jeudi 5 janvier 2012

Otages au Mali : la parole aux victimes

Philippe Verdon et Serge Lazarevic ont été enlevés dans la nuit du 23 au 24 novembre 2011 à Hombari, entre Mopti et Gao, au Mali, nous avons rencontré les amis de Philippe Verdon, notamment Pascal Lupart qui se mobilise pour sa libération et a accepté de répondre à nos questions.

SLG : Avez-vous eu des nouvelles de Philippe Verdon et Serge Lazarevic depuis leur enlèvement ? Sont-ils localisés ? En bonne santé ? AQMI a revendiqué cet enlèvement mais sait-on aux mains de quelles katibas ils sont ? Quelles sont les exigences émises pour leur libération ? Où en est l’enquête ?
Réponse du comité de soutien :
Quarante jours après le rapt à Hombori (Mali) de Philippe Verdon et Serge Lazarevic, aucune information objective ne nous a été communiquée. Le seul élément que nous possédons est la revendication avec photo faite par Aqmi le 9 décembre, sans que l'on puisse savoir dans quelle mouvance exacte se situent les ravisseurs. C'est aussi ce groupe, qui dans le même communiqué a revendiqué l'enlèvement du 25 novembre à Tombouctou (trois touristes occidentaux -non Français- saisis et un quatrième exécuté sur place).
Les ravisseurs ont annoncé qu'ils feraient connaître prochainement leurs exigences, mais rien n'a filtré depuis lors.
Sur tous les sujets qui nous préoccupent, localisation, santé, contacts éventuels avec les preneurs d'otages, le quai d'Orsay est pour l'instant muet.
Une enquête ayant été diligentée au Mali par la B. C. R. I. La famille de Philippe Verdon a porté plainte avec constitution de partie civile pour avoir accès au dossier. A ce jour rien n'est encore sorti de cette source.

SLG : Quelles sont vos liens avec les otages ?
Réponse du comité de soutien :
Les liens sont :
-Pour la famille de Philippe Verdon, son père [écoutez son message pour Noël ICI], ses deux enfants et leur mère, sa sœur.
-Pour la famille de Serge Lazarevic, sa mère, sa fille et la mère de celle-ci, sa sœur.
-Pour le comité de soutien, les familles, les amis, et des personnalités qui se fédèrent autour de Pascal Lupart ami personnel de Philippe Verdon qui assure la présidence du comité.

SLG : Pour quelles raisons étaient-ils dans cette région ? N’était-il pas imprudent de se rendre dans cette région en ce moment ?

Réponse du comité de soutien :
On savait que la zone du Sahel était sensible, mais le nord du Mali était toujours accessible aux touristes (à preuve, la présence sur place d'occidentaux en vacances) à fortiori pour un déplacement d'affaires. En effet Philippe Verdon et Serge Lazarevic s'étaient rendu sur les lieux pour finaliser un projet d'implantation à Hombori d'une cimenterie, en liaison avec une entreprise locale (Mandé construction). Ils bénéficiaient pendant leurs travaux d'une escorte armée, mais l'enlèvement à eu lieu en pleine nuit à leur hôtel [photo].


SLG : Juste après leur enlèvement les deux Français ont été soupçonné d’être "contractuels" du renseignement français (DGSE), voire des mercenaires ou encore des hommes d’affaires et les médias ont rappelé leur passé aventureux. En effet, auparavant votre ami avait été retenu plusieurs mois au début des années 1990 au Sud Soudan par des rebelles, on parle de relations avec Bob Denard, vous avez été arrêté avec lui aux Comores... [Lire : "Mali. Philippe Verdon, faux barbouze, vrai aventurier"] Qu’avez-vous pensé de ce traitement médiatique de leur prise d’otage ?

Réponse du comité de soutien :
Nous avons été stupéfaits des propos inconséquents qui ont été véhiculés par certains médias, qui faisant fi de la condition de victimes de Philippe Verdon et Serge Lazarevic, spéculaient à leur détriment sur des rumeurs incontrôlées sans se soucier de l'impact que ces publications captables sur internet, pouvaient avoir sur le sort futur des otages.
Ceci nous a contraints à organiser une conférence de presse à Paris chez l'avocat des familles pour restituer la vérité qui se résume comme suit.
Pour ce qui concerne le présent :
Philippe Verdon et Serge Lazarevic étaient au Mali pour y jeter les bases d'un projet industriel, pour cela et cela seulement.
Pour ce qui concerne le passé :
- L'évocation de l'épisode du Soudan est absurde, il ne s'agit que d'un « accident » dont on a fait un roman. Philippe Verdon convoyait, avec deux passagers à bord, un avion de l'Europe à Madagascar. Une panne de moteur au dessus du Soudan l'a obligé à poser son appareil sur un petit aéroport de brousse. Le hasard a voulu que cet atterrissage ait lieu sur le territoire de la rébellion Sud Soudanaise du colonel Garang. Les trois français devenaient aussitôt pour la faction locale une monnaie d'échange, et les négociations par le biais des services français et des ONG, pour leur extraction, ont duré trois mois.
-Philippe Verdon a en effet connu Bob Denard, aquitain comme lui. Ces relations qui se sont bornées à du conseil privé (parution du livre de Bob Denard et affaire judiciaire) n'ont jamais à aucun moment été en lien avec une activité de mercenaire.
-Quant à l'affaire des Comores, les faits sont connus et simples : Philippe Verdon était communiquant et Conseil politique d'un candidat de l'opposition comorienne à la future présidence. A ce titre, il a participé à une manifestation pacifique (autorisée) de l'opposition. Cette manifestation prenant des proportions imprévues, le pouvoir en place prend peur et incarcère arbitrairement l'opposant et son conseil.
Son ami Pascal Lupart venu en appui, connaît à son tour le même sort. Aussitôt on parle dans la presse de complot. En fait l’affaire se dégonfle, il n’y a ni procès ni jugement et tout le monde est libéré. Mais les mots prison et complot ont été lâchés dans les médias, ils colleront définitivement à la peau des protagonistes.
On se hâtera de les faire resurgir lors de l’enlèvement au Mali pour nourrir les hypothèses les plus malveillantes.

SLG : Toutes ces rumeurs ont-elles un effet sur vos démarches auprès des administrations (maliennes, françaises), des médias, de l’opinion publique, etc ?

Réponse du comité de soutien :
Comme indiqué plus haut, notre réponse s’est traduite par la conférence de presse à Paris. Elle a été prise en considération par la plupart des médias qui ont fait mention de nos rectifications.
Notre comité espère de la sorte avoir sensibilisé et mieux documenté tant l’administration, dont on avait dès le départ senti le préjugé, que l’opinion.
Ce travail continue car le comité, tant en France qu’au Mali saisit toutes les occasions possibles pour restituer la vérité.

SLG : Au-delà de ces débats, vous souhaitez rappeler que ces deux Français sont avant tout des victimes. Quelles démarches avez-vous entrepris pour leur libération ?

Réponse du comité de soutien :
Deux démarches sont menées de front :
-L’activité du comité, qui mettra tout en œuvre pour peser sur les pouvoirs publics (une demande d’audience auprès du président de la république a été faite), informer les médias et sensibiliser l’opinion. [NDRL : le 5 janvier suite à une sollicitation d'audience, la présidence de la république a répondu favorablement. Les familles devraient être reçues dans les jours à venir à l’Élysée]
-La procédure que mène l’avocat, qui sera rendue publique pour informer l’opinion.

SLG : Bon courage dans vos démarches et souhaitons que vos amis soient rapidement libérés.

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