L’usure du pouvoir semble aller de pair avec les scandales généralisés dans la classe politique, et Jacob Zuma n’y fait pas exception. Particulièrement décrié ces dernières années, il a été accusé de viol, avant d’être acquitté. Il a également passé de longues années à se défendre d’accusations de corruption et de racket. Sa réélection à la présidence de l’ANC est elle-même très critiquée.
Les militants anti-Zuma dressent un bilan très négatif de sa présidence. En effet, il est arrivé au pouvoir en 2009 suscitant de nouveaux espoirs avec un programme ambitieux : promesse d’une meilleure gouvernance, réduction des inégalités sociales et du chômage par une réforme foncière et une redistribution des richesses renouvelée. Or, sur le plan social le bilan est mitigé et les inégalités restent fortes. « Président des pauvres », Jacob Zuma n’a pas su enrayer la sédimentation de la société. En parallèle, la lutte contre le chômage qui était la priorité du mandat de Jacob Zuma s’avère être également un échec. Dans un contexte d'augmentation de la population active un quart des Sud-Africains ne trouvent pas d’emploi. Les jeunes sont particulièrement touchés (50% pour les 20-24 ans) de même que les femmes, et les noirs. Plus inquiétant sur le plan politique, le milieu des affaires critique le manque de leadership économique de Jacob Zuma. Ce dernier tout comme son administration se défendent en invoquant un contexte économique et financier défavorable. Le candidat Zuma prônait des mesures populistes et radicales pour satisfaire à la fois la base de l’électorat de l’ANC et l’aile gauche du parti qui le soutenait contre son prédécesseur. Or, le candidat devenu président Zuma doit désormais composer avec un pays touché à la fois par la crise internationale et par la crise structurelle interne. L’Afrique du Sud possède pourtant de nombreux atouts : des industries de pointe dans certains secteurs d’excellence, des systèmes de télécommunications importants, des infrastructures développées et une terre riche en minerais (or, platine, diamants, etc). Tous ces avantages lui permettent de disposer d’une croissance stable autour de 3% mais ce potentiel est limité entre autres par des problèmes énergétiques qui entraînent coupures et restrictions, en particulier dans les grands centres urbains.
Finalement, Jacob Zuma s’est inscrit dans la continuité de Thabo Mbeki alors qu’il avait initialement un discours de rupture basé sur un retour aux « vraies valeurs » de l’ANC. C’est tout le paradoxe de la politique économique de l’ANC : longtemps d’inspiration marxiste-léniniste cette direction a été officiellement abandonnée, notamment sous le mandat de Thabo Mbeki, bien que la question soit fréquemment relancée pour satisfaire la frange la plus à gauche du parti. L’ANC veuttransformer l’économie sud-africaine pour lutter contre le chômage et la pauvreté mais les changements annoncés semblent très mesurés. Le parti reste très prudent et conservateur. Prenons, par exemple, les questions foncières. Les terres appartiennent toujours à 80% aux blancs. L’exécutif de l’ANC reconnaît qu’il faut réformer le principe du vendeur volontaire - acheteur volontaire. Néanmoins, il doit toujours faire face au caractère constitutionnel du droit à la propriété. Cette réforme controversée est, et sera, dans les années à venir, le rocher de Sisyphe de l’ANC. D’autant plus que l’histoire sud-africaine a été marquée par de violentes dépossessions foncières. L’exemple zimbabwéen, cité par Julius Malema, n’est pas non plus pour rassurer les observateurs internationaux. Et les défis pour mettre en œuvre cette réforme sont considérables. Le manque de ressources budgétaires comme la durée des procédures judiciaires d’indemnisation sont aussi à souligner. En effet, la constitution autorise le droit d’expropriation au nom de l’intérêt public en échange d’une compensation susceptible d’être fixée par une cour de justice[i].
L'une des faiblesses actuelle de l’ANC reste donc son bilan gouvernemental et les problèmes internes à l'ANC qui ont tendance à devenir des problèmes étatiques. D’autant que le risque de confusion entre Etat et parti découle d’une particularité de la Constitution sud-africaine, qui fait qu’il n’existe pas de circonscriptions dans le système électoral. Comme l’explique Pierre-Paul Dika, les députés de la majorité sont responsables devant le parti et la Présidence avant de l’être devant leur électorat[ii]. Le pouvoir législatif est très discipliné. Simonneau note : « si ce poids des instances dirigeantes est moins fort dans les autres formations, la discipline est réelle et, de ce fait, le parlementarisme est atténué. »
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