Affichage des articles dont le libellé est AMISOM. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est AMISOM. Afficher tous les articles

dimanche 3 novembre 2019

Dernières nouvelles du continent (9)


Passionnantes interviews sur E-International Relations. Six chercheurs répondent aux questions suivantes : pensez-vous que la discipline des Relations internationales est parvenue à intégrer les recherches, les idées et l'histoire des People of Color ? Qu'est-ce qui pourrait être amélioré ?
Sur la façon dont la musique de Fela permet de décoloniser les études de droit : lire ICI
Malgré de nombreuses publications démontrant l’échec du state-building, des millions restent investi pour la reconstruction étatique de certains pays sur un modèle wéberien d’Etat centralisé. Cet article montre les risques d’une telle approche : « For example, many highly centralized governments prey on their own citizens and are therefore prone to civil unrest, conflict, and collapse.(…) centralization may also alienate local elites, resulting in a return to conflict and violence in states subjected to foreign state-building. Another risk is that centralization undermines the quality of public administration by making it largely unresponsive to local demands.”
Je suis ravie de voir aboutir ce projet : la publication d’un ouvrage collectif Diplomacy and Borderlands. African Agency at the Intersections of Orders, dirigé par Katharina P. Coleman, Markus Kornprobst, Annette Seegers. La presentation du livre : “This book examines Africa’s internal and external relations by focusing on three core concepts: orders, diplomacy and borderlands. The contributors examine traditional and non-traditional diplomatic actors, and domestic, regional, continental, and global orders. They argue that African diplomats profoundly shape these orders by situating themselves within in-between-spaces of geographical and functional orders. It is in these borderlands that agency, despite all kinds of constraints, flourishes”. J’y rédige un chapitre sur …la Corne de l’Afrique : “Establishment of a New Regional Order in the Horn of Africa”.

J’ai hâte de lire la dernière publication de Nic Cheeseman et Jonathan Fisher : « Authoritarian Africa: Repression, Resistance, and the Power of Ideas”. Les deux chercheurs présentent l’ouvrage ICI. Ils proposent une évaluation de l’héritage colonial et son impact sur les systèmes politiques en Afrique.
Afrique centrale 
Le dernier bulletin FrancoPaix revient sur la situation au Cameroun où le Président Paul Biya subit de plus en plus les pressions nationales et internationales.
International Security publie un article sur le continent africain et en particulier sur le retour des réfugiés et de la violence au Burundi après le conflit. Et The Journal of Modern African Studies publie un article sur le nationalisme des survivants du génocide des Tutsis au Rwanda.
Corne de l’Afrique
Excellente émission où René Lefort explique la situation dans la région d’Oromia où près de 80 personnes ont trouvé la mort. J’ai hâte de lire le dernier rapport de l’Observatoire de l’Afrique de l’Est : « L’échec des politiques du Premier ministre Abiy Ahmed pour endiguer les conflits ‘ethniques’ en Éthiopie » par Jeanne Aisserge. On lira également cet article dans Third World Quaterly : « Politics of exclusion and institutional transformation in Ethiopia ».
Paul D. Williams vient de publier deux nouveaux articles sur la Somalie. Dans « Lessons for “Partnership Peacekeeping” from the African Union Mission in Somalia” il revient sur la spécificité du modèle de l’AMISOM, une mission basée sur de nombreux partenariats. Il y propose des recommandations pour reconduire ce modèle et le rendre plus effectif. Dans « Urban peacekeeping under siege: attacks on African Union peacekeepers in Mogadishu, 2007–2009” il revient sur les violences urbaines auxquelles la mission a dû faire face et les conséquences sur ses activités.
Depuis 2015 le conflit au Yémen a fait plus de 100 000 morts dont 20 000 en 2019 ce qui fait de cette année la plus meurtrière après 2018. ACLED’s Yemen, en partenariat avec Yemen Data Project , recense toutes les attaques.

Afrique de l’Ouest
Dans cet article sur les difficultés du Nigéria à lutter contre Boko Haram, les auteurs montrent que les analyses ont, jusqu’à présent, beaucoup insisté sur les difficultés de gouvernance au Nigéria et pas suffisamment sur sa politique étrangère. L’hypothèse de l’article est que le rôle de puissance régionale du Nigéria a empêché toute intervention internationale et réduit les pressions extérieures sur Abuja. Ainsi, les États dits «faibles» peuvent simultanément être puissants sur le plan international et faire face aux pressions.
Alors que l’EI a revendiqué l’attaque qui a coûté la vie à 54 Maliens, Critical Threats propose une analyse des mouvements djihadistes sur le continent africain.

Arts et littérature
120 ans après sa parution aux Etats-Unis, l’ouvrage « Les Noirs de Philadelphie » de W. E. B. Du Bois est traduit en français !
Visionnez cet entretien avec Souleymane Bachir Diagne. Il y présente son parcours et son œuvre.
Je viens de tourner la dernière page de « Kanzenchis se tait le dimanche », par le journaliste Vincent Defait, avec beaucoup de nostalgie. Salomon et Mitiku, deux amis d'enfance, se retrouvent pour la Pâques orthodoxe (Fassika). Le livre fait le récit de leur trajectoire et celle l'Ethiopie contemporaine. 

 « Pourquoi tu danses quand tu marches ? » le dernier roman d’Abdourahman Waberi reste en liste pour le Prix Renaudot !

 Conférences et appels à communications
Appel à contributions pour un prochain numéro de la revue Sources: Revue interdisciplinaire sur les matériaux et leurs usages dans les études africaines (UMIFRE Afrique et LAM Bordeaux):"Savoirs environnementaux et nature(s) en Afrique : Collecter, produire et analyser des matériaux de recherche" coordonné par Luisa Arango (Université de Strasbourg), Emilie Lavie (Université Paris Diderot, UMR Prodig) et Emilie Guitard (UMR prodig) La ligne éditoriale est axée sur les matériaux de recherche.
La deuxième séance du Séminaire sur les Approches Postcoloniales du CERI (Sciences Po) et du Ceped (Université Paris Descartes) se tiendra le mardi 5 novembre 2019 de 17h à 19h au Centre de recherches internationales (56 rue Jacob, Salle Jean Monnet) avec l’intervention d’Audrey Alejandro (LSE): "La critique (post-coloniale) est-elle eurocentrique ? Une sociologie politique internationale de la 'domination occidentale' dans la discipline des Relations internationales". La présentation s'inscrit dans les réflexions engagées par l’intervenante dans son récent ouvrage Western dominance in International Relations? The Internationalisation of IR in Brazil and India (Routledge, 2019). L'inscription à cet événement est obligatoire ICI.
Laurent Touchard avait publié, en autoédition, en 2017 Forces armées africaines : Organisation, équipements, état des lieux et capacités. Un véritable outil de recherche. Il vient de lancer une souscription dans le but de financer la mise à jour de son livre.

Pour recevoir cette lettre directement par mail rendez vous sur la colonne de droite : "Suivez l'actualité du blog par mail".

mardi 2 juin 2015

Recension : « Peacekeeping in Africa. The evolving security architecture »



Les articles et ouvrages sur le maintien de la paix ne sont pas légion. Depuis le début des années 1990, le nombre d’articles ou d’ouvrages académiques sur le sujet se multiplie, rejoints ces dernières années par des travaux sur l’architecture de paix et de sécurité en Afrique (APSA). L’ouvrage de Thierry Tardy et Marco Wyss s’inscrit dans cette ligne. 
Les dernières interventions militaires en Afrique, suivies d’opérations de maintien de la paix, ont démontré à quel point le sujet était en constante évolution. Selon Megan Gleason-Roberts et Alischa Kugel, nous traversons « a pivotal time ». Le continent africain apparaît comme un laboratoire pour tester les différentes dimensions du maintien de la paix. Il serait l’ « epicentre of peacekeeping », selon les auteurs de l’ouvrage. D’une part, parce qu’il accueille le plus grand nombre d’opérations et de personnels civils et militaires de l’Organisation des Nations Unies (ONU), d’autre part, du fait que le nombre d’acteurs non onusien est en constante progression (UA, EU, CER, non gouvernementaux, États). Les expériences du Mali et de la République centrafricaine montrent qu’une réponse hybride se dessine. En effet, différents acteurs interviennent, et pas nécessairement successivement, mais plutôt conjointement. Ces évolutions sont autant de défis pour les acteurs africains du maintien de la paix qui sont devenus, selon les auteurs : « real stakeholder ». Elles ont des conséquences normatives et pratiques indéniables.
Au début des années 2000, un nouveau principe a émergé : « Try Africa first , « les solutions africaines avant tout ». La nécessité de solutions endogènes aux crises et conflits africains est collectivement assumée. Le rôle dévolu à la régulation par la région est essentiel et devient une pièce maîtresse du système. En effet, l’architecture de sécurité continentale prend appui sur les sous-régions afin de gérer la conflictualité. L’ONU a également favorisé ce régionalisme en donnant la possibilité aux organismes régionaux d’assurer le maintien de la paix, encadré par le chapitre VIII de la Charte des Nations unies, une « nouvelle division international du travail [1]», en quelque sorte.
Cette construction d’une architecture de paix et de sécurité est donc un projet qui s’inscrit dans le temps long des grands projets historiques. Le sujet intéresse particulièrement  les universitaires, au-delà des aspects techniques du processus. C’est l’ambition de l’ouvrage présenté ici. Ce travail réunit dix-sept chercheurs et offre une analyse riche des évolutions et des défis du maintien de la paix en Afrique, dans le contexte de la construction d’une architecture de paix et de sécurité.
L’ouvrage est divisé en trois parties, qui présentent  les évolutions institutionnelles, l’implication de nouveaux acteurs et quelques cas d’étude. Dans un premier temps, les auteurs analysent l’évolution des opérations de maintien de la paix sur le continent africain, puis celle des opérations menées par des Africains, au Burundi, au Soudan et en Somalie. Le panorama dressé par les premiers chapitres met en parallèle l’évolution des conflits sur le continent, des opérations de maintien de la paix de l’ONU et l’africanisation des opérations. Leurs conclusions sont connues. La cohérence et la coordination doivent être renforcées dans une période de contraintes budgétaires et où les initiatives ad hoc se multiplient. Sont également traitées dans cette partie : l’approche européenne du maintien de la paix et la question centrale du financement des opérations. Ce dernier point pose le problème de l’appropriation des opérations après l’africanisation, et donc celui de l’autonomie. Le schéma actuellement retenu – financement des opérations par les bailleurs extérieurs - n’est pas tenable sur la durée. La recherche de solutions alternatives est essentielle et régulièrement à l’ordre du jour des sommets et forums internationaux. Dans le chapitre consacré à cette problématique, David Ambrosetti et Romain Esmenjaud étudient quatre modes de financement et s’interrogent sur la volonté des Africains à être autonomes dans le domaine de la gestion des conflits. Ils ouvrent un agenda de la recherche, pour des travaux en économie politique des opérations de paix, et ce que cela nous révèle des politiques des États africains.
Dans la deuxième partie de l’ouvrage, consacrée aux politiques de la Chine, de l’Inde et de la France, l’implication de la Chine dans le maintien de la paix est étudiée comme une tentative d’influer un système onusien dont elle se sent exclue. Une position en partie partagée par l’Inde, qui ne veut pas que les opérations de l’ONU soient un « cheval de Troie » des puissances occidentales. En revanche, la France a une approche parfois ambigüe, comme la crise ivoirienne l’a montrée. Son intervention a été rendue nécessaire par le manque de moyens des instances continentales et de l’impasse politique.
 La dernière partie rassemble un ensemble de cas d’étude. Elle aborde à la fois le rôle des voisins régionaux dans la persistance d’une crise, et dans le même temps, leur engagement dans la résolution de celle-ci, notamment en RDC et en Somalie. Dans le cas du Mali, on comprend le caractère hybride de la réponse qui se dessine, avec les difficultés des interactions entre une organisation régionale comme la CEDEAO, l’UA et l’ONU... L’importance de la compréhension des acteurs et du contexte local nous est rappelée par l’exemple congolais. Le chapitre suivant analyse les difficultés à établir un cadre normatif, notamment avec la Responsabilité de protéger, au Darfour.
L’ensemble de l’ouvrage apporte une réflexion stimulante sur la pratique des interventions de paix en Afrique. L’originalité de cette étude est de ne pas se focaliser uniquement sur l’ONU et de proposer une analyse globale incluant aussi bien les acteurs africains que les nouveaux acteurs étatiques parmi les plus traditionnels. La conclusion est classique. L’enjeu de moyens est politique, tant pour les Africains que pour les acteurs exogènes ; qu’ils soient étatiques ou institutionnels. La légitimité de chaque acteur est questionnée, directement ou implicitement, dans toutes les contributions. Il est question d’une part d’interroger ce que cette extraversion du maintien de la paix en Afrique nous révèle des acteurs extérieurs au continent, ainsi que de leurs intérêts, et d’autre part, ce qu’elle nous révèle des États africains et des élites au pouvoir.


[1] Mélanie CATHELIN, Le rôle international d’un État: construction, institutionnalisation et changement. Le cas de la politique canadienne de maintien de la paix en Afrique, thèse de doctorat (sous la direction de Daniel COMPAGNON), Université Montesquieu Bordeaux IV - IEP Bordeaux, Décembre 2008.

lundi 31 décembre 2012

Somalie : sur le chemin de la stabilisation


Suite de nos billets rétrospectifs, l'année 2012 dans la Corne de l'Afrique, aujourd'hui la Somalie. 


  La situation sur le terrain se trouve radicalement modifiée depuis le mois d’août 2011 et politiquement la période de transition a pris fin en 2012. Elle doit être accompagnée de la fin des violences. En effet, l’élection d’Hassan Sheikh Mohamud ouvre une nouvelle ère. Le nouveau gouvernement devra réussir à faire fonctionner une administration dans un pays en proie à la guerre civile depuis plus de vingt ans. Les campagnes pour les élections parlementaires et présidentielles ont révélé l’ampleur de la corruption qui règne dans le pays. En effet, l’année a été marquée par les retards successifs pour organiser des élections transparentes, malgré la signature d’une feuille de route en juin et les efforts faits pour mettre en place une Constitution. 
De nombreuses questions, essentielles pour la construction de l’Etat, restent en suspens, comme la forme fédérale de l’Etat et la place de l’islam politique. Par ailleurs, les influences extérieures jouent de ces difficultés pour s’imposer dans le pays. La conférence de Londres, en février 2012 avait justement pour objectif de coordonner tous les acteurs du conflit (sauf les Shabaab). Ainsi, la Ligue arabe, l’Organisation de la conférence islamique et les pays musulmans s’inquiètent de voir le processus de paix dirigé par l’UA et  l’IGAD qui seraient dominés par les agendas éthiopiens et occidentaux, alors que les Émirats Arabes Unis, le Qatar et la Turquie viennent d’intégrer le Groupe de Contact sur la Somalie à l’occasion de cette conférence. Si Mogadiscio a retrouvé une stabilité relative, une partie du Sud du pays est encore en proie à des combats entre les troupes gouvernementales, et leurs alliés, et les islamistes somaliens affiliés à Al-Qaïda

jeudi 14 juin 2012

Quels pompiers pour éteindre le feu malien ?

Face à l’interconnexion des crises au Mali, une intervention militaire se dessine et l’Union Africaine serait préférée à la Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Pourtant, malgré ses récents succès, l’exemple de la mission de l’Union Africaine en Somalie reste un modèle discutable.

Le 17 janvier dernier, un coup d’Etat atypique a porté au pouvoir des militaires reprochant  au  président malien sa faiblesse dans le traitement de la rébellion au Nord. Sans expérience politique, sans soutien international, la junte ne parvient alors pas à stopper l’avancée de la rébellion. Alors que la CEDEAO vient de prolonger la transition politique, les combats se poursuivent dans le Nord du pays. L’afflux de réfugiés et la possible propagation de la rébellion touarègue dans les pays voisins inquiètent les gouvernements de la région et les puissances extérieures qui craignent de voir AQMI et ses alliés tirer bénéfice de ce chaos. Le scénario d’une intervention militaire se dessine de plus en plus mais elle ne pourra se faire sans un soutien extérieur.

Quel mandat pour quelle mission ?

Les puissances traditionnelles, France et Etats-Unis en tête, ne soutiendront qu’une mission sous mandat des Nations unies, ce qui exclut une intervention non mandatée par le Conseil de sécurité comme ce fut le cas des interventions de l’OTAN dans les Balkans à la fin des années 1990. Une intervention internationale de l’UE ou de l’OTAN sous mandat de l’ONU (comme en Libye l’année dernière) a également été écartée.
Jeudi dernier, le Groupe de soutien et de suivi sur la situation au Mali s’est prononcé pour une saisine par l’Union Africaine (UA) du Conseil de Sécurité des Nations unies en vue de la création d’une force d’intervention. En effet, le Conseil de sécurité est le seul à même de décider des mesures coercitives nécessaires s’il estime qu’il existe une menace contre la paix et la sécurité internationale. Cette initiative avait déjà été lancée fin mai par Boni Yayi, président en exercice de l’UA et président du Bénin. Le mandat d’une telle force reste néanmoins flou : restructurer l’armée malienne, restaurer l’ordre constitutionnel, rétablir la souveraineté étatique au Nord du pays, combattre les groupes terroristes, criminels ….
Une intervention conjointe entre l’ONU et l’Union Africaine comme la MINUAD au Darfour a peu de chance d’aboutir. En effet, selon le rapport Brahimi, l’ONU n’est pas disposée à déployer une mission militaire lors d’une situation similaire à celle que traverse le Mali. Deux autres scénarii sont rendus possibles eu égard au régionalisme à deux niveaux qui constitue la singularité du continent africain : une intervention sous régionale (CEDEAO) ou régionale (UA). Dans les deux cas, c’est au Conseil de sécurité de l’ONU de faire appel, si besoin, aux organismes régionaux comme « bras armé ».

La CEDEAO éclipsée par l’Union Africaine ?

La réaction rapide de la CEDEAO au coup d’Etat au Mali et en Guinée Bissau a été décisive (ICI). L’organisation régionale souhaite également que Bamako retrouve ses droits dans le Nord du pays. Une intervention régionale parait donc légitime (sous condition de l’accord des autorités maliennes). Les dirigeants de la région approuveraient cette intervention militaire mais Florent de Saint–Victor, dans une tribune publiée sur le site Atlantico, a montré les difficultés d’un déploiement éventuel de la force de la CEDEAO. Cette intervention paraît d’autant plus improbable que le mandat de la mission reste à définir, condition fondamentale pour obtenir les soutiens financiers et logistiques des Etats-Unis ou de la France. Par ailleurs, pour le président de l’UA, la force d’intervention doit réunir tous les pays de la région au-delà  de la CEDEAO. Or l’Algérie, la Mauritanie et même la Libye ne sont pas membres de l’organisation mais devront pourtant être associés aux décisions. Une position que semble partager les Etats-Unis et la France qui s’échine chaque jour à convaincre le géant algérien d’être le régulateur de cette crise.

La CEDEAO poursuit son travail de médiation même si son action dans la crise parait dorénavant peu probante. La pression exercée a en tout cas forcé la junte, menée par le capitaine Amadou Sanogo, à faire quelques concessions et à entamer une transition politique. Pour Gilles Yabi, de l’International Crisis Group, « le mandat d’une éventuelle mission militaire de la CEDEAO ne serait pas nécessairement un mandat d’intervention offensive contre des militaires maliens ou contre des groupes armés au Mali. Cela pourrait être un mandat de soutien à la remise sur pied d’une structure de commandement claire et à la protection des institutions civiles. » Par ailleurs, gardons à l’esprit que dans trois crises (Libéria, Sierre Leone et Côte d’Ivoire) la CEDEAO est intervenue en amont des forces de l’ONU permettant ainsi une réaction rapide.  Le problème du financement s’est néanmoins posé à chaque intervention, accélérant le déploiement d’une mission de l’ONU. Au Mali, l’intervention se rapprocherait du cas somalien or l’exemple de l’AMISOM explique les réticences de l’ONU à prendre le relais dans un tel contexte.

L’AMISOM, un modèle pour le déploiement d’une intervention de l’Union Africaine ?

Une intervention militaire africaine sous mandat de l’ONU se dessine suivant le modèle  de l’AMISOM (Mission de l’Union Africaine en Somalie). Une référence surprenante quand on connait les difficultés rencontrées par cette mission. De contre-exemple depuis 5 ans, l’AMISOM, après les victoires obtenues ces dernier mois contre le Shebab, serait donc devenues un modèle à suivre…
Créée en 2007 pour combler le manque de réaction des acteurs internationaux et prendre le relai des troupes éthiopiennes présentes sur place, cette mission autorisée par le Conseil de Sécurité et agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte ne devait pas excéder une période de six mois et l'ONU devait rapidement prendre le relais. Or, l’AMISOM est toujours déployée et le relais onusien se fait toujours attendre. Par ailleurs se pose la question du financement d’une opération de l’UA au Mali alors même que l’opération en Somalie vient d’être renforcée. L'extension du mandat de l’AMISOM, décidée en début d’année, accroit le coût de la mission qui passerait ainsi de 310 millions de dollars à 510 millions. Certes, l’UE finance largement la mission mais la résolution 2036 de l’ONU appel de nouveaux contributeurs. L’Union Africaine et ses partenaires peuvent–ils se permettre une nouvelle opération à l’autre extrémité du continent dans une période de crise économique financière de surcroit ?
La définition d’un mandat clair et précis reste primordiale et l’AMISOM est loin d’être un exemple. En Somalie, la mission de l’Union Africaine a en effet manqué aux principes fondamentaux de neutralité et d’impartialité. L’opération est intervenue  alors qu’il n’y avait aucune paix à maintenir. C’est un théâtre de guerre où l’accord des parties était loin d’être acquis et dans lequel les mandats et les ressources étaient inadéquats et la force inadaptée à la lutte anti-terroriste. Pour Jean-Nicolas Bach et Romain Esmenjaud, l’AMISOM a « de nombreuses caractéristiques qui la rapprochent d’une intervention militaire traditionnelle (soutien à une partie au conflit, recours régulier à la force, absence de commandement multinational, intéressement des contributeurs dont la participation à l’opération s’inscrit dans une stratégie de promotion d’intérêts nationaux…) » .

Aujourd’hui, l’espace sahélien semble durablement déstabilisé. A l’heure du retrait d’Afghanistan, la région devient-elle un nouveau front antiterroriste ? Il y a surement des leçons à tirer de l’interventionnisme en Somalie mais certainement pas en faire un exemple. Jean-François Bayart et Roland Marchal, deux chercheurs français, ne cessent d’appeler à la prudence lorsqu’on évoque des interventions militaires face à Al Qaïda ou ses alliés dans la bande sahélienne. Ils constatent un rétrécissement de la sphère politique au profit du contre-terrorisme et mettent en garde contre la radicalisation de certaines organisations combattantes. Le piège serait donc de voir la CEDEAO ou l’UA se transformer en « pompier-pyromane »…

Cette article a bénéficié d'une publication parallèle sur le site Atlantico.