrit avec Alain Mabanckou "Dictionnaire enjoué des cultures africaines". Ce dernier était l’invité de l’émission de 28 minutes. Plusieurs twittos se sont émus de cette question du journaliste « Pourquoi vous n’écrivez que sur l’Afrique (…) pourquoi vous n’écrivez pas de manière universelle sur d’autres pays » comme l’universel n’était que l’Occident. Voici la superbe réponse de Mabanckou « Les Tolstoï nous ont fatigués avec leur zone, en France la littérature me fatigue avec les mêmes thèmes, quand je vais chez Pagnol il est dans son coin…. La littérature c’est l’art d’installer l’universalité là où certains croyaient que c’était une motte de terre de son père qu’on avait mise de côté ».
Conférences et appels à communications 
Le programme annuel du Séminaire sur les approches postcoloniales (SAP) est en ligne ! ICI Les articles se multiplient sur la nécessaire décolonisation des savoirs.
« Sécurité et développement dans le Sahel. Du concept à la réalité » : voilà le thème du prochain colloque, organisé conjointement par l’Institut Themiis et le G5 Sahel le 1er octobre 2019 au siège de l’UNESCO.
Le ministère de la culture et l’EMSOME organise un séminaire le 10 octobre « Conflits armées et patrimoine ». Le programme est ICI.
Global Integrity s’apprête à lancer la huitième édition des Indicateurs d’Intégrité en Afrique, en partenariat avec la Fondation Mo Ibrahim et recherche toujours un chercheur sur l’Egypte !
Vous avez jusqu’au 18 octobre pour postuler aux bourses de terrain du CFEE.
Encore une semaine pour postuler à un stage au sein du Konrad Adenauer Foundation en Afrique du Sud.
In memorandum
Robert Mugabe, ancien président du Zimbabwe qu’il a dirigé trente-sept ans, a disparu le 6 septembre. Les hommages sont révélateurs des différentes périodes de sa vie. Le héros est célébré mais le despote n’est pas oublié. Jean Philippe Rémy en peint un très beau tableau de cette vie.
 


dimanche 1 septembre 2019

Dernières nouvelles du continent (2)


Dans Ouest France, le chercheur Vincent Foucher s’interroge sur la persistance du groupe Boko Haram au Nigéria.

La toujours brillante Niagalé Bagayoko publie ses réflexions sur le Sahel et un agenda de recherche « Fondamentalement, la gestion de la crise sahélienne par les différents acteurs, africains aussi bien que non-africains, démontre l’urgente nécessité d’inscrire au cœur de la réflexion stratégique la sociologie des administrations publiques, l’analyse bureaucratique et la science des organisations, cadres d’analyse trop souvent négligés alors même qu’ils peuvent offrir de très utiles clés de compréhension pour saisir les enjeux organisationnels et les processus décisionnels qui, fréquemment, obèrent la portée des interventions et initiatives de règlement des conflits. »
Afrique centrale et Afrique de l’Est
Depuis le 17 juillet, le virus Ebola est reconnu comme une « urgence de santé publique de portée internationale » par l’OMS. Si la prise de conscience est là, Aymar Nyenyezi Bisoka rappelle que « l’insécurité constante émanant de l’action des groupes armés limite ainsi les interventions médicales ». On relira avec intérêt l’article de Marie Roy publié dans l’AFRI 2018 « Santé et développement en Afrique : le cas d’Ebola dans le bassin du fleuve Mano ». Sur la composition du nouveau gouvernement congolais, on lira également le dernier billet de Colette Braeckman ICI. Cette dernière viendra commenter son documentaire « L’homme qui répare les femmes » le 19 septembre à l’Université Catholique de Lille
A lire : cet article sur les infrastructures dans l’East African Community : « Whereas the past model of high modernism focused on transforming national economies through implementation of large-scale infrastructure projects, the current thinking in the EAC focuses on fast tracking not only national development but also regional integration and realizing Pan-African continental connectivity for sustainable development”. On complétera avec l’étude réalisée par Denis Tull et Juliette Genevaz.
Dans Le Monde Jean Philippe Remy s’interroge sur le retour de la paix au Burundi alors qu’un accord signé avec la Tanzanie prévoit le retour des réfugiés.  Pour le chercheur Benjamin Chemouni cité dans l’article : « C’est une paix de cimetière, estime, Des violences continuent de se produire, mais à une échelle moindre. Seulement, l’économie du pays est atone, elle est même dans une situation pire que lors de la guerre civile. »
Le United States Institute of Peace (USIP) a publié le 29 août 2019 un débat "Un an après l'accord de paix entre l'Éthiopie et l'Érythrée, quel est l'impact?". D’après les auteurs l’accord de paix Éthiopie-Érythrée conclu à l’été 2018 a eu certes un impact stabilisateur sur la région mais il n’a pas mis fin à la situation précaire de l’Érythrée.

The Washington Post publiait le 30 août : "'If I Don't Pay, They Kill Me': Al-Shabaab Tightens Grip on Somalia with Growing Tax Racket". On y lit que le groupe al-Shabaab finance une grande partie de ses activités en extorquant l'argent des hommes d'affaires somaliens. Les auteurs déclarent que la croissance des recettes fiscales d’Al-Shabaab est en contradiction avec les affirmations du gouvernement somalien selon lesquelles le groupe est en perdition.

On lira avec intérêt l’article de Gérard Prunier dans Le Monde diplomatique du mois de septembre sur la situation au Soudan depuis la mise en place le 21 août du Conseil souverain.

Influences étrangères
On l’attendait avec impatience et elle vient de sortir. La dernière publication d’Aline Leboeuf pour l’IFRI porte sur : « La compétition stratégique en Afrique : approches militaires américaine, chinoise et russe ». Pour l’auteure « Si les États-Unis sont encore l’acteur dominant dans la sécurité du continent, un phénomène de rattrapage est en cours en faveur d’une influence grandissante de la Chine et de la Russie ». L’ISS consacre également l’un de ses derniers rapports à ces présences militaires étrangères sur le continent africain. Des 13 pays ayant une présence connue en Afrique, les États-Unis et la France ont le plus de troupes sur le continent. Sans surprise la Corne de l'Afrique est devenue l'épicentre de ces présences, avec environ 11 bases militaires étrangères.
Les publications sur l’influence russe en Afrique se multiplient : ICI



Publications 
Comment mesurer la paix ? C’est à cette question que tente de répondre Richard Caplan. On estime qu’en moyenne 40% des pays sortant d'une guerre civile risquent de retomber dans  un violent conflit dans les dix années suivant la fin des hostilités.
La Vie des idées publie une recension de la biographie  « Njinga, histoire d’une reine guerrière (1582-1663) ». Cette reine d’Afrique centrale, méconnue en Occident est idolâtrée dans certaines diasporas notamment au Brésil : « Elle éclaire d’autres questions relatives au genre, au pouvoir, à la religion, au commandement, au colonialisme et à la résistance ».
Hâte de lire le dossier spécial du Journal of War & Culture Studies : « Spirituality and War: Soldier Practices in Deployment in African Military Landscapes ».
La dimension transnationale des conflits armés en Afrique a un nouvel outil. Dans cet article les auteurs proposent de nombreuses statistiques et un agenda de la recherche. Ils réfutent l’idée que les conflits entre Etats ne sont plus majoritaires sur le continent: « the majority of African conflicts must be considered internationalized-internal ».

Conférences et appels à communications 

 Vous avez jusqu’au 18 octobre pour postuler aux bourses de terrain du CFEE ! 
Et jusqu’au 15 septembre pour envoyer vos propositions pour l’ouvrage collectif: « La mer : paradoxes, enjeux et défis pour les États du Golfe de Guinée au XXIe siècle ».
Le colloque « Penser le genre des expériences de la violence politique en Afrique. Incidences biographiques, transmissions générationnelles et familiales » aura lieu à Sciences Po Bordeaux les 3-4 octobre 2019.
L’AEGES organise son colloque annuel à Paris sur le thème Guerre et corps. Pour soumettre un article ou un panel : ICI

L’Afrique…ce grand pays…
Lors du sommet du G7, la journaliste américaine d’Associated Press Darlene Superville poste sur Twitter un cliché représentant quatre « leaders ». Elle identifie Emmanuel Macron, Justin Trudeau et Narendra Modi mais Cyril Ramaphosa, elle le présente comme « one unidentified leader » ….

La journaliste devrait lire l’interview de  l’historien François-Xavier Fauvelle, élu professeur au Collège de France et dont la leçon inaugurale se tiendra en octobre.
In memoriam
Le 31 août, un an après Samir Amin, l’universitaire Immanuel Wallerstein, critique du capitalisme mondial est décédé.