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dimanche 1 juin 2014

Les relations entre la France et l’Afrique : la dialectique du maître et du valet

Après « Comment la France a perdu l’Afrique », « Sarko en Afrique », écrits avec Stephen Smith, et « Ces Messieurs Afrique : Des réseaux aux lobbies », Antoine Glaser revient une nouvelle fois sur les relations entre la France et son pré-carré dans son nouvel opus : AfricaFrance. Quand les dirigeants africains deviennent les maîtres du jeu.  L'auteur le dit lui-même « je suis devenu, à mon corps défendant, un spécialiste de la « Françafrique » (p.11) ». Nous vous proposons ici une recension de son ouvrage.
Dans AfricaFrance, l’ancien directeur de La Lettre du continent, souhaite déconstruire « l’histoire communément admise » d’un continent soumis à la France. Selon lui c’est « un leurre qui arrange autant Paris que les capitales africaines (…) loin d’être des pantins et des béni-oui-oui, les présidents africains ont su manœuvrer et instrumentaliser leurs « maîtres » à Paris » (p.12-13). Il va même plus loin, ça n’est pas qu’un simple retournement mais une situation qui préexistait déjà sous le Général de Gaulle. L’objectif d’Antoine Glaser est donc de mettre la lumière sur ces manipulations qui ne proviendraient pas toujours de ceux qu’on croit : « les dirigeants africains jonglent ainsi avec les non-dits pour que leurs interlocuteurs gaulois se sentent toujours responsables de leur avenir (…)[ils] se trouvent plus souvent qu’on ne le croit dans une position dominante vis-à-vis du pouvoir français (…) il considèrent [la France] avec la condescendance du « qui paie commande »» (p.17-18).
De l’influence essentielle de Jacques Foccart et de Felix Houphouët-Boigny, « le patron de la Françafrique », au financement des partis politiques, en passant par les réseaux d’influence parisiens (communicants, hommes d’affaires et politiques) activés par les président africains « pour asseoir leur pouvoir en Afrique » (p.41), ou encore le rôle de la franc-maçonnerie, des réseaux de « l’or noir » au Congo et ceux de l’or jaune au Niger, Antoine Glaser décrypte en dix chapitres le passage de la Françafrique à l’AfricaFrance. Chaque chapitre est consacré à l’une des anciennes colonies françaises. L’auteur revient ainsi sur l’arrivée au pouvoir de l’ivoirien Alassane Ouattara et son soutien à l’opération française au Mali, les relations parfois difficile entre François Hollande et Idriss Déby, le président tchadien, les initiatives du président burkinabé qui relèvent « plus souvent qu’on ne le pense de sa propre initiative » et ne sont pas « téléguidées par Paris ». En effet, pour Antoine Glaser « Blaise Compaoré  sait que la France a plus besoin de lui qu’il n’a besoin de la France. En termes d’aide financières, il compte bien plus sur Taïwan que sur l’Hexagone » (p.146). Antoine Glaser analyse aussi la politique du gabonais Ali Bongo plus tournée vers les Etats-Unis que celle de son père. On peut regretter que Djibouti ne soit que rapidement mentionné en conclusion alors même que ce petit Etat de la Corne de l’Afrique illustrerait parfaitement la thèse de l’auteur (p.213).
Les initiés apprécieront les nombreuses anecdotes et les coulisses des relations entre les présidents africains et le pouvoir français dans la période récente (et jusqu’à fin 2013). L’ouvrage est agrémenté d’entretiens des acteurs de ces relations, comme Anne Lauvergeon, Patricia Balme, André Bailleul, Jean-Marc Simon, Michel Roussin, Michel Katz, Georges Serre, Michel de Bonnecorse, Jean-Christophe Rufin, Pierre-André Wiltzer, Robert Bourgi, etc.
Ainsi, malgré les promesses rééditées de ruptures, tant François Hollande que son prédécesseur auraient été « marabouté[s] par l’Afrique et ses dirigeants » (p.209). Le président français serait parfois « l’obligé » de certains présidents africains car « celui qui paie commande ». Antoine Glaser conclue sur les perspectives économiques et les richesses du continent africain qui attirent déjà de nombreux Etats. Il finit par asséner: « Paris n’est plus le donneur d’ordres, mais il ne le sait pas encore. Il se croit encore aimé alors qu’il n’intéresse plus. L’Afrique a changé sans que son « papa » autoproclamé en soit informé » (p.215) or comme l’aimait à le rappeler l’ancien président gabonais Omar Bongo : « La France sans l’Afrique, c’est une voiture sans carburant » (p.42).
A lire d'une traite !

Quelques interviews de l'auteur : 

lundi 21 janvier 2013

Génaf : des jeunes au service de la solidarité internationale pour et avec l'Afrique


Génaf est une association créée en 2003 qui se donne pour objectif de participer au développement de l'Afrique de l'Ouest. Good Morning Afrika (via Bénédicte, l'une des membres de l'association) vous propose une interview croisée de Sarah Monnier, l’actuelle présidente de Génaf, de Grégoire Mialet, son ancien président et de Lauren Kharouni, chef du projet 2013.

 Olympiade avec les enfants

Comment est née cette association ? Depuis quand l'association existe-t-elle ?
Grégoire Mialet :
L’association Génaf existe depuis 2003. Elle est née de la volonté de plusieurs jeunes en France de se structurer pour organiser des projets solidaires en collaboration avec des jeunes africains.
Le cœur de notre fonctionnement repose sur notre indépendance qui nous permet une totale liberté d’action : laïque, apolitique et totalement autonome, l’association se veut un trait d’union entre tous les milieux sociaux afin de proposer à tous les jeunes qui désirent s’investir un espace d’expression et d’engagement solidaire.

Comment l'association est-elle organisée ? Quels sont les rôles de chacun ?
 Grégoire Mialet :
La taille de notre association nous permet de mettre en place une organisation clairement définie tout en conférant une certaine flexibilité dans le déroulé de nos actions. Ainsi, comme beaucoup d’associations, nous sommes régis par des statuts et par un règlement intérieur et les principales décisions sont validées par un conseil d’administration de six personnes. Néanmoins, nous tenons à investir chaque bénévole dans un rôle (événementiel, gestion des dons, organisation des activités pédagogiques, organisation d’un tournoi de sport, etc.) afin de le rendre acteur du projet et sommes sensibles au travail collaboratif et participatif plutôt qu’un fonctionnement hiérarchique pyramidal.
Il est important pour nous que chaque bénévole perçoive la touche personnelle qu’il peut apporter dans nos projets. Le rôle de l’association est de l’accompagner dans ses idées et ses prises d’initiatives.

Sarah Monnier :
Oui, par exemple, pour le choix du futur projet, nous avons beaucoup discuté des propositions qui nous avaient été faites entre bénévoles, puis, à partir des informations à notre disposition, nous avons pu, entre membres du conseil d’administration, faire le choix du meilleur projet à adopter. Nous tenons à ce que chaque bénévole puisse agir à sa manière, comme il le souhaite et surtout à hauteur de ses envies et de ses possibilités.


 Communauté rurale de N'Gogom

Qui sont vos bénévoles ? Pourquoi s'engagent-ils ?
 Sarah Monnier :
Les bénévoles de Génaf sont plutôt jeunes : nous avons entre 18 et 32 ans. Nous sommes étudiants, salariés, chômeurs, chefs d'entreprise, dans tous les secteurs. Certains s'engagent pour découvrir une autre façon de voyager et de découvrir les cultures africaines, d'autres pour participer à un projet qui leur semble juste et qui leur permet de mener une action solidaire. Quelques-uns encore y trouvent un excellent tremplin vers une professionnalisation dans le domaine de la solidarité internationale. 

Grégoire Mialet :
Cette diversité des parcours, des formations et des personnalités de nos bénévoles constitue la richesse de notre association et cimente les actions que nous organisons.

Comment arrivez-vous à mesurer l'impact de vos projets ?
   Grégoire Mialet :
Le suivi de nos projets est un point auquel nous accordons une attention très particulière. L’efficacité même de notre action dépend de notre capacité à faire en sorte que la population locale s’approprie les structures que nous avons mises en place et les systèmes organisationnels que nous avons proposés. Aussi, nous cherchons toujours à valider l’utilisation de ces structures plusieurs mois, voire plusieurs années après notre venue. Cela se matérialise par de nouveaux séjours sur place (en plus petit comité) et/ou par un suivi régulier avec nos partenaires.
Nous cherchons notamment à mesurer le plus précisément possible le nombre d’enfants touchés par les structures éducatives mises en place : salles de classes, espace numérisé, bibliothèque… Nous vérifions que les populations bénéficiaires correspondent aux populations que nous ciblons et notamment, que la parité garçon/fille est respectée. Ensuite, nous essayons de tracer le volume d’accès (nombre de livres prêtés, nombre de connexions) grâce au travail précieux de nos partenaires. Si ces processus peuvent se révéler complexes et coûteux en énergie, ils sont notre garantie d’une action efficace, cohérente et concertée.

 Le chantier

Quel est le prochain projet que vous allez mener ?

Lauren Kharouni :
Pour son cinquième projet, Génaf interviendra, à l’été 2013, dans le centre-est du Burkina Faso, dans la région de Koupéla. Le projet consiste à participer au développement d’un collège-lycée agricole situé en région rurale dans le village de Lioulgou en partenariat avec une association locale, à l’initiative du projet.
Sur place, les matinées des bénévoles seront consacrées à la construction d’un laboratoire, en partenariat avec un entrepreneur burkinabé. Les salles de classe étant déjà construites, et les terrains disponibles pour les cultures, la salle de laboratoire est indispensable à l’enseignement technique que souhaite prodiguer l’établissement. Semblable à une salle de chimie, cet espace permettra aux élèves de mener à bien des expériences, d’entreprendre des expérimentations sur les cultures et de comprendre, de manière pratique et concrète, l’ensemble du cycle productif agricole. Les après-midi seront, elles, dédiées aux activités culturelles organisées avec les enfants, en coopération avec une association de jeunes et des institutrices du village.

Good Morning Afrika traite des questions géopolitiques et stratégiques liées aux continent africain. Dans quelle mesure le travail mené par Génaf peut-il être rattaché à ces problématiques ?
Grégoire Mialet :
Depuis sa création, Génaf cherche à montrer avec humilité que les actions locales des petites associations ont autant d’importance que les programmes internationaux gérés par les gouvernements ou les grandes ONG : par leur connaissance du terrain, par leurs contacts proches de la population, par leur implication vertueuse, par leur diversité et leur multiplicité, ces associations mettent en place des projets simples mais adaptés dans des zones souvent non concernées par les programmes nationaux ou internationaux.
La complémentarité des acteurs qui travaillent pour le développement est un atout considérable qu’il nous faut savoir utiliser. Cela passe évidemment par un meilleur dialogue ainsi que par une volonté commune de toujours chercher à comprendre les besoins et les intérêts locaux.
Enfin, notre action doit être durable et, à ce titre, les acteurs qui interviennent dans ces pays (gouvernements, entreprises, exploitants, ONG, associations) doivent oser mettre en place des solutions innovantes, respectueuses de l’environnement, des droits humains et des traditions. C’est ce que Génaf, à son échelle, s’attachera à faire dans les projets à venir.

Lauren Kharouni :
Le travail de Génaf concerne la coopération. Ainsi, nos projets se doivent d’être en parfaite adéquation avec les besoins, contraintes et potentialités du territoire sur lequel nous intervenons. Cette adéquation est recherchée tant au niveau local des villages où sont menés les projets qu’à une échelle plus grande par l’intégration dans les axes de politique nationale pour s’assurer de la pérennité et l’efficacité du projet. La dimension géopolitique et stratégique de notre travail repose sur le choix de prioriser l’éducation et la formation, puisque lorsque celles-ci font défaut, cela a un impact sur le développement social et économique, les flux migratoires et les conflits.
La dimension géopolitique et stratégique du projet Burkina 2013 réside d’une part dans sa volonté d’une revalorisation de la ruralité et du travail agricole. D’autre part, il s’inscrit dans une stratégie de lutte contre l’insécurité et la dépendance alimentaires. En effet, le secteur primaire est au cœur de l'économie burkinabé. Or, la production de de produits destinés à l’exportation est privilégiée au détriment des cultures vivrières. De plus, les rendements agricoles sont très faibles, notamment du fait de techniques agraires nuisant à la fertilité des sols. Le manque de formation en est l’une des causes, et c’est par ce biais que Génaf a choisi d’agir. La question alimentaire soulève non seulement la question des ressources - produire plus et mieux - mais également des questions sociales - réduction des inégalités - et politiques - éviter les conflits. L'agriculture est ainsi un moteur de développement indéniable et est, de fait, au cœur des enjeux géopolitiques actuels.

Pour en savoir plus :
le site : ICI
le blog : ICI
la page Facebook : ICI

lundi 13 février 2012

Sortie du second numéro de Jambo

Le Comité "Afrique" de l'ANAJ-IHEDN est heureux de vous annoncer la sortie du numéro 2 de la revue Jambo

Rédigée par des étudiants, chercheurs ou jeunes professionnels membres du Comité Afrique de l’ANAJ-IHEDN, la lettre souhaite montrer à ses lecteurs que le continent africain est un acteur à part entière des enjeux géopolitiques mondiaux. Nos rédacteurs ont une expérience du continent, y ont vécu ou travaillé.
Il s’agit pour eux de faire partager leur intérêt commun pour un continent trop souvent marginalisé dans les médias et la pensée européenne.




Dans ce numéro, Jambo revient sur les racines culturelles du continent avec un article sur la Charte du Mandé alors qu'une autre contribution propose de revenir sur le concept d'identité nationale. Nous poursuivons également notre étude sur la place des acteurs émergents avec une présentation de la politique du Brésil au Mozambique. Sans oublier une interview de Christian Bouquet sur la crise ivoirienne.

Téléchargez gratuitement le numéro 2 de Jambo ICI

lundi 3 octobre 2011

Quel avenir pour AQMI après la mort de Ben Laden?

Dernier né de l'ANAJ-IHEDN, le Comité "Afrique" a le plaisir de vous inviter à sa première conférence le Mardi 18 octobre 2011, 19h30 à 21h00, École militaire, Amphithéâtre Desvallières.



Dans un message diffusé à l'occasion du 10ème anniversaire des attentats du 11 Septembre, Ayman al-Zawahiri a annoncé soutenir le Printemps arabe, allant jusqu’à le qualifier de « le Printemps de la dignité et de la libération ». Comment expliquer une telle évolution alors que, dans un premier temps, Al-Qaïda semblait prendre ses distances par rapport aux révolutions arabes qui ont entrainé la chute des régimes qu’elle combattait depuis des décennies ?

Le professeur Jean-Pierre FILIU nous expliquera l'évolution d'Al-Qaïda depuis la mort de son leader Oussama Ben Laden, ainsi que le rôle ou non d'AQMI dans les pays arabes du Maghreb.

Télécharger le flyer ICI

Inscription obligatoire à l'adresse : http://tinyurl.com/anaj-afrique

Informations : afrique@anaj-ihedn.org

vendredi 12 novembre 2010

Le Sahel un terreau propice au développement de la criminalité (1/3)

Voici le premier billet d’une trilogie consacrée à l’Afrique de l’Ouest et plus particulièrement à l’espace saharo-sahélien, publié en parallèle sur AGS
. Nous essaierons de comprendre en quoi cet espace est un terreau favorable à l’expansion des groupes criminels et terroristes (la frontière entre les deux est souvent floue) puis qui sont ces acteurs ? Pourquoi AQMI est descendu de l’Algérie au Sahel ? Comment s’organise la lutte contre cet avatar d’Al Qaïda ?


Un ensemble de facteurs s’imbriquent et expliquent la situation actuelle :
Un espace instable et incontrôlé : Tout d’abord la porosité des frontières est un facteur géopolitique majeur dans la région. L’instabilité dans un pays se propage comme une tache d’huile chez les voisins. Et la région est soumise à de nombreux soubresauts politiques: coups d’Etat en Mauritanie (août 2008) et au Niger (février 2010) ou hyperstabilité (Campaoré au pouvoir depuis octobre 1987, Déby depuis février 1991). D’ailleurs l'entrée des États de la zone dans une période d'élections n'est pas rassurante. En effet la redistribution de pouvoir est au combien déstabilisatrice et génératrice de frustrations. On y observe la naissance ou la renaissance de guerres civiles. Petit aperçu des élections à venir dans la zone : Burkina Faso : Elections présidentielles le 21 novembre 2010. Par une révision de la Constitution Compaore devrait se représenter pour la 4ème fois, Niger : référendum constitutionnel le 31 octobre 2010, les élections locales le 08 janvier 2011, les législatives couplées au 1er tour des présidentielles le 31 janvier 2011, le 2ème tour des présidentielles le 12 mars 2011 et le président élu prêtera serment le 6 avril 2011, Nigéria: janvier 2011, Tchad : les élections générales de 2011 seraient reportées, Mali et Sénégal : 2012

Une situation économique alarmante :
Les pays de la zone sont particulièrement pauvres : le Burkina Faso, la Gambie, la Guinée Bissau, le Sénégal, le Mali, le Niger, le Tchad et le Soudan font parti des PMA (Pays les Moins Avancés) une catégorie créé par l’ONU en 1971 et regroupant les pays les moins développés socio-économiquement. Et pour cause se sont principalement des économies orientées vers l’exportation de produits de base bruts (agricoles et miniers).

La hausse du prix des matières premières n’a pas permis la réduction de la pauvreté car la croissance économique est phagocytée par une forte croissance démographique forte. La population du Sahel devrait doubler et devrait compter 150 millions d’habitant d’ici 2040.
Et même les pays ayant connu une croissance supérieure à 5% ont réduit de façon substantielle le taux de pauvreté. Pourquoi ? Entre autres parce que la région connait une forte corruption qui ne permet pas la redistribution des richesses : l'ONG internationale Transparency International a publié, 26 octobre, son rapport 2010 de la perception de la corruption dans 178 pays. Certains pays, comme le Niger, marquent un déclin, la Mauritanie (143ème), le Tchad (171ème) le Soudan (172ème) sont les plus mauvais élèves. Le Burkina Faso, le Sénégal, le Bénin et le Mali occupent respectivement les 98ème, 105ème, 110ème et 116ème rang.
Et quid de l’emploie des jeunes dans une région où le taux de chômage environne les 18% : 60 % des Africains de l’Ouest ont moins de 25 ans et 70 % moins de trente ans. Cette population est frustrée par la situation politique, économique et sociale est un vivier de recrutement idéal pour des groupes criminels et/ou terroristes en manque de main d’œuvre.

Un espace vide :

La densité du Sahel est plus de 3 fois inférieure à la densité moyenne de l’Afrique subsaharienne et les populations habitent principalement dans les capitales (Nouakchott, Bamako, Niamey, N’Djamena). De fait de vastes espaces restent vides (Nord Mali, Nord Niger, Nord et Ouest Mauritanie…). Ces Etats sont faibles et n’ont pas les moyens de contrôler tout leur territoire en le peuplant ou en ni disposant des forces représentants le pouvoir central. La souveraineté interne des Etats est défaillante. Comme le dit l’adage : « la nature a horreur du vide », certains groupes criminels et terroristes se sont chargés de le remplir.

Des populations vulnérables et marginalisées : 
Le Sahel est un espace vulnérable aux famines or les famines sont circonscrites dans le temps et l’espace et l’on sait aujourd’hui que ce phénomène n’est pas seulement le résultat de calamités naturelles mais qu’il est instrumentalisé, les famines sont cachés pour affaiblir certaines populations, ou créée pour attirer des aides. Mais la malnutrition chronique et quotidienne est aussi une donnée géopolitique, elle affaiblit les populations et cette vulnérabilité devrait croitre avec l’explosion démographique : la production vivrière augmente moins vite que la population.
Ajoutez à cette marginalisation géographique et politique le facteur historique. Certaines populations sont historiquement marginalisées : en Mauritanie on observe des rivalités entre Maures, les arabo-berbères et les Négro-africains. Les Harratines, descendants d’esclaves qui vivent au service de leurs maîtres, et les Beïdanes, Maures blancs pour la plupart. Le jeune qui avait fait un attentat kamikaze contre l’ambassade de France en Mauritanie était un Harratine il semble qu’il ait trouvé dans les revendications égalitaire d’AQMI une manière de lutter contre un Islam qui légitime les hiérarchies traditionnelles. Au Niger le pouvoir militaire appartient principalement aux Djerma-Shongaï le pouvoir économique aux Haoussas, et les Touaregs, peuplent le Nord du pays revendiquent une part du gâteau d’autant que les richesses minières sont dans leur espace de peuplement. Ils réclament : la mise en œuvre effective de la décentralisation, le développement économique, le respect de la diversité culturelle, la plus grande représentation des populations du Nord dans les instances étatiques, l’administration et l’armée ... demande explicitement un versement de 50 % des revenus des sociétés d’exploitation au profit des collectivités locales... Dès lors la question ethnique est un autre facteur géopolitique puisque de nombreuses ethnies vivent entre plusieurs pays qui deviennent des lieux de replis lors de conflits civils (ex : Soudan/Tchad, l’Algérie sahélienne pour les Touaregs en conflit avec le pouvoir central du Niger ou du Mali).
Par ailleurs les traites islamo arabe puis européennes avec la complicité parfois de certaines populations noires ont laissées des traces dans les mémoires collectives. Pour Medhi Taj : « cette fracture raciale Nord-Sud, ancrée dans l’histoire, est à la base d’une profonde conscience ethnico-tribale structurant les sociétés du sahel africain et brouillant la pertinence du concept occidental d’Etat Nation. »

Une série de facteurs qui laissait entrevoir la situation actuelle …

mercredi 22 septembre 2010

Elections déstabilisatrices dans le Sahel ?


La fragilité du Sahel fait la une des journaux depuis le regain d'activité d'AQMI et la dernière prise d'otages d'employés Français d'Areva.
L'entrée des États de la zone dans une période d'élections n'est pas rassurante. En effet la redistribution de pouvoir est au combien déstabilisatrice et génératrice de frustrations. On y observe la naissance ou la renaissance de guerres civiles.

Petit aperçu des élections à venir dans la zone :

Burkina Faso : élections présidentielles le 21 novembre 2010 . Par une révision de la Constitution Compaore devrait se représenter pour la 4ème fois.
Niger : référendum constitutionnel le 31 octobre 2010, les élections locales le 08 janvier 2011, les législatives couplées au 1er tour des présidentielles le 31 janvier 2011, le 2ème tour des présidentielles le 12 mars 2011 et le président élu prêtera serment le 6 avril 2011.
Nigéria : janvier 2011
Tchad : les élections générales de 2011 seraient reportées (ICI)
Le Mali et le Sénégal : 2012

mardi 14 septembre 2010

L'islamisation de l'Afrique nous réserve de mauvaises surprises

Bernard Squarcini, directeur de la DCRI, dans une interview à Politique Internationale (n°127) : "En 15 ans, malgré les efforts des différents service et malgré la coopération internationale, l'islamisme militant a gagné de nouveaux pays : le Nord du Mali (où se sont installées les katibates sahéliennes d'AQMI qui ont dû fuir Alger sous la pression militaire et policière), le Niger, la Mauritanie, et, depuis peu, le Sénégal. Dans 15 ans, le danger sera peut être descendu encore plus au Sud (...). L'islamisation progressive de l'Afrique Noire nous réserve de mauvaises surprises (...) Dans les pays de la zone sahelo-saharienne, et en général dans les zones de djihad, l'enlèvement de ressortissants français - journalistes, membres d'ONG, expatriés...- est une réalité préoccupante."

mercredi 25 août 2010

Burkina Faso : Compaore réréréréélu ?


Au pouvoir depuis 1987 à la mort de Thomas Sankara, Blaise Compaoré va se présenter à la présidentielle pour la quatrième fois le 21 novembre prochain. Il a été élu pour la première fois en 1991 et réélu pour un septennat en 1998, puis pour un quinquennat en 2005.

« J’accepte de relever le défi que vous m’avez chargé de relever, c’est pourquoi j’accepte de solliciter les suffrages du peuple burkinabè », a-t-il déclaré au COngrès de son parti réunis au Palais omnisport de Ouagadougou samedi dernier.

La Constitution devra être révisée (arti.37)afin de supprimer la limitation des mandats présidentiels.

jeudi 7 janvier 2010

Les tournées africaines du début d'année


Parce que le jeu des influences passe par des visites bilatérales de coopération ou de courtoisie. Petit coup de projecteurs sur les tournées françaises et chinoises de début d’année.
Bernard Kouchner a entamé aujourd'hui sa tournée africaine de quatre jours qui le mènera dans 5 pays :
-Au Rwanda avec qui la France vient de renouer des relations diplomatiques (voir précédent billet). Jacques Kabale, actuel responsable juridique du département des ressources humaines de la BAD, a été nommé le mois dernier ambassadeur à Paris et Laurent Contini l'actuel ambassadeur de France au Zimbabwe et ancien membre du cabinet de Bernard Kouchner, devrait être nommé à Kigali ;
-En République démocratique du Congo (RDC) : afin d’aborder la situation intérieure, les aspects régionaux et l'avenir de la Mission des Nations unies en RDC (Monuc) qui vient d’être reconduite pour 5 mois ;
-Congo-Brazzaville : les discussions porteront sur la sécurité régionale et le changement climatique notamment la protection de la forêt d'Afrique centrale.
-Burkina Faso : pour évoquer les médiations du président Blaise Compaoré en Guinée, en Côte d'Ivoire et au Togo ;
-Côte d'Ivoire : cette visite « permettra notamment de rappeler l'attachement de la France à ce que la Côte d'Ivoire retrouve la voie de la stabilité et du développement », indique le communiqué de presse.
Le ministre des Affaires étrangère chinois, Yang Jiechi, a débuté lui aussi une tournée africaine au Kenya, au Nigeria, en Sierra Leone, en Algérie et au Maroc.


Officiellement pour entretenir l'amitié traditionnelle sino-africaine, et renforcer le partenariat gagnant/gagnant. Sur les perceptions africaines de la Chine, voir billet ICI

samedi 3 octobre 2009

Qu'arrive t-il à la Guinée ?


Les faits : lundi 28 septembre, les militaires de la junte au pouvoir depuis le 23 décembre 2008, ont tiré sur les manifestants faisant au moins 157 personnes. Ils voulaient marquer leur mécontentement à la candidature probable du capitaine putschiste Moussa Dadis Camara à la présidentielle de janvier.
Les dates essentielles :
3 avril 1984 : coup d’Etat portant le colonel Lansana Conté au pouvoir
Janvier-février 2007 : mouvement de grève réprimée dans le sang (au moins 123 morts et des milliers de blessés), nomination de Lansana Kouyaté à la primature
2-15 mai 2007 : révolte des militaires
Décembre 2008 : décès du président Lansana Conté et arrivée au pouvoir par coup d’Etat de Dadis Camara
Contexte : Dadis Camara prend le pouvoir dans un pays marqué par les coups d’Etat et la place dominante des militaires dans la vie politique (tentative de coup d’Etat, arrestation de militaire sous l’accusation de complot en 2003, mise à la retraite d’office en 2005, généraux dégradés…)… Le pays était dans l’impasse avec une assemblée nationale dont le mandat avait expiré en 2006, un président malade, une forte corruption (la Guinée est classée 174ème pays sur 180 dans le dernier classement de Transparency International, voir billet précédent). Il affirme vouloir remettre d l’ordre en Guinée, relancer l’économie, renégocier les contrats miniers ….et promet une transition démocratique rapide.
Aujourd’hui il semble que le capitaine Dadis Camara aura des difficultés à rendre le pouvoir aux civils en 2010 (présidentielles le 31 janvier 2010 et législatives en mars).
Position de la France : Lors d’une visite les 3 et 4 janvier 2009 Alain Joyandet, secrétaire d’État français à la Coopération, indiquait que la France était prête à apporter son aide à la Guinée en vue de l’organisation de ces élections. A l’annonce des derniers évènements la France a annoncé la suspension de sa coopération militaire et le réexamen de son aide bilatérale.
Rappelons que le pays d’Ahmed Sékou Touré est le premier de la sous-région a proclamé son indépendance le 25 août 1958 et refuse par référendum de faire partie de la Communauté Française pour les Colonies.
La Guinée est l’un des plus pauvres pays d’Afrique noire bien qu’il possède les plus importantes réserves mondiales de bauxite, un minerai utilisé pour la production de l’aluminium.
En vidéo (ICI) : les vidéos des colères de Moussa Dadis Camara remportent un franc succès sur le web. Ici avec l’ambassadeur d’Allemagne en Guinée rappelé à l’ordre pour avoir exprimé les inquiétudes de l’Union européenne sur une candidature du putschiste à la présidentielle. Les « Daddis Show » sont retransmis par la télévision guinéenne.

Ajout (Agende de Presse Africaine) : "Le président burkinabé, Blaise Compaoré a été choisi par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) comme facilitateur dans la crise politique en Guinée, a annoncé vendredi soir à Ouagadougou le président de la Commission de la CEDEAO, le Ghanéen Mohamed Ibn Chambas."