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dimanche 5 novembre 2023

Les dernières nouvelles du continent (17)

Presque trois ans sans article sur ce blog... le temps d'une expatriation. Trois ans également, pratiquement jour pour jour, que le conflit au Tigré a éclaté. Au cours de ces mois, les coups d’État se sont enchainés sur le continent, la France ne semble plus avoir de politique à proposer à ses partenaires et se montre souvent dépassée par la marche du monde. Les conflits systémiques en Europe et au Moyen Orient trouvent une chambre d'échos sur le continent africain mais l'attention s'en détache. 

 

Le métier de chercheur nous impose de faire un pas de côté, d'expliquer les évènements - sans les justifier - et de donner un sens au monde qui nous entoure. Alors que notre société du spectacle semble se transformer en spectacle de l’horreur, plus que jamais le chercheur doit faire entendre sa voix dans l'espace public. Dans le bouillonnement informationnel actuel, il est souvent difficile pour nos étudiants et pour le grand public de faire le tri et de trouver l'information pertinente. J'entends donc reprendre ici mes veilles d'internationalistes avec un focus sur les Afriques, en me concentrant sur les contributions francophones en complément de la formidable newsletter de Jeffrey Paller (en anglais).

 

Corne de l'Afrique

 

Le 2 novembre 2022, le gouvernement fédéral éthiopien et les rebelles du Tigré signaient à Prétoria un  accord mettant fin à deux ans de guerre. Pourtant, un après, le pays est toujours en guerre. Le Premier ministre et prix Nobel de la paix souhaite démanteler les milices, or se sont justement les milices amhara (Fano) qui ont combattu auprès des troupes fédérales au Tigré et qui refuse désormais de rendre leurs armes. Les anciens alliés érythréens refusent également de se retirer. Un diplomate interviewé par Noé Hochet-Bodin pour Le Monde tranche : « L’espoir est devenu cauchemar (...) Nous pensions assister à un tournant historique pour l’Ethiopie, mais en réalité cet accord avait un handicap dès sa signature : il n’incorpore pas les forces amhara ni l’Erythrée, deux acteurs de la guerre. » Avec au moins 371 971 combattants, le processus de démobilisation sera le plus important au monde et devrait coûter 849 millions de dollars sur une période de quatre à cinq ans. Et si pour souder les Éthiopiens et désenclaver le pays, il fallait créer un nouvelle guerre contre l'ErythréeKen Opalo estime crédible les arguments économiques avancées par Abiy Ahmed en faveur du désenclavement. Dans l'ensemble, les pays enclavés ont tendance à être 20 % moins développés qu'ils ne le seraient s'ils avaient accès à la mer. Cela s'explique en partie par le coût du commerce, les frais de transport étant de 50 à 262 % plus élevés pour les pays enclavés. Pour le moment le Tigré est exsangue.

 



Le désintérêts pour ce conflit fait dire à Gérard Prunier que "La mort d’un Noir vaut moins que celle d’un Blanc(*) et les cadavres éthiopiens d’une guerre qui a compté au moins quatre fois autant de pertes que la guerre en Ukraine en sont une preuve de plus." Esther Duflo revient sur cette invisibilisation dans sa chronique sur France culture.  

 

La Somalie annonce sa candidature à un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies pour une période de deux ans (2025-2026). Actuellement, le continent dispose de trois sièges non permanents occupés par le Mozambique, l'Algérie et la Sierra Leone.

 

Le Soudan est aujourd’hui l'une des pires catastrophes humanitaires au monde, avec plus de 5,6 millions de personnes déplacées, 9 000 morts dans les combats, 860,000 réfugiés et rapatriés qui pourraient fuir vers les pays voisins en raison de la violence au Soudan au cours des six prochains mois. On estime à 19 millions le nombre d'enfants non scolarisés. Laurent Larcher s'est rendu dans les camps de réfugiés soudanais au Tchad auprès des « anciens» réfugiés arrivés du Darfour en 2003 qui voient arriver les nouveaux réfugiés de la guerre d'avril 2023.

 


 

Israël/Palestine

 

Le 7 novembre, nous réfléchirons à l'ENS aux réactions mondiales à cette guerre.  Je propose ici quelques éléments de réponses pour les Afriques, complétés par Afrique XXI qui évoque une "indifférence" des pays africains dans leur ensemble. Al Shabaab pourrait intensifier ses attaques en Somalie et au Kenya alors que l'opération de maintien de la paix de l'Union africaine en Somalie se réduit. Al-Shabaab a publié une déclaration saluant la « bravoure » des combattants du Hamas et leur apportant son soutien total. Pour Alex de Waal, c'est toute l'architecture de sécurité de la mer Rouge qui est en jeu : "La mer Rouge est stratégique pour Israël. Un quart du commerce maritime israélien est traité dans le port d'Eilat, situé dans le golfe d'Aqaba, un bras de mer de la mer Rouge. Eilat est la porte arrière d'Israël, vitale au cas où la côte méditerranéenne serait menacée. Israël considère depuis longtemps les pays riverains de la mer Rouge - Jordanie, Égypte, Arabie saoudite, Yémen, Soudan, Érythrée, Djibouti et Somalie - comme des pièces du puzzle de sa frontière de sécurité élargie." Gilles Yabi explore les raisons pour lesquelles la réponse de l’Union africaine ne reflète pas celle de l’ensemble des pays africains.


Afrique de l'Ouest/Afrique centrale côtière


En Guinée, Dadis Camara a été exfiltré de prison par un commando armé puis réarrêté dans la même journée (lire ce livre sur les violences politiques dans le pays). Depuis un an, se déroule son procès ainsi que dix de ses co-accusés, soupçonnés d’être les responsables du massacre du 28 septembre 2009. Pour Catherine Maia "la démonstration est  faite que même un État tel que la Guinée, aux moyens limités et à la stabilité politique relative, peut organiser efficacement et équitablement des procès d’auteurs de graves violations des droits humains".

Le Centre d'études stratégiques de l'Afrique propose une analyse (avec carte et tableau) sur les limites constitutionnelles de la durée au pouvoir des dirigeants africains. On apprend que "sur les 54 pays d’Afrique, en comptant les huit pays supplémentaires qui ne sont pas dotés de restrictions de mandats, 30 pays (soit 56 %) fonctionnent sans limites sur l’échéance au pouvoir du président."

 



Afrobarometer propose un nouveau sondage sur les brutalités policières : pour 4 Africains sur 10 la police fait "souvent" ou "toujours" un usage excessif de la force sur les manifestants et les arrêtés.  Voir la dernière analyse de Afrobarometer dans The continent.  

 


 

Publications 

 

De nombreux travaux ont montré l'importance que peuvent avoir les artistes dans les mouvements de contestation notamment en Afrique ou la dénonciation des ingérences étrangères (Didier Awadi dans son dernier album par exemple). Néanmoins, "peu d’études ont adopté une perspective comparative pour établir une analyse macro-systémique des réseaux translocaux où ces artistes engagés se fréquentent, des types de mobilités et de ressources qu’ils mobilisent, et des contraintes différenciées qu’ils rencontrent", c'est ce que propose ici Alice Aterianus-Owanga pour la Revue internationale de politique comparée.

Moussa Bobbo présente dans cette étude de l'IFRI le bilan du Programme national de Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) créé en 2018 au Cameroun. Il dépeint un bilan sombre faut de volonté politique et de financement.

Dans son étude " Centrafrique : la fabrique d'un autoritarisme" le sociologue Roland Marchal explore la construction du pouvoir du Président Faustin-Archange Touadéra. Selon l'auteur, le pays est "un État déliquescent (...) [qui] sait jouer de ses propres faiblesses et d'une configuration régionale et internationale particulière pour aujourd’hui contraindre le champ politique et terroriser sa propre population en construisant un ennemi forcément étranger et en instrumentalisant la Russie pour sa pérennisation".

A retrouver chez Karthala "L'Enchevêtrement des crises au Sahel Niger, Mali, Burkina Faso" de Jean-Pierre Olivier de Sardan.

J'ai hâte de lire cette BD sur Thomas Sankara (dès que mon chat me l'aura rendu...). On me dit également le plus grand bien du deuxième roman de Kayo Mpoyi, "L'echo des silences de Mère". Il est question de mémoire, d'exil, de silence et du Congo. Les fans ne manqueront pas la sortie du 8ème tome des aventures de Aya de Yopougon.


 


Dans ce tweet Elara Bertho nous présente quelques œuvres contemporaines actuellement exposées au Musée des civilisations noires de Dakar.

 



mercredi 20 janvier 2010

Le Sinaï au cœur des crises israélo-arabes.



Aujourd’hui je m’immisce aux limites de l’Afrique, en tant que continent géographique bien sûr mais aussi géopolitique puisque je vous propose un petit coup de projecteur sur le Sinaï. La région est actuellement touchée par de graves inondations (les pires enregistrées depuis 1994) et l’intérêt des géopolitologues aura été attiré par le projet d’Israël de construire une double rangée de clôtures entre le Néguev et le Sinaï pour lutter contre l’immigration clandestine et ainsi clôturer sa dernière frontière encore ouverte.
Donc région mal connu mais au combien stratégique au cœur des crises israélo-arabes.
Péninsule montagneuse et désertique Égypte de 61 000km², pont entre l’Afrique et l’Asie, bordé à l’Ouest par le canal et le golfe de Suez, à l’Est par le golfe d’Akaba. La partie sud vit du tourisme alors que la partie nord souffre de la pauvreté.

Le Sinaï recèle une charge émotionnelle pour les juifs israéliens puisque, selon la Bible, Moise y aurait reçu l’alliance de Dieu et les 10 commandements. Pour certains, cette région ferait partie de la terre biblique d’Israël et plusieurs colonies y ont été implantées jusqu’à leur démantèlement en 1982. Par ailleurs, la région est stratégique tant pour les Israéliens que pour les Égyptiens car elle permet de surveiller le canal de Suez et le détroit de Tiran. Économiquement, les gisements de pétrole attisent également les convoitises.
La région a été un champ de bataille pour les armées israéliennes et arabes. Israël contrôla deux fois le Sinaï en 1956, puis de 1967 à 1982.
Depuis 1982, Égypte y exerce sa pleine souveraineté mais ne peut déployer dans la péninsule certaines armes lourdes. Cette région pauvre a aussi été le lieu de plusieurs attentats terroristes entre 2004 et 2006 et le relief est idéal aux activités illégales. Le Sinaï serait-il en train de devenir un bastion djihadiste dans une région au cœur des préoccupations internationales ?