lundi 14 janvier 2013

L’échec du raid vu de Somalie (MAJ)


Les soldats français ont fait face à une résistance «plus forte que prévu» de la part des islamistes, analysait Jean-Yves Le Drian après l’échec de l’opération lancée dans la nuit de vendredi à samedi.

 Un commando du service Action de la DGSE a mené un raid pour libérer Denis Allex, un de ses membres, retenu par les Shebab depuis 2009. Si l’opération a été un échec c’est, entre autres, parce qu'elle n’a pas bénéficié de la surprise stratégique. En effet, d’après le récit qu’en fait Libération rapidement les habitants ont averti les combattants d’Al-Shabab : «Des gens ont vu (les commandos français) débarquer dans des champs, les shebab ont été informés que des hélicoptères avaient atterri et qu’ils avaient débarqué des soldats, et ainsi ils (les islamistes) ont pu se préparer», a déclaré un habitant, «Les combattants moudjahidine étaient déjà au courant de l’attaque et nous étions prêts à nous défendre, grâce à Dieu», a confirmé à l’AFP un commandant local islamiste. 


Voici l’analyse que font les médias somaliens :

1) Ils soulignent le fait que nous aurions sous-estimé les difficultés à opérer à terre et de nuit. Ils rappelles que cela contraste avec nos succès en mer dans la lutte contre la piraterie (lire les précédentes opérations ICI et ICI) ... 

2) Ils évoquent également une défaillance dans le renseignement notamment la localisation exacte de Denis Allex ainsi que le nombre de forces combattantes sur place. Ils comparent ainsi nos moyens de renseignement avec ceux que les américains ont déployés en Somalie notamment à Mogadiscio et se demandent d’ailleurs si ces derniers nous ont apporté un soutien en la matière.  (sur les sites de la CIA en Somalie ICI et une opération pour sauver des otages ICI)

Ils s'interrogent même sur la coopération possible avec les autorités somaliennes : ‘For such an operation, one would need to have spies on the ground to verify the presence of the hostage. The Somali government’s spy agency would be the perfect one to provide agents to assist with such an operation. Given the fact that the Shabab have been infiltrating agents into the government intelligence apparatus for the past 4 years, it is likely that they may have misled the French and led them into a trap.” Rappelons par ailleurs que le président somalien vient d’annoncer la réouverture de l’agence somalienne du renseignement et de la sécurité (NISA)... ICI


Par ailleurs, le gouverneur de la région du Lower Shabelle region, Abdiqadir Nur a affirmé avoir été informé de l'opération en avance alors que le cabinet du premier ministre, Abdi Farah ‘Shirdon’ dit ne pas en avoir eu connaissance... ICI

 Bulo Marer (avril 2012)

Pour les observateurs somaliens, la France n’aurait pas anticipé les obstacles sur place, notamment la réaction de la population locale : « The French seem to have been caught by surprise and admitted that they had underestimated the firepower the Shabab would have in the little town. True, the town is usually not very protected – the fact that it was unusually heavily-militarised suggests that the Shabab had prior knowledge of the raid or may have led the French there themselves.” 

Enfin, selon la presse locale, l’échec est d’autant plus conséquent que la France donne du crédit au mouvement jihadiste en montrant que le mouvement est encore opérationnel et fort, malgré un contexte de déroute au niveau national depuis plusieurs mois (communique Shebab ICI). Les Shabab ont d'ailleurs rapidement instrumentalisé la mort du commando français, en publiant hier des photos de son corps. La croix que l'homme aurait porté autour du cou lors de l'attaque leur permet de relancer leur discours propagandiste : 
"A return of the crusades, but the cross could not save him from the sword" @HSM Press)

Somalie : Situer le lieu du raid

Après le raid meutrier qui a vu la mort d'un otage et d'un commando français ainsi que 17 combattants somaliens et 8 civils, nous avons été étonné de voir le lieu de l'attaque mal voir très mal situé dans les médias. Exemples :


 Butomayrer/Bulomarer/Buulo Mareerest est contrôlée par le mouvement jihadiste al-Shabaab, la ville serait une base et un checkpoint du groupe. Les troupes de l’armée nationale somalienne et de l’AMISOM se trouve à 28 km de là et tiennent le port de Marka. Précisions que 5 hélicoptères auraient débarqués une cinquantaine de commandos du service action (SA) de la DGSE à quelques kilomètres (5km) de Bulo Marer à Daydoog :




Nous reviendrons dans un plus long billet sur l'opération. 

jeudi 3 janvier 2013

Erythrée : l’affaiblissement du régime ?

En Erythrée, le régime montre des signes de vulnérabilité. Le président semble de plus en plus incontrôlable, les cinq généraux qui dirigent avec lui le pays se disputent le pouvoir et les défections se multiplient. Si celles des membres de l’équipe érythréenne de football en Ouganda a été a largement médiatisé, tout comme la demande d’asile du porte-drapeau de la délégation érythréenne aux JO de Londres et des trois autres athlètes qui l'accompagnaient, celles des hauts fonctionnaires du régime restent beaucoup plus discrètes bien que révélatrices d’un affaiblissement. 

En 2012, ces défections se sont multipliées. La dernière, en décembre 2012, est celle d’Ali Abdou, le « ministre de l’Information par interim ». Le 3 octobre, se sont deux officiers de l'armée de l'air qui ont piloté clandestinement le Beechcraft de la présidence jusqu'en Arabie saoudite. Les rumeurs sont nombreuses dans ce pays et difficiles à vérifier d’autant que le régime a l’habitude de s’en servir pour faire diversions. Il construit et alimente un climat d’urgence comme l’atteste la distribution de Kalachnikoff à la population cette année. Malgré tout, pour sortir de son isolement, le régime d’Issayas Afworki multiplie les initiatives et cherche à réintégrer l’organisation régionale de l’IGAD.

lundi 31 décembre 2012

Somalie : sur le chemin de la stabilisation


Suite de nos billets rétrospectifs, l'année 2012 dans la Corne de l'Afrique, aujourd'hui la Somalie. 


  La situation sur le terrain se trouve radicalement modifiée depuis le mois d’août 2011 et politiquement la période de transition a pris fin en 2012. Elle doit être accompagnée de la fin des violences. En effet, l’élection d’Hassan Sheikh Mohamud ouvre une nouvelle ère. Le nouveau gouvernement devra réussir à faire fonctionner une administration dans un pays en proie à la guerre civile depuis plus de vingt ans. Les campagnes pour les élections parlementaires et présidentielles ont révélé l’ampleur de la corruption qui règne dans le pays. En effet, l’année a été marquée par les retards successifs pour organiser des élections transparentes, malgré la signature d’une feuille de route en juin et les efforts faits pour mettre en place une Constitution. 
De nombreuses questions, essentielles pour la construction de l’Etat, restent en suspens, comme la forme fédérale de l’Etat et la place de l’islam politique. Par ailleurs, les influences extérieures jouent de ces difficultés pour s’imposer dans le pays. La conférence de Londres, en février 2012 avait justement pour objectif de coordonner tous les acteurs du conflit (sauf les Shabaab). Ainsi, la Ligue arabe, l’Organisation de la conférence islamique et les pays musulmans s’inquiètent de voir le processus de paix dirigé par l’UA et  l’IGAD qui seraient dominés par les agendas éthiopiens et occidentaux, alors que les Émirats Arabes Unis, le Qatar et la Turquie viennent d’intégrer le Groupe de Contact sur la Somalie à l’occasion de cette conférence. Si Mogadiscio a retrouvé une stabilité relative, une partie du Sud du pays est encore en proie à des combats entre les troupes gouvernementales, et leurs alliés, et les islamistes somaliens affiliés à Al-Qaïda

samedi 29 décembre 2012

Djibouti : nain régional aux grandes ambitions


Nous entamons ici une série de petits billets rétrospectifs de l'année 2012 dans la Corne de l'Afrique. Commençons par Djibouti, ce qui nous permet de vous signaler, dans le même temps, la sortie de Djibouti contemporain dont nous ferons une recension dans quelques semaines. 


Djibouti et ses 23 000 km² est toujours pour les États-Unis, et ses alliés, le centre de gravité de la lutte antiterroriste dans la Corne de l’Afrique et dans la péninsule arabique ainsi que de la lutte contre la piraterie. Ce dernier phénomène est d’ailleurs un élément remarquable de l’année. La baisse des prises pirates s’est accompagnée d’une baisse des attaques déclarées : 130 attaques en 2009 et 19 en 2012. Djibouti s’est aussi directement engagé dans la résolution  du conflit somalien. Si le bataillon djiboutien de l'AMISOM avait pris du retard, il est désormais opérationnel et déployé. Sur le plan économique, le pays a lancé, le 12 décembre 2012, les travaux du port en eaux profondes à Tadjourah, deuxième ville du pays. Ce gigantesque projet est financé par le Fonds arabe pour le développement économique et social (61 millions de dollars) et par le Fonds saoudien de développement (25 millions). La construction de cinq nouveaux terminaux dédiés au pétrole, au gaz, au sel, au bétail et à la potasse a donc été lancée. Ainsi, le pays ne manque pas d’ambition même s’il pourrait se faire concurrencer par le Somaliland voisin qui compte réhabiliter le corridor de Berbera pour offrir un nouveau débouché maritime à l’Ethiopie. Politiquement, le parti du président essaie de se relever de ses défaites lors des élections municipales et régionales de janvier et préparer les législatives de 2013.