mardi 23 mars 2010

Darfour : échec de la conférence du Caire


Au lieu des 2 milliards de dollars attendus, la conférence internationale des donateurs pour le Darfour n’a engrangé, dimanche dernier au Caire, que 850 millions $, prêts et dons confondus. Insuffisant pour recaser les 3 millions de personnes déplacées, préalable pour éteindre un conflit qui a fait 300 000 morts selon les estimations de l’ONU, 10 000 selon Khartoum.

Participants :
-la soixantaine des pays membres de l’OCI,
- une vingtaine de donateurs traditionnels dont : les Etats-Unis, les pays de l’Union européenne, les agences onusiennes et les associations humanitaires.
Les principaux contributeurs déclarés à l’issue de la rencontre :
- la Banque islamique pour le développement,
- le Brésil,
- le Qatar,
- la Turquie,
- l’Algérie,
- l’Australie
- le Maroc (soutien de 500 000 dollars.

Les pays occidentaux expliquent leur réserve par l’absence de garanties quant à l’utilisation de l’argent d'autant que par le passé, les montants transférés par le biais de la Banque mondiale ont été souvent détournés. En attendant de trouver des canaux plus fiables, cette tiédeur des donateurs pourrait compromettre les résultats difficiles acquis lors des pourparlers de paix tenus à Doha il y a quelques jours et compromettre également la tenue des premières élections présidentielles soudanaises depuis 1986.

Je rappelle que le Darfour est une province de l’ouest du Soudan, aussi vaste que la France, mais peuplée de 6 millions d’habitants seulement.
Dans les années 1980 la région a été frappée par une grave sécheresse. Les éleveurs firent descendre leurs troupeaux plus au sud et plus tôt dans l’année. Depuis, les tensions montent entre les pasteurs arabes et les agriculteurs non arabes (en particulier les Fours), même si tous sont musulmans, noirs et de nationalité soudanaise.
Cette crise remet en cause la grille d’analyse traditionnelle qui permettait d’expliquer la situation au Soudan par le clivage Nord (musulman) /Sud (chrétien). Confronté aux rébellions du Darfour, le gouvernement soudanais arme des milices supplétives (essentiellement arabes), les Janjawides, qui commettent de graves exactions contre les populations civiles. Ces violences ont fait fuir de chez eux le tiers de la population du Darfour et fait deux millions de déplacés. 300.000 personnes auraient trouvé la mort depuis le début de la crise.
Le conflit au Darfour fait tâche d’huile chez les voisins tchadien et centrafricain.
Sources : Les Afriques / SLG

lundi 22 mars 2010

ICG : "Madagascar : sortir du cycle de crises"


L'International Crisis Group sortait la semaine dernière son dernier rapport : "Madagascar : sortir du cycle de crises" (téléchargez le rapport ICI), la synthèse et les recommandations proposées par l'organisation ci-dessous :
"Madagascar est en crise depuis les troubles sanglants qui l’ont secoué début 2009. Plusieurs mois de médiation sous l’égide de l’Union africaine (UA), entre autres, n’ont pas permis de débloquer la situation. Malgré la signature de plusieurs documents, et l’annonce de l’Union africaine de sanctions individuelles contre les membres du regime le 17 mars, les négociations n’ont pas abouti, principalement à cause du refus du gouvernement Rajoelina de mettre en œuvre le partage du pouvoir accepté à Maputo en août.
Bien que la violence ait été contenue depuis qu’il a pris le pouvoir en mars 2009, la légitimité du régime est remise en question tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur, alors qu’une situation économique difficile pèse lourdement sur une population déjà appauvrie. Pour éviter toute escalade, la médiation devrait cesser d’essayer de mettre en place une transition fondée sur un partage du pouvoir, et tenter plutôt d’obtenir un accord sur la rédaction consensuelle d’une nouvelle constitution et l’organisation rapide d’élections sous supervision internationale.
De janvier à mars 2009, Andry Rajoelina, alors maire de la capitale, Antananarivo, rassemble dans la rue plusieurs dizaines de milliers de personnes et exige la démission du gouvernement du président Marc Ravalomanana. Il forme une alliance de circonstance avec l’opposition politique et une partie de la société civile, et organise de grands rassemblements qui dégénèrent en pillages massifs, dans lesquels au moins 70 personnes perdent la vie. Rajoelina forme un gouvernement parallèle, la Haute autorité de la transition (HAT), et demande le 7 février à ses partisans de prendre le palais présidentiel. Les forces de sécurité ouvrent le feu sur la foule et font près de 30 morts.
Les tentatives de médiation des Eglises et des Nations unies (ONU) échouent alors que les deux protagonistes s’enfoncent dans une logique de provocation. Les manifestations se poursuivent, ponctuées d’arrestations ciblées et de répression par les forces de l’ordre, jusqu’à ce qu’un camp militaire se mutine et rallie Rajoelina. Acculé, Ravalomanana cède le pouvoir à un directoire militaire composé de trois généraux le 17 mars 2009, qui le transfère immédiatement au maire. L’Union africaine et d’autres condamnent cette prise de pouvoir anticonstitutionnelle.
Les accords de partage du pouvoir signés à Maputo en août et à Addis-Abeba en novembre représentaient une opportunité de mettre en place une transition consensuelle en réunissant au sein du gouvernement les quatre mouvances politiques représentées par Rajoelina, Ravalomanana, et deux anciens présidents, Didier Ratsiraka et Albert Zafy. Mais bien qu’il ait signé les accords, Rajoelina et son entourage ont depuis bloqué leur mise en place, pour conserver tous les postes importants, et menacé d’organiser des élections de manière unilatérale. Le manque de volonté politique de réaliser des compromis de la part de protagonistes qui semblent plus préoccupés par leur rente de situation que par une solution dans l’intérêt de la nation a rendu un authentique partage du pouvoir pratiquement impossible.

L’impasse de 2009 est la responsabilité d’une élite politique qui a constamment sapé la création d’institutions stables et démocratiques au profit de ses propres intérêts politiques et économiques. Ses pratiques sont également à l’origine des autres crises politiques (1972, 1991 et 2002) qui ont déstabilisé Madagascar depuis son indépendance. Ses membres sont chaque fois parvenus à préserver leurs réseaux de pouvoir, rendant inévitable l’apparition de nouvelles crises.

Une nouvelle constitution et des élections constituent la seule option réaliste pour sortir de ce cycle de crises à répétition. Madagascar a besoin de rétablir des institutions légitimes et d’initier des réformes administratives. La priorité de l’équipe de médiation devrait donc être la négociation d’un accord entre les quatre mouvances politiques, qui permettrait la rédaction rapide d’une nouvelle constitution, un référendum constitutionnel et la tenue d’élections libres et équitables, ainsi que la clarification des termes de l’amnistie décidée à Maputo.

L’organisation des élections ne peut pas reposer exclusivement sur la HAT. Les quatre mouvances devraient accepter que le référendum constitutionnel et les élections soient organisés et supervisés par une mission conjointe UA/ONU. Durant cette période, les activités de la HAT devraient être réduites à l’expédition des affaires courantes. Tout membre qui désirerait se présenter aux élections devrait d’abord démissionner. Andry Rajoelina pourrait, lui, garder ses fonctions jusqu’aux élections, auxquelles il pourrait se présenter, comme négocié à Maputo. Cela permettrait de répondre à la fois aux demandes de la HAT, qui insiste sur l’orga­nisation rapide d’élections, et à celles des trois autres mouvances, qui veulent un contrôle impartial du processus électoral. Cela empêcherait également les disputes autour des postes ministériels et permettrait d’éviter une transition trop longue.

Pour que cette solution fonctionne, l’UA et l’ONU devraient nommer un envoyé spécial conjoint chargé de superviser l’élaboration d’une nouvelle constitution, ainsi que l’organisation d’un référendum constitutionnel et d’élections générales. Une mission de police UA/ONU devrait être mise en place et placée sous la responsabilité de l’envoyé spécial. Elle serait chargée de travailler en étroite collaboration avec les forces de sécurité malgaches pour sécuriser le processus électoral. La communauté internationale, déjà représentée dans le Groupe de contact, devrait rester impliquée, et son rôle de garant inscrit dans l’accord politique.

RECOMMANDATIONS

Aux mouvances malgaches :

1. Signer un accord politique qui autorise conjointement les Nations unies et l’Union africaine à :

a) superviser la rédaction d’une nouvelle constitution par un processus consensuel impliquant les mouvances malgaches et la société civile ;

b) organiser et superviser un référendum sur cette constitution et la tenue des élections ; et

c) déployer une mission de police pour travailler en collaboration avec la police nationale à la sécurisation des élections.

2. Accepter la nomination d’un envoyé spécial unique, mandaté conjointement par l’Union africaine et le Conseil de sécurité des Nations unies, responsable des tâches susmentionnées.

A la Haute autorité de la transition (HAT) :

3. Eviter tout conflit d’intérêt potentiel en exigeant que ses membres qui souhaitent se présenter aux élections démissionnent d’abord de leurs fonctions.

4. Cesser toute activité législative et uniquement expédier les affaires courantes.

Au chef de l’équipe conjointe de médiation, Joaquim Chissano :

5. Collaborer étroitement avec l’envoyé spécial UA/ONU et intervenir en tant qu’autorité morale en cas de blocage du processus.

Aux Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine et au Conseil de sécurité des Nations unies :

6. Nommer une personnalité africaine importante comme envoyé spécial conjoint responsable des tâches mentionnées à la recommandation 1.

7. Sécuriser le processus électoral en étroite collaboration avec la police nationale, en autorisant le déploiement d’une mission de police UA/ONU composée de petites unités opérationnelles intégrées aux forces de police malgaches et dirigée par un commissaire de police UA/ONU placé sous l’autorité directe de l’envoyé spécial.

8. Faire comprendre aux protagonistes que toute obstruction du processus serait suivie de sanctions ciblées (telles que le gel des avoirs ou l’interdiction de visa) touchant les individus et leurs familles.

A la France, les Etats-Unis, l’Union européenne et l’Afrique du Sud :

9. Soutenir diplomatiquement et financièrement ce processus de paix (particulièrement la rédaction d’une constitution et l’organisation des élections), mais s’abstenir de tout autre soutien financier jusqu’à l’aboutissement du processus électoral.

10. Promouvoir un programme de réforme de l’armée, des programmes de réhabilitation de la fonction militaire et un plan social permettant aux hauts gradés et aux militaires du rang sans affectation de quitter l’armée avec dignité."

samedi 20 mars 2010

Les lectures du week end !


"Violences en brousse : Le "peacebuilding" international face aux conflits fonciers" par Florence Liégeois et Thierry Vircoulon : "Suite au conflit en Ituri (1999-2003), la communauté internationale a déployé divers programmes de reconstruction de la paix dans ce district du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC). Inclus dans une approche nationale de transition démocratique, ces programmes n’ont pas toujours pris la mesure de l’ampleur des conflits locaux et de la fragilité des institutions locales qui sont à la fois les cibles et les relais de ces programmes. S’intéressant prioritairement au système judiciaire, l’intervention internationale a montré ses limites et ses dysfonctionnements. Les opérateurs ont dans un premier temps négligé la dimension foncière du conflit iturien et la nécessité d’une action intégrée dans ce domaine. À partir de 2006, quelques actions de soutien aux acteurs du foncier se sont mises en place, sans toutefois embrasser l’intégralité de la problématique : prévalence de la coutume, faiblesse de l’administration, limites de l’approche institutionnelle, dimension politique, rôle mineur de la société civile. Cependant, une initiative locale a vu le jour avec la création d’une Commission foncière de l’Ituri qui, après quelques balbutiements, semble pouvoir être une piste intéressante de prévention et de gestion des conflits fonciers si elle parvient à relever deux défis : devenir viable et intégrer une diversité d’acteurs qui lui permettra d’asseoir sa légitimité et de trouver des solutions innovantes au règlement des conflits fonciers."

"Somalia at a Crossroads and the Duty of the International Community", vidéo et transcription de la conférence ICI

"Zimbabwe: Turning Thirty" par Richard Horsey, dans The World Today ICI

"Guinea: Bought by Beijing" par Daniel Balint-Kurti dans The World Today ICI

lundi 15 mars 2010

Sortie du numéro de mars d'Afrique Réelle



Sortie du nouveau d'Afrique Réelle de Bernard Lugan sur l'Afrique du Sud : ICI

vendredi 12 mars 2010

La semaine africaine de Sciences Po du 15 au 19 mars 2010


En cette année 2010 déclarée Année de l’Afrique à Sciences Po, l’ASPA-Association des étudiants de Sciences Po pour l’Afrique, Nabrabogo, et Le DESC, toutes trois associations de Sciences Po, font rayonner l’Afrique à Sciences Po en organisant la Semaine Africaine. Le programme :

lundi 22 février 2010

Déroulé de la Semaine Africaine
Tout au long de la semaine, une exposition photos sur les images de l’Afrique, vues par des enfants Africains en France, et des Européens ayant séjourné en Afrique. Le concept c’est faire travailler des jeunes sur la photographie et le dessin afin qu’ils représentent l’empreinte africaine à Paris.

Lundi 15 Mars 2010

10h : Cérémonie d’ouverture de la Semaine sous une vibrante démonstration de danse africaine au 27 Rue St Guillaume. En présence de :
Richard DESCOINGS, Directeur de Sciences Po
Frédéric MITTERRAND, Ministre de la Culture
Jacques TOUBON, Année de l’Afrique en France, ancien Ministre de la Culture et de la Francophonie
Hamidou SALL, Directeur de la Stratégie de l’OIF, Représentant de M. Abdou DIOUF

18h30 : Projection du film « Les Saignantes » (2007, Prix de l’Etalon d’Argent de Yennenga, au FESPACO à Ouagadougou) de Jean-Pierre Bekolo Obama, qui nous invite à imaginer l’Afrique du futur. Projection en partenariat avec La Guilde Africaine des réalisateurs producteurs.

Mardi 16 Mars 2010
10h-19h : Journée littéraire avec exposition de livres sur l’Afrique par les maisons d’édition Présence Africaine, L’Harmattan, Khartala et Survie.
19h00 : Une conférence sur le thème « La littérature comme passage : les papiers, le diplôme, le livre » clôturera la journée avec Odile Biyidi, Boubacar Boris Diop, Julien Bonhomme, André Julien Mbem, et bien d’autres illustres écrivains comme Alain Mabanckou, Patrick Chamoiseau.

Mercredi 17 Mars 2010

18h00-21h00 : Concert de musique africaine. En parfait accord entre tradition et contemporanéité, la journée musicale de la Semaine Africaine valse entre les pas traditionnels duala du Cameroun avec le groupe MASAO qui nous ramènera aux sources traditionnelles du rythme Esewe et le célèbre coupé décalé de la Côte d’Ivoire.

Jeudi 18 Mars 2010
19h00 : Conférence-Débat sur l’Afro-Optimisme, cinquante ans après les indépendances. A quoi ressemblera l’Afrique de demain ? Sur quels indicateurs et leviers voit-on se dessiner cet avenir ? Quel en sera le profil économique, politique, culturel ? Avec d’illustres intervenants (sous réserve) :
Henri LOPES, Ecrivain, Ancien Premier Ministre du Congo, Ambassadeur du Congo en France
Jacques TOUBON, Chargé par le Président Sarkozy de l’organisation de l’Année de l’Afrique en France, ancien Ministre de la Culture et de la Francophonie,
Hervé BOURGES, Auteur de plusieurs ouvrages sur l’Afrique, Président du Comité permanent de la Diversité de France Télévisions
Elikia M’BOKOLO, Ecrivain, Historien congolais (RDC), Directeur de recherche à l’EHESS
Lionel ZINSOU, Conseiller spécial du Président Yayi BONI du Bénin, Président du Fonds PAI Partners
Débat modéré par Juan GOMEZ, Animateur à RFI.

Vendredi 19 Mars 2010
Bal de clôture.

mercredi 10 mars 2010

Actualité africaine du Chatham House : Président somalien et affrontements au Nigeria



Transcription ICI de l'intervention du Président Somalien Sheikh Sharif Sheikh Ahmed le lundi 8 mars 2010 (Chatham House)en présence de David Stephen (UN Secretary General's Special Representative for Somalia (1997-2001)):Somalia at a Crossroads and the Duty of the International Community.

"President Sharif's government is fighting a range of insurgent groups for control of Somalia, some of which have been linked to international terrorist attacks. The country faces severe humanitarian and development challenges, has lacked stability for 20 years and has consistently been declared to have the worst humanitarian crisis in the world. In recent years piracy off the coast of Somalia has brought new international attention to the conflict. President Sharif was formerly leader of the Islamic Courts Union government and an opposition leader before becoming President of the Transitional Federal Government in 2009"



Et l'article "Violence in Jos, Nigeria: Bloody Agendas and Hidden Hands" d'Elizabeth Donnelly également du Chathaam House.

«Une première guerre américano-chinoise en Afrique»




Nous reproduisons aujourd'hui l'interview du professeur Omar Aktouf de l'université de Montréal(biographie ICI) avec par Fayçal Métaoui et Zohir Bouzid du journal Les Afriques (28 février).

"Les Afriques : Comment voyez-vous la situation de l’Afrique dans la crise économique actuelle ?

Omar Aktouf : L’Afrique est un problème extrêmement complexe. D’abord, le continent souffre de néocolonialisme et l’on constate, curieusement, qu’il se portait mieux du temps du colonialisme que maintenant. Il y a, certes, des problèmes de gouvernance et de démocratie, mais aussi le fait que les pays colonisateurs ont eu le machiavélisme de partir en mettant en place des régimes qu’ils savaient pouvoir utiliser pour leurs intérêts.
Cela est valable pour tous les pays du continent. Les décisions politiques ou économiques prises par ces pays sont liées à la présence de multinationales françaises, belges ou autres. Quelle décision un pouvoir d’un pays africain peut-il prendre, sans tenir compte du poids de Shell, de Total ou de Mobil sur son sol ? Donc, les décisions que nous prenons sont, d’une manière ou d’une autre, liées aux intérêts étrangers (...). Les Africains doivent se tourner maintenant vers l’Asie, vers le modèle du capitalisme industriel, le modèle de marché régulé.

LA : Les conflits déclenchés dans certaines régions d’Afrique sont-ils liés à cette orientation asiatique ? Certains le suggèrent pour le cas du Soudan et d’autres.

OA : Vous avez le Darfour, le grand conflit au Zimbabwe. Le pauvre Mugabe a commis la faute de dire aux Blancs de laisser les terres agricoles et il est devenu alors le plus grand tyran du monde. Il ne l’était pas auparavant ! Toute la région des Grands Lacs, le Rwanda, le Burundi, la RDC… est ciblée. Les Français, les Américains, d’autres puissances, veulent limiter l’intrusion de la Chine, qui joue la carte africaine à fond et effraie les puissances occidentales. Le Darfour est fondamentalement une question de pétrole et de terres agricoles. Sur ces terres, vivent des populations et des tribus qu’il faut déplacer. Pour cela, il faut provoquer des guerres et des conflits. Les Américains ont essayé, sans succès, de trouver du pétrole au Soudan pendant des années. Les Chinois en ont trouvé dans le sud du Darfour en quantités importantes, ils contrôlent ainsi une zone prometteuse en brut. A partir du Darfour, on peut aller vers le Tchad, à l’Ouest, vers le sud de l’Egypte ou vers le centre de l’Afrique, etc. Grâce à cette position, la Chine a, pour la première fois, une sorte de monopole jusque-là réservé aux Etats Unis. Je parle du contrôle d’une source de pétrole, du puits au raffinage industriel. Les anciennes puissances occidentales ne veulent pas admettre cette situation. La Chine est aujourd’hui aux portes de l’Europe et menace les intérêts américains au Moyen-Orient. Le Soudan n’est pas loin du Canal de Suez, ce qui est intolérable pour Washington. Je crois qu’on assiste à une première guerre américano-chinoise.



LA : Puisque la Chine paraît comme une chance pour l’Afrique, est ce qu’il y a des pays qui peuvent tirer plus profit que d’autres de cela ?

OA : Pour ses intérêts, la Chine ne peut pas jouer au même jeu que les multinationales américaines ou européennes. Le capitalisme financier n’est pas le fort de la Chine. Ils peuvent se lancer dans un autre jeu, celui qui a été maîtrisé par d’autres pays asiatiques, comme le Japon. Les Japonais ont choisi de se spécialiser dans le know-how, dans la matière grise ; ils ont distribué dans leur périphérie économique, Malaisie, Corée du Sud, Hongkong et Indonésie, les métiers qu’ils ne faisaient plus, comme l’industrie mécanique, l’électroménager ou l’industrie navale. Le Japon a pu ainsi développer des marchés solvables autour de son économie pour vendre sa technologie. Ceci a été réalisée à travers une sorte de plan Marshall asiatique, mettant à la disposition des pays proches des enveloppes financières, à fonds perdus, pour développer des capacités de production. C’est justement le choix que fait la Chine pour l’Afrique, en investissant parfois à perte dans des pays en difficulté, en essayant de faire émerger une masse salariale qui constituerait un marché et donnerait des débouchés aux produits chinois. Une démarche intelligente, qui n’est pas celle des Américains, qui ne considèrent l’Amérique latine que comme une simple occasion de faire de l’argent à court terme.

LA : Les mêmes choix s’offrent-ils à l’Algérie en matière de perspectives de partenariat ?

OA : Que vous ayez du pétrole, du gaz, de l’uranium, les opportunités sont les mêmes pour tous. Dans n’importe quel espace géographique, il y a toujours une base quelconque pour générer une économie. Même à partir du sable, que l’on peut utiliser pour faire de la silicone, il suffit d’avoir la technologie. Que l’on ait des ressources ou pas, les problématiques du développement d’une capacité installée de production nationale et d’une demande effective, sont les mêmes. La Chine a, bien entendu, plus d’intérêts à commencer avec un pays comme l’Algérie, qui offre plus de garanties de solvabilité. Elle a intérêt à commencer avec la RDC ou le Gabon si elle peut mettre la France dehors ! Le tout est de réaliser une division internationale du travail, une sorte de complémentarité entre pays, ou chacun aurait un rôle à jouer. Cela, au côté d’un libre échange en termes d’avantages comparatifs et non pas compétitifs. Le tout sur fond de capitalisme industriel ou d’un type de social-démocratie. Il faut que l’Etat soit un intervenant économique. Dans certains pays arabes, dont l’Algérie, on confond l’émergence d’une classe de nouveaux riches avec le décollage économique. De nouveaux millionnaires ne font pas un décollage économique, sauf si cette classe est formée de patrons ou d’entrepreneurs qui constitueront une nouvelle économie, plus introvertie qu’extravertie. L’argent qu’ils possèdent servira plus des intérêts sur le sol national, au lieu de servir à acheter des villas en Espagne. Seul l’Etat peut réguler ce genre de situation.

LA : Selon vous, peut-on parler d’une stratégie économique en Algérie ?

OA : Grande question ! On a commis la bêtise de mettre l’agriculture au second plan, alors que le secteur primaire est le levier de tout développement économique. La révolution industrielle du XIXe siècle en Europe s’est faite sur la base d’une agriculture forte. Ce qu’on appelle en économie l’arrière-pays ne doit en aucun cas être négligé. Les Algériens ont voulu faire une révolution industrielle avec une agriculture sinistrée ! Il faut d’abord manger avant de fabriquer des jouets. Je pense que le pays navigue à vue, comme le bouchon qui flotte sur la vague. Ce qui manque aux pays du tiers monde, Algérie comprise, c’est que l’Etat joue son véritable rôle, notamment en matière d’éducation. C’est grâce à l’éducation que la Chine se trouve là ou elle est actuellement.

LA : Votre dernier livre est Halte au gâchis ! En finir avec l’économie-management à l’américaine. Justement, pourquoi faudra-t-il en finir avec ce modèle ?

OA : Le modèle du capitalisme financier nord-américain et la mondialisation néolibérale qui va avec vont finir par mettre à genoux une grande partie de l’économie mondiale. Les économistes néolibéraux mettent la tête dans le sable pour éviter de voir que l’économie ne fonctionne pas comme ils le disent. La Scandinavie, l’Allemagne, le Japon pratiquent un capitalisme industriel, où la redistribution de la richesse est assurée par l’Etat. Il ne s’agit pas de réformer le capitalisme financier, parce qu’on ne peut pas le faire (…). Les Etats-Unis ne peuvent survivre qu’en provoquant des guerres, ils n’ont jamais pu reconvertir leur industrie de guerre en industrie civile. Depuis les années 1990, les Etats-Unis ne sont plus une puissance financière. La guerre en Irak et en Afghanistan avait pour but de maintenir l’étalon-pétrole pour le dollar, car l’Amérique a perdu l’étalon-or. "
Sources : Les Afriques

mardi 9 mars 2010

Sortie ciné : Fleur du Désert



Demain, sortie du film de Sherry Hormann avec Liya Kebede, Fleur du Désert.
Le film retrace la vie de l’ex-top model d'origine somalienne Waris Dirie, devenue ambassadrice des Nations Unies contre l'excision.Un film adapté du roman de Cathleen Miller qui a été publié en 1998 sous le titre original : Désert Flower ouFleur du désert. Tourné à Djibouti à Ali-Sabieh, région située au sud de la capitale. Une coproduction regroupant plusieurs pays européens (France, Allemagne, Angleterre et Autriche) ainsi que les Etats-Unis.

Synopsis : "Issue d’une famille de nomades somaliens, Waris connaît une enfance rude mais heureuse car entourée des siens. Mais quand son père décide de la marier à l’âge de 13 ans, Waris prend la fuite. Traversant le désert au péril de sa vie, elle atteint la ville de Mogadiscio et retrouve sa grand-mère.
Cette dernière lui fait quitter le pays en lui trouvant un poste de « bonne à tout faire » à l’ambassade de Somalie à Londres. Waris y travaille pendant 6 ans, telle une esclave, totalement recluse et coupée du monde extérieur.
Quand la guerre civile éclate en Somalie, l’ambassade ferme. Waris se retrouve livrée à elle-même dans les rues de Londres, ne sachant pas un mot d’anglais. C’est alors qu’elle rencontre Marilyn avec qui elle se lie d’amitié. Cette jeune femme, délurée et originale, l’héberge et l’aide à trouver un emploi.
Travaillant dans un fast food, Waris est remarquée par un célèbre photographe de mode. Grâce à lui, elle rejoint une agence de mannequins. Malgré de nombreuses péripéties, elle devient rapidement l’un des plus grands top modelinternational. Sa célébrité est au plus haut et pourtant, derrière les paillettes et le glamour, se cache une blessure dont Waris ne se remettra jamais. Lors d’une interview Waris révèle l’excision dont elle fût victime à l’âge de 3 ans. Reprise par la presse internationale, sa confession bouleverse le monde entier.
Waris a depuis décidé de dédier sa vie à combattre l’excision dont sont victimes des milliers de petites filles chaque jour."

Photo : Liya Kebede (actrice du film) et Waris Dirie
Critiques :
- " L'actrice incarne de façon bluffante la métamorphose de la petite émigrée en princesse des défilés. "
François-Guillaume Lorrain (Le Point)
-" Beauté, émotion, on pleure forcément. Et on n'a même pas honte."
Héléna Villovitch ( Elle )
- " Une modestie qui permet d'éviter toute dérive larmoyante. Mi-figue, mi-raisin "
T.C (Studio CinéLive)
- " Mais, retracer le parcours de Waris Dirie, c'est aussi évoquer son engagement contre l'excision pratiquée en Afrique et ailleurs - selon l'ONU, près 6000 petites filles en sont victimes chaque jour à travers le monde. "
F.C. ( Première n°397)

lundi 8 mars 2010

Bernard Lugan crée une publication mensuelle diffusée sur internet



Bernard Lugan a relancé en janvier 2010 la revue Afrique réelle : "une nouvelle revue africaniste, inspirée de l’ancienne Afrique réelle à laquelle certains d’entre vous étiez abonnés entre 1995 et 2005. Cette publication sera mensuelle, soit 12 numéros par an, et sa distribution exclusivement par Internet. Réalisée en couleurs, son approche de l’Afrique se fera par le réel, notamment à partir du milieu et des peuples et dans la longue durée. Elle sera illustrée et comportera une riche cartographie.
Afin de toucher le plus grand nombre, notamment les étudiants, le prix de l’abonnement annuel est de 25 euros (France et étranger), ce qui met le prix du numéro à environ 2 euros. Pour obtenir une copie papier, il suffira de tirer la revue sur l’imprimante de l’ordinateur."
Retrouvez un article du premier numéro : "LE MYTHE DU RÉCHAUFFEMENT GLOBAL APPLIQUÉ À L’AFRIQUE" ICI
Intervention sur l'évolution de la conflictualité africaine, illustrée de nombreuses cartes. Vidéo : ICI

dimanche 7 mars 2010

Les "émeutes de la faim" au Sénégal : Un puissant révélateur d'une défaillance de gouvernance




"Les "émeutes de la faim" au Sénégal : Un puissant révélateur d'une défaillance de gouvernance" par Alain ANTIL, chercheur à l'Ifri (mars 2010). Téléchargez le document : ICI


"L’expression « émeutes de la faim », qui a été utilisée lors des manifestations de la fin 2007 / début 2008 dans une trentaine de pays dans le monde, dont une majorité de pays africains, rassemble des phénomènes de nature très différente d’un pays à l’autre. Nous nous attacherons dans cette note à revenir sur le cas du Sénégal, pays où les « émeutes » ont été nombreuses. Une rapide recension des différentes « manifestations » de mécontentement qui ont secoué ce pays laisse apparaître, entre autres, la faillite d’un secteur agricole qui, bien qu’employant presque 60 % de la population active, n’arrive pas à nourrir la population sénégalaise. Un tel constat invite à s’interroger sur les causes structurelles, qui ne peuvent être réduites à des raisonnements économiques. Bien vite, la défaillance de gouvernance apparaît dans tout sa béance : accoutumance aux importations, structure monopolistique de l’importation de certains produits, sacrifice des populations rurales pendant des décennies pour s’assurer de prix raisonnables pour les consommateurs urbains, bien plus redoutés par le pouvoir. Les blocages ne sont pas toujours là où on les croit."
Carte :Les émeutes de la faim dans le monde (2007-2008). F. Damato

Alain Antil est responsable du programme Afrique subsaharienne à l'Ifri