Nous avons eu l'honneur ce matin d'être interviewée par Sonia Rolley sur RFI : ICI suite à l'article "trois trajectoire de sécession dans la Corne de l'Afrique" ICI
Ecoutez ci dessous :
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dimanche 6 mai 2012
Interview : trois trajectoires de sécession dans la Corne de l'Afrique
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jeudi 12 avril 2012
De l'abus du terme "balkanisation" au Mali et ailleurs
Des analyses (parfois hâtives) voient dans les évènements maliens la preuve d'une balkanisation de la zone sahélienne de l'Afrique.
Balkanisation, fragmentation, scission, partition? Rappelons tout d’abord les différences entre ces terminologies. Selon Stéphane Rosière, la balkanisation est : « le processus de fragmentation d'un État en au moins trois nouveaux États (…) si un État “primaire” est divisé en deux nouvelles entités, on peut préférer les notions de scission ou de partition »[i]. Ainsi la notion de balkanisation, souvent employée avec une connotation péjorative, ne correspond pas à la réalité malienne actuelle.
Un peu plus à l'Est de cette bande sahélienne prenons des exemples que nous maitrisons plus. L’Erythrée et le Soudan du Sud se sont séparés d’une entité qui existe toujours. Le cas du Somaliland est plus problématique, puisque l’Etat somalien s’est effondré et qu’une autre entité, le Puntland, s’est déclarée autonome.
En revanche, la sécession est bien l’aboutissement d’un processus de désintégration politique. Si l’intégration politique se définit comme un processus par lequel les acteurs, de systèmes politiques distincts, sont persuadés qu’ils doivent loyauté à un nouveau centre de pouvoir, prévalant sur l’ancien système[ii], lors d’une sécession les acteurs décident à l’inverse de retirer leur loyauté du centre juridique et de le donner à un nouveau centre. En interne, une sécession signifie donc la dissolution du pacte existant et marque un coup d’arrêt à la capacité de l’Etat à gouverner sur tout le territoire. La sécession est donc le retrait d’une entité constitutive d’un ensemble établi et reconnu internationalement et la création d’un nouvel Etat souverain.
La reconnaissance internationale est en générale l’étape suivante. Cet acte fait entrer le nouvel Etat dans l’ordre juridique internationale en lui attribuant des droits et des obligations. Néanmoins la reconnaissance reste un acte discrétionnaire et bilatéral que le Somaliland attend par exemple toujours et que l'Azawad s'est fut refusé par les Etats composant la communauté internationale.
La reconnaissance internationale des nouvelles entités
Le système international ne reconnait qu’aux Etats certains pouvoirs, droits et devoirs, alors que les gouvernements ne sont reconnus que comme les agents d’Etats légitimes [iii]. En effet, deux principes contradictoires guident la communauté internationale : le droit à l’autodétermination et le respect de l’intégrité territoriale. En général, l’instauration de l’autonomie est préférée à la sécession, mais cette dernière reste parfois l’unique mode de résolution des conflits.
Ainsi, l’Erythrée a accédé à l’indépendance, après l’autorisation préalable du nouveau régime en place à Addis Abeba, et son engagement à reconnaitre les résultats du référendum d’autodétermination. L’indépendance est ainsi déclarée de facto en 1991, et de jure en 1994 après le referendum en avril 1993.
Concernant le Soudan du Sud, ce sont les accords de paix inclusifs, ou Compehensive Peace Agreement, (« accords de Naivasha »), signés au Kenya le 9 janvier 2005 par la rébellion sudiste de John Garang (Mouvement populaire de Libération du Soudan - SPLM) et Ali Osmane Taha, le vice-président du Soudan, qui ont ouvert la voie au référendum d’autodétermination. En effet, ces accords prévoyaient une large autonomie du Soudan du Sud, ainsi que la tenue d’élections démocratiques dans l'ensemble du Soudan un an avant la fin de la période de transition. Puis ils octroyaient, au terme d’une période intérimaire de six ans, la possibilité de choisir, par référendum, entre l’indépendance et le maintien au sein du Soudan.
Le Somaliland s’est, quant à lui, autoproclamé indépendant selon la même logique que l’Erythrée, mais cette indépendance n’est pas internationalement reconnue. L’ancienne colonie britannique bénéficiait en 1991 d’une autonomie de facto, en l’absence de pouvoir central légitime à Mogadiscio. La capitale Hargeisa s’est dotée de tous les instruments de la puissance régalienne (drapeau, monnaie, etc). Le président du SNM (Mouvement National Somalien) proclame, en mai 1991, la nullité de l’acte d’union du 1er juillet 1960 et déclare l’Etat souverain. Or la déclaration d’indépendance est un acte est juridiquement controversé et n’est pas validé par la communauté internationale.
Dans les trois cas, le scrutin référendaire a recueilli des scores élevés et montre l’adhésion du peuple aux mouvements d’indépendance. Le scrutin d’autodétermination érythréen a été approuvé par 99,8% des électeurs. Le référendum somalilandais du 31 mai 2001, en faveur de la nouvelle Constitution qui réaffirme le statut indépendantiste de l’Etat[v], fut approuvé par 97 % des votes bien que les résultats soient certainement surestimés. Au Soudan du Sud, en 2011, près de 98% des votants approuvaient la sécession malgré les contestations et les intimidations dénoncées.
Nous avons retracé dans "Trois trajectoires desécession dans la Corne de l’Afrique : le Somaliland, l’Erythrée, le Soudan duSud", les trajectoires de trois récentes sécessions qui ont eu lieu dans la région (Soudan du Sud, Erythrée et Somaliland) en mettant en évidence leurs similarités. À différents degrés, chacune de ces sécessions a éprouvé des difficultés à passer d’une administration militaire à une administration civile. Le défi est aussi la construction de l’Etat après la sécession ce qui explique pourquoi ces Etats sont particulièrement sourcilleux de protéger leur souveraineté.
[i] Rosière (Stéphane), « La fragmentation de l’espace étatique mondial. », L'Espace Politique [En ligne] , 11, 2010-2, mis en ligne le 16 novembre 2010, Consulté le 01 décembre 2011. URL : http://espacepolitique.revues.org/index1608.html
[ii] Haas (Ernest), The uniting of Europe, Stanford University Press, 1968, p.16
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lundi 5 mars 2012
Trois trajectoires de sécession dans la Corne de l’Afrique : le Somaliland, l’Erythrée, le Soudan du Sud
Il y a quelques jours nous vous annoncions à la publication d'un numéro spécial de la revue sécurité globale sur la Corne de l'Afrique. Nous y proposons une contribution revenant sur trois trajectoires de sécession dans cette région : le Somalilan, l'Erythrée, le Soudan du Sud. Vous trouverez ci-dessous les première lignes de cette contribution :
« Une métaphore politique » : c’est en ces mots que R. Patman décrivait les Etats de la Corne de l’Afrique et leurs trajectoires . La naissance d’un nouvel Etat au Sud du Soudan transforme une nouvelle fois la géographie politique de la Corne de l’Afrique. La multiplication du nombre d’Etats, et donc de frontières, est l’un des paradoxes de la période post-Guerre froide, marquée par la globalisation et l’abolition des frontières. Ce constat est particulièrement vrai dans la Corne de l’Afrique, lieu des deux dernières naissances d’Etats internationalement reconnues. L’Erythrée, le Somaliland et le Soudan du Sud ont choisi la sécession, la forme la plus radicale d'autodétermination. Ces nouvelles entités, dont la naissance s’est faite au nom de la paix et la stabilité, remettent cependant en question l’équilibre régional. Pourquoi ces entités ont-elles fait sécession ? Assistons-nous à une fragmentation politique illimitée de la Corne de l’Afrique ? Cette fragmentation régionale est-elle le signe d’un déclin de l’État face à la volonté d’appropriation des territoires par des identités infranationales ? La reconnaissance de l’Erythrée et du Soudan du Sud par une communauté internationale pourtant réticente à créer ce type de précédent est à ce titre remarquable.
Notre propos n’est pas de revenir sur le « droit » de sécession mais d’analyser les trajectoires sécessionnistes de ces trois Etats par une approche comparative. Chaque Etat ayant son histoire propre, ses ressorts politiques, sociaux, économiques, nous ne proposons pas de revenir sur le processus de formation de l’Etat, défini par Bruce Berman et John Lonsdale comme un processus historique conflictuel, involontaire et largement inconscient . Néanmoins, et alors qu’un nouvel Etat a fait son apparition sur la scène régionale, il nous semble pertinent de retracer les trajectoires de ces trois sécessions, en mettant en évidence leurs similarités. Il nous semble indéniable qu’elles sont à certains égards comparables et permettent de faire émerger une problématisation commune de la généalogie de ces sécessions.
Balkanisation, fragmentation, scission, partition ?
Rappelons tout d’abord les différences entre ces terminologies. Selon Stéphane Rosière, la balkanisation est : « le processus de fragmentation d'un État en au moins trois nouveaux États (…) si un État “primaire” est divisé en deux nouvelles entités, on peut préférer les notions de scission ou de partition » . Ainsi la notion de balkanisation, souvent employée avec une connotation péjorative, ne correspond pas à la réalité de nos cas d’études. En effet, l’Erythrée et le Soudan du Sud se sont séparés d’une entité qui existe toujours. Le cas du Somaliland est plus problématique, puisque l’Etat somalien s’est effondré et qu’une autre entité, le Puntland, s’est déclarée autonome. En revanche, la sécession est bien l’aboutissement d’un processus de désintégration politique. Si l’intégration politique se définit comme un processus par lequel les acteurs, de systèmes politiques distincts, sont persuadés qu’ils doivent loyauté à un nouveau centre de pouvoir, prévalant sur l’ancien système , lors d’une sécession les acteurs décident à l’inverse de retirer leur loyauté du centre juridique et de le donner à un nouveau centre. En interne, une sécession signifie donc la dissolution du pacte existant et marque un coup d’arrêt à la capacité de l’Etat à gouverner sur tout le territoire. La sécession est donc le retrait d’une entité constitutive d’un ensemble établi et reconnu internationalement et la création d’un nouvel Etat souverain.
La suite ICI ou sur demande
« Une métaphore politique » : c’est en ces mots que R. Patman décrivait les Etats de la Corne de l’Afrique et leurs trajectoires . La naissance d’un nouvel Etat au Sud du Soudan transforme une nouvelle fois la géographie politique de la Corne de l’Afrique. La multiplication du nombre d’Etats, et donc de frontières, est l’un des paradoxes de la période post-Guerre froide, marquée par la globalisation et l’abolition des frontières. Ce constat est particulièrement vrai dans la Corne de l’Afrique, lieu des deux dernières naissances d’Etats internationalement reconnues. L’Erythrée, le Somaliland et le Soudan du Sud ont choisi la sécession, la forme la plus radicale d'autodétermination. Ces nouvelles entités, dont la naissance s’est faite au nom de la paix et la stabilité, remettent cependant en question l’équilibre régional. Pourquoi ces entités ont-elles fait sécession ? Assistons-nous à une fragmentation politique illimitée de la Corne de l’Afrique ? Cette fragmentation régionale est-elle le signe d’un déclin de l’État face à la volonté d’appropriation des territoires par des identités infranationales ? La reconnaissance de l’Erythrée et du Soudan du Sud par une communauté internationale pourtant réticente à créer ce type de précédent est à ce titre remarquable.
Notre propos n’est pas de revenir sur le « droit » de sécession mais d’analyser les trajectoires sécessionnistes de ces trois Etats par une approche comparative. Chaque Etat ayant son histoire propre, ses ressorts politiques, sociaux, économiques, nous ne proposons pas de revenir sur le processus de formation de l’Etat, défini par Bruce Berman et John Lonsdale comme un processus historique conflictuel, involontaire et largement inconscient . Néanmoins, et alors qu’un nouvel Etat a fait son apparition sur la scène régionale, il nous semble pertinent de retracer les trajectoires de ces trois sécessions, en mettant en évidence leurs similarités. Il nous semble indéniable qu’elles sont à certains égards comparables et permettent de faire émerger une problématisation commune de la généalogie de ces sécessions.
Balkanisation, fragmentation, scission, partition ?
Rappelons tout d’abord les différences entre ces terminologies. Selon Stéphane Rosière, la balkanisation est : « le processus de fragmentation d'un État en au moins trois nouveaux États (…) si un État “primaire” est divisé en deux nouvelles entités, on peut préférer les notions de scission ou de partition » . Ainsi la notion de balkanisation, souvent employée avec une connotation péjorative, ne correspond pas à la réalité de nos cas d’études. En effet, l’Erythrée et le Soudan du Sud se sont séparés d’une entité qui existe toujours. Le cas du Somaliland est plus problématique, puisque l’Etat somalien s’est effondré et qu’une autre entité, le Puntland, s’est déclarée autonome. En revanche, la sécession est bien l’aboutissement d’un processus de désintégration politique. Si l’intégration politique se définit comme un processus par lequel les acteurs, de systèmes politiques distincts, sont persuadés qu’ils doivent loyauté à un nouveau centre de pouvoir, prévalant sur l’ancien système , lors d’une sécession les acteurs décident à l’inverse de retirer leur loyauté du centre juridique et de le donner à un nouveau centre. En interne, une sécession signifie donc la dissolution du pacte existant et marque un coup d’arrêt à la capacité de l’Etat à gouverner sur tout le territoire. La sécession est donc le retrait d’une entité constitutive d’un ensemble établi et reconnu internationalement et la création d’un nouvel Etat souverain.
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