Mardi Thierry Garcin recevait, Gabriel Wackermann (Professeur émérite à la Sorbonne, géographe) dans son émission les Enjeux Internationaux. Écoutez ICI
"À l’occasion de la journée mondiale de l’eau (22 mars), les potentialités de conflits dans le monde pour l’accès à l’eau. L' « hydro-politique » est une expression des années 80, destinée à montrer l'importance des aspects géopolitiques de l'accès à l'eau douce et, bien sûr, de son utilisation. On sait combien sont décisives la possession et la maîtrise de l'eau, à la fois pour la vie des hommes, pour l'agriculture et l'élevage, pour la vie des animaux et --ce qu'on oublie souvent-- pour les activités industrielles. Peut-on dès lors imaginer des crises voire des conflits armés, de dimension interétatique ? De fait, certaines régions revêtent une dimension stratégique : l'Anatolie turque à l'égard de la Mésopotamie ; le Tibet chinois à l'égard de l'Asie du Sud ; les deux Nils en Afrique orientale à l'égard de l'Égypte. De plus, le Mékong, de grands fleuves africains, le Rio Grande, sans parler du Jourdain, sont autant de cas particuliers. Et, en cas de conflit, quel pourrait être le rôle des organisations régionales et internationales? "
Quelques notions sur la question :
Critères du fleuve international:
- 1er critère est de nature politique : Deux types de fleuves internationaux doivent être distingués : les fleuves-frontières ou contigus et les fleuves successifs.
°Le cas du cours d’eau successif, qui traverse plusieurs Etats. Se pose alors la question des ressources en eaux –débit –qui restent aux Etats situés en aval de l’Etat amont qui a prélevé ; la rivalité entre Etats se fait autour d’une question de débit prélevé (opposition à la construction de barrages en amont par exemple)
° Le cas du cours d’eau contigu, faisant office de séparation entre 2 Etats. La rivalité se fait sur la question de la frontière : celle –ci n’est pas forcément définie par le talweg mais un Etat peut posséder tout le fleuve et ne pas en laisser l’accès à son voisin.
-2ème critère de nature économique, s’y est superposé : celui de la navigabilité ; retenu par le Congrès de Vienne, il a été repris par la Convention de Barcelone de 1921, qui a accentué cette conception en substituant à la dénomination traditionnelle de « fleuve international » celle de « voie d’eau internationale » qui permet d’englober les affluents navigables » (DIP)
Bassin fluvial : zone qui comprend le fleuve international, ses affluents, sous-affluents et eaux souterraines.
Plusieurs conceptions juridiques sur la question des eaux transfrontalières :
- doctrine Harmon de la souveraineté territoriale absolue : un Etat use comme bon lui semble d’un cours d’eau traversant son territoire sans tenir compte des baisses de débit qu’il pourrait provoquer en aval chez un autre Etat.
Ex : Turquie
- doctrine de l’intégrité territoriale absolue : chacun conserve le débit naturel que le fleuve lui donne (conception inverse à la précédente et favorable à l’Etat-aval)
- doctrine dominante en droit et en arbitrage aujourd’hui : celle liée à la notion de bassin intégré et de gestion commune des eaux (aménagement possible en amont mais de façon raisonnable pour ne pas nuire à l’Etat-aval et de lui permettre de mettre en place ses propres systèmes de drainage)
En Afrique les conflits liés à l'eau sont nombreux.
Des conflits internes : au Darfour, au Kenya et au Niger notamment.
Des tensions régionales : bassin du Chobe (Botswana, Namibie), bassin du Nil (défaillance de coopération, voire billet précédent ICI), les bassins du Cunene, de l'Incomati, du Limpopo et du Zambèze entre les Etats de la SADC, le bassin de l'Okavango, le bassin de l'Orange (Afrique du Sud et Namibie), le bassin du Sénégal (Mauritanie et Sénégal), le bassin du Lac Tchad, le fleuve Volta (Ghana, Burkina Faso), les nappes fossiles du Sahara (Tchad, Egypte, Niger, Soudan, Libye).
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