En 2007, le MV Rozen et son équipage (six Kenyans et six Sri lankais) étaient capturés par des pirates au large de la Somalie. Après 40 jours de négociations le cargo était relâché. On le sait de la réalité à la fiction il n’y a qu’un pas qu’a franchi avec brio le réalisateur danois de « A Hijacking – Kapringen ». Ainsi, dans ce film sorti en France le 10 juillet dernier, on retrouve le MV Rozen au cœur d’une prise d’otage.
Le scénariste de Borgen (de nombreux acteurs de la série sont présents dans le film) et réalisateur, Tobias Lindholm, signe ici un drame aux accents de thriller. On peut y suivre la mésaventure de Mikkel (Pilou Asbaek), sympathique cuisiner du cargo dont le cargo est détourné par des pirates somaliens. Néanmoins, ce sont les négociations qui sont au cœur de ce film. D’ailleurs, celui-ci s’ouvre sur une scène de négociations entre le chef de la compagnie maritime où travaille Mikkel et des hommes d’affaires japonais, sur le montant
d’un accord. Les négociations sont rudes mais Peter, froid et sûr de lui, obtient le montant qu’il souhaitait alors qu’il fait mine de quitter la table de négociations.
Cette scène donne le ton du film qui, plus qu’un film sur la piraterie (on ne voit pas l’abordage), est un drame au suspens éprouvant où les négociations pour délivrer les otages mettent le spectateur dans une angoisse permanente.
Tout au long du film, le pirate Omar, mène les négociations de sa cabine à bord du Rozen. Il semble être le chef des pirates bien qu’il s’en défende violemment, refusant d’être réduit à ce statut. Il se présente comme un simple intermédiaire chargé de la traduction. A plusieurs milliers de kilomètres, Peter décide de mener lui-même les négociations, comme il a l’habitude de le faire dans ses affaires, et contre l’avis d’un consultant extérieur engagé pour superviser les procédures. Il se donne pour objectif de faire baisser la rançon de départ qui s’élève à 15 million de dollars. Le leadership et la prise de décision en situation de crise sont autant de thématiques abordées par ce film. On voit le pirate, Omar, utiliser le chantage émotionnel sur les otages pour arriver à ses fins et faire plier Peter. Mais rien n’y fait, le temps s’écoule, les jours se transforment en semaines puis en mois. Les personnages sont épuisés. Peter, le chef d’entreprise danois, qui paraissait froid et très sûr de lui au départ, semble douté de sa capacité à mener sans émotion ces négociations. On le voit faiblir, douter, perdre le contrôle.
A aucun moment l’Etat danois n’intervient. L’action se passe uniquement entre les cabines du Rozen et le bureau de Peter transformé en cellule de crise. Cette ambiance calfeutrée met le spectateur dans une atmosphère de tension. On apprécie tout particulièrement le réalisme de la réalisation. Tobias Lindholm montre les difficultés quotidiennes des membres de l’équipage (saleté, promiscuité, manque de nourriture et d’eau). L’angoisse monte et le désespoir apparaît. Les otages tuent le temps avec les pirates, apprennent à les connaitre, rient avec eux (et d’eux) parfois, bien qu’ils ne parlent pas la même langue. Ils apparaissent comme de véritables businessman et bien qu’Omar leur négociateur se défende d’être un pirate, on comprend qu’il n’en est pas à son premier coup d’essai.
Il n’y a pas vraiment de méchants dans A Hidjaking. Les pirates ont un visage et une rationalité que le simple récit, voir décompte statistique froid des actes de piraterie, ferait oublier. Le réalisateur n’en fait pas des caricatures même si on aurait aimé les voir plus et peut être remonter aux racines de ce phénomène qui a explosé au large des côtes somaliennes en 2008.
La piraterie n’est donc pas la thématique centrale du film malgré son titre. Mais les affaires sont les affaires et l’une des dernières scènes du film est d’une violence extrême, elle remet l’humain au cœur du film et montre le caractère destructeur des événements sur la vie de ces hommes pris au cœur de tractations qui les dépassent.
La bande annonce :