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jeudi 28 avril 2016

Djibouti, un petit pays au coeur de l'actualité


Après trois ans de crise entre le régime et l’opposition de l’Union pour le Salut National (USN) - coalition de huit partis née après les élections législatives de 2013 - Ismaël Omar Guelleh a été réélu le 8 avril 2016, dès le premier tour, pour un quatrième mandat avec 87,07% de voix exprimées et un taux de participation de 68,96%. Le Président réélu peut s’appuyer sur une réelle légitimité électorale pour entamer son nouveau quinquennat et la situation politique djiboutienne semble se normaliser. Cependant, plusieurs facteurs tempèrent cette vision optimiste, nous y revenons dans les interviews suivantes: 
- Émission Cap Océan sur RFI le dimanche 10 avril : ICI 

Le régime djiboutien revendique une certaine stabilité, une « ressource » qu'il vend aux nombreux États hébergés sur son territoire (France, États-Unis, Union européenne, Italie, Japon, et bientôt la Chine et l’Arabie Saoudite). Ce discours sur l’ordre et la stabilité dans une région conflictuelle lui permet de faire diminuer la pression démocratisation des États occidentaux et des institutions internationales. Les élites djiboutiennes présentent leur pays comme un rempart contre « l’anarchie à venir ». La stabilité du régime et sa force coercitive sont particulièrement appréciés au regard des voisins dits « faillis ». Nous revenons également sur cette analyse ci-dessous : 

- Émission Appels sur l'actualité sur RFI, le jeudi 21 avril. Nous répondons à deux questions : 
Quel est l'intérêt de la Chine de s'installer militairement dans cette région de l'Afrique ? et Comment l'apparition de la Chine à Djibouti est-elle perçue par la France ? Les Etats-Unis ? L'émission est à réécouter ICI  
 Sur la présence chinoise on lira également : 
- Émission Les enjeux internationaux sur France Culture le 8 avril sur le rôle de Djibouti dans la Corne de l'Afrique : ICI 
 



dimanche 4 janvier 2015

Agenda 2015 : les dates à ne pas manquer

 JANVIER :
17 janvier : Ouverture de la 30ème Coupe d’Afrique des Nations en Guinée équatoriale
20 janvier : Présidentielle en Zambie
21 janvier : Forum économique mondial à Davos
30-31 janvier : 24ème sommet de l'Union africaine sur le thème "Année de l'autonomisation des femmes et Développement de l'Afrique pour la concrétisation de l'Agenda 2063"
FEVRIER :
14 février : présidentielle et législatives au Nigeria
28 février : Etat et gouvernorat au Nigéria
Législatives au Tchad
MARS :
24 mars : Scrutins au niveau local, municipal et communal au Bénin
Présidentielle au Togo
AVRIL :
2 avril : Présidentielle et législatives au Soudan
26 avril : Législatives au Bénin
MAI :
Législatives en Ethiopie (régime parlementaire)
JUIN :
Présidentielle au Burundi
Présidentielle en RCA ?
JUILLET :
7 juillet : Procès pour crimes contre l’humanité de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo devant la CPI
8 juillet : En Russie sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud),
Législatives au Burundi
SEPTEMBRE :
Le bilan des objectifs du millénaire et à New York un sommet spécial sur le développement durable où doivent être définis une nouvelle série d'objectifs pour l'après 2015
OCTOBRE : 
Présidentielle en Côte d’Ivoire
Présidentielle et législatives en Tanzanie
NOVEMBRE :
15  novembre : Sommet du G20 en Turquie
30 novembre : La France préside la 21e Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21)
Présidentielle en Guinée Conakry
Présidentielle au Burkina Faso
DECEMBRE :
Forum pour la Paix et la Sécurité en Afrique à Dakar

DATES NON FIXEES :
RDC : des élections locales, municipales et provinciales en 2015
Présidentielle à Maurice

lundi 28 avril 2014

Guinée Bissau : vers un retour à la légalité constitutionnelle ?

750 000 électeurs étaient appelés aux urnes le 13 avril 2014, pour le premier tour de la présidentielle et pour les législatives Bissau-Guinéennes, cette ex-colonie portugaise de 1,6 million d'habitants. 13 candidats se présentaient à la présidentielle et 15 partis aux législatives. Ces élections auraient dû se tenir un an après le dernier putsch du 12 avril 2012, qui avait renversé le régime du Premier ministre Carlos Gomes Junior et interrompu les élections générales, mais elles ont été reportées à plusieurs reprises. Jeune Afrique tire d’ailleurs ce constat : « en vingt ans de multipartisme, aucun Premier ministre ni aucun président n'est allé au terme de son mandat ». 
Le second tour se tiendra le 18 mai 2014 et il verra s’affronter deux candidats. L’ancien mouvement de libération, le Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), et son candidat, José Mario Vaz, arrive sans surprise au second tour de la présidentielle et il obtient 55 des 102 sièges à l'Assemblée nationale populaire, soit la majorité absolu. La surprise est créée par Nuno Gomes Nabiam (25,1 %), candidat indépendant et directeur de l'aviation civile. Ce dernier bénéficie du soutien de l’armée, notamment d'Antonio Indjai, le chef d'état-major, et des Balantes (la principale ethnie du pays).
Ci-dessus répartition ethnique en Guinée-Bissau
Ci-dessus répartition des votes lors du premier tour des présidentielles

Ces élections ont rencontré peu d’échos en France. Pourtant, les enjeux dépassent les frontières de l’Etat ouest africain et la pression internationale a été déterminante dans la tenue de ces élections. Le 19 avril le Washington Post consacrait d’ailleurs un article aux « multiples dimensions d’uneélection dans un petit Etat d’Afrique », nous reprenons, en partie, ici les conclusions :
D’une part, les bailleurs internationaux ont largement financé ces élections. Selon un rapport de l’Union Européenne : « The international community financed the entire electoral process with one-third of the contributions coming from the European Union. The elections had a cost of almost US$17  per voter, which was on the higher side of the world average and well above the African average of US$7 » (ICI coût des élections en général). De plus, il y a sur place près de 680 observateurs locaux et 400 observateurs étrangers (dont 200 de la CEDEAO et 46 de l’UE), en partie formée à l’étranger. Par ailleurs, la diaspora est appelée à voter pour les élections législatives et pour la premières fois pour les présidentielles. Ils sont 22 312 à être enregistrés et deux des 102 sièges du Parlement sont réservés aux représentants de la diaspora. Le pays était sous pression de la communauté internationale qui envisageait de nouvelles sanctions si les élections n’étaient pas tenues. L’Union africaine avait suspendue le pays après le coup d’Etat et a déjà annoncé « que dès l'annonce du vainqueur auxélections présidentielles et la prise de fonctions du nouveau Présidentconformément à la Constitution de la Guinée Bissau, le pays sera invité àreprendre sa participation aux activités de l'UA ».
José Mario Vaz (à gauche), Nuno Gomes Nabiam (à droite)


La Guinée Bissau est financièrement « au bord de la banqueroute » rappelle l’International Crisis Group qui prévient : « le vote ne réglera rien si les partenaires internationaux n’accompagnent pas la Guinée-Bissau dans la période cruciale qui suivra l’investiture du nouveau président. Ils devront le faire en améliorant encore leur coordination dans les derniers jours qui restent avant les scrutins, mais surtout pendant et après le vote. » Par ailleurs, l’armée a toujours joué un rôle politique fort dans le pays, et a contribué à entretenir le chaos institutionnel,  l’un des enjeux à venir est donc de savoir comment les responsables des forces de défense et de sécurité, pour certains mêlésau trafic de cocaïne, accepteront la transition et la remise en cause de leurs privilèges. D’autant plus que c’est le candidat arrivé second au premier tour des présidentielles qui bénéficie du soutien de l’armée. Si le PAIGC remporte les élections il devra donc agir avec discernement et trouver des compromis pour pouvoir gouverner.
Résultats officiels des élections : ICI

mercredi 22 janvier 2014

L’Afrique du Sud à l’heure des interrogations


"Nous devons nous rappeler que notre première tâche est d'éradiquer la pauvreté et d'assurer une meilleure vie à tous" disait en 2009, dans un message vidéo diffusé lors d'un meeting électoral de l'ANC, Nelson Mandela.
 
Son décès a permis de s’interroger sur le bilan de l’Afrique du Sud depuis vingt ans, alors que Jacob Zuma a lancé la campagne pour les élections générales entre avril et juillet 2014. Pour ces élections des nouveautés sont à noter : les Sud-Africains vivant à l’étranger pourront participer au scrutin (en 2009, seuls ceux inscrits sur une liste électorale en Afrique du Sud pouvaient voter), mais surtout ces élections seront les premières de la génération « born free »
L’enjeu n’est pas de savoir si l’ANC remportera les élections, cela fait peu de doute. Néanmoins, l’Afrique du Sud vit la fin du consensus nationaliste qui servait d’assise au parti historique. L’ANC lutte contre lui-même et contre le temps. Aussi le score de l’opposition sera à surveiller notamment dans la capitale Pretoria et la province de Gautang où ses chances de succès sont réelles.

De plus, en 2012, lorsque Jacob Zuma briguait la tête de l’ANC, il promettait des réformes profondes. La principale d’entre elle est la réforme foncière. La redistribution des terres et des bénéfices miniers sont des enjeux majeurs pour l’avenir économique du pays, et cette question a eu un écho considérable auprès de l’électorat populaire du parti. De fait, les personnalités populistes ont su se distinguer ces dernières années en se présentant comme une alternative au pouvoir actuel. Si Jacob Zuma lance ces réformes il risque de se heurter violemment avec la communauté afrikaner mais si les réformes réalisées sont trop modérées, alors qu’un tiers de la population vit avec moins de deux dollars par jour, il risque aussi de se couper de l’aile gauche de son parti et sera confronté à une vive contestation sociale. Bien sur, dans tous les scenarii, pour des raisons historiques et sociales, un scenario à la zimbabwéenne est très très peu probable. Autant de défis à relever alors que le modèle sud africain semble se gripper.

Pour une analyse plus poussée du déclin de l’ANC : ICI et ICI

mardi 31 décembre 2013

Agenda politique international 2014

Nous partageons avec vous ici les grands événements qui devraient marquer la vie politique internationale pour l’année 2014 (non exhaustif bien sûr).



Janvier 2014
-        La Grèce prend la présidence tournante de l'Union européenne et succède à la Lituanie.
-        La Russie prend la présidence tournante du G8.
-        La Lettonie adopte la monnaie unique européenne.
-        Mayotte entrera dans l'Union européenne en tant que neuvième région ultrapériphérique, mais restera hors de l'espace Schengen

Février
-        7 février : ouverture des XXIIe Jeux olympiques d'hiver à Sotchi en Russie (jusqu'au 23 février)

Mars
-        23-30 mars Elections municipales en France
-        RDC : élections "provinciales, urbaines, municipales et locales"
-        Turquie : élections locales (régionales, provinciales et communales)

Avril
-        Afrique du Sud : élections générales (présidentielles et législatives)
-        Algérie : présidentielles
-        Afghanistan : présidentielles
-        30 avril : législatives en Irak

Mai
-        25 mai Union européenne : élections parlementaires
-        31 mai Elections générales en Inde
-        25 mai Belgique : Élections législatives

Juin
-        Coupe du monde de la FIFA 2014 au Brésil
-        4-5 juin G8 à Sotchi
-        6 juin 70ème anniversaire du débarquement allié en Normandie

Juillet
-        L’Italie prend la présidence tournante de l’UE
-        Indonésie : présidentielles

Août
-        Centenaire du début de la première guerre mondiale (4 août)
-        Turquie Présidentielles

Septembre
-        4-5 septembre : Sommet de l’OTAN au Royaume-Uni sur la fin des opérations en Afghanistan  
-        18 septembre : Référendum sur l'indépendance de l'Écosse.
-        Elections sénatoriales en France

Octobre
-        États-Unis : élections sénatoriales et des représentants
-        Bolivie Présidentielles


Novembre
-        14 et 15 novembre / sommet du G20 à Brisbane, en Australie
-        XVe Sommet de la Francophonie à Dakar

Dates non fixées :
-        Syrie Présidentielles ( ?)
-        6ème sommets des BRICS au Brésil (mars-avril ?)
-       Nombreuses élections présidentielles en Amérique centrale et latine (Bolivie, Uruguay, Salvador, Colombie, Panama, Brésil)
-        Nigéria : élections générales
-        Centrafrique législatives (selon accord du 11 janvier 2013)





mercredi 6 mars 2013

Elections aux Kenya : le pays peut-il revivre les violences post-électorales de 2007 ?


Ce billet bénéficie d'une publication en parallèle sur Huffington Post.

"Je vous encourage à aller voter et aider à décider de l'avenir de notre Nation. Je vous demande également ardemment à tous de voter pacifiquement. (…) Montrons clairement au monde que notre démocratie a atteint sa maturité (…) A ceux qui ne gagneront pas: votre pays a encore besoin de vous. Il y a de nombreux autres rôles que vous pouvez jouer dans nos efforts de développement" déclarait vendredi dernier le président sortant Kibaki.

Le ton est donné. Les élections qui se sont déroulées hier, lundi 4 mars, sont certainement les plus importantes et les plus complexes depuis que le pays a renoué avec le multipartisme il y a de ça deux décennies. 14.3 millions d’électeurs kenyans se sont ainsi rendus aux urnes pour élire députés, sénateurs, gouverneurs de « counties » (départements), représentants locaux mais aussi le Président. Six scrutins au total dans la même journée, une nouveauté mais aussi un défi technique afin d’accueillir tous les votants et dépouiller tous leurs votes. L’élection des gouverneurs, notamment à cause de l’élargissement par la constitution de  2010 dans le cadre du processus de décentralisation de leurs pouvoirs financiers, pourrait donner lieu à des débats agités, mais seule l’élection du président qui devrait nécessiter un second tour, est autant scrutée.



Quels sont les enjeux liés à ces élections ?

Si ces élections se déroulent dans un climat serein et elles seront perçues comme  justes et transparentes, et feront entrer le Kenya dans une nouvelle ère. La Constitution adoptée en 2010 entrera pleinement en vigueur, faisant du pays une démocratie. A l’inverse, si ces élections sont perçues comme illégitimes, elles pourraient plonger le pays dans une nouvelle vague de violence et ainsi faire reculer la démocratie. Les capacités économiques de la première puissance économique d’Afrique de l’Est pourraient en être affectées. Les pays voisins en subiront sans doute l’impact : la Somalie, d’une part, où le Kenya est engagé dans le cadre de la lutte contre le terrorisme mais aussi les efforts de pacification du conflit Soudan/Soudan du Sud, d’autre part seraient touchés. En effet, le pays joue un rôle majeur dans les différents processus de paix engagés au sein de la Corne de l’Afrique. C'est à Nairobi qu'a été signé en janvier 2005 l'accord de paix entre Khartoum et les rebelles du sud Soudan. C'est également au Kenya que s’est réfugié en 2004 le Gouvernement Fédéral de Transition somalien. La dynamique de l’East African Community (EAC) dont fait partie le pays aux côtés de l’Ouganda, la Tanzanie, le Rwanda et le Burundi serait également gravement touchée.

23. 000 observateurs, dont 2. 600 observateurs internationaux ont été déployés dans le pays.  Le processus électoral kenyan est ainsi scruté de près par la communauté internationale qui garde en mémoire les violences qui avaient entachées les précédentes élections. En effet, en 2007, l’annonce de la victoire du président sortant Mwai Kibaki contre Raila Odinga avait provoqué des tueries ethniques dont le bilan s’élèverait à 1 162 morts et 350 000 déplacés dans plus d’une centaine de camps[1]. La crise avait été réglée par la voie diplomatique et juridique. L’ancien Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, mandaté par l’Union africaine, avait réussi sa médiation en proposant la constitutionnalisation du poste de Premier Ministre. Les deux leaders avaient accepté le partage du pouvoir ainsi que la rédaction d’une nouvelle constitution afin de préserver le pays de ses dérives.



Pourtant, en décembre 2002, une élection régulière avait fait entrer le Kenya dans une nouvelle ère, véritable espace démocratique où la liberté de parole est la règle et la presse parfaitement libre. En effet, après l'instauration du multipartisme en 1991, le président Moi a pu se maintenir au pouvoir jusqu'en 2002. L'arrivée au pouvoir de la coalition NARC rassemblant autour de Mwai Kibaki les opposants de longue date, les déçus de l'ancien parti unique KANU, et les ralliés de dernière minute, tel Raila Odinga offraient le symbole de l’ouverture du pays. L'arrivée d’un nouveau président, en rompant avec près de 40 ans de pouvoir sans partage de la KANU, avait changé radicalement le jeu politique. Le Kenya démontrait alors son aptitude démocratique, respectueux des libertés fondamentales et lançait une série de grandes réformes. Mais le pouvoir, confronté à la corruption et aux divisions, s’est considérablement affaibli. Avant les élections de 2007, le paysage politique kenyan était en pleine recomposition autour de deux pôles : la NARC, victorieuse en 2002, explosait alors que la KANU ne parvenait pas à se reconstruire de manière cohérente. Le Kenya avait raté son virage démocratique.

L’histoire peut-elle se répéter ?

Les Kenyans semblent avoir pris les dispositions institutionnelles afin d’éviter de revivre les violences de 2007-2008 : la Constitution a été réécrite, une nouvelle Cour suprême et une commission électorale ont été créées, une loi contre les discours de haine adoptée. La Commission électorale nationale a un rôle fort à jouer dans la légitimation des résultats. Elle a d’ailleurs promis de donner les résultats dans les 48 heures et ainsi éviter le long délai d’attente de 2007. L’émergence d’une classe moyenne et d’une bourgeoisie est également un élément nouveau. Une crise politique les pénaliserait sans doute, et ce groupe a tout intérêt à vouloir préserver la paix. Symboliquement deux hommes politiques dont les ethnies s’étaient affrontées en 2007 ont décidé de s’allier dans la course à la présidence : Uhuru Kenyatta, fils du premier président du pays, et William Ruto, le leader de la communauté des Kalenjin (la troisième plus importante du pays). Un geste d’autant plus fort que les deux hommes sont sous le coup d’une inculpation par la Cour pénale internationale pour crime contre l’humanité lors des violences post-électorales de 2007.



Néanmoins, ce qui a causé les précédentes violences n’a pas changé. En commençant par les leaders politiques qui sont les mêmes. Pour ces élections, le Premier ministre Raila Odinga (un Luo à la tête de l’Orange Democratic Movement) et le vice-Premier ministre Uhuru Kenyatta (un Kikuyu, chef du National Alliance party), sont les deux principaux candidats du scrutin (Mwai Kibaki a déjà effectué deux mandats et ne pouvait se représenter) sur huit au total. La bipolarisation de la campagne sur des bases ethniques fait craindre une nouvelle instrumentalisation du fait ethnique par la classe politique. Or ce facteur ethnique est très présent dans la vie politique et économique kenyane. Régulièrement des tensions apparaissent autour de l’occupation de la terre par exemple. Des conflits attisés par des calculs politiques à courte vue. Les Bantous représentent le groupe le plus important, auquel appartiennent les Kikuyus, ethnie qui a marqué l'histoire de l'émancipation du Kenya et qui a tenu les rênes du pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1963. Mwai Kibaki, l’actuel président est un Kikuyu comme Jomo Kenyatta le premier président du pays en 1964 et son fils actuellement candidat.

Tout comme en 2007, la campagne électorale s’est déroulée sans heurt majeur. La Commission kenyane des droits de l’homme a tout de même relevé le retour de « discours de haine », les leaders politiques sont les mêmes et certaines de leurs déclarations inquiètent. Ainsi Raila Odinga a-t-il déjà annoncé qu’en cas de défaite, il dénoncerait les fraudes et les manipulations. C’est lui qui en 2007 avait été battu par le président sortant Mwai Kibaki aux élections présidentielles du 27 décembre à la suite de fraude, alors, qu’aux législatives qui avaient eu lieu le même jour, son parti l’emportait devant la coalition présidentielle. De plus, l’inculpation de Uhuru Kenyatta, et de son colistier l’ex-ministre William Ruto, par la CPI pourraient également leur donner envie d’être vainqueur à l’encontre des résultats. Bien que s’il est élu aux plus hautes fonctions, Uhuru Kenyatta devrait comparaitre devant la Cour en avril prochain, au moment où devrait se dérouler le second tour de l’élection. Son statut de Président ou futur président pourrait ainsi lui permettre d’adopter la même attitude que le président soudanais Omar El Béchir qui lui a choisi d’ignorer la CPI. De fait il pourrait devenir le deuxième président du continent poursuivis par la Cour. Cette perspective inquiète les partenaires occidentaux de ce pays qui préférerait voir Raila Odinga triompher. Cette inculpation est donc un enjeu de plus dans ces élections, à la portée internationale. Kenyatta s’est d’ailleurs servi de ces accusations afin de manipuler les communautés ethniques qui le soutiennent en se positionnant comme une victime. Sera-t-il jugé dans les urnes ? Gardons en mémoire qu’un scrutin dans lequel un candidat n'a rien à perdre peut virer à la guerre civile…




[1] Kenya National Commission on Human Rights (KNCHR), On the Brink of the Precipice : a Human Rights Account of Kenya’s post 2007 Election Violence, Nairobi, août 2008, 156 p.