dimanche 1 septembre 2019

Dernières nouvelles du continent (2)


Dans Ouest France, le chercheur Vincent Foucher s’interroge sur la persistance du groupe Boko Haram au Nigéria.

La toujours brillante Niagalé Bagayoko publie ses réflexions sur le Sahel et un agenda de recherche « Fondamentalement, la gestion de la crise sahélienne par les différents acteurs, africains aussi bien que non-africains, démontre l’urgente nécessité d’inscrire au cœur de la réflexion stratégique la sociologie des administrations publiques, l’analyse bureaucratique et la science des organisations, cadres d’analyse trop souvent négligés alors même qu’ils peuvent offrir de très utiles clés de compréhension pour saisir les enjeux organisationnels et les processus décisionnels qui, fréquemment, obèrent la portée des interventions et initiatives de règlement des conflits. »
Afrique centrale et Afrique de l’Est
Depuis le 17 juillet, le virus Ebola est reconnu comme une « urgence de santé publique de portée internationale » par l’OMS. Si la prise de conscience est là, Aymar Nyenyezi Bisoka rappelle que « l’insécurité constante émanant de l’action des groupes armés limite ainsi les interventions médicales ». On relira avec intérêt l’article de Marie Roy publié dans l’AFRI 2018 « Santé et développement en Afrique : le cas d’Ebola dans le bassin du fleuve Mano ». Sur la composition du nouveau gouvernement congolais, on lira également le dernier billet de Colette Braeckman ICI. Cette dernière viendra commenter son documentaire « L’homme qui répare les femmes » le 19 septembre à l’Université Catholique de Lille
A lire : cet article sur les infrastructures dans l’East African Community : « Whereas the past model of high modernism focused on transforming national economies through implementation of large-scale infrastructure projects, the current thinking in the EAC focuses on fast tracking not only national development but also regional integration and realizing Pan-African continental connectivity for sustainable development”. On complétera avec l’étude réalisée par Denis Tull et Juliette Genevaz.
Dans Le Monde Jean Philippe Remy s’interroge sur le retour de la paix au Burundi alors qu’un accord signé avec la Tanzanie prévoit le retour des réfugiés.  Pour le chercheur Benjamin Chemouni cité dans l’article : « C’est une paix de cimetière, estime, Des violences continuent de se produire, mais à une échelle moindre. Seulement, l’économie du pays est atone, elle est même dans une situation pire que lors de la guerre civile. »
Le United States Institute of Peace (USIP) a publié le 29 août 2019 un débat "Un an après l'accord de paix entre l'Éthiopie et l'Érythrée, quel est l'impact?". D’après les auteurs l’accord de paix Éthiopie-Érythrée conclu à l’été 2018 a eu certes un impact stabilisateur sur la région mais il n’a pas mis fin à la situation précaire de l’Érythrée.

The Washington Post publiait le 30 août : "'If I Don't Pay, They Kill Me': Al-Shabaab Tightens Grip on Somalia with Growing Tax Racket". On y lit que le groupe al-Shabaab finance une grande partie de ses activités en extorquant l'argent des hommes d'affaires somaliens. Les auteurs déclarent que la croissance des recettes fiscales d’Al-Shabaab est en contradiction avec les affirmations du gouvernement somalien selon lesquelles le groupe est en perdition.

On lira avec intérêt l’article de Gérard Prunier dans Le Monde diplomatique du mois de septembre sur la situation au Soudan depuis la mise en place le 21 août du Conseil souverain.

Influences étrangères
On l’attendait avec impatience et elle vient de sortir. La dernière publication d’Aline Leboeuf pour l’IFRI porte sur : « La compétition stratégique en Afrique : approches militaires américaine, chinoise et russe ». Pour l’auteure « Si les États-Unis sont encore l’acteur dominant dans la sécurité du continent, un phénomène de rattrapage est en cours en faveur d’une influence grandissante de la Chine et de la Russie ». L’ISS consacre également l’un de ses derniers rapports à ces présences militaires étrangères sur le continent africain. Des 13 pays ayant une présence connue en Afrique, les États-Unis et la France ont le plus de troupes sur le continent. Sans surprise la Corne de l'Afrique est devenue l'épicentre de ces présences, avec environ 11 bases militaires étrangères.
Les publications sur l’influence russe en Afrique se multiplient : ICI



Publications 
Comment mesurer la paix ? C’est à cette question que tente de répondre Richard Caplan. On estime qu’en moyenne 40% des pays sortant d'une guerre civile risquent de retomber dans  un violent conflit dans les dix années suivant la fin des hostilités.
La Vie des idées publie une recension de la biographie  « Njinga, histoire d’une reine guerrière (1582-1663) ». Cette reine d’Afrique centrale, méconnue en Occident est idolâtrée dans certaines diasporas notamment au Brésil : « Elle éclaire d’autres questions relatives au genre, au pouvoir, à la religion, au commandement, au colonialisme et à la résistance ».
Hâte de lire le dossier spécial du Journal of War & Culture Studies : « Spirituality and War: Soldier Practices in Deployment in African Military Landscapes ».
La dimension transnationale des conflits armés en Afrique a un nouvel outil. Dans cet article les auteurs proposent de nombreuses statistiques et un agenda de la recherche. Ils réfutent l’idée que les conflits entre Etats ne sont plus majoritaires sur le continent: « the majority of African conflicts must be considered internationalized-internal ».

Conférences et appels à communications 

 Vous avez jusqu’au 18 octobre pour postuler aux bourses de terrain du CFEE ! 
Et jusqu’au 15 septembre pour envoyer vos propositions pour l’ouvrage collectif: « La mer : paradoxes, enjeux et défis pour les États du Golfe de Guinée au XXIe siècle ».
Le colloque « Penser le genre des expériences de la violence politique en Afrique. Incidences biographiques, transmissions générationnelles et familiales » aura lieu à Sciences Po Bordeaux les 3-4 octobre 2019.
L’AEGES organise son colloque annuel à Paris sur le thème Guerre et corps. Pour soumettre un article ou un panel : ICI

L’Afrique…ce grand pays…
Lors du sommet du G7, la journaliste américaine d’Associated Press Darlene Superville poste sur Twitter un cliché représentant quatre « leaders ». Elle identifie Emmanuel Macron, Justin Trudeau et Narendra Modi mais Cyril Ramaphosa, elle le présente comme « one unidentified leader » ….

La journaliste devrait lire l’interview de  l’historien François-Xavier Fauvelle, élu professeur au Collège de France et dont la leçon inaugurale se tiendra en octobre.
In memoriam
Le 31 août, un an après Samir Amin, l’universitaire Immanuel Wallerstein, critique du capitalisme mondial est décédé.

 

   

dimanche 25 août 2019

Dernières nouvelles du continent (1)



C’est la rentrée mais je vous propose un nouveau rendez-vous hebdomadaire. Une veille qui reprend les articles scientifique ou de presse les plus marquants, sur le modèle de "This Week in Africa" de Jeffrey Paller. Bien sûr je reste fidèle à mes centres d’intérêts : sécurité, défense, politique étrangère et…littérature ! Je publierai également les appels à communications et les évènements scientifiques. Vos commentaires sont les bienvenus pour améliorer ce nouveau projet.
Corne de l’Afrique, Afrique de l’Est
Le Soudan entame-t-il une transition politique ?  The New York Times publie "A Season of Hope in Sudan" où l’auteur explique l’opportunité pour la jeunesse soudanaise de transformer le pays. On lira également le récit de la réalisatrice Hind Meddeb à Khartoum au cœur des manifestations. Ecoutez cette émission de France 24 pour comprendre la crise actuelle et celle-ci sur le choix des nouveaux membres du conseil souverain au Soudan. Sur le nouveau dirigeant du pays (ICI) et les nombreux défis qu’il doit relever. Pour Woldemariam, la résolution de la crise est un succès du multilatéralisme africain avec l’investissement de l’Union africaine et de l’Ethiopie.
La revue Le Point consacre un numéro aux Nouvelles Routes de la Soie avec un papier signé par Claire Meynial sur Djibouti
Le Kenya et Djibouti sont concurrents pour un siège au Conseil de sécurité de l’ONU.
L’Est du Congo reste une des zones les plus violentes du monde. Ce rapport rappelle que depuis deux ans, rien que dans la région du Kivu,  1897 personnes ont été tuées, 3 316 kidnappé et 100 victimes de viols.
À l’été 2018, les observateurs ne cachaient pas leur surprise de voir enfin se résoudre un conflit vieux de vingt ans entre l’Ethiopie et l’Erythrée qui a constitué un véritable nœud de crispation dans les tensions régionales. Cet article explique les impasses du régime érythréen. Sur la crise du fédéralisme éthiopien on lira René Lefort ICI
Joël Hubrecht interroge les relations entre la France et le Rwanda au moment du génocide : « Par leur proximité et leur présence, les analystes français auraient pu et dû, mieux que quiconque, saisir les signaux d’alerte puis être les premiers à rompre tout lien avec les génocidaires au lieu de s’inscrire, pour reprendre les mots d’Hubert Védrine, dans « la suite de l’engagement d’avant ». Cela n’a pas été le cas. Ils ont vu mais n’ont rien compris, ne comprennent toujours pas et, dans leur superbe arrogance, s’y refusent. Obstinément. »
Sahel, Afrique de l’Ouest
Un des derniers articles de Morgane Le Cam, la correspondante du journal Le Monde au Mali, avant de quitter son terrain décrit la situation au centre du Mali : « la Minusma est de plus en plus contestée par une population qui ne comprend pas pourquoi ses casques bleus n’interviennent pas lorsque leurs villages sont pris d’assaut par des groupes armés, tantôt djihadistes, tantôt communautaires (…)Depuis le début de l’année, dans la région de Mopti, au moins 845 personnes ont été tuées dans plus de 200 attaques ».
Rémi Carayol propose un papier sur les milices au Mali soutenus par les pouvoirs et cette stratégie n’est pas nouvelle. Ecoutez cette émission avec Jean-Marc Durou (qu’un ami m’avait présenté jadis comme « le plus grand spécialiste de la zone ») sur le Sahel.
Début août le Ghana accueillait la première conférence en Afrique de l’International Studies Association (pour la première fois sur le continent). La même semaine Nancy Pelosi visitait le pays pour célébrer The Year of the Return : « Ce sont douze mois pendant lesquels le pays d’Afrique de l’Ouest, qui fut l’un des importants pays de départ de la traite négrière entre les XVe et XVIIIe siècles, organise des événements pour commémorer le premier bateau d’esclave arrivé en Virginie il y a 400 ans. »
Ecoutez l’interview de Laurent Guillaume, ancien officier de la police française, sur les narcotrafiquants en Afrique de l’Ouest. Aujourd'hui, aux Éditions La manufacure de livres, il publie « Africa Connection », un ouvrage collectif sur la criminalité organisée en Afrique
Sécurité, défense
L’emploi de compagnies de sécurité privées est de plus en plus courant dans certains pays d’Afrique selon cet article. La privatisation de la sécurité et les « gardiens » employés en Afrique de l’Ouest, débouche sur une meilleure compréhension de la place de l’Etat.
Les processus de réconciliation renforcent-ils ou atténuent-ils les divisions ayant mené au conflit? Et quand sont-ils pertinents? Eléments de réponse par Milena Dieckhoff
Publications
Je lirai avec plaisir le dernier ouvrage de Terrence Lyons sur la politique éthiopienne.
On lira cet article sur le travail des observateurs lors des élections kényanes de 2017,  celui-ci sur l’impact des dépenses militaires sur l’industrialisation de 35 pays d’Afrique entre 1990 et 2015. Excellent papier de Nina Willen, Gérard Birantamije et David Ambrosetti sur la professionnalisation de l’armée burundaise.
J’ai hâte de découvrir cette nouvelle publication « Contemporary French Security Policy in Africa. On Ideas and Wars ».
Les études africanistes sont en pleine expansion d’après l’éditeur de l’African Studies Review  mais ça n’est pas encore très visible dans les enseignements et que la diversité manque au sein de l’édition.
Pensées
Pour Souleymane Bachir Diagne : « Décoloniser les imaginaires, ce n’est pas s’opposer ou mener une guerre d’indépendance, mais considérer qu’il n’y a pas d’humanités séparées et qu’il n’y a pas un lieu qui serait seul le théâtre de l’histoire universelle
Culture
L'écrivaine américaine Toni Morrison, première femme noire à recevoir le Prix Nobel de Littérature, est morte à l'âge de 88 ans.
La rentrée littéraire voit la sortie de plusieurs ouvrages consacrés à l’Afrique et ICI on trouvera un classement des meilleurs films africains de l’année.
Les 10 finalistes pour le Prix des cinq continents, organisé par  l’Organisation internationale de la Francophonie sont dévoilés. Il récompense chaque année un texte de fiction narratif d’expression française.
Conférences et appels à communications 
L’AEGES organise son colloque annuel à Paris sur le thème Guerre et corps. Pour soumettre un article ou un panel : ICI
Ne manquez pas la Masterclass Global Actors for Peace organisée par la faculté de droit de l’Université Catholique de  Lille. La journée du jeudi 19 sera consacrée à l’Afrique avec une conférence  « Peace from the Bottom » de Séverine Autesserre et en soirée, une conférence-débat avec projection du documentaire “L’homme qui répare les femmes” en présence de sa réalisatrice Colette Braeckman et de Sylvie Humbert Membre de la Commission de chercheurs pour l’étude des archives françaises du Rwanda (2019).
Un AAC est lancé pour la journée d’études « Quand le sud pense le nord : défis méthodologiques, enjeux épistémologiques » organisé le 13 décembre. La date limite pour l'envoi des propositions de communication est le 30 septembre 2019, à l'adresse : je.quandlesudpenselenord@gmail.com
Global Integrity s’apprête à lancer la huitième édition des Indicateurs d’Intégrité en Afrique, en partenariat avec la Fondation Mo Ibrahim, et cherche des journalistes professionnels, universitaires, acteurs d’organisations non-gouvernementales et/ou du secteur privé ayant une expérience avérée dans la conduite d’entretiens et la recherche documentaire.
Vous avez jusqu’au 25 octobre pour répondre à l’AAC de Politique africaine «  Rwanda : la trajectoire de l’État après le génocide ».

Si vous souhaitez recevoir cette lettre par mail : inscrivez vous à droite. Rendez-vous dans une semaine ;)


lundi 31 octobre 2016

Djibouti dans le jeu international

Nous publions un article sur Djibouti dans le numéro d'octobre de la revue Esprit (ICI).
Voici un extrait de l'article :


Alors que les regains de tensions en mer de Chine méridionale suscitent l’inquiétude des décideurs politiques et concentrent l’attention des médias, l’onde de choc de ces tensions pourrait toucher les rives d’un petit territoire à l’est du continent africain. Djibouti concentre depuis quelques années la présence militaire des puissances internationales et attirent les investissements étrangers du monde entier. Les jeux diplomatiques qui s’y jouent sont particulièrement révélateurs des évolutions du système international. Cet îlot de tranquillité de 23 200 km², dans une région agitée par les conflits, accueille les troupes françaises, américaines, japonaises, européennes et bientôt chinoises, saoudiennes et peut-être russes. Les plus puissants États y ont pris place afin de lutter contre la piraterie, le terrorisme ou, plus récemment, comme base arrière dans le cadre de la guerre au Yémen. Djibouti représente également un atout économique majeur. Bien que ce territoire ne produise aucune richesse, il pourrait jouer un rôle de plateforme régionale et une pièce maîtresse dans le projet d’intégration économique, soutenu par Pékin. Garnison internationale, hub maritime et logistique régional, Djibouti l’oublié se trouve désormais au cœur du nouveau grand jeu international.

vendredi 28 octobre 2016

Recension : Politics and Democracy in Microstates de Wouter Veenedaal


« Quelles sont les conséquences politiques de la taille d’un État ? » telle est la question posée par le chercheur néerlandais Wouter Veenedaal. Le lien entre la taille de la population et la démocratie est un des plus vieux débat de la science politique. Les études quantitatives montrent que les petits États et les micro-États seraient, comparativement, plus enclins à développer des gouvernances démocratiques. « Small is democratic » semble un adage partager depuis des siècles, des philosophes grecs à Rousseau en passant par Montesquieu. 


Aujourd’hui encore les organisations internationales font la promotion des avantages de la petitesse et invitent les États en reconstruction après un conflit à des pratiques de décentralisation et de dévolution afin de confier plus de pouvoirs et de compétences politiques à des unités réduites. Pourtant, aucune hypothèse satisfaisante ne permet d’expliquer cette corrélation entre la taille et le caractère démocratiques d’un État.  Au contraire, de plus en plus d’études de cas tendent même à l’infirmer en soulignant l’intensité des rivalités personnelles, de la corruption et du clientélisme dans les petits États. Il semble donc qu’il y aurait un écart entre la théorie suggérée par la recherche quantitative et la réalité constatée les travaux qualitatifs. Les institutions démocratiques des petits ou micro États seraient une façade et la réalité démocratique de leur système politique doit être relativisée. D’après, Wouter Veenedaal cette énigme relève bien de l’approche méthodologique quantitative qui a été privilégiée jusqu’à présent pour étudier ce lien. Il propose ici une étude comparative de la nature des systèmes politiques dans quatre micro-États : San Marino, St Kitts et Nevis, les Seychelles et Palau. Il nous éclaire sur les réalités politiques de ces États présentés comme démocratiques. Si ces analyses peuvent s’avérer intéressantes pour des spécialistes de ces zones géographiques, en revanche le politiste ne s’étonnera pas des résultats de l’étude. Elles démontrent qu’une explication monocausale (la taille) ne permet pas d’expliquer le système politique même dans les micro-États. L’auteur démontre, sans surprise, que la situation géographique, l’histoire coloniale ou encore les relations internationales sont des variables essentielles. Néanmoins, on retiendra de cette étude les stimulants chapitres sur les débats théoriques et l’état de l’art.