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dimanche 6 septembre 2020

Les dernières nouvelles du continent (14)

Sahel

Après le coup d’Etat au Mali, l’ICG retrace la chronologie des faits, identifie les erreurs commises et suggère une sortie de crise ICI

Dans cet article Niagalé Bagayoko interroge « la pertinence et l’efficience des cadres de gestion et de résolution des conflits instaurés » au Mali depuis 2012 et dans la région.

Était-il évident que ce coup d’Etat allait subvenir ? Cette rhétorique est trop facile explique Yvan Guichaoua dans ce Thread.

Marc Antoine Pérouse de Montclos et Camille Noûs montrent dans cet article que « les écoles coraniques s’avèrent ne pas avoir joué non plus de rôle déterminant dans le développement de la secte » Boko Haram.

Il faut lire cette magistrale réponse du blogueur « un mec qui fait des trucs en Afrique » à un célèbre chercheur autoproclamé à la suite de la tuerie de Kouré le 10 août.

 

Corne de l’Afrique

Une nouvelle alliance autour de la Somalie, l’Ethiopie et l’Erythrée s’est formée en janvier 2020 dans la Corne : Horn of Africa Cooperation (HoAC). Quelles en sont les conséquences régionales ? À lire ICI

Les Etats-Unis ont suspendu leur aide à l’Ethiopie dans le cadre de la médiation qu’ils mènent autour du différend qui oppose l’Ethiopie et l’Egypte sur la construction d’un barrage sur le Nil bleu.

L’Arabie saoudite enferme des centaines de migrants dans des camps dans des conditions inhumaines. Ce thread résume la situation.

La dernière étude d’Afrobarometers concerne, entre autres, l’opinion des Ethiopiens sur les amendements constitutionnels pour ajouter les langues du gouvernement fédéral et limiter les mandats du Premier ministre.


L’Ethiopie reste l'un des rares pays au monde avec un monopole d'État sur les télécommunications. Voici à quoi ressemble actuellement le secteur des télécoms.

A lire : l’étude de l’Armed Conflict Location & Event Data Project sur l’Ethiopie et le risque de fragmentation

Fascinant article. Comment l'histoire autorisée par l'État éthiopien lui permet d’imposer sa légitimité ? L’écriture de l’histoire a été un projet totalisant de l’Etat.

En août 2020, Taïwan a ouvert une représentation au Somaliland (et inversement). Si le Somaliland est Etat autoproclamé indépendant mais non reconnu par la communauté internationale cet acte est-il une forme de reconnaissance ? Non car cet accord n’ouvre pas des relations diplomatiques formelles entre les deux Etats. Une bonne réflexion sur la diplomatie des Etats de facto est à lire ICI.

On lira cet article dans OrientXXI  sur l’influence religieuse de l’Arabie Saoudite à Djibouti :  "L’appropriation de l’islam comme objet politique a permis au pouvoir de surmonter les querelles claniques lors de la guerre civile et facilité un investissement du champ religieux par les pays étrangers."

Merci à la revue Diplomatie de m'avoir ouvert ses pages pour parler de la diplomatie d’un petit Etat: Djibouti

Divers

Passionnant article collectif de Frédérick Douzet, Kévin Limonier, Selma Mihoubi, Élodie René sur la propagation des contenus russes et chinois sur le Web africain francophone. « Cette étude propose une méthodologie permettant d’identifier les acteurs du Web qui reprennent les contenus chinois et russes, ainsi qu’une analyse des stratégies d’influence des opinions publiques de ces États à destination de publics africains ».

Il faut écouter cette série d’émissions sur les textes de Franz Fanon lu par Gaël Faye. 

 

Appels à communications /Conférences

L’IFRA Nairobi recherche un.e chercheur.e ICI

Appel à communications pour un numéro spécial de la revue Journal of Borderlands Studies : Security and Trade in African Borderlands

Un nouveau carnet de recherche "Racismes" vient d’être lancé sur Hypothesesorg, son objectif est de « est de rendre compte de l’actualité de la recherche en sciences sociales sur les différentes formes de racisme dans le monde ».

L’AFD vient de publier un « Atlas de l’Afrique. Pour un autre regard sur le continent » avec de nombreuses infographies. Très utile pour les étudiants et …les plus grands.

Pour recevoir cette lettre directement par mail rendez-vous sur la colonne de droite : "Suivez l'actualité du blog par mail".

mardi 15 mars 2016

ISA : Learning from the South? The Horn of Africa as a Litmus Test for IR Theories and Frameworks

L’International Studies Association (ISA) organise chaque année une convention réunissant plus de 5000 internationalistes. L'édition 2016 se déroule du 16 au 19 mars à Atlanta (Géorgie/Etats-Unis). Un panel est organisé samedi 19 sur la Corne de l'Afrique : "Learning from the South? The Horn of Africa as a Litmus Test for IR Theories and Frameworks". Vous trouverez la présentation de ce panel ci-dessous. Nous vous invitons à consulter le programme de cette convention dont la thématique cette année est : "Exploring Peace".

Chair: 

Chair : Terrence P. Lyons (George Mason University)

Discussant: Rita Abrahamsen (University of Ottawa)

Abstract :

Some argue that International Relations (IR) are about the politics of powerful states and that, as a consequence, there is an African exceptionalism which explains IR’s inability to accurately address African experiences. Indeed, Africa has often been neglected by the different theoretical approaches to IR and more generally by the discipline. This is surprising. In contrast, this panel shows that Africa is a productive laboratory for researchers in IR and security studies. While recent events have shifted global attention toward the Sahara, we invite scholars and practitioners to turn their gaze to the Horn of Africa. This region gathers some of the most enduring interlinked political rivalries within the International System. Importantly, it challenges and sometimes clarifies powerful concepts developed by the field (e.g. hegemonic stability, regional security complex, security dilemma, failed states, small state, sovereignty, etc). Thus, the contributors to the panel seek to show that the Horn of Africa is pertinent not only for area specialists but also constitutes a remarkable ground for fieldwork and theory-testing of both old and new approaches. Overall, the panel aims to initiate a new research agenda, which combines deductive and inductive approaches.

Papers:

The Lone State: Eritrea's Foreign Policy: Jean-Baptiste Jeangene Vilmer (Sciences Po Paris)
Abstract : Eritrea is a totalitarian garrison state. As Hannah Arendt described it, totalitarianism is a quasi-scientific experiment that requires a controlled environment: the country is a laboratory. The first step is therefore to isolate the nation, hermetically sealing it off from the outside world. Controlling the environment allows the production of controllable subjects. Through this process, which prevents those outside the country form entering and those within the country from leaving, an important step to pursue a bellicose foreign policy, waging war to justify the closure of borders and curtailments of liberties. Based on a fieldwork and various primary sources, the purpose of this article is twofold: on the one hand to consolidate and update comprehension of Eritrea’s foreign policy, given the relative scarcity of existing secondary literature; and on the other hand, to present Eritrea’s foreign policy as a means to the totalitarian end of closing off the country.
 
Djibouti as a Small State: Challenges and Limits of an Extraversion Strategy : Sonia Le Gouriellec (IRSEM Institute For Strategic research Ecole militaire
Abstract :R. Patman describes the states in the Horn of Africa, and their building, as a "political metaphor". This is especially true for Djibouti. This small state – indeed a microstate even if there is no broad consensus on both definitions – survives in a region where the numbers of states and borders has largely increased. The demarcation of their borders is therefore a very sensitive issue. Since Djibouti’s independence in 1977, its sovereignty has been a subject of discussion. As a consequence, Djibouti has developed strategies to survive and exist in the region. Based on fieldwork (several research trips), this paper aims to explore the dimensions of this strategy and its evolution between independence and today. How does this small state make use of the resources offered by the international system to survive and become a regional actor? What are the threats that jeopardize this strategy?  How can Djibouti contribute to the small states studies?
The Little Big Man of Eastern Africa: Explaining the Politics of Personalities in Uganda’s Relations with the Two Sudans: Øystein Rolandsen (Peace Research Institute Oslo)
Abstract :Uganda relations with its neighbouring countries and its role in regional co-operation has under Museveni (1986- ) undergone a remarkable transformation. When the rebel movement NRM/A sized power Uganda was a weak country riven by civil war, but it soon changed into a regional bully and has now become a major power within the eastern Africa/Horn of Africa security complex. Friends and foes of the Government of Uganda attribute this change to the personality of the President and his foreign policy ambitions. This runs counter to theories emphasising structural factors when explaining the actions of states in IR. Using Uganda and its relations with the two Sudans as a case this paper argues that the personal power vested in leaders within informal neo-patrimonial nettworks give heads of state considerable room to manoeuvre when handling foreign affairs. But the checks and balances of patron-client relationships constrains the actions of the leader.
 
Security Threats and Alliance Tradeoffs in the Horn of Africa: Ethiopia Vis a Vis Somaliland and Somalia: Andualem Belaineh (PhD student at Institute for Peace & Security Studies, Addis Ababa University, Ethiopia)
Abstract : Some argue that International Relations (IR) are about the politics of powerful states and that, as a consequence, there is an African exceptionalism which explains IR’s inability to accurately address African experiences. Indeed, Africa has often been neglected by the different theoretical approaches to IR and more generally by the discipline. This is surprising. In contrast, this panel shows that Africa is a productive laboratory for researchers in IR and security studies. While recent events have shifted global attention toward the Sahara, we invite scholars and practitioners to turn their gaze to the Horn of Africa. This region gathers some of the most enduring interlinked political rivalries within the International System. Importantly, it challenges and sometimes clarifies powerful concepts developed by the field (e.g. hegemonic stability, regional security complex, security dilemma, failed states, small state, sovereignty, etc). Thus, the contributors to the panel seek to show that the Horn of Africa is pertinent not only for area specialists but also constitutes a remarkable ground for fieldwork and theory-testing of both old and new approaches. Overall, the panel aims to initiate a new research agenda, which combines deductive and inductive approaches.


 

vendredi 23 mai 2014

La construction de l’Etat, un enjeu clé des études stratégiques sur l’Afrique

L’auteur de ce blog a eu le privilège de participer le 21 mai au séminaire Etudes stratégiques organisé par la DAS et l’IREM. Nous avons présenté trois thématiques qui animent les débats des africanistes en études stratégiques ces dernières années :


1/ D’une part, la régionalisation des conflits. Les travaux sur ce point s’interrogent sur les facteurs explicatifs de la persistance de la conflictualité dans certaines sous-régions  comme dans la région des Grands lacs, dans la région du fleuve Mano, en Afrique de l’Ouest ou, dans une moindre mesure, dans la Corne de l’Afrique.
2/ Les recherches portent aussi sur les modes de résolution des conflits en Afrique et étudient la construction de l’Architecture de Paix et de Sécurité portée par l’Union africaine et s’appuyant sur les communautés économiques régionales. L’échelon régional/supra étatique serait donc perçu comme « l’espace pertinent pour l’action » (Marie-Claude Smouts).
3/Les travaux s’intéressent aussi aux interventions dans les Etats dits faibles.
La question qui découle de ce constat est : de quoi est-ce le symptôme ? Ces trois axes d’études ont pour enjeu l’Etat et plus particulièrement sa construction au sens d’un  effort conscient de créer un appareil de contrôle. Mais c’est également un processus historique largement inconscient et contradictoire fait de conflits, de négociations et de compromis entre les divers groupes composant une société donnée. 

1/ La régionalisation des conflits.

L’analyse régionale des conflits a émergé dans les études de sécurité après la guerre froide. Qu’est-ce qu’un conflit régionalisé ? Des « situations où les pays voisins connaissent des conflits internes ou interétatiques, et avec des liens significatifs entre les conflits ». 

 Ce modèle introduit l’idée que des interactions frontalières seraient des catalyseurs de la propagation des conflits. Des outils conceptuels ont été développés pour analyser ce phénomène : notamment les complexes conflictuels régionaux et les systèmes de conflits. La notion de régionalisation des conflits illustre l'imbrication des aspects extérieurs et intérieurs de la sécurité. Ces conflits perdureraient parce qu’alimentés par des réseaux régionaux. Ils sont au nombre de quatre : « militaire, politiques (par des liens transfrontaliers entre les élites politiques), économiques (par le commerce transfrontalier de marchandises) et sociaux (d’un côté comme de l’autre des frontières nationales, des groupes partagent une même identité) [1]». Le principal facteur explicatif de l’existence d’une régionalisation des conflits serait la faiblesse des États qui le constituent. Le processus de régionalisation des conflits armés serait facilité par des facteurs structurels liés à l’État : ses déficiences, son incapacité à contrôler certaines zones de son territoire qui deviennent des zones grises ainsi qu’un terreau favorable au développement des trafics, et des difficultés à intégrer des populations transfrontalières, entre autres. Les possibilités d’interactions sont plus faciles lorsqu’un État ne contrôle pas son territoire et ses frontières. Les problématiques des États faibles débordent alors souvent de leurs espaces d'origine pour prendre une dimension sécuritaire régionale.

Pourtant, nous adhérons à l’hypothèse de Jean François Bayart, pour qui la régionalisation des conflits peut être interprétée comme l’un des processus de formation de l’État plutôt que comme l’expression de son déclin. Au sens où les groupes en conflit dans la Corne par exemple ne lutte pas contre l’Etat mais pour prendre le contrôle de l’Etat. 

2/ Le régionalisme sécuritaire
Le régionalisme sécuritaire devient une réponse à la régionalisation conflictuelle. Pour rappel, à la suite de la décennie 90 où le continent a été touché par de nombreux conflits, un nouveau principe a émergé « Try Africa first » : « les solutions africaines avant tout ». Aujourd’hui, la nécessité de solutions endogènes aux crises et conflits africains est collectivement assumée. De fait, le rôle dévolu à la régulation par la région est essentiel et devient une pièce maîtresse du système. En effet, l’architecture de sécurité continentale prend appui sur les sous-régions afin de gérer la conflictualité. Cette africanisation de la gestion des conflits reflète aussi l’idée d’un monde post-bipolaire, structuré autour de blocs régionaux qui s’autoréguleraient. 

On observe à la fois dans l’évolution des organisations régionales et dans l’acte de naissance de l’Union africaine, le passage d’une logique visant à protéger les régimes en place à une logique de consolidation de la souveraineté des Etats. L’architecture de l’Union Africaine a essentiellement pour objet de régler les problèmes internes aux États. Et l’ONU a également favorisé ce régionalisme en donnant la possibilité aux organismes régionaux d’assurer le maintien de la paix encadré par le chapitre VIII de la Charte des Nations unies. Donc les organisations africaines se repositionnent dans la gestion des conflits même si cette redéfinition ne tient pas pleinement compte de l’évolution de la nature des menaces, qui touchent aujourd’hui le continent, notamment du terrorisme, comme on a pu le voir dans le cas du Mali en 2012-2013. La problématique malienne a montré les limites du régionalisme. Or la cohérence et la viabilité des Etats est une condition essentielle pour le succès du régionalisme. Les Etats faibles sont plus susceptibles d’avoir des gouvernements non-démocratiques qui seraient particulièrement jaloux de leur souveraineté. De plus, une partie de la souveraineté de ces Etats leur échappe à travers d’autres dynamiques transfrontalières. Et c'est là tout le « paradoxe africain »[2]. Les progrès de l’intégration institutionnelle sont très faibles. En revanche, la régionalisation progresse suivant des logiques différentes et plus rapides. Il faut donc rappeler le rôle majeur joué par l’État comme acteur sécuritaire, comme le rappelle D. Bach « le développement de l’intégration régionale en Afrique passe par la capacité et la volonté des acteurs étatiques à mettre en œuvre des politiques d’intégration internes, seules capables de transformer en logiques vertueuses les effets destructurants de l’intégration régionale par le bas. Il convient de reconstruire l’État avant d’en chercher le dépassement ». 

3/ Les Etats faibles et les interventions extérieures

Les interventions françaises au Mali et en RCA posent aussi cette question de la construction ou de la reconstruction de l’Etat après une intervention. Aujourd’hui, l’idée généralement admises et qui fait consensus est que l’instauration de la paix passe par la construction ou la reconstruction de l’Etat. Il y aurait un lien direct entre peacebuidling et state-building - au sens de renforcement des institutions politiques, administratives et gouvernementales. C’est vrai que depuis le 11 septembre 2001 en particulier, le continent dans son ensemble est décrit de façon globale, comme faible, fragile et exploitable par les terroristes qui pourraient le conquérir. Les discours font des États défaillants des refuges pour les mouvements terroristes. Notez que certains chercheurs ont d’ailleurs démontré qu’il n’y avait pas nécessairement de corrélation entre la place d’un État dans l’index des États faillis  et le nombre d’organisations terroristes hébergées sur son territoire. Par exemple, l’Inde et Israël ont un indice faible dans l’index des États faillis mais hébergent un grand nombre de groupes terroristes. En revanche, en Somalie, pourtant en tête des Etats dits faillis, seuls les Shebabs affiliés à Al-Qaïda figurent en tant que groupe terroriste en Somalie et ils ne représentaient qu’une minorité, avant 2006 et leur essor. Donc si les États faillis peuvent constituer un terreau favorable pour voir émerger (ou servir de base à) des groupes terroristes, il s’avère qu’empiriquement cette hypothèse ne se vérifie pas. C’était juste une petite remarque.


Bref, l’utilisation du terme Etat failli révèle un renversement de perspectives : la guerre ne naitrait plus de la puissance des Etats mais de leur faiblesse. La priorité pour instaurer la paix est de construire ou reconstruire l’Etat. Le state-building est ainsi la principale réponse à la défaillance de l’État. Ce terme désigne l’idée de « la nécessité de reconstituer, sous une forme ou une autre, des unités politiques au sein desquelles, suite notamment à une guerre civile, la structure, l’autorité, la loi et l’ordre politiques se sont précarisés » (Smouts, Battistella, Petiteville, Vennesson). La construction de l’État est un phénomène historique long, donc la stratégie choisie par la communauté internationale est de parvenir à un modèle d’État wébérien comme en Europe, dans un temps plus restreint, et en évitant la longue étape de conflictualité qui accompagne généralement le processus de développement étatique. Or, que ce soit en Irak, en Afghanistan ou en Somalie, il existe peu d’exemple ou le state-building a fonctionné. Si nous ne remettons pas en question les justifications de certaines interventions (Mali, RCA, etc) ou missions de « maintien de la paix », justifiés par un certain degré de violence ou la responsabilité de protéger, la question de l’opportunité d’intervenir dans certains conflits se pose. D’une part parce que, l’efficience  même de cette stratégie d’intervention pour reconstruire l’Etat est questionnée. Par exemple, pour la chercheuse Marina Ottaway: « la communauté internationale a élaboré une liste de prescriptions pour la reconstruction d’État qui est tellement exhaustive qu’elle est impossible à appliquer sur le terrain ». D’autre part, des chercheurs comme Herbst vont plus loin et se demandent si les organisations internationales en voulant reconstruire des États effondrés, dans les conditions qui existaient auparavant, ne font pas que prolonger un état d’effondrement au lieu d’accepter l’existence du nouvel ordre politique créé. Ainsi, l’ONU refuse de considérer que certains États puissent être trop dysfonctionnels à la base, pour être reconstruits. Ce n’est que très récemment que les chercheurs ont cherché à comprendre l'ordre politique des États dits faillis, sans insister sur l’absence d’État mais en tenant compte de ce qui existe réellement.
Il faut donc accepter de déconstruire l’image de l’Etat.  Il ne faut pas s’interdire de penser l’Etat différemment et laisser place à l’innovation et à d’autres formes d’organisation de la société. En Somalie, par exemple, pendant plus de vingt ans la communauté internationale s’est entêtée à vouloir reconstruire un Etat somalien qui avait disparu au début des années 1990 sans s’interroger sur les raisons qui avaient présidé à sa disparition. Si l’on reconnait que la société somalienne, comme l’afghane et la yéménite sont des sociétés segmentaires, où il n’existe pas de structure formelles d’autorité mais que le pouvoir politique est à chaque niveau segmentaire, alors l’Etat, en tant que société politique organisée autour d’un centre de pouvoir, ne semble pas pouvoir émerger là-bas. Mais c’est une erreur aussi de dire qu’il n y a pas de gouvernance possible, et des solutions hybride existent comme au Somaliland (le droit coutumier complète le système juridique, l’ordre politique s’est adapté au système social, etc). Bref en Somalie, l’Etat ne se désintègre pas nécessairement il est en formation sous une autre forme mais c’est aux Somaliens de repenser leur manière de vivre ensemble.
Enfin, nous pensons pertinent de rappeler avec les travaux d’Antonio Giustozzi, que la violence fait partie du processus de formation de l’Etat et nécessite la victoire par la force d’un groupe social sur ses concurrents. Très peu d’Etats ont échappé à ce processus. Cette thèse renvoie à de nombreux travaux de sociologie historique de l’Etat, dont les plus célèbres sont ceux de Charles Tilly pour qui l’Etat fait la guerre et la guerre fait l’Etat. Or, le présupposé courant parmi les décideurs politiques internationaux est qu’un Etat fonctionnel doit émerger d’un compromis politique entre les factions en conflit et donc passe par le partage du pouvoir (comme ce fut le cas au Kenya par exemple). On ne peut malheureusement pas oublier ce facteur "violence" dans la constitution d’un Etat au risque de conduire les interventions à des échecs. 
Pour conclure, le processus de construction et de formation de l’Etat est en cours et est une problématique qui revient dans les travaux sur la régionalisation des conflits, sur le régionalisme sécuritaire ou encore sur le state-building. Il existe deux approches : la première appréhende les crises actuelles comme la conséquence de l’échec de la formation de l’État, et la seconde approche pense ces crises comme faisant partie du processus de formation de l’État comme cela a été le cas pour les pays européens, c’est cette dernière approche que je retiens mais en la nuançant. L’Etat, en tant qu’organisation politique de la société comme on la connaît en Europe, n’est pas une destinée implacable  et d’autres formes peuvent émerger.    

[1] Barnett RUBIN, Andrea ARMSTRONG, and Gloria R. NTEGEYE (eds.), Regional Conflict Formation in the Great Lakes Region of Africa: Structure, Dynamics and Challenges for Policy, New York, Center on International Cooperation, 2001.
[2] James HENTZ, Fredrick SÖDERBAUM et Rodrigo TAVARES, « Regional Organizations and African Security: moving the Debate Forward », in African Security, pp. 206-217.