samedi 19 décembre 2009
Terres agricoles (1/2) : les richesses agricoles africaines
L’Afrique est courtisée pour ses ressources énergétiques, minières et pour ses terres comme nous le verrons dans notre prochain billet. Mais elle l’est aussi pour certaines de ces ressources agricoles. Ainsi, nombreux sont les pays à avoir abandonné leurs cultures vivrières pour des cultures de rente qui les rendent plus vulnérables, notamment en matière de sécurité alimentaire. Au cours des 15 prochaines années, la répartition inégale des ressources alimentaires tendra à s’accroître et elle constituera un facteur crisogène important du contexte international.
L’Afrique est un continent majoritairement rural. Près de 70% de la population tire ses revenus de l’agriculture (43 % à l’échelle mondiale, 4 % en France). La productivité agricole sur le continent est mille fois inférieure à la productivité moyenne en France ou aux États-Unis. Néanmoins seul 2 à 4 % des budgets des pays africains sont consacrés à l’agriculture, alors que 10 à 20 % des PIB en dépendent. La productivité agricole reste très basse dans la plupart des pays. Il y a donc en théorie des réserves de productivité. Mais l'expérience prouve qu'elles sont très difficiles à mettre en œuvre.
En Afrique, 33% de la population souffrent de malnutrition, voire dans des cas extrêmes de famine, soit le double par rapport aux années 1970. La situation est complexe. En dépit, de la rapide urbanisation du continent, la population vit encore de l’agriculture pluviale donc très exposée aux aléas climatiques (d’autant plus qu’elle dégage peu d’excédents). Le problème majeur de l’alimentation en Afrique provient de la diminution des cultures vivrières qui rend le continent de moins en moins autonome au niveau alimentaire. En effet, les cultures vivrières ont souvent été délaissées au profit des cultures de rente. En 1973, l’Afrique est devenue importatrice nette de produits alimentaires. Par la suite la production alimentaire n’a pas su s’adapter à la flambée démographique et les importations ont rapidement augmenté. En outre, leur rendement est médiocre.
L’Afrique est également en retard par rapport à d’autres régions en termes de pourcentage de terres agricoles irriguées, d’utilisation d’engrais, et de productivité du travail et de la terre par le travailleur. Par exemple, la production de riz du Mali pourrait passer de 750 000 tonnes par an à plus de 4 millions en améliorant les ouvrages d’irrigation et si les 2,2 millions d’hectares de terres agricoles irrigables étaient mises en valeur 1. Un défi majeur à relever est de passer d’une agriculture extensive à une agriculture intensive. Le colonisateur ne l’a pas fait parce qu’il a opté pour la solution à court terme (profit immédiat sans investir et main d’œuvre gratuite). Après l’indépendance les africains n’ont pas inversé la tendance.
Le risque alimentaire majeur est lié à la guerre et aux conflits car ils désorganisent les systèmes agricoles et les mécanismes de réponses sont défaillants. D’ailleurs la carte de la famine se superpose à celle des conflits. Les famines actuelles sont la conséquence de logiques de prédation et d‘une instrumentalisation politique des famines par des gouvernements ou des mouvements politiques marginalisés. La question de la faim est donc liée à l’insécurité comme pour le Soudan, la Sierra Leone, la Somalie ou la RDC. Prenons un exemple, en 1985, l’Ethiopie est un Etat marxiste-léniniste, c’est aussi un pays en développement, ravagé par la famine. Pour Mengistu, la gestion politique de la famine prime sur la recherche d’une solution économique et sociale.
La famine de 1973-1974 ayant largement contribué à la chute d’Haïlé Sélassié, Mengistu se tient à la tête du pouvoir grâce à un contrôle politique et policier de la crise. Mais il ne se réjouit pas de la forte dépendance en aide humanitaire qui l’oblige à « ouvrir » son pays aux observateurs, médecins. La sécheresse était inévitable puisqu’elle a touché la moitié du continent africain, pourtant elle aurait pu être mieux combattue. La première action du gouvernement a été de nier la crise. En effet, jusqu’au printemps 1984 Mengistu a étouffé le problème. La seconde réaction a été d’utiliser la crise à des fins politiques. La tactique de Mengistu était d’affaiblir ses adversaires pour les neutraliser en laissant les zones de guérilla comme l’Erythrée, le Tigré et le Wollo dans le marasme et en les vidant progressivement de leur population. Pourtant, les effets négatifs de la famine sur le développement économique du pays n’ont pas été compensés par des effets positifs sur la situation politique et militaire. Le transfert des populations n’a pas mis fin aux guérillas puisque l’Erythrée a acquis son indépendance par la suite. Toutes les instrumentalisations politiques des famines suivent le même processus : surestimation du nombre de victimes potentielles, aide alimentaire des agences encadrée avec obligation de passer par des organismes étatiques…
On ne peut se lasser de le dire, il n’y a point d’avenir économique pour les pays africains en dehors de l’autosuffisance alimentaire. Le Vice-président de la Banque Mondiale, Ismaël Sarageldin a déclaré en 1996, que « le rôle premier de l’agriculture est sans doute d’abolir la pauvreté et la faim comme on a autrefois décidé d’abolir l’esclavage »2.
1 :GUYOT, « L’abondance des richesses naturelles doit permettre le développement de l’Afrique » in « L’Afrique des idées reçues »
Carte : Banque mondiale, World development indicators, 2006
2 : BOLOUVI (William), « Quel développement pour l’Afrique subsaharienne ? », Paris, 2007, L’Harmattan, p.229
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