Le général Maurice de Langlois coordonne une nouvelle
étude de l'IRSEM : "Approche globale et union européenne : Le cas de la
corne de l'Afrique". Contrairement à ce que son titre indique, l'étude
porte plus particulièrement sur la Somalie. Nous y proposons une contribution
sur la Turquie. Nous vous proposons ici l'introduction :
« Notre
destin est lié à celui du peuple somalien » [1], « la Turquie soutiendra toujours les dirigeants et le peuple somalien
dans leur cause sacrée » [2], c’est en ces termes que le
ministre des Affaires étrangères de la République de Turquie exprimait, à une
année d’intervalle, le soutien inconditionnel de la Turquie à la Somalie. Cet
activisme est récent. En août 2011, au plus fort de la famine, la visite officielle
du Premier ministre Recep Tayyip Erdoğan, quelques jours seulement après le
retrait du mouvement combattant djihadiste
Al-Shabaab de Mogadiscio, marque le rapprochement des deux pays[3]. Contrairement aux autres visiteurs
internationaux, cantonnés dans des bases militaires ou à l’aéroport, Recep
Tayyip Erdoğan marqua sa visite par un tour de la ville et une visite des camps
de réfugiés et des hôpitaux. Le Premier ministre turc, surtout, annonça la réouverture de l’ambassade de
Turquie, une première depuis la chute de Siyaad Barré et le cycle de conflits
qui suivit. Dans ses discours, il inscrit la politique de son pays en rupture
avec celle des autres acteurs internationaux marquée par leurs échecs[4].
La Turquie est un nouvel acteur sur le terrain
somalien et son engagement semble conduire à des résultats positifs. Cet
engagement, et la manière dont il a été reçu par la population somalienne,
peuvent paraître étonnants, d’autant plus que les Somaliens accusent les
interventions étrangères d’être la source de la crise que traverse le pays
depuis plus de vingt ans. Le conflit somalien est ancien et de nombreux Etats
et organisations ont tenté d’y apporter une solution. Les deux dernières
décennies de conflits ont vu des clans s’affronter entre eux et des
séparatismes s’affirmer (Somaliland et Puntland). Les interventions militaires
onusiennes et américaines du début des années 1990 puis l’intervention
d’acteurs régionaux (Ethiopie, Kenya) ont été des échecs complets pour les
premiers et relatifs les seconds. Pourtant, la crainte d’une radicalisation
graduelle de l’islam politique demeure et les liens avec des réseaux
terroristes comme Al-Qaïda ainsi que le développement de la piraterie
inquiètent. De processus successifs de réconciliation en interventions
militaires, la résolution du conflit somalien n’en finit pas. La Somalie vit
aujourd’hui une période clé de son histoire contemporaine : la situation
sur le terrain se trouve radicalement modifiée depuis le mois d’août 2011
(intervention éthiopienne et recul des shebabs) et, politiquement, la période
de transition a touché à sa fin.
Néanmoins, l’intervention turque est perçue
différemment par les Somaliens. Son engagement humanitaire ne fait pas de doute
et sa stratégie n’effraie pas contrairement aux autres. Cette bonne image va
parfois jusqu’à qualifier la Turquie de « Godsent country ». En fait, Ankara travaille son image d’allié
politique mais aussi de soutien à la société civile et à la population.
L’arrivée de ce nouvel acteur est perçue de manière contrastée, entre suspicion
et étonnement, par les acteurs traditionnels (Union européenne, Etats-Unis,
Italie, Royaume-Uni, France).
L’objet de cette communication est de comprendre les
ressorts de l’engagement turc en Somalie et analyser s’il peut s’intégrer dans
un processus plus global. Parvenir à construire un consensus entre les
puissances émergentes et les acteurs plus traditionnels de la sécurité en
Afrique sur la façon de travailler dans des Etats en conflit ou en reconstruction,
est devenu un enjeu majeur. Depuis le début des années 2000, ces nouveaux
acteurs, dont fait partie la Turquie, constituent un « challenge to the development paradigm »[5]. L’émergence de ce nouveau
paradigme aura des implications majeures pour les acteurs traditionnels, comme
l’Union européenne. Comment analyser le rôle de ce nouvel acteur qui impose son agenda dans le processus de
paix ? Nous verrons que la Turquie tient sa légitimité de facteurs à la
fois historiques et religieux. Les caractéristiques de l’approche globale
qu’elle met en œuvre en Somalie en font un « modèle » qui pourrait
concurrencer le modèle européen. Cette approche est aussi contestée pour son
unilatéralisme tant dans son principe que par les autres acteurs et dans sa mise
en œuvre par les Somaliens eux-mêmes.
La suite est à télécharger gratuitement : ICI
Le sommaire de l'étude :
1/ La corne de
l’Afrique, une région faillie par le Général
de division (2S) Maurice de LANGLOIS
2/ La mise a
l’épreuve de l’approche globale: le cas de la Somalie par le Général de
division (2S) Maurice de LANGLOIS
3/ Un concept
d'approche globale diversement interprété et politisé par Florence VU VAN
4/ L'UE et ses
partenaires dans la mise en œuvre de l'approche globale : partenariat(s),
complémentarité
et rivalité par Clara EGGER
5/ Une «
stratégie globale » ? Atouts et limites de la stratégie de l'UE pour la Corne
de l'Afrique par Clara EGGER
6/ La Turquie
en Somalie : un concurrent à l’approche globale de l’Union européenne ? par Sonia
LE GOURIELLEC
7/ La Chine
dans le golfe d’Aden : signe d’une coopération croissante ou prémices d’une
politique de grande puissance ? par Raphaël
ROSSIGNOL
8/ Les
Etats-Unis dans la Corne de l'Afrique : le rôle du militaire par Stephen F. BURGESS
9/ Valeur
ajoutée pour valeur réelle : combien coûte l’action multidimensionnelle de l’UE
dans la Corne de l’Afrique? Par Chantal LAVALLEE
10/ Les
enseignements et recommandations
[1] Ahmet Davutoğlu, « Opening Remarks »,
Somali Civil Society Gathering, Istambul, 27 mai 2012.
[2] Ahmet Davutoğlu,
Conférence sur la Somalie, 7 mai 2013, Londres.
[3] En octobre 2013,
le Premier ministre somalien Abdu Farah Shirdon a déclaré le 11 août
« Turkey-Somalia Day ».
[4] Recep Tayyip Erdogan, « The tears of
Somalia », in Foreign Policy, 10
octobre 2011.
[5] Clemens Six, « The Rise of Postcolonial States
as Donors : A Challenge to the Development Paradigm ? », in Third World Quaterly, 30 (6), 2009,
p.1109-1121.
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