Nous avons été invité par Thierry Garcin (Les Enjeux Internationaux) le 4 octobre 2016. Voici le résumé de l'emission. Vous pouvez réécouter le programme ICI.
Au lendemain des indépendances, l’institution militaire et le parti
unique constituaient souvent les deux piliers des systèmes politiques.
Dans le meilleur des cas, les deux parvenaient à surmonter peu ou prou
le facteur ethnique belligène, même si les coups d’État et tentatives de
coups d’État (la plupart fomentés par des militaires), étaient légion.
Parallèlement, et heureusement, il y a eu très peu de conflits armés
interétatiques dans les récentes décennies (Haute-Volta-Mali,
Érythrée-Éthiopie…). En revanche, depuis près de trente ans, on a
constaté la multiplication de conflits internes et de guerres civiles
(souvent très longues, comme en Sierra Leone, au Liberia, en Côte
d’Ivoire…), accentuant l’anomie (guerres urbaines, milices armées…).
Aujourd’hui, comment évaluer le rôle politique, l’expérience
militaire et la valeur de la plupart de ces armées, dont la fonction
reste souvent interne et qui composent de plus en plus les forces
d’intervention sous mandat des Nations unies ?
Nous publions ici l'interview réalisée avec Jean Guisnel (Le Point) dans le cadre du colloque sur les Nouveaux visages des armées africaines organisé par l'IRSEM.
Le Point.fr : Vous coorganisez à l'École militaire de Paris, les 5 et
6 octobre, un colloque sur les armées de l'Afrique subsaharienne.
Sont-elles actuellement à la hauteur des enjeux sécuritaires du
continent ?
Sonia Le Gouriellec : Elles font effectivement face à un défi
véritable, en raison notamment de leurs moyens limités. Globalement,
leurs budgets sont très faibles, leurs tailles sont réduites et les
populations sont peu engagées dans les forces armées. J'ai noté que
0,2 % de la population africaine est engagée dans les forces armées,
quand en France,
par exemple, ce chiffre est près de 2,5 fois plus élevé (0,48 %). De
plus, elles interviennent souvent sur des terrains très conflictuels, y
compris dans les opérations de maintien de la paix qui ressemblent
souvent à des guerres. Elles sont souvent sous-équipées,
sous-entraînées. Voici quelques mois, Jeune Afrique avait écrit sur les armées africaines « mal équipées, mal
entraînées, mal aimées et en piteux état ». Pour autant, leur plus
important défi consiste aujourd'hui à s'adapter à de nouvelles formes de
conflictualité, comme le djihadisme qui frappe toute la bande
sahélienne. Elles sont soutenues dans cet effort par des partenaires
comme l'Union européenne, la France, les États-Unis, la Chine, l'Inde et d'autres encore, comme le Brésil ou la Turquie.
Comment se fait-il que ces États faisant face à des adversaires de
puissance limitée aient besoin d'armées étrangères pour se défendre ?
Tout d'abord, notons que ces armées ne se sont pas adaptées à
l'évolution des conflits. Prenons le cas typique du Nigeria, confronté
au groupe Boko Haram. Après la guerre civile de 1967-1970 (guerre du
Biafra), les structures militaires ont été remodelées, une culture
stratégique nouvelle s'est mise en place. Elle se basait sur l'analyse
selon laquelle la menace contre le pays venait de l'environnement
régional francophone. C'est pourquoi, dans les années 1980-1990, l'armée
nigériane s'est trouvée fortement impliquée dans les opérations de paix
sur le plan régional. La conséquence, c'est qu'elle s'est
progressivement trouvée incapable de répondre à des menaces
infra-étatiques… Elle n'est pas en mesure de faire face aujourd'hui à
Boko Haram. D'autres armées uniquement centrées sur la protection des
frontières n'étaient pas prêtes à contrer des menaces de nature
terroriste lorsqu'elles se sont présentées. Dans d'autres cas encore, on
trouve davantage des gardes prétoriennes que des armées nationales. Je
pense aux États d'Afrique centrale. Elles forment un groupe de
protection autour du président sans être prêtes à affronter les menaces
contemporaines.
Ces armées construites autour du clan du chef de l'État sont légion
en Afrique. Est-il possible, voire nécessaire, qu'une telle situation
évolue, et comment ?
Premier point, ce n'est pas à nous, acteurs extérieurs, d'y
remédier. De plus, notre vision très négative est souvent assez biaisée
par notre connaissance souvent réduite aux États d'Afrique francophone.
Nous les voyons négativement en raison de leur rôle dans les coups
d'État, de leur ingérence dans le politique, de la corruption ou du
népotisme dont elles sont souvent accusées. On oublie souvent qu'elles
ont aussi joué des rôles positifs dans certaines transitions politiques,
comme en Guinée en 2008. Le général Sékouba Konaté a mis en place la
transition politique, se comportant en véritable modèle, à l'inverse de
Moussa Dadis Camara. Au Niger, le coup d'État du commandant Salou Djibo
en 2010, resté au pouvoir jusqu'en 2011, visait à restaurer les
institutions démocratiques, ce qui a été fait avec succès. En 2014, au
Burkina Faso, l'armée a tenté de mettre en place la transition
démocratique, mais une de ses factions a appuyé Blaise Compaoré. C'était
une armée à deux visages. Les rivalités entre factions sont réelles :
bérets rouges et bérets verts au Mali ou encore le régiment de sécurité
présidentielle et l'armée régulière au Burkina Faso. Il ne faut pas
réduire la complexité des situations.
Les armées africaines sont souvent imbriquées dans les jeux de pouvoir. Est-ce acceptable ?
85 % des pays africains ont été touchés par des coups
d'État. Et seuls deux pays (l'Afrique du Sud et la Namibie) n'ont pas
connu de régime militaire. L'enjeu réside, à mes yeux, dans la
professionnalisation des armées, dont les enjeux sociaux, économiques,
mais surtout politiques avec la subordination à l'autorité civile, sont
essentiels. C'est particulièrement vrai dans ces pays où des milices ou
des groupes de libération nationale sont arrivés au pouvoir par les
armes, comme en Éthiopie, en Érythrée, au Soudan du Sud, au Tchad, au
Burundi, au Rwanda, etc. On voit que les anciens rebelles mettent en
place des régimes très autoritaires, participant davantage que les
autres aux opérations de maintien de la paix. Du coup, en devenant
indispensables à la résolution des conflits sur le continent, ces
régimes forts ne soulèvent que peu de critiques de leurs partenaires
internationaux et accroissent leur emprise sur la vie politique et
économique de leur pays. C'est particulièrement vrai actuellement avec
le Tchad, l'Ouganda, le Burundi et l'Éthiopie
En Somalie, au Mali, au Soudan ou encore en Centrafrique, les troupes
africaines sont engagées dans des opérations de maintien de la paix.
Cette situation est encouragée par les partenaires extérieurs. En effet,
depuis le début des années 2000, l’africanisation de la sécurité sur le
continent africain est devenue une priorité. Elle passe par un soutien à
la construction de l’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité
(APSA).
Les chercheurs se sont aussi intéressés à ce phénomène. Néanmoins, la
littérature qui porte sur les problématiques de maintien de la paix en
Afrique, se penche principalement sur les pratiques internationales de
soutien à l’APSA. Les recherches s’attardent essentiellement sur
l’analyse des intérêts que les partenaires extérieurs (USA, UE, France,
Chine, etc) ont de soutenir l’APSA et les moyens qu’ils mettent
en œuvre. Or il est essentiel de se pencher également sur les raisons
qui poussent les États africains à s’engager dans des missions de paix
qui se distinguent de moins en moins de la guerre par leurs objectifs et
leur mise en œuvre.
« L’épicentre du maintien de la paix »
À l’été 2016, 22 missions de paix internationales ou régionales sont déployées en Afrique. 99 395 personnels civils et en uniforme
de l’ONU sont ainsi engagées dans des pays africains et 42,8 % de ces
Casques bleus étaient envoyés par les pays africains. L’Union africaine
mène également des opérations qui engagent près de 36 550 personnels du
continent. Ces données font bien du continent africain un « épicentre du maintien de la paix ».
Premier constat qui s’impose, les principaux contributeurs de troupes
se situent en Afrique de l’Est : Éthiopie, Ouganda, Burundi et Rwanda.
Deuxième constat, la participation des troupes africaines aux opérations de paix est en augmentation.
Un petit pays comme le Rwanda a une participation croissante depuis
2008, avec une forte implication au Soudan. En août 2016, l’Éthiopie se
trouve être le premier contributeur de l’ONU, avec 8 326 personnels
engagés, auxquels il convient d’ajouter les 4 400 personnels intégrés à
la mission de l’Union africaine en Somalie (soit plus de 12 000
personnels déployés).
Le Burkina Faso, le Sénégal et le Tchad connaissent également de
fortes hausses avec leur participation à la Mission de l’ONU au Mali (Minusma).
En revanche, les puissances continentales comme le Nigéria ou l’Afrique
du Sud ont diminué leur contribution, souvent pour des raisons
d’instabilité interne.
Une quête d’autorité
Les opérations de paix sont un moyen de cultiver une image de
« fournisseur de sécurité » et d’être reconnu comme tel par les
puissances internationales et le système des Nations unies. En
fournissant des troupes au sein des opérations de paix les États
africains accèdent aux organes de commandement et de décision de ces
organisations et accroissent, ainsi, leur influence en leur sein.
Ainsi, lors d’une réunion de l’Assemblée générale des Nations unies,
le 28 juin 2016, les États membres ont élu l’Éthiopie pour siéger au
Conseil de sécurité de l’ONU pour une période de deux ans, à partir du 1er
juin 2017. De même, le Rwanda ou encore le Tchad sont reconnus pour
leur maîtrise des rouages des systèmes onusiens ou africains grâce à
leur engagement militaire.
La participation croissance aux opérations de paix s’inscrit
également dans des contextes politiques particuliers de renforcement de
l’autoritarisme. On constate ainsi que les quatre premiers contributeurs
de troupes sont des régimes autoritaires dont les armées sont
qualifiées d’« armées post-libération ». En Éthiopie, au Rwanda et en
Ouganda, les armées sont en effet issues de mouvements de libération
nationale. Leurs structures militaires restent dominées par des vétérans
de la guerre de libération issus du Front patriotique pour le Rwanda,
du Mouvement de résistance nationale en Ouganda ou par des vétérans
tigréens en Éthiopie.
Jonathan Fisher
qualifie ces officiers issus de mouvements de libération nationale et
ayant trouvé une nouvelle fonction dans leurs armées nationales
respective, de « sécurocrates post-libération ». Ce chercheur
britannique mène des études pour comprendre comment et pourquoi les OMP
(Opérations de maintien de la paix) sont un bon moyen de les maintenir
éloignés des politiques de sécurité nationale.
Une quête de légitimité
Dans le même temps, la participation à ces missions permet à ces pays
de faire diminuer la pression de démocratisation de la part des États
occidentaux et des institutions internationales. Ces opérations offrent
aux États un moyen de recouvrer leur souveraineté et de poursuivre leur
propre agenda. Elles sont également un moyen de légitimer leur pouvoir
politique et de se rendre indispensable aux regards des acteurs
extra-africains.
Cette forte implication militaire, à travers la participation aux
opérations de maintien de la paix permet aux dirigeants d’accroître leur
emprise sur la vie politique et économique de leur pays sans craindre
de contestations de leurs partenaires internationaux. Le discours sur la
sécurité, dans un contexte de lutte contre le terrorisme, a supplanté
celui sur la démocratie des années 1990, et devient une rente économique
supplémentaire.
Au Tchad, le « métier des armes »
a acquis, au gré d’une série de conflits internes, un poids historique,
social et économique qui ne favorise pas la stabilité du pays. Son
intervention au Mali a façonné son image de puissance militaire
régionale et ses atouts tactiques en milieu sahélien, elle a contribué à
valoriser l’identité militaire du pays et à « occuper les troupes » en
dehors du territoire.
La professionnalisation des forces armées
Si la littérature s’est longtemps concentrée sur le rôle négatif joué
par les armées africaines dans les crises sécuritaires, en soulignant
les clivages, le népotisme, la corruption, son rôle politique notamment
dans les coups d’État, les répressions étatiques et les guerres civiles,
rares sont les travaux qui cherchent à comprendre la manière dont les
États organisent leurs moyens militaires pour faire la guerre. La
professionnalisation des armées est le défi principal que doivent
relever les États contributeurs de troupes dans les opérations de paix.
Le déploiement de contingents dans le cadre d’opérations de paix
permet d’acquérir un savoir-faire délivré par les partenaires extérieurs
comme les États-Unis au travers de l’Africa Contingency Operations
Training & Assistance (ACOTA). Ce programme offre des entraînements
opérationnels avant projection. Il en va de même pour les détachements
d’instruction opérationnelle (DIO) et technique (DIT) des Éléments
français au Sénégal (EFS).
Les déploiements dans les opérations de paix nécessitent également un
appui logistique et des équipements répondant aux normes onusiennes. Le
coût de ces matériels, par exemple, est pris en charge par les Nations
unies via un mécanisme de compensation qui permet ainsi aux armées de
renouveler leur matériel. Une partie de l’équipement peut aussi être
cédée par des partenaires. Ainsi, l’équipement burundais en Somalie a
été donné par les États-Unis avec charge de l’entretien aux Burundais.
Les OMP peuvent donc permettre de renouveler le parc terrestre et
acquérir ainsi des matériels neufs.
La participation aux opérations de paix participe donc de la
professionnalisation des armées et, dans certains cas, soutient la
résolution des conflits civils dans le pays contributeur de troupes.
Elle peut induire un effet d’entraînement pour la réforme du secteur de
la sécurité offert par une perspective d’engagement opérationnel
d’unité.
Acheter la paix sociale dans les armées
Tant au Rwanda qu’au Burundi des enseignements peuvent être tirés sur
la façon dont une armée « mono-ethnique » est parvenue, ou essaie, de
transformer sa base sociale. La participation aux opérations extérieures
a favorisé ces transformations internes.
Ainsi, le déploiement de contingents à l’extérieur du territoire a
permis à l’armée burundaise d’intégrer dans la nouvelle armée les
miliciens des groupes armés majoritairement Hutu et les soldats de
l’ancien régime, les ex-Forces Armées Burundaises (FAB) majoritairement
tutsi. Cette intégration a longtemps été considérée comme une réussite
de l’accord de paix d’Arusha (Tanzanie), signé en 2000, alors qu’elle
était entre 1966 et 1993 le principal centre de pouvoir. La crise électorale a mis en lumière ces divisions et l’armée burundaise est au cœur de la crise politique.
La participation aux opérations de paix permet également aux régimes
politiques d’acheter la paix sociale au sein des armées. Néanmoins, la
sociabilisation des troupes avec celles des autres contingents trouve
aussi ses limites. En effet, pour Maggie Dwyer
il existerait, depuis le début des années 1990, en Afrique de l’Ouest,
une douzaine de cas de mutineries liés à la participation de troupes
africaines à des opérations de maintien de la paix.
Ces mutineries trouvent leurs racines dans des mécontentements liés
au manque d’équipements et de formation, aux procédures régissant les
déploiements et au sentiment d’injustice dans la répartition des paies
en comparaison avec le traitement de soldats d’autres nationalités.
Elles apparaissent alors que de plus en plus d’États africains envoient
des troupes dans les opérations de l’ONU ou de l’UA.
Un nombre croissant d’armées africaines deviennent des contributeurs
significatifs aux missions de paix des Nations Unies ou d’autres
organisations. De fait, elles sont devenues des acteurs internationaux
essentiels dans la résolution des conflits. Un nouveau champ de
recherche s’ouvre pour comprendre comment les politiques publiques
nationales sont affectées par cette évolution sécuritaire. Il s’agit de
mettre à jour les processus singuliers de réappropriation ou de
contournement et comprendre comment les doctrines et les politiques de
défense s’adaptent aux conflits qu’entendent réguler les opérations de
paix. En somme, nous devons comprendre la manière dont les États
organisent leurs moyens militaires pour faire la paix et la guerre.
Les
articles et ouvrages sur le maintien de la paix ne sont pas légion. Depuis le
début des années 1990, le nombre d’articles ou d’ouvrages académiques sur le
sujet se multiplie, rejoints ces dernières années par des travaux sur
l’architecture de paix et de sécurité en Afrique (APSA). L’ouvrage de Thierry Tardy
et Marco Wyss s’inscrit dans cette ligne.
Les
dernières interventions militaires en Afrique, suivies d’opérations de maintien
de la paix, ont démontré à quel point le sujet était en constante évolution. Selon
Megan Gleason-Roberts et Alischa Kugel, nous traversons « a pivotal time ». Le continent
africain apparaît comme un laboratoire pour tester les différentes dimensions
du maintien de la paix. Il serait l’ « epicentre of peacekeeping », selon les auteurs de l’ouvrage. D’une
part, parce qu’il accueille le plus grand nombre d’opérations et de personnels
civils et militaires de l’Organisation des Nations Unies (ONU), d’autre part,
du fait que le nombre d’acteurs non onusien est en constante progression (UA,
EU, CER, non gouvernementaux, États). Les expériences du Mali et de la
République centrafricaine montrent qu’une réponse hybride se dessine. En effet,
différents acteurs interviennent, et pas nécessairement successivement, mais plutôt
conjointement. Ces évolutions sont autant de défis pour les acteurs africains
du maintien de la paix qui sont devenus, selon les auteurs : « real stakeholder ». Elles ont des
conséquences normatives et pratiques indéniables.
Au
début des années 2000, un nouveau principe a émergé : « Try Africa first , « les solutions
africaines avant tout ». La nécessité de solutions endogènes aux crises et
conflits africains est collectivement assumée. Le rôle dévolu à la régulation
par la région est essentiel et devient une pièce maîtresse du système. En
effet, l’architecture de sécurité continentale prend appui sur les sous-régions
afin de gérer la conflictualité. L’ONU a également favorisé ce régionalisme en
donnant la possibilité aux organismes régionaux d’assurer le maintien de la
paix, encadré par le chapitre VIII de la Charte des Nations unies, une « nouvelle division international du travail[1]»,
en quelque sorte.
Cette
construction d’une architecture de paix et de sécurité est donc un projet qui
s’inscrit dans le temps long des grands projets historiques. Le sujet intéresse
particulièrement les universitaires,
au-delà des aspects techniques du processus. C’est l’ambition de l’ouvrage
présenté ici. Ce travail réunit dix-sept chercheurs et offre une analyse riche
des évolutions et des défis du maintien de la paix en Afrique, dans le contexte
de la construction d’une architecture de paix et de sécurité.
L’ouvrage
est divisé en trois parties, qui présentent les évolutions institutionnelles,
l’implication de nouveaux acteurs et quelques cas d’étude. Dans un premier
temps, les auteurs analysent l’évolution des opérations de maintien de la paix
sur le continent africain, puis celle des opérations menées par des Africains,
au Burundi, au Soudan et en Somalie. Le panorama dressé par les premiers
chapitres met en parallèle l’évolution des conflits sur le continent, des
opérations de maintien de la paix de l’ONU et l’africanisation des opérations.
Leurs conclusions sont connues. La cohérence et la coordination doivent être
renforcées dans une période de contraintes budgétaires et où les initiatives ad hoc se multiplient. Sont également
traitées dans cette partie : l’approche européenne du maintien de la paix et
la question centrale du financement des opérations. Ce dernier point pose le
problème de l’appropriation des opérations après l’africanisation, et donc
celui de l’autonomie. Le schéma actuellement retenu – financement des
opérations par les bailleurs extérieurs - n’est pas tenable sur la durée. La
recherche de solutions alternatives est essentielle et régulièrement à l’ordre
du jour des sommets et forums internationaux. Dans le chapitre consacré à cette
problématique, David Ambrosetti et Romain Esmenjaud étudient quatre modes de
financement et s’interrogent sur la volonté des Africains à être autonomes dans
le domaine de la gestion des conflits. Ils ouvrent un agenda de la recherche,
pour des travaux en économie politique des opérations de paix, et ce que cela
nous révèle des politiques des États africains.
Dans
la deuxième partie de l’ouvrage, consacrée aux politiques de la Chine, de
l’Inde et de la France, l’implication de la Chine dans le maintien de la paix
est étudiée comme une tentative d’influer un système onusien dont elle se sent
exclue. Une position en partie partagée par l’Inde, qui ne veut pas que les
opérations de l’ONU soient un « cheval de Troie » des puissances
occidentales. En revanche, la France a une approche parfois ambigüe, comme la
crise ivoirienne l’a montrée. Son intervention a été rendue nécessaire par le
manque de moyens des instances continentales et de l’impasse politique.
La
dernière partie rassemble un ensemble de cas d’étude. Elle aborde à la fois le
rôle des voisins régionaux dans la persistance d’une crise, et dans le même
temps, leur engagement dans la résolution de celle-ci, notamment en RDC et en
Somalie. Dans le cas du Mali, on comprend le caractère hybride de la réponse
qui se dessine, avec les difficultés des interactions entre une organisation
régionale comme la CEDEAO, l’UA et l’ONU... L’importance de la compréhension
des acteurs et du contexte local nous est rappelée par l’exemple congolais. Le
chapitre suivant analyse les difficultés à établir un cadre normatif, notamment
avec la Responsabilité de protéger, au Darfour.
L’ensemble
de l’ouvrage apporte une réflexion stimulante sur la pratique des interventions
de paix en Afrique. L’originalité de cette étude est de ne pas se focaliser
uniquement sur l’ONU et de proposer une analyse globale incluant aussi bien les
acteurs africains que les nouveaux acteurs étatiques parmi les plus
traditionnels. La conclusion est classique. L’enjeu de moyens est politique,
tant pour les Africains que pour les acteurs exogènes ; qu’ils soient
étatiques ou institutionnels. La légitimité de chaque acteur est questionnée,
directement ou implicitement, dans toutes les contributions. Il est question d’une
part d’interroger ce que cette extraversion du maintien de la paix en Afrique
nous révèle des acteurs extérieurs au continent, ainsi que de leurs intérêts, et
d’autre part, ce qu’elle nous révèle des États africains et des élites au
pouvoir.
[1] Mélanie CATHELIN, Le rôle international d’un État:
construction, institutionnalisation et changement. Le cas de la politique
canadienne de maintien de la paix en Afrique, thèse de doctorat (sous la
direction de Daniel COMPAGNON), Université Montesquieu Bordeaux IV - IEP
Bordeaux, Décembre 2008.
L'IRSEM (Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole Militaire) lance une nouvelle note de veille. Après les notes de veilles sur les États-Unis de Maya Kandel, cette nouvelle note concerne le continent africain. Les notes de veille « Afrique » de l’IRSEM proposent une sélection
des analyses de chercheurs sur l’actualité africaine du mois écoulé en
matière de sécurité et de défense.
La première note est en téléchargement libre : ICI
Le Comité "Afrique" de l'ANAJ-IHEDN a le plaisir de vous inviter à sa conférence sur le thème : QUELLES PERSPECTIVES POUR LES OPERATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DE L'ONU ?
Autour d’Alain LE ROY,
Ancien Secrétaire général adjoint de l'ONU
chargé des opérations de maintien de la paix
Mardi 29 novembre 2011
19h15 à 21h00
École militaire
Amphithéâtre Desvallières
L’Organisation des Nations Unies reste toujours très présente sur le continent africain et partage aujourd’hui ses missions de paix et de sécurité avec de nouveaux acteurs (Union Africaine, Union Européenne…). Engagée dans des missions souvent longues, cet interventionnisme règle-t-il les problèmes ? Ne sont-elles pas des missions sans fin ?
Alain Leroy reviendra sur son expérience à l’ONU et nous apportera ses éclairages sur les missions qui l’ont mobilisées ces trois dernières années (côte d’Ivoire, Soudan).
INSCRIPTION OBLIGATOIRE AVANT LE 26 novembre
Inscription obligatoire avant le 26 novembre à l'adresse : http://tinyurl.com/anaj-
Le Club participation et progrès et le Centre Maurice Hauriou de l'Université Paris Descartes, organisent un colloque sur le thème : "L'évolution des conflictualités et des politiques de sécurité et de défense en Afrique". Il se déroulera le lundi 20 juin 2011, dans la salle des Actes de la Faculté de Droit de l’Université Paris-Descartes (10, avenue Pierre Larousse, 92240 Malakoff).
Vous voudrez bien trouver ci-joint le programme du colloque qui détaille les créneaux des différentes interventions.
Pour toute information complémentaire, vous pouvez nous contacter à l’adresse mail suivante : participation.progres@gmail.com ou consulter Facebook
La sécurité et la défense seront à l'honneur, ce qui devrait vous intéresser à l’heure où près de 2500 militaires français (hors Libye) sont déployés sur un théâtre d’opération africain,
Des régions moins connues en France seront présentées... comme la Corne de l'Afrique
Des idées reçues seront attaquées, notamment sur la Chine en Afrique
Un Ivoirien, et non un Français, nous parlera de la Côte d'Ivoire
Le discours des islamistes dans le Sahel sera décrypté
....
Du café sera à votre disposition dans la journée, avant un cocktail de clôture
Sonia Le Gouriellec (Good morning Afrika) et S.D. (Lignes stratégiques)
Par ailleurs, hier Pierre Pascallon, Président du Club Participation et Progrès, était l'invité de Thierry Garcin sur France Culture. Vous pouvez écouter l'émission ICI Réumé : "L’évolution des conflits armés, à l’occasion d’un colloque du Club Participation et progrès
La variété, la violence et la durée des conflits en Afrique ne laissent d’étonner. Qu’on songe à la partition de fait de la Somalie, au génocide du Rwanda, aux longues guerres civiles du Liberia, de Sierra Leone, de la Côte d’Ivoire, aux meurtriers affrontements cycliques qui ont endeuillé la République démocratique du Congo (qui n’est même pas maître de l’entièreté de son territoire), aux troubles civils multiples souvent aggravés par des répressions d’une rare cruauté (ne citons que le Darfour soudanais, le Zimbabwe, le Kenya…).
De plus, de grands acteurs extérieurs exercent une tutelle ou mainmise sur les ressources naturelles et autres du continent (Japon, Chine, Inde, États-Unis…).
Dans ce contexte durable, que peut la France, et que peuvent les États africains eux-mêmes ?"
L'armée angolaise n'a pas a rougir de ses effectifs par rapport à ses voisins (107,000 hommes), son expérience dans le conflit avec l'Afrique du Sud puis en interne (la guerre a pris fin en avril 2002) et dans la région (RDC et Congo) est reconnue, pourtant le pays s'est peu investi dans le maintien de la paix sur le continent (seuls 2 hommes engagés dans la MICOPAX). Son rôle dans les conflits du continent est resté mineur : - lors de la guerre civile au Libéria, ses efforts de médiation ont été largement éclipsés par le Nigéria ;
- en RDC, la diplomatie angolaise s’est surtout employée à soutenir le Président Kabila sans initiative d’envergure, contrairement à son autre rival l’Afrique du Sud ;
- sur le dossier du Zimbabwe, le Président Dos Santos a longtemps défendu sans nuance la légitimité du pouvoir du Président Mugabe.
Malgré tout l'Angola semble vouloir enfin s'engager, ainsi le gouvernement a répondu favorablement aux demandes du gouvernement somalien (sous la bannière ONU) et de la Guinée-Bissau (à la place des forces de la CEDEAO) de former leurs armées. Elle vient même de promettre 30 millions de dollars à la Guinée Bissau pour mettre en oeuvre la réforme de son secteur de sécurité et de défense. C'est par ces initiatives que l'Angola peut espérer devenir, à échéance de quelques années, un acteur diplomatique de premier plan en Afrique.
Sonia Le Gouriellec, maîtresse de conférences à la Faculté de droit (FLD) de l'Université Catholique de Lille (labo : C3RD), vous propose de décrypter ensemble les enjeux politiques et stratégiques des évènements qui secouent le continent africain et plus particulièrement la Corne de l'Afrique.