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vendredi 16 mars 2012

Hervé Coutau-Bégarie : un testament d’avenir

Hervé Coutau-Bégarie, fondateur de l’Institut de Stratégie Comparée et président de l’ISC-CFHM, est mort le 24 février 2012. La perte est affreusement cruelle pour sa famille, à la douleur de laquelle nous nous associons de tout cœur. Mais le courage avec lequel il a affronté la maladie nous montre, par delà le deuil, le chemin de la confiance et de l’énergie.



Cette disparition est une immense perte pour la pensée stratégique. Là encore pourtant, l’espoir doit l’emporter sur la peine. L’œuvre d’Hervé Coutau-Bégarie est en effet bien vivante. Elle n’est pas derrière lui, mais devant nous. D’abord parce qu’il laisse une trentaine de livres à publier, les uns de lui, d’autres dont il assurait la direction ou la codirection, d’autres enfin qu’il avait retenus pour sa collection. Ensuite parce que nous n’avons pas fini, à très loin près, de lire et de relire Hervé Coutau-Bégarie. C’est tout un processus de réédition, de classement, d’études qui commence. Du gigantesque corpus semé sur trois décennies, il s’agit maintenant d’extraire un ensemble de textes canoniques par décantation des éléments contextuels.

L’œuvre d’Hervé Coutau-Bégarie, c’est aussi la revue Stratégique et l’ISC, une association indépendante à la fois soubassement des publications et accélérateur de particules intellectuelles, qui a donné et doit continuer de donner leurs chances aux jeunes talents. Le secret de cet institut, son Président le révélait dans un texte qui apparaît rétrospectivement comme son testament : « Une recherche stratégique qui n’a qu’un pôle étatique est infirme ; elle a besoin d’un pôle associatif, plus réactif, mieux capable de fédérer les multiples initiatives de petits groupes ou même d’individus qui s’efforcent, avec de très faibles moyens, de faire vivre la tradition de la pensée stratégique et historique française » – et de rappeler que l’ISC, dans le seul premier semestre 2010, a publié pas moins de 6 ouvrages totalisant 3258 pages, soit bien plus – et de très loin – qu’aucun organisme étatique travaillant sur le même créneau (article paru dans Stratégique n°99, 2010).

Le savoir, la culture et la vision d’Hervé Coutau-Bégarie nous manqueront. Mais l’élan qu’il a insufflé à la recherche en stratégie peut continuer. L’Institut et la Revue, dont la qualité est internationalement reconnue, évolueront. Maquette, diversification numérique, cartographie, nouveaux partenariats français et étrangers, les chantiers ne manquent pas, il les avait lui-même ébauchés. La Bibliothèque stratégique, Hautes études stratégiques, Hautes études militaires et Hautes études maritimes qui constituent les quatre collections dirigées par Hervé Coutau-Bégarie chez Economica seront reprises et développées. Elles constituent le corpus le plus important d’ouvrages relatifs aux questions stratégiques et à l’histoire militaire en langue française et continueront à publier des opus ayant vocation à enrichir une réflexion enracinée dans l’étude de la culture stratégique française et celle d’autres aires culturelles. En outre, nous poursuivrons la publication du corpus des écrivains militaires en langue française dont déjà plusieurs titres sont parus, mais plusieurs dizaines d’autres attendent d’être publiés tant dans le domaine de la stratégie générale que des stratégies particulières, navale ou aérienne.

Ces évolutions nécessiteront une relève : elle existe, avec une moyenne d’âge qui la met en prise directe avec les défis actuels. Hervé Coutau-Bégarie, entre autres qualités, savait faire confiance et encourager. Il aura su, sans battage et avec des soutiens mesurés, faire monter autour de lui une génération de jeunes chercheurs et d’auteurs qui lui doivent énormément. Il a beaucoup sacrifié pour transmettre. Nous voulons maintenir et poursuivre. Tous, nous gardons à l’esprit ce qu’il ne cessait de nous répéter : la clé d’une recherche stratégique mature et objective, c’est l’autonomie de la structure qui la porte.
Hervé Coutau-Bégarie a continué à travailler jusqu’à l’extrême limite de ses forces, dictant encore des articles de son lit d’hôpital il y a quelques semaines. Pour continuer son œuvre, l’ISC doit préserver son indépendance. Il ne le pourra pas sans moyens financiers. Nous lançons donc un appel à tous les membres de la communauté des stratégistes, qui prendra très bientôt la forme d’une campagne d’abonnement à la revue Stratégique, et d’adhésion à l’ISC. Lecteurs, élèves, étudiants, amis des pays étrangers, où l’œuvre d’Hervé Coutau-Bégarie était connue et appréciée : il dépend aujourd’hui de vous tous que le titanesque travail qu’il a accompli, et que nous souhaitons faire vivre, continue de porter ses fruits.

Pour l’ISC,
Jérôme de Lespinois, Martin Motte, Olivier Zajec
(suppléants d’Hervé Coutau-Bégarie au cours de stratégie de l’Ecole de Guerre)
Emmanuel Boulard (capitaine de frégate, doctorant de l’EPHE), Armel Dirou (colonel de l’armée de terre, doctorant de l’EPHE), Jean-François Dubos (secrétaire de rédaction de Stratégique, doctorant de l’EPHE), Benoît Durieux (colonel de l’armée de terre, docteur de l’EPHE), Christophe Fontaine (lieutenant-colonel de l’armée de l’air, doctorant de l’EPHE), Serge Gadal (chargé de recherches de l’ISC, docteur de l’EPHE), Michel Goya (colonel de l’armée de terre, chargé de conférence à l’EPHE), Joseph Henrotin (chargé de recherches de l’ISC, docteur en science politique), Jean-Luc Lefebvre (colonel de l’armée de l’air, doctorant de l’EPHE) Jean-Patrice Le Saint (lieutenant-colonel de l’armée de l’air, doctorant de l’EPHE), Christian Malis (docteur en histoire), Valérie Niquet (maître de recherche à la FRS), Jérôme Pellistrandi (colonel de l’armée de terre, docteur de l’EPHE), Philippe Sidos (colonel de l’armée de terre, doctorant de l’EPHE).

mardi 6 décembre 2011

Engagements stratégiques français : nouveaux regards. Retour sur la journée de la relève stratégique

A la suite de la conférence du 24 novembre sur les Engagements stratégiques français : nouveaux regards. Retour sur la journée de la relève stratégique, le 24 novembre 2011, l'IRSEM vient de publier en ligne ICI les communications des intervenants.

Résumé de l'institut : "A l’occasion du lancement des débats sur la révision du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (LBDSN) de 2008, l’Irsem a consacré une journée d’étude à l’actualisation des engagements stratégiques français face au nouveau contexte géostratégique mondial. Les interventions de ce colloque sont rassemblées ici. Elles sont le fruit des réflexions de jeunes chercheurs rattachés à l’institut, pour la plupart doctorants ou jeunes docteurs civils, experts des questions stratégiques contemporaines. Cette journée participe de l’une des missions majeures de l’Irsem, le développement des liens entre monde universitaire et monde de la défense. Cette contribution permet de présenter, en amont des élections présidentielles et législatives de 2012, une vision critique et novatrice des ambitions stratégiques françaises à l’heure de la multiplication des tensions régionales, des crises économiques et de l’émergence de nouveaux défis. La journée s’est organisée autour de quatre panels, les deux premiers permettant de clarifier l’environnement stratégiques, les deux suivants interrogeant la manière de rationaliser les actions stratégiques."


jeudi 8 juillet 2010

Mer Rouge 1993/2010 : naissance d'un théatre stratégique

Quelques lignes d’Hervé Coutau-Bégarie dans son opus « Géostratégie de l’Océan Indien » :

: « (…) la mer rouge voit passer un trafic de grande importance, entretien de multiples foyers d’instabilité qui peuvent à tout moment dégénérer, mais elle ne mobilise pour l’instant que de très faibles moyens. Au caractère embryonnaire des forces navales régionales, vient s’ajouter une présence extérieure extrêmement réduite, toujours très inférieur à celle qui a pu exister dans ou aux abords du golfe persique. La mer Rouge n’a donc jamais été véritablement reconnue comme un théâtre stratégique de premier plan. L’insuffisance de moyens des pays riverains devrait empêcher l’éclosion de combats sur mer de grande ampleur. Pour autant, l’absence de déploiement spectaculaire n’enlève en aucun cas son importance à la mer Rouge, qui mérite d’être suivie avec beaucoup plus d’attention que cela n’a été fait jusqu’à présent. Dans une mer aussi étroite, il n’est pas besoin de gros moyens pour menacer la liberté de navigation. »
Quelle clairvoyance et que de bouleversements plus 15 ans après. Ces lignes ont été écrites en 1993 alors que la Corne de l’Afrique vivait une période charnière :
- 27janvier 1991: Chute du régime Syaad Barre.
- 28 mai 1991 : Effondrement du régime éthiopien avec la chute de Mengistu Hailé Mariam. Indépendance de facto de l’Erythrée. Issaias Afeworki devient président en Erythrée et Meles Zenawi premier ministre en Ethiopie.
- 17 novembre 1991 : Déclenchement de la guerre civile à Mogadiscio.
- 1992/94 : guerre civile à Djibouti.
- 1993 : Indépendance de l’Erythrée
La région est en ébullition elle le restera puisque l’Ethiopie et l’Erythrée s’opposeront sur un litige frontalier en 1998/2002, naissance du terrorisme islamique, les tribunaux islamique en Somalie, guerre Erythrée/Djibouti…
Ces événements et leurs suites ont été un véritable bouleversement en termes de sécurité dans la région. Bien sûr, la fin de la Guerre froide, la chute du mur de Berlin, la dislocation du camp socialiste et de l’URSS en 1989 ont un lien avec ces transformations mais il convient de ne pas les surestimer comme cela a été souvent analysé. Les Etats-Unis et l’URSS ont cherché une position stratégique dans la Corne de l’Afrique mais les acteurs locaux ont leur propre autonomie et ont tenté de tirer profit de ce contexte.