Kinshasa se prépare à recevoir le XIVe sommet de la Francophonie.
Des travaux sont visibles dans toutes les grandes artères de la capitale
congolaise. Nous voyons aussi des ouvriers embellir les grandes places,
beaucoup de « kinois » usent de leur légendaire sens de l’humour au
vu de ses travaux en les qualifiant de « maquillages », car pour bon
nombre ils ressentent un contraste encore plus saisissant entre leur quotidien
dans une « ville-poubelle » et le semblant de propreté constaté. La
sécurité aussi a été visiblement renforcée afin d’éviter toute protestation promise
par l’opposition congolaise. Dans les discussions des kinois beaucoup de
blagues fusent sur la mauvaise pratique et la non-maitrise de la langue
française par la population dans les quartiers populaires. Dans les rues assises
sur de terrasses et autres bars dont regorge Kinshasa, nous rencontrons aussi
des personnes qui ont une approche plus intellectuelle de ce sommet. Nous avons
été à la rencontre de deux d’entre eux qui ont bien voulu nous faire part de la
substance de leur débat.
José Mikendi, 42 ans, diplômé en gestion-finance, étude supérieure
en Europe et a travaillé cinq ans en Afrique de l’Ouest, trois ans en Afrique
de l’Est pour une ONG internationale.
Que pensez-vous
du sommet de la francophonie qui aura lieu à Kinshasa dans quelques
semaines ?
Je ne suis pas favorable à la tenue du sommet
de la francophonie au Congo, car je trouve que nous ne sommes pas dignes
d’accueillir un tel sommet, car nous ne vivons pas vraiment dans un état de
droit, ici point de changement depuis des années. Nos gouvernants certes se
frottent les mains et se glorifie du plébiscite accordé par la tenue de ce
sommet, mais moi je suis sceptique sur les bénéfices de cette réunion de
personnes bien pensantes qui sont totalement absente pour la résolution de nos
problèmes quotidiens que sont l’absence de travail, le manque d’électricité, le
manque d’eau, l’absence de centre de soins dignes de ce nom et l’insécurité
grandissante. Mais au moins grâce à la francophonie nous avons des routes
refaites et balayées chaque jour (Rires).
Qu’attendez-vous
de la venue de François Hollande ?
Pas grandes
choses, car que peut on attendre de la venue d’un chef d’État étranger ? À
ce que je sache, il ne gouverne pas le Congo et au vu du silence durant les
troubles électoraux de la majorité des chefs d’État présent j’ai peu d’espoir
qu’un discours de quelques minutes puisse amener un changement significatif à
notre pays. Nous allons sagement écouter monsieur FH, mais sans grands espoirs
de changements.
Quel apport de
la RDC à ce sommet ?
Déjà
notre terre pour accueillir toute ses délégations et notre hospitalité. Mais
au-delà je ne sais ce que nous pourrions apporter, car nous sommes un peuple
malade et meurtri par des guerres à l’est du pays, un quotidien de plus en plus
pénible. Et que peut apporter un État défaillant et déstructuré à ce genre de
rencontre si ce n’est des beaux discours donc du vent ?
La francophonie
est elle une organisation d'avenir?
Je
pense que si cette organisation se mue et se structure en vue d’une dynamique
plus économique que linguistique oui elle a de l’avenir, mais maintenant qui va
impulser cette évolution ? Je souhaite voir l’OIF innover et être à la
base d’un nouveau défi qui animerait les économies qui ont en commun la langue
française, cela ressouderait les liens entre pays. Au vu de la mondialisation
et de la globalisation de l’économie mondiale, cela nous apporterait une
échappatoire face aux « Tout-Puissants anglo-saxons » d’un côté et
aux « Omniprésents Chinois » de l’autre.
Quel est votre
point de vue sur la politique française en Afrique et spécialement en RDC
Confus
et illisible nous ne savons pas ou nous n’arrivons pas à déchiffrer le rôle de
la France ici en Afrique centrale et spécialement chez nous en RDC. Elle semble
être absente et pas prête de revenir, peut être que la tenue de la francophonie
à Kinshasa va initier quelque chose de nouveau, mais je suis un peu
sceptique…deux jours de sommet ne font pas une politique étrangère d’un pays.
Je trouve cela triste et décevant qu’une grande nation comme la France soit
aussi absente au Congo, à croire que les Français s’intéressent plus à la
diffusion de leur langue qu’à la bonne santé de leurs échanges commerciaux.
Elle semble être spectateur et tétanisé par je ne sais quoi qui l’empêche
d’être pris en exemple et suivi non seulement par les Congolais, mais nombre
d’Africains qui se tournent maintenant plus facilement vers le Canada, les USA
ou l’Asie. La perte d’influence française est réelle et visible ici au Congo.
APRÈS LE SOMMET :
Comment avez-vous vécu ce sommet de la francophonie?
Un peu agacé par le manque de transport en
commun afin de laisser la place à ses diplomates de la « cacophonie »
(rires). Mais plus sérieusement, j’ai vu qu’au Congo quand il y a de la bonne
volonté nous pouvons organiser non seulement notre environnement, mais aussi
notre quotidien. Je suis peut être pessimiste, mais le contraste a été
saisissant avant et pendant sommet.
Que pensez-vous de François Hollande et d’autres dirigeants pendant
ce sommet, vos attentes après ce sommet?
Je suis totalement bluffé par FH, il a eu le courage politique de
dénoncer le quotidien des Congolais qu’aucun autre chef d’État n’a fait jusqu’à
présent. Je suis de ce qui été totalement contre sa participation, mais il a
été au-delà de nos espérances, car il a remis à leur place les nombreux
fanfarons qui n’ont pas de convictions politiques, mais pillent le pays. Je
pense qu’il a bien analysé la situation réelle du pays et nous sommes
encouragés. Maintenant, nous savons que le peuple français n’est pas dupe des
problèmes dans la région des Grands Lacs, si les puissances occidentales comme
la France, le Québec qui ont démontrait leur courage par leur attitude lors du
sommet et que les grands pays optaient pour ce genre de ligne politique vis-à-vis
de nos gouvernants il y aurait plus d’ordre et de démocratie au Congo.