lundi 9 novembre 2009
Sommet sino-africain : retour sur les principales mesures
Le Sommet sino-africain à Charm el-Cheikh s’est achevé lundi en présence de responsables de plus de 50 pays africains. Le premier ministre chinois Wen Jiabao a promis plus de 10 milliards de dollars de prêts bonifiés (6,6 milliards d’euros) à l’ensemble du continent africain et fait des offres de bons offices pour « la paix et la sécurité », tout en réfutant les accusations de « néo-colonialisme » portées par les Occidentaux.
Les ministres et chefs de délégations ont adopté la "Déclaration de Charm el-Cheikh», qui insiste sur la nécessité de maintenir l'unité et le soutien mutuel pour faire face aux défis résultant de la crise économique mondiale, et le « Plan d’action triennal de Charm El-Cheikh (2010-2012) ». Les deux documents définissent de nouvelles actions visant à promouvoir la coopération sino-africaine dont :
-un projet de mise en place d’un partenariat Chine-Afrique pour gérer la question des changements climatiques figure au nombre de ces mesures.
-un renforcement de la coopération avec l’Afrique dans le domaine des sciences et de la technologie
-une aide à l’Afrique à consolider ses capacités de financement en accordant dix milliards de dollars de crédits concessionnaires aux pays africains
-un soutien aux institutions financières chinoises pour leur permettre de créer un crédit spécial d’un milliard de dollars pour les PME africaines.
Les deux parties ont également convenu d'organiser le second dialogue politique entre les ministres des Affaires étrangères de la Chine et d'Afrique en 2010 en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies.
La Chine va davantage ouvrir ses marchés aux produits africains pour lesquels, elle pourrait progressivement appliquer un tarif nul à 95% des produits en provenance des pays africains moins développés, entretenant des relations diplomatiques avec Pékin, une mesure qui s’appliquera dès 2010, à 60% de ces produits.
Je vous propose de changer de perspective et de s’interroger sur les perceptions africaines de la Chine en Afrique.
La Chine connaît un boom économique et dispose d’une diaspora importante dans le monde entier y compris en Afrique. Elle est le premier fournisseur de l’Afrique et son deuxième client après les Etats-Unis. Pourtant, si on connaît la stratégie chinoise envers l’Afrique notamment à travers un Livre Blanc publié en janvier 2006 et intitulé : « Politique de la Chine à l’égard de l’Afrique » on ne connaît pas véritablement la perception qu’a l’Afrique de la Chine. La présence chinoise offre de nombreuses opportunités aux gouvernements africains malgré une relation largement au bénéfice des Chinois.
I. La présence chinoise : une opportunité pour les dirigeants africains…
a)Une diplomatie de non-ingérence très appréciée.
L’une des raisons majeures du bond spectaculaire de la Chine en Afrique est que la Chine fonde ses relations avec les pays africains sur le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures, quitte à faire fi des exigences démocratiques. En effet, la Chine ne s’implique pas dans la résolution des conflits et peut apparaître comme une alternative pour les pays sommés, par la communauté internationale, d’adopter une gouvernance démocratique et plus transparente. Son engagement politique en faveur du Soudan (refus de voter la condamnation de l’ONU pour violation des Droits de l’homme, par exemple), s’explique par les accords économiques que la Chine a conclu au Soudan, notamment dans le domaine pétrolier et dans l’exploitation des mines d’or. Une situation quasi similaire existe avec le cas du Zimbabwe, avec qui la Chine maintient des relations diplomatiques et commerciales. Peu avant le sommet de Charm el-Cheikh les pays occidentaux avaient critiqué la Chine d’avoir signé un accord portant sur plus de 7 milliards de dollars (4,6 milliards d’euros) sur cinq ans pour un projet minier en Guinée, moins de deux semaines après le massacre de plus de 150 sympathisants de l’opposition guinéenne par les forces de sécurité.
Les pays d’Afrique, notamment ceux touchés par les guerres, ont besoin du soutien de la Chine notamment en équipements militaires et de son appui en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Ainsi la Chine est soupçonnée d’avoir utilisé le Soudan début 2000 comme débouché pour sa technologie militaire. Les ventes d’armes par la Chine auraient, par ailleurs, entretenu le conflit érythréo-éthiopien (plus d’un milliard de dollars de contrats).
b) L’absence de conditionnalité politique et économique
En échange de contrats et de facilités d’exploitation, la Chine offre aux pays africains des constructions et des financements défiant toute concurrence (aide au développement via des prêts sans intérêt). Les conditions d’octroi des crédits chinois donnent beaucoup plus de possibilités aux pays demandeurs, comparées aux exigences fixées par le Fond Monétaire International par exemple. En effet, contrairement au FMI, la Chine accepte d’octroyer des prêts gagés sur la production pétrolière future d’un pays. En outre, elle n’hésite pas à verser des commissions ou à contourner les appels d’offres en échange de l’obtention de contrats. Elle a, par exemple, financé la résidence de Mugabe (pour 9 millions de dollars) et construit des bâtiments publics au Rwanda, en Centrafrique, au Sénégal, en Ethiopie, au Mali…En fait cela permet aux autorités gouvernementales de ne pas pratiquer la transparence et favorise la corruption. « Cette autre manière de faire du business » (propos de l’ancien ministre rwandais des finances Mr Donald Kaberuka) est très appréciée. D’où l’intérêt de certains pays africains à travailler avec des entreprises chinoises plutôt qu’avec des compagnies occidentales dont les marges d’action se sont resserrées depuis le lancement de campagnes telle que Publish what you pay (Publiez ce que vous payez) visant à plus de transparence financière.
II. …mais un accueil plus mitigé de la population africaine.
a)Les Africains subissent la concurrence chinoise
Le dumping des commerçants chinois qui se sont installés en Afrique provoque des protestations aussi bien en Algérie, qu’au Maroc, au Sénégal et au Cameroun. Les sociétés chinoises qui emploient une main d’œuvre dix fois moins chère concurrencent fortement les entreprises locales. Au Maroc le domaine du textile a enregistré une baisse de 20% de son activité en 2005. Cette baisse s’explique par la fin des quotas sur les produits textiles chinois à destination de l’Union européenne et des Etats-Unis le 1er janvier 2005.
En outre, les compagnies chinoises font venir leurs employés de Chine et n’utilisent pas la main d’œuvre locale, pourtant très touchée par le chômage, et les sous-traitants locaux. En Algérie, les compagnies chinoises de BTP ont fait venir les ouvriers et l’encadrement de Chine qu’elles paient aux normes chinoises. C’est un scandale pour les populations de ces pays qui dénoncent « l’invasion chinoise ». Néanmoins ces protestations ont peu de chance d’être écoutées par les gouvernements car la Chine se charge des contrats de travaux publics à meilleurs prix et sa main d’œuvre est plus compétitive. Ainsi la main d’œuvre se relaie sur les chantiers 24h/24h, travaille 10 à 12 heures par jour avec une journée de repos par mois.
b) Une diaspora peu intégrée
La dernière vague d’immigrés souvent de bas niveau social et avec peu de qualification tend à générer des comportements de rejet. En effet, cette population s’isole pour des raisons culturelles et linguistiques. Dans certains pays, comme en Côte d’Ivoire, la population déteste les Chinois, qui le leur rendent bien, et certains intellectuels et journalistes africains crient au « péril jaune ».
Ainsi la Chine est bien perçue par les gouvernements africains, signe de cette bonne perception : la plupart des pays africains éprouvent le besoin de se rapprocher de la Chine malgré les largesses financières de Taiwan. À ce jour, Taiwan entretient des relations diplomatiques avec 5 pays africains : le Burkina Faso, la Gambie, São Tomé et Principe et le Swaziland. Les discours chinois font toujours référence au principe « gagnant-gagnant » même si cette rhétorique politique pourrait s’avérer n’être qu’une illusion pour les pays africains. La Chine achetant des matières premières africaines pour revendre à l'Afrique des produits manufacturés, le solde des balances commerciales des pays africains se creuse inexorablement et les productions nationales africaines sont sérieusement concurrencées sur le marché intérieur. Pour Chris Alden, chercheur à la London School of Economics and Political Science, spécialiste des relations Chine-Afrique : « Accuser la Chine de néocolonialisme vient surtout d’un Occident très troublé par l’émergence d’une nouvelle puissance mondiale qui veut prendre sa place commerciale sur un continent africain dominé depuis des siècles par les seuls Occidentaux ».
Source : Le Figaro / APA / SLG
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire