Je soumets à votre réflexion cet extrait tiré de "Théories des relations internationales" de Dario Battistella" :
"A la veille de 1989, obnubilés par la longue paix qu'avait fini par devenir la guerre froide, les internationalistes passaient le plus clair de leur temps à étudier les causes possibles de cette stabilité, et entre 1970 et 1990, les trois grandes revues théoriques de relations internationales qu'étaient à ce moment World Politics, INternational Studies Quaterly et International Organization n'avaient publié en tout et pour tout qu'une demi- douzaine d'articles portant sur le changement, que ce soit au niveau du système international dans son ensemble ou au niveau d'une politique extérieure particulière. Pour ce qui est du 11 septembre, moins de 0,4% des article parus entre 1980 et 1999 dans les quatre grandes revues théoriques américaines des relations internationales ont concerné la religion, et il n'y a pas eu un seul article sur le terrorisme lors des trois années précédant les attentats dans World Politics, International Organization et Security Studies, un seul dans International Studies Quaterly, affirmant qui plus est le déclin du terrorisme transnational, et un seul dans International Security, portant d'ailleurs sur le phénomène terroriste que sur l'état de préparation des États-Unis en cas d'attaque terroriste sur le territoire américain à l'aide d'armes chimiques ou biologiques. Mais ce n'est pas sans raison que les internationalistes ont ignoré le signal que représentait dès 1993 le premier attentat contre le World Trade Center.(...) la production scientifique rend possible au mieux la prévision de la reproduction de ce qui existe ou de ce qui est connu mais ne permet pas de prévoir ce qui ne s'est encore jamais produit car "les scientifiques n'ont pas pour but, normalement, d'inventer de nouvelle théories", ni même de "prendre en compte telle nouveauté fondamentale (...) propre à ébranler [leurs] convictions de base"(T.Kuhn)"
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Il y a 2 heures
""les scientifiques n'ont pas pour but, normalement, d'inventer de nouvelle théories"
RépondreSupprimerLe mot fondamental dans la phrase de Kuhn c'est "normalement"... A force d'avoir formater la recherche scientifique en relations internationales sur un modèle extrêmement théorico-déductif, ce n'est pas anormal que l'on se retrouve à faire seulement de la théorie sur des choses ou phénomènes déjà passés ou qui ne servent à rien... L'ultime horizon c'est que ces phénomènes peuvent d'être tester empiriquement et donc apparaissent les seuls crédibles pour une recherche dite "scientifique". Le seul échappatoire à ce cycle vicieux, c'est d'autoriser une partie du champ théorique en sciences humaines à se détacher du modèle théorico-déductif et du soi-disant "constat de vérification empirique" pour permettre des recherches exploratoires sur des phénomènes encore inédits... En gros financer de la recherche sur des idées qui nous semblent actuellement complétement absurdes ou inutiles, mais qui peuvent se déterminer très importantes voire fondamentales pour l'avenir.
Le modèle c'est notamment la soviétologie des études aux USA dans les années 1950-1960 qui ont permis de financer des études - parfois totalement obscures - sur l'Union Soviétique. Cela était au départ fait avec l'idée de mieux connaître l'ennemi soviétique, mais au final cela a permit à des nombreux chercheurs d'aller à partir de ce champ d'études subventionnés découvrir d'autres sujets comme par exemple les dynamiques sociales en Sibérie ou le rôle des mythes fondateurs. En allant faire de la recherche sur un terrain précis, ces études sont revenues avec des réponses plus larges qui ont été bénéfiques à d'autres champs, d'autres études et d'autres contextes en sciences sociales...
Bref, le carcan est à l'heure actuelle un peu trop serré en sciences sociales (et notamment en Relations Internationales)... à nous de choisir ou non de le faire éclater.