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dimanche 12 novembre 2023
dimanche 5 novembre 2023
Les dernières nouvelles du continent (17)
Presque trois ans sans article sur ce blog... le temps d'une expatriation. Trois ans également, pratiquement jour pour jour, que le conflit au Tigré a éclaté. Au cours de ces mois, les coups d’État se sont enchainés sur le continent, la France ne semble plus avoir de politique à proposer à ses partenaires et se montre souvent dépassée par la marche du monde. Les conflits systémiques en Europe et au Moyen Orient trouvent une chambre d'échos sur le continent africain mais l'attention s'en détache.
Le métier de chercheur nous impose de faire un pas de côté, d'expliquer les évènements - sans les justifier - et de donner un sens au monde qui nous entoure. Alors que notre société du spectacle semble se transformer en spectacle de l’horreur, plus que jamais le chercheur doit faire entendre sa voix dans l'espace public. Dans le bouillonnement informationnel actuel, il est souvent difficile pour nos étudiants et pour le grand public de faire le tri et de trouver l'information pertinente. J'entends donc reprendre ici mes veilles d'internationalistes avec un focus sur les Afriques, en me concentrant sur les contributions francophones en complément de la formidable newsletter de Jeffrey Paller (en anglais).
Corne de l'Afrique
Le 2 novembre 2022, le gouvernement fédéral éthiopien et les rebelles du Tigré signaient à Prétoria un accord mettant fin à deux ans de guerre. Pourtant, un après, le pays est toujours en guerre. Le Premier ministre et prix Nobel de la paix souhaite démanteler les milices, or se sont justement les milices amhara (Fano) qui ont combattu auprès des troupes fédérales au Tigré et qui refuse désormais de rendre leurs armes. Les anciens alliés érythréens refusent également de se retirer. Un diplomate interviewé par Noé Hochet-Bodin pour Le Monde tranche : « L’espoir est devenu cauchemar (...) Nous pensions assister à un tournant historique pour l’Ethiopie, mais en réalité cet accord avait un handicap dès sa signature : il n’incorpore pas les forces amhara ni l’Erythrée, deux acteurs de la guerre. » Avec au moins 371 971 combattants, le processus de démobilisation sera le plus important au monde et devrait coûter 849 millions de dollars sur une période de quatre à cinq ans. Et si pour souder les Éthiopiens et désenclaver le pays, il fallait créer un nouvelle guerre contre l'Erythrée ? Ken Opalo estime crédible les arguments économiques avancées par Abiy Ahmed en faveur du désenclavement. Dans l'ensemble, les pays enclavés ont tendance à être 20 % moins développés qu'ils ne le seraient s'ils avaient accès à la mer. Cela s'explique en partie par le coût du commerce, les frais de transport étant de 50 à 262 % plus élevés pour les pays enclavés. Pour le moment le Tigré est exsangue.
Le désintérêts pour ce conflit fait dire à Gérard Prunier que "La mort d’un Noir vaut moins que celle d’un Blanc(*) et les cadavres éthiopiens d’une guerre qui a compté au moins quatre fois autant de pertes que la guerre en Ukraine en sont une preuve de plus." Esther Duflo revient sur cette invisibilisation dans sa chronique sur France culture.
La Somalie annonce sa candidature à un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies pour une période de deux ans (2025-2026). Actuellement, le continent dispose de trois sièges non permanents occupés par le Mozambique, l'Algérie et la Sierra Leone.
Le Soudan est aujourd’hui l'une des pires catastrophes humanitaires au monde, avec plus de 5,6 millions de personnes déplacées, 9 000 morts dans les combats, 860,000 réfugiés et rapatriés qui pourraient fuir vers les pays voisins en raison de la violence au Soudan au cours des six prochains mois. On estime à 19 millions le nombre d'enfants non scolarisés. Laurent Larcher s'est rendu dans les camps de réfugiés soudanais au Tchad auprès des « anciens» réfugiés arrivés du Darfour en 2003 qui voient arriver les nouveaux réfugiés de la guerre d'avril 2023.
Israël/Palestine
Le 7 novembre, nous réfléchirons à l'ENS aux réactions mondiales à cette guerre. Je propose ici quelques éléments de réponses pour les Afriques, complétés par Afrique XXI qui évoque une "indifférence" des pays africains dans leur ensemble. Al Shabaab pourrait intensifier ses attaques en Somalie et au Kenya alors que l'opération de maintien de la paix de l'Union africaine en Somalie se réduit. Al-Shabaab a publié une déclaration saluant la « bravoure » des combattants du Hamas et leur apportant son soutien total. Pour Alex de Waal, c'est toute l'architecture de sécurité de la mer Rouge qui est en jeu : "La mer Rouge est stratégique pour Israël. Un quart du commerce maritime israélien est traité dans le port d'Eilat, situé dans le golfe d'Aqaba, un bras de mer de la mer Rouge. Eilat est la porte arrière d'Israël, vitale au cas où la côte méditerranéenne serait menacée. Israël considère depuis longtemps les pays riverains de la mer Rouge - Jordanie, Égypte, Arabie saoudite, Yémen, Soudan, Érythrée, Djibouti et Somalie - comme des pièces du puzzle de sa frontière de sécurité élargie." Gilles Yabi explore les raisons pour lesquelles la réponse de l’Union africaine ne reflète pas celle de l’ensemble des pays africains.
Afrique de l'Ouest/Afrique centrale côtière
En Guinée, Dadis Camara a été exfiltré de prison par un commando armé puis réarrêté dans la même journée (lire ce livre sur les violences politiques dans le pays). Depuis un an, se déroule son procès ainsi que dix de ses co-accusés, soupçonnés d’être les responsables du massacre du 28 septembre 2009. Pour Catherine Maia "la démonstration est faite que même un État tel que la Guinée, aux moyens limités et à la stabilité politique relative, peut organiser efficacement et équitablement des procès d’auteurs de graves violations des droits humains".
Le Centre d'études stratégiques de l'Afrique propose une analyse (avec carte et tableau) sur les limites constitutionnelles de la durée au pouvoir des dirigeants africains. On apprend que "sur les 54 pays d’Afrique, en comptant les huit pays supplémentaires qui ne sont pas dotés de restrictions de mandats, 30 pays (soit 56 %) fonctionnent sans limites sur l’échéance au pouvoir du président."
Afrobarometer propose un nouveau sondage sur les brutalités policières : pour 4 Africains sur 10 la police fait "souvent" ou "toujours" un usage excessif de la force sur les manifestants et les arrêtés. Voir la dernière analyse de Afrobarometer dans The continent.
Publications
De nombreux travaux ont montré l'importance que peuvent avoir les artistes dans les mouvements de contestation notamment en Afrique ou la dénonciation des ingérences étrangères (Didier Awadi dans son dernier album par exemple). Néanmoins, "peu d’études ont adopté une perspective comparative pour établir une analyse macro-systémique des réseaux translocaux où ces artistes engagés se fréquentent, des types de mobilités et de ressources qu’ils mobilisent, et des contraintes différenciées qu’ils rencontrent", c'est ce que propose ici Alice Aterianus-Owanga pour la Revue internationale de politique comparée.
Moussa Bobbo présente dans cette étude de l'IFRI le bilan du Programme national de Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) créé en 2018 au Cameroun. Il dépeint un bilan sombre faut de volonté politique et de financement.
Dans son étude " Centrafrique : la fabrique d'un autoritarisme" le sociologue Roland Marchal explore la construction du pouvoir du Président Faustin-Archange Touadéra. Selon l'auteur, le pays est "un État déliquescent (...) [qui] sait jouer de ses propres faiblesses et d'une configuration régionale et internationale particulière pour aujourd’hui contraindre le champ politique et terroriser sa propre population en construisant un ennemi forcément étranger et en instrumentalisant la Russie pour sa pérennisation".
A retrouver chez Karthala "L'Enchevêtrement des crises au Sahel Niger, Mali, Burkina Faso" de Jean-Pierre Olivier de Sardan.
J'ai hâte de lire cette BD sur Thomas Sankara (dès que mon chat me l'aura rendu...). On me dit également le plus grand bien du deuxième roman de Kayo Mpoyi, "L'echo des silences de Mère". Il est question de mémoire, d'exil, de silence et du Congo. Les fans ne manqueront pas la sortie du 8ème tome des aventures de Aya de Yopougon.
dimanche 14 février 2021
Les dernières nouvelles du continent (16)
“I am not African because I was born in Africa but because Africa was born in me.” Kwame Nkrumah
Bilan
Comme tous les ans African Arguments propose un tour d'horizon des élections à venir sur le continent africain :
En 2020, le continent africain a connu une hausse de 43% des violences djihadistes en Afrique. La violence s'est concentrée sur la Somalie (où Al Shabaab contrôle de nombreuses villes), le Sahel,
dans le bassin du lac Tchad (thread à lire), au Mozambique et en Égypte. On lira cet article sur l'Etat islamique au Mozambique. L'Afrique est également l'unique continent où les violences politiques se sont accrues en 2020.
Sur l’évolution des systèmes politiques en Afrique du Sud, au Nigéria, en Ethiopie, au Ghana, au Kenya :
Dans les mêmes Etats, l'évolution des budgets de défense et des personnels dans l'armée :
Avez-vous pris connaissance du dernier numéro d'Afrique contemporaine (bien que daté en 2019) ? Un super opus coordonné par Nicolas Donner (magnifique éditorial) et MarieMiran-Guyon (qui signe une non moins brillante introduction) sur " le fait urbain".
Il faut lire l’article de Didier Péclard « Violent conflict and State formation in Africa” publié dans le Oxford Encyclopedia of African Politics et enfin accessible en ligne gratuitement.
Sahel
Félicitations à Dougoukolo Alpha Oumar Ba Konaré qui publie « National Narratives of Mali. Fula Communities in Times of Crisis ». Il présente l’objectif de cet ouvrage : « partager les récits nationaux de l’Etat malien, et de les confronter aux récits et ressentis des communautés peules en moments de tourments. Qu’est-ce qui est vrai? Qu’est-ce qui blesse? Est-ce important? Comment se comprendre? Et comment s’entendre et se soigner? »
Le Bulletin du Centre Franco Paix publie un numéro spécial coup d'État au Mali, 4 articles, 2 entretiens avec Moustapha Dicko & Nicolas Normand.
Afrique de l'Est/Corne de l'Afrique
Il faut lire ce rapport de Michaela Collord pour l'IFRI : "Tanzania's 2020 Election. Return of the One-Party State".
C’est quoi concrètement la Corne de l’Afrique ? Pourquoi cette région de l’Afrique connaît-elle autant de tensions en ce moment ? Au moment où l’Éthiopie est occupée à combattre au Tigré, le Soudan en a profité pour s’accaparer des terres disputées à la frontière. Le conflit au Tigré est-il en train de s’internationaliser ? Le siège de l’Union africaine est à Addis Abeba, capitale éthiopienne. Pourquoi avoir choisi cette ville et quel rôle joue l’Ethiopie au sein du continent ? Quel rôle joue Djibouti au sein de la Corne et pourquoi attire-t-il autant les grandes puissances ? Certaines ont des bases militaires sur son territoire. Un ensemble de questions sur la région auxquelles j’ai pu répondre dans l’émission Arrêt sur le monde du CERIUM.
Ethiopian Airlines et Air Djibouti sesont associées avec le port de Djibouti afin de proposer un hub de fret
aéro-maritime depuis l'aéroport de Djibouti. Un collègue nous explique sur Twitter
que « C'est aussi une manière de contenir les éventuelles ambitions de Air
Djibouti et aussi d'assurer un contrôle sur le port de Djibouti ». Sur l'économie éthiopienne on lira : Oxford Handbook of the Ethiopian Economy.
En décembre, l'IGAD a nommé une équipe d’observateurs qui a rendu son rapport sur les tensions frontalières entre la Somalie et le Kenya. La Somalie a estimé que ce rapport était trop favorable à Nairobi. Les caricatures d'Amin Art savent si bien décrire la réalité (Merci à Cala pour la traduction) : Uhuru: ``Je vois la Somalie revenir!`` Guelleh: `` Je vois rien a l`horizon. Est-ce que tu hallucines!``
Très bel article dans Le Monde sur les anciennes colonies italiennes ICI. Je vous recommande ce formidable premier roman de Stéphanie Coste. Elle raconte le destin croisé de migrants venus d'Érythrée et de leur bourreau - lui-même érythréen - sur une plage libyenne... Les EAU auraient -ils évacué leur base d’Assab en Erythrée ?
Thread intéressant qui décrypte des
images de chars T 55 au Tigray en novembre dont la peinture permet de les identifier comme
érythréens. L’Éthiopie a confirmé la fermeture dedeux des quatre camps de réfugiés érythréens en Ethiopie. Sur les 96 000
réfugiés érythréens en Éthiopie avant le déclenchement du conflit dans la
région du Tigré, il ne reste que 26 000 à 28 000 Érythréens dans les deux
derniers camps. Voici le dernier rapport du Human Right Watch sur la situation sanitaire en Ethiopie.
Parce que c'est toujours un plaisir de revenir à ses racines et de pouvoir échanger avec le plus grand quotidien régional de France (et le journal de mon enfance) voici une interview sur la situation actuelle dans le nord de l'Ethiopie. La dévolution est-elle une solution au conflit ? Pour l'ICG les troupes érythréennes et amhara doivent se retirer du Tigray, le gouvernement doit permmettre l'accès aux populations et débuter un dialogue inclusive. Le Premier ministre éthiopien tente de rétablir son image de Prix Nobel de la paix et propose une Tribune dans Jeune Afrique :"Vers un ordre pacifique dans la Corne de l'Afrique". Il faut lire ce numéro de la revue Médiévale consacré à "Éthiopie, Nubie, Égypte. Pouvoirs chrétiens et musulmans (XIe-XVe siècle)".
Point de vue soudanais sur les développements récents du
différends sur le GERD et sur le conflit pour le triangle d'Al-Fashaga. Lisez cet article sur le pouvoir politique et le secteur de l'électricité en Ethiopie. Sur les relations entre l'Ethiopie et la Russie (ICI).
Très heureuse de publier avec mon ancienne collègue de l’IRSEM Fatiha Dazi-Héni cette note "The Red Sea: New spaces of interdependent securityissues between countries of the Gulf and of the Horn of Africa”.
Cette semaine le Président djiboutien était en visite en France afin, notamment, de renégocier les accords de défense et de rencontrer le MEDEF. Voici quelques échanges sur le sujet : ICI ICI et ICI