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mardi 14 avril 2015

Faut-il intervenir militairement en Afrique ?

A noter, la conférence annuelle PSIA/IRSEM se tiendra demain de 17h15 à 19h à Science Po.
Avec :
Sonia Le Gouriellec, Chargée d’études à l’IRSEM
Colonel Philippe Susnjara, Chef du bureau Afrique de l’Etat‐major des armées et enseignant à PSIA
Richard Banégas, Professeur à Sciences Po (sous réserve)
Introduction par :
Ghassan Salamé, Doyen de PSIA
Discussion par :
Frédéric Charillon, Directeur de l’IRSEM
Général Vincent Desportes, Enseignant à PSIA
Mercredi 15 Avril 2015 - 17h15 – 19h00
Amphithéâtre Leroy‐Beaulieu‐Sorel, 27 rue Saint Guillaume
Inscription:
- Pour les étudiants, merci de vous inscrire en ligne
- Pour les enseignants, merci vous inscrire par email à : psia.events@sciencespo.fr

Sonia Le Gouriellec est docteur en science politique, spécialisé sur les questions de régionalisation et de construction de l’Etat dans la Corne de l’Afrique et chargée d’étude à l’Institut de Recherche Stratégique de l’Ecole Militaire (IRSEM). 
Colonel Philippe Susnjara sert, depuis le 1er juillet 2014, à l’Etat‐major des armées comme Chef du bureau Afrique. Il enseigne à PSIA le cours « Gestion des crises sécuritaires en Afrique ». 
Richard Banégas est Professeur de science politique à Sciences Po et spécialiste de l’Afrique de l’Ouest et des Grands Lacs. Il enseigne à PSIA le cours « Citoyenneté, violence et changement politique en Afrique ». (sous réserve)
Depuis 2013, dans le cadre d’un partenariat spécial, l’IRSEM soutient les travaux de l’Ecole des Affaires internationales de Sciences Po dans les champs de la Défense et de la Sécurité. A l’occasion de cette conférence, le prix IRSEM‐PSIA du meilleur devoir sur le thème de la sécurité, sera remis aux deux lauréats pour l’édition 2014. 
Plus d'information sur le partenariat IRSEM-PSIA
Plus d'information sur l'IRSEM

lundi 28 juillet 2014

Enrichissements Hebdos africains

Le nouvel site "u235", auquel ce blog est associé, publie chaque semaine ses Enrichissements Hebdos. Nous reportons ici la partie "africaine" :



1) Dans Africa in Transition, John Campbell observe que, contrairement à d’autres groupes comme l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), Boko Haram n’est pas encore parvenu à se territorialiser mais cela pourrait changer depuis qu’ils ont pris la ville de Damboa. 

2/ Louisa Waugh s’est rendue à plusieurs mois d'intervalle dans le quartier de “cinq kilo” à Bangui. Elle rapporte l’apaisement de la situation centrafricaine notamment dans les quartiers musulmans. La présence permanente des troupes françaises, africaines et européennes, ainsi que les actions de cohésion menées par les ONG locales et internationales permettrait aux centrafricains de réapprendre à vivre ensemble : “These local initiatives are another reason Cinq Kilo is now opening for business, and why security has improved in many parts of Bangui. This small capital is still plagued by tensions and crime, especially at night outside the city centre; but dialogue between communities has started”. Et Louisa Waugh de conclure plus loin : “ "The appalling violence of these last twelve months has never been about Christians versus Muslims; it stemmed from fear between neighbours and communities familiar with living together, but easily manipulated by Seleka, anti-Balaka, and other armed rebels who appropriated their vicious brands of identity based politics for their own ends. The Central African civil society challenge is about communities holding the government to account. A local human rights advocate said these words to me just last week; ‘Some people here are not ready to give their pardon, because they still hear nothing about justice.’ » Dès lors la question au coeur de la reconstruction de l’Etat et du pacte social se pose,comment une société traumatisée par les violences exercées par des groupes quicohabitaient ensemble par le passé peut-elle leur réapprendre à vivre ensemble?

3/ The Duck of Minerva s’entretient avec Séverine Autesserre sur les échecs des interventions de consolidation de la paix à la suite de la publication de son dernier ouvrage Peaceland. Par une méthode ethnographique, sa thèse met en lumière le rôle quotidien des “peacebuilders” : “international interveners’ everyday practices, habits, and narratives undermine their own peacebuilding efforts. One of the many ways these everyday elements preclude successful peacebuilding is by separating expatriates from the populations they are trying to help (...) everyday practices create firm boundaries between international peacebuilders and the populations whose cooperation they need to implement their projects. Social habits – with whom you have after-work drinks, parties, and dinners – can either reinforce these boundaries or break them.”.

4/ Sur Al Jazeera America, Daniel Salomon analyse la vague d’attaques terroristes qui touchent actuellement le sud de la Corne de l’Afrique jusqu’en Tanzanie. Marque-t-elle la résurgence du groupe somalien Al Shabaab ou serait-elle liée à la corruption et à l’absence de réponse des Etats de la région aux difficultés sociaux-économiques locales ? : “It is difficult to untangle the chain of political discontent that precedes recent violence across the region. Local grievances, such as land tenure disputes, often accompany the decay of political and economic institutions. For example, Kenya’s Lamu County, one of the sites of recent attacks, has been the locus of large protests against alleged land grabbing by Kenyan port developers. These issues alone may not prompt new violence by local groups. But if mass abuses continue unmitigated, East African governments could soon find unexpected pockets of their society a fertile recruiting ground for Al-Shabab’s terror network. As violence spirals out of control across the region, governments will likely adopt an increasingly heavy-handed strategy against Al-Shabab and its alleged affiliates. However, selective targeting of minority civilians, as witnessed in Kenya, will not root out the threat. In fact, it will likely make matters worse. Regional leaders must acknowledge the role of local grievances in engendering violent response, and seek more robust opportunities for redress. Land ownership issues, in particular, have proved a powerful trigger for violence, particularly in Kenya and Ethiopia. As the multinational campaign against Al-Shabab falters, the resolution of these local grievances may prove to be a more fruitful path to peace”.

5/ Dans Reinventing Peace, Alex de Waal revient sur le travail du Carnegie Working Group on Corruption and Security publié le mois dernier Corruption: TheUnrecognized Threat to International Security. Ce document démontre que la corruption serait liée à la fragilité des Etats et que les contestations et les insurrections trouvent leurs origines dans l’opposition à la kleptomanie des régimes. Le groupe de Carnegie révèle aussi les différentes étapes de son projet :” an early stage of a project that is beginning to reveal just how deeply the problem of corruption is embedded within international insecurity—and in turn how the remedies must be sought in global systems, not just at the national level”. Pour Alex de Waal s’est un nouvel agenda de recherche qui doit s’ouvrir. Dans son billet il propose d’élargir les cas de conflits liées à la corruption déterminées par le groupe d’études de Carnegie à de nouvelles catégories et sous-catégories qu’il décrit.

6/ Dans son article East Africa rising, Robert D. Kaplan dresse un tableau très optimiste de l’Afrique de l’Est et de la Corne de l’Afrique et conclue : “One thing is clear: Economic change is so ever-present and vibrant throughout East Africa that the region's geographical orientation itself may be changing. Rather than be part of a once-lost and anarchic continent, the area from Mozambique north to Ethiopia may be in the process of becoming a critical nodal point of the dynamic Indian Ocean world”.

dimanche 19 janvier 2014

Café stratégique : Sur les champs de bataille

Alors qu'en ce début d'année 2014 près de 8450 militaires français sont engagées sur plusieurs théâtres d'opérations extérieures, l'Alliance géostratégique vous invite, pour son 31ème café stratégique, à venir discuter avec Jocelyn Truchet.


Le café se tiendra le jeudi 23 janvier à 19h au café Concorde. L'entrée est libre mais par courtoisie avec notre hôte vous êtes invité à consommer avant de monter.


Le site de l'intervenant : ICI

vendredi 3 janvier 2014

Réflexion sur l’interventionnisme et la reconstruction de l’Etat en RCA et ailleurs

L’année 2013 a marqué le retour de l’interventionnisme français, dans le cadre d’opérations militaires en Afrique (Mali, RCA). L’objectif affiché est de participer à la reconstruction d’Etat dit « failli », terme discuté et discutable que nous n’aborderons pas ici, ou de créer les conditions le permettant.



Le state-building est ainsi la principale réponse à la défaillance de l’État. Ce terme désigne l’idée de « la nécessité de reconstituer, sous une forme ou une autre, des unités politiques au sein desquelles, suite notamment à une guerre civile, la structure, l’autorité, la loi et l’ordre politiques se sont précarisés » (1). Cette stratégie concerne le développement de mécanismes internationaux de régulation censés restaurer la souveraineté d’États en faillite ou en déliquescence.

La construction de l’État est un phénomène historique long (on lira Charles Tilly), la stratégie choisie par la communauté internationale est donc de parvenir à un modèle d’État wébérien dans un temps plus restreint, et en évitant la longue étape de conflictualité qui accompagne généralement le processus de développement (2). Cette stratégie a été relancée au début des années 1990 par l’ONU lorsque l’organisation instaura l’Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge (APRONUC). Elle se donne alors pour objectif de reconstruire un État, voire même une nation. L’accent est mis sur la reconstruction d’un ordre politique démocratique, à l’intérieur des frontières de l’État, respectueux des droits et des libertés fondamentales de ses citoyens.
Les critiques autour de cette notion de state-building ne manquent pas et nous vous proposons d’en noter quelques-unes ici qui pourront alimenter votre réflexion. Ainsi, D. Chandler y voit un retour de la mission civilisatrice de l’Occident (3), une position revendiquée également par F. Fukuyama, doctrinaire du state-building, comme nouvelle forme de gouvernance (4). Mais pour D. Chandler, le state-building a participé plus à la destruction des capacités étatiques institutionnelles qu’à leur reconstruction. Pire, le state-building aurait créé une culture de la dépendance, plutôt que des institutions locales autonomes. L’efficience de cette stratégie est questionnée aussi par M. Ottaway qui relève : « la communauté internationale a élaboré une liste de prescriptions pour la reconstruction d’État qui est tellement exhaustive qu’elle est impossible à appliquer sur le terrain » (5).
L’autre problème posé par cette approche est qu’elle disqualifie des acteurs qui ne correspondent pas à la vision normative de l’État, ou même de la politique. Ils sont alors écartés du processus de construction ou de reconstruction de l’État, ce qui remet en cause la régulation de la conflictualité. Le rôle même que pourrait jouer une organisation internationale est discuté. En effet, E. Luttwak 
a montré qu’un
 conflit mineur doit 
se poursuivre sans une intervention extérieure, qui y mettrait un terme prématurément. Au contraire, une intervention extérieure tend à prolonger le conflit (6). Une analyse partagée par J. Herbst, pour qui les organisations internationales s’entêtent à vouloir reconstruire des États effondrés, dans les conditions qui existaient auparavant, de telle sorte qu’elles ne font que prolonger un état d’effondrement au lieu d’accepter l’existence du nouvel ordre politique ainsi créé (7). En allant plus loin, on peut considérer que ces organisations participent au processus de destruction de l’État (8). Ainsi, l’ONU
 refuse
de considérer que
 certains États puissent 
être trop
 dysfonctionnels 
à
 la base, 
pour être 
reconstruits (9). Ce n’est que très récemment que les chercheurs ont cherché à comprendre l'ordre politique des États dits faillis, sans insister sur l’absence d’État mais en tenant compte de ce qui existe réellement (10).

Dès lors, une question se pose : est-ce que ce sont les États qui sont en échec ou bien l’État, en tant que mode d’organisation des sociétés ? Cette réflexion nous permet de penser, avec E. Terray, que : « ce qui est en crise, c’est peut être avant tout l’arsenal des concepts et des systèmes à travers lesquels nous essayons de saisir cette réalité mouvante et protéiforme qu’est l’État contemporain en Afrique » (11).

Bibliographie :
1- Dario BATTISTELLA, Franck PETITEVILLE, Marie-Claude SMOUTS, Pascal VENNESSON, Dictionnaire des relations internationales, Paris, Dalloz, 2012, 572p, ici p.527.
2- M. OTTAWAY, « Rebuilding states institutions in collapsed states », in Developement and Change, vol.33, n°5, p.1001-1023, ici p.1004.
3-David CHANDLER, Empire in Denial: The Politics of State-Building, Londres, Pluto Press, 2006.
4-Francis FUKUYAMA, State-Building: Governance and World Order in the 21st Century, Ithaca, Cornell University Press, 2004.
5-Marina OTTAWAY, «Rebuilding State Institutions in Collapsed States», in J. MILLIKEN (ed.), State Failure, Collapse and Reconstruction, Blackwell, Oxford, 2003, p. 252.
6-Edward N. LUTTWAK, “Give war a chance”, in Foreign Affairs, vol.78, n°4, juillet-août, 1999, p. 36.
7-Jeffrey HERBST, “Let Them Fail: State Failure in Theory and Practice”, in Robert ROTBERG (dir.), When States Fail: Causes and Consequences, Princeton, Princeton University Press, 2004, p. 312-316.
8-Francis FUKUYAMA, State-Building; Governance and World Order in the 21 st Century, New York, Cornell University Press, 2004, p. 39-42.
9-Marina OTTAWAY, “Rebuilding State Institutions in Collapsed States”, in Development and Change, vol.33, n°5, novembre 2002, p. 1001.
10-K.P. CLEMENTS, V. BOEGE, A.BROWN, W. FOLEY, et A. NOLAN, “State building reconsidered: The role of hybridity in the fom1ation of political order”, in Political Science, vol. 59, n° 1, 2007, p.45-56.
11-Emmanuel TERRAY, “Introduction”, in E. TERRAY, L’État contemporain en Afrique, Paris, L’Harmattan, 1986, p.19.

jeudi 14 juin 2012

Quels pompiers pour éteindre le feu malien ?

Face à l’interconnexion des crises au Mali, une intervention militaire se dessine et l’Union Africaine serait préférée à la Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Pourtant, malgré ses récents succès, l’exemple de la mission de l’Union Africaine en Somalie reste un modèle discutable.

Le 17 janvier dernier, un coup d’Etat atypique a porté au pouvoir des militaires reprochant  au  président malien sa faiblesse dans le traitement de la rébellion au Nord. Sans expérience politique, sans soutien international, la junte ne parvient alors pas à stopper l’avancée de la rébellion. Alors que la CEDEAO vient de prolonger la transition politique, les combats se poursuivent dans le Nord du pays. L’afflux de réfugiés et la possible propagation de la rébellion touarègue dans les pays voisins inquiètent les gouvernements de la région et les puissances extérieures qui craignent de voir AQMI et ses alliés tirer bénéfice de ce chaos. Le scénario d’une intervention militaire se dessine de plus en plus mais elle ne pourra se faire sans un soutien extérieur.

Quel mandat pour quelle mission ?

Les puissances traditionnelles, France et Etats-Unis en tête, ne soutiendront qu’une mission sous mandat des Nations unies, ce qui exclut une intervention non mandatée par le Conseil de sécurité comme ce fut le cas des interventions de l’OTAN dans les Balkans à la fin des années 1990. Une intervention internationale de l’UE ou de l’OTAN sous mandat de l’ONU (comme en Libye l’année dernière) a également été écartée.
Jeudi dernier, le Groupe de soutien et de suivi sur la situation au Mali s’est prononcé pour une saisine par l’Union Africaine (UA) du Conseil de Sécurité des Nations unies en vue de la création d’une force d’intervention. En effet, le Conseil de sécurité est le seul à même de décider des mesures coercitives nécessaires s’il estime qu’il existe une menace contre la paix et la sécurité internationale. Cette initiative avait déjà été lancée fin mai par Boni Yayi, président en exercice de l’UA et président du Bénin. Le mandat d’une telle force reste néanmoins flou : restructurer l’armée malienne, restaurer l’ordre constitutionnel, rétablir la souveraineté étatique au Nord du pays, combattre les groupes terroristes, criminels ….
Une intervention conjointe entre l’ONU et l’Union Africaine comme la MINUAD au Darfour a peu de chance d’aboutir. En effet, selon le rapport Brahimi, l’ONU n’est pas disposée à déployer une mission militaire lors d’une situation similaire à celle que traverse le Mali. Deux autres scénarii sont rendus possibles eu égard au régionalisme à deux niveaux qui constitue la singularité du continent africain : une intervention sous régionale (CEDEAO) ou régionale (UA). Dans les deux cas, c’est au Conseil de sécurité de l’ONU de faire appel, si besoin, aux organismes régionaux comme « bras armé ».

La CEDEAO éclipsée par l’Union Africaine ?

La réaction rapide de la CEDEAO au coup d’Etat au Mali et en Guinée Bissau a été décisive (ICI). L’organisation régionale souhaite également que Bamako retrouve ses droits dans le Nord du pays. Une intervention régionale parait donc légitime (sous condition de l’accord des autorités maliennes). Les dirigeants de la région approuveraient cette intervention militaire mais Florent de Saint–Victor, dans une tribune publiée sur le site Atlantico, a montré les difficultés d’un déploiement éventuel de la force de la CEDEAO. Cette intervention paraît d’autant plus improbable que le mandat de la mission reste à définir, condition fondamentale pour obtenir les soutiens financiers et logistiques des Etats-Unis ou de la France. Par ailleurs, pour le président de l’UA, la force d’intervention doit réunir tous les pays de la région au-delà  de la CEDEAO. Or l’Algérie, la Mauritanie et même la Libye ne sont pas membres de l’organisation mais devront pourtant être associés aux décisions. Une position que semble partager les Etats-Unis et la France qui s’échine chaque jour à convaincre le géant algérien d’être le régulateur de cette crise.

La CEDEAO poursuit son travail de médiation même si son action dans la crise parait dorénavant peu probante. La pression exercée a en tout cas forcé la junte, menée par le capitaine Amadou Sanogo, à faire quelques concessions et à entamer une transition politique. Pour Gilles Yabi, de l’International Crisis Group, « le mandat d’une éventuelle mission militaire de la CEDEAO ne serait pas nécessairement un mandat d’intervention offensive contre des militaires maliens ou contre des groupes armés au Mali. Cela pourrait être un mandat de soutien à la remise sur pied d’une structure de commandement claire et à la protection des institutions civiles. » Par ailleurs, gardons à l’esprit que dans trois crises (Libéria, Sierre Leone et Côte d’Ivoire) la CEDEAO est intervenue en amont des forces de l’ONU permettant ainsi une réaction rapide.  Le problème du financement s’est néanmoins posé à chaque intervention, accélérant le déploiement d’une mission de l’ONU. Au Mali, l’intervention se rapprocherait du cas somalien or l’exemple de l’AMISOM explique les réticences de l’ONU à prendre le relais dans un tel contexte.

L’AMISOM, un modèle pour le déploiement d’une intervention de l’Union Africaine ?

Une intervention militaire africaine sous mandat de l’ONU se dessine suivant le modèle  de l’AMISOM (Mission de l’Union Africaine en Somalie). Une référence surprenante quand on connait les difficultés rencontrées par cette mission. De contre-exemple depuis 5 ans, l’AMISOM, après les victoires obtenues ces dernier mois contre le Shebab, serait donc devenues un modèle à suivre…
Créée en 2007 pour combler le manque de réaction des acteurs internationaux et prendre le relai des troupes éthiopiennes présentes sur place, cette mission autorisée par le Conseil de Sécurité et agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte ne devait pas excéder une période de six mois et l'ONU devait rapidement prendre le relais. Or, l’AMISOM est toujours déployée et le relais onusien se fait toujours attendre. Par ailleurs se pose la question du financement d’une opération de l’UA au Mali alors même que l’opération en Somalie vient d’être renforcée. L'extension du mandat de l’AMISOM, décidée en début d’année, accroit le coût de la mission qui passerait ainsi de 310 millions de dollars à 510 millions. Certes, l’UE finance largement la mission mais la résolution 2036 de l’ONU appel de nouveaux contributeurs. L’Union Africaine et ses partenaires peuvent–ils se permettre une nouvelle opération à l’autre extrémité du continent dans une période de crise économique financière de surcroit ?
La définition d’un mandat clair et précis reste primordiale et l’AMISOM est loin d’être un exemple. En Somalie, la mission de l’Union Africaine a en effet manqué aux principes fondamentaux de neutralité et d’impartialité. L’opération est intervenue  alors qu’il n’y avait aucune paix à maintenir. C’est un théâtre de guerre où l’accord des parties était loin d’être acquis et dans lequel les mandats et les ressources étaient inadéquats et la force inadaptée à la lutte anti-terroriste. Pour Jean-Nicolas Bach et Romain Esmenjaud, l’AMISOM a « de nombreuses caractéristiques qui la rapprochent d’une intervention militaire traditionnelle (soutien à une partie au conflit, recours régulier à la force, absence de commandement multinational, intéressement des contributeurs dont la participation à l’opération s’inscrit dans une stratégie de promotion d’intérêts nationaux…) » .

Aujourd’hui, l’espace sahélien semble durablement déstabilisé. A l’heure du retrait d’Afghanistan, la région devient-elle un nouveau front antiterroriste ? Il y a surement des leçons à tirer de l’interventionnisme en Somalie mais certainement pas en faire un exemple. Jean-François Bayart et Roland Marchal, deux chercheurs français, ne cessent d’appeler à la prudence lorsqu’on évoque des interventions militaires face à Al Qaïda ou ses alliés dans la bande sahélienne. Ils constatent un rétrécissement de la sphère politique au profit du contre-terrorisme et mettent en garde contre la radicalisation de certaines organisations combattantes. Le piège serait donc de voir la CEDEAO ou l’UA se transformer en « pompier-pyromane »…

Cette article a bénéficié d'une publication parallèle sur le site Atlantico.