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mercredi 22 janvier 2014

L’Afrique du Sud à l’heure des interrogations


"Nous devons nous rappeler que notre première tâche est d'éradiquer la pauvreté et d'assurer une meilleure vie à tous" disait en 2009, dans un message vidéo diffusé lors d'un meeting électoral de l'ANC, Nelson Mandela.
 
Son décès a permis de s’interroger sur le bilan de l’Afrique du Sud depuis vingt ans, alors que Jacob Zuma a lancé la campagne pour les élections générales entre avril et juillet 2014. Pour ces élections des nouveautés sont à noter : les Sud-Africains vivant à l’étranger pourront participer au scrutin (en 2009, seuls ceux inscrits sur une liste électorale en Afrique du Sud pouvaient voter), mais surtout ces élections seront les premières de la génération « born free »
L’enjeu n’est pas de savoir si l’ANC remportera les élections, cela fait peu de doute. Néanmoins, l’Afrique du Sud vit la fin du consensus nationaliste qui servait d’assise au parti historique. L’ANC lutte contre lui-même et contre le temps. Aussi le score de l’opposition sera à surveiller notamment dans la capitale Pretoria et la province de Gautang où ses chances de succès sont réelles.

De plus, en 2012, lorsque Jacob Zuma briguait la tête de l’ANC, il promettait des réformes profondes. La principale d’entre elle est la réforme foncière. La redistribution des terres et des bénéfices miniers sont des enjeux majeurs pour l’avenir économique du pays, et cette question a eu un écho considérable auprès de l’électorat populaire du parti. De fait, les personnalités populistes ont su se distinguer ces dernières années en se présentant comme une alternative au pouvoir actuel. Si Jacob Zuma lance ces réformes il risque de se heurter violemment avec la communauté afrikaner mais si les réformes réalisées sont trop modérées, alors qu’un tiers de la population vit avec moins de deux dollars par jour, il risque aussi de se couper de l’aile gauche de son parti et sera confronté à une vive contestation sociale. Bien sur, dans tous les scenarii, pour des raisons historiques et sociales, un scenario à la zimbabwéenne est très très peu probable. Autant de défis à relever alors que le modèle sud africain semble se gripper.

Pour une analyse plus poussée du déclin de l’ANC : ICI et ICI

dimanche 12 mai 2013

Parution : Le déclin annoncé de l'ANC (Afrique du Sud)

Alors que l'archevêque et Prix Nobel de la paix, Desmond Tutu, vient d'annoncer (ICI) qu'il ne voterait plus pour l'ANC, l'auteure de ce blog vous annonce la sortie des Enjeux Diplomatiques et stratégiques 2013 où elle publie un article sur "Le déclin annoncé de l'ANC". 



L'article revient sur la trajectoire récente du parti historique d'Afrique du Sud et tente de mettre en évidence un paradoxe. Le magazine The Economist titrait fin 2011 "Cry the beloved country" et évoquait ce qu'il estimait être le "triste déclin" de l'Afrique du Sud". En 2012, l'ANC fêtait ses 100 ans, un événement rare pour un mouvement politique. Le parti reste aussi la force politique la plus puissante du pays. 

Paradoxalement, l'ANC vit une crise sans précédent dans son histoire. Ralentissement économique  émeutes xénophobes, crise sociale avec la retentissante grève de Marikana, incompétence d'une partie de la classe dirigeante, corruption au sein du parti et clientélisme semblent fermer les perspectives du pays. Pourtant Jacob Zuma, reconduit en décembre 2012 à la tête de l'ANC, est idéalement placé en vue d'une éventuelle réélection lors de l'élection présidentielle de 2014. 

Ainsi une question se pose :  la prédominance de l'ANC n'est pas encore remise en cause mais le parti amorce-il- un déclin ? Est-il toujours aussi puissant ou a-t-il entamé un processus de désintégration comme l'affirme Helen Zille, chef de l'Alliance démocratiques, l'un des principaux partis d'opposition ? La récente sortie de Desmon Tutu, que nous évoquions au début pose une autre question : les personnalités politiques de l'ANC sont-elles aujourd'hui au niveau de celles qui étaient aux affaires en 1994, comme Tutu, Nelson Mandela, Walter, Albertine Sisulu, Olivier Tambo et Joe Slovo ? Ceux d'aujourd'hui ont-ils un projet d'avenir pour l'Afrique du Sud ?

L'article propose quelques hypothèses que pouvez retrouver en commandant la revue  ICI

mardi 29 janvier 2013

Afrique du Sud : le bilan très contesté de Jacob Zuma (2/2)

Suite de nos billets sur le parti dominant de l'Afrique du Sud. 
 
zuma-m
  L’usure du pouvoir semble aller de pair avec les scandales généralisés dans la classe politique, et Jacob Zuma n’y fait pas exception. Particulièrement décrié ces dernières années, il a été accusé de viol, avant d’être acquitté. Il a également passé de longues années à se défendre d’accusations de corruption et de racket. Sa réélection à la présidence de l’ANC est elle-même très critiquée. Les militants anti-Zuma dressent un bilan très négatif de sa présidence. En effet, il est arrivé au pouvoir en 2009 suscitant de nouveaux espoirs avec un programme ambitieux : promesse d’une meilleure gouvernance, réduction des inégalités sociales et du chômage par une réforme foncière et une redistribution des richesses renouvelée. Or, sur le plan social le bilan est mitigé et les inégalités restent fortes. « Président des pauvres », Jacob Zuma n’a pas su enrayer la sédimentation de la société. En parallèle, la lutte contre le chômage qui était la priorité du mandat de Jacob Zuma s’avère être également un échec. Dans un contexte d'augmentation de la population active un quart des Sud-Africains ne trouvent pas d’emploi. Les jeunes sont particulièrement touchés (50% pour les 20-24 ans) de même que les femmes, et les noirs. Plus inquiétant sur le plan politique, le milieu des affaires critique le manque de leadership économique de Jacob Zuma. Ce dernier tout comme son administration se défendent en invoquant un contexte économique et financier défavorable. Le candidat Zuma prônait des mesures populistes et radicales pour satisfaire à la fois la base de l’électorat de l’ANC et l’aile gauche du parti qui le soutenait contre son prédécesseur. Or, le candidat devenu président Zuma doit désormais composer avec un pays touché à la fois par la crise internationale et par la crise structurelle interne. L’Afrique du Sud possède pourtant de nombreux atouts : des industries de pointe dans certains secteurs d’excellence, des systèmes de télécommunications importants, des infrastructures développées et une terre riche en minerais (or, platine, diamants, etc). Tous ces avantages lui permettent de disposer d’une croissance stable autour de 3% mais ce potentiel est limité entre autres par des problèmes énergétiques qui entraînent coupures et restrictions, en particulier dans les grands centres urbains. Finalement, Jacob Zuma s’est inscrit dans la continuité de Thabo Mbeki alors qu’il avait initialement un discours de rupture basé sur un retour aux « vraies valeurs » de l’ANC. C’est tout le paradoxe de la politique économique de l’ANC : longtemps d’inspiration marxiste-léniniste cette direction a été officiellement abandonnée, notamment sous le mandat de Thabo Mbeki, bien que la question soit fréquemment relancée pour satisfaire la frange la plus à gauche du parti. L’ANC veuttransformer l’économie sud-africaine pour lutter contre le chômage et la pauvreté mais les changements annoncés semblent très mesurés. Le parti reste très prudent et conservateur. Prenons, par exemple, les questions foncières. Les terres appartiennent toujours à 80% aux blancs. L’exécutif de l’ANC reconnaît qu’il faut réformer le principe du vendeur volontaire - acheteur volontaire. Néanmoins, il doit toujours faire face au caractère constitutionnel du droit à la propriété. Cette réforme controversée est, et sera, dans les années à venir, le rocher de Sisyphe de l’ANC. D’autant plus que l’histoire sud-africaine a été marquée par de violentes dépossessions foncières. L’exemple zimbabwéen, cité par Julius Malema, n’est pas non plus pour rassurer les observateurs internationaux. Et les défis pour mettre en œuvre cette réforme sont considérables. Le manque de ressources budgétaires comme la durée des procédures judiciaires d’indemnisation sont aussi à souligner. En effet, la constitution autorise le droit d’expropriation au nom de l’intérêt public en échange d’une compensation susceptible d’être fixée par une cour de justice[i]. L'une des faiblesses actuelle de l’ANC reste donc son bilan gouvernemental et les problèmes internes à l'ANC qui ont tendance à devenir des problèmes étatiques. D’autant que le risque de confusion entre Etat et parti découle d’une particularité de la Constitution sud-africaine, qui fait qu’il n’existe pas de circonscriptions dans le système électoral. Comme l’explique Pierre-Paul Dika, les députés de la majorité sont responsables devant le parti et la Présidence avant de l’être devant leur électorat[ii]. Le pouvoir législatif est très discipliné. Simonneau note : « si ce poids des instances dirigeantes est moins fort dans les autres formations, la discipline est réelle et, de ce fait, le parlementarisme est atténué. »

[i] Ibid., pp. 744.
[ii] Pierre-Paul Dika, Les fondements de la politique étrangère de la nouvelle Afrique du Sud : acteurs, facteurs et instruments, Paris, L’Harmattan, 2008.