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samedi 27 avril 2013

Regards croisés sur certaines violences africaines (Ouganda)

L'émission Histoire Vivante présentée par Jean Leclerc a consacré sa semaine à l'Ouganda dans la perspective du documentaire "Les enfants du Seigneurs" dimanche 28 avril. 



Dans ce cadre, l'auteure de ce blog a eu l'honneur d'être interviewée par Jean Leclerc (ICI).Vous retrouverez également Sandrine Perrot et Richard Banégas, Thierry Vircoulon, Johan Vignet et la réalisatrice du documentaire. Toutes les interviews : ICI

mercredi 19 octobre 2011

Ouganda, leçon n°1 : se rendre indispensable

Hier, F. de St V, publiait un billet (site d'AGS) sur la mission militaire américaine en Ouganda de conseil pour lutter contre la LRA (ICI et ICI)




Quelques éléments d'analyse :
Pour comprendre la politique américaine à l'égard de l'Ouganda, il semble indispensable d'étudier la politique ougandaise un peu plus à l'Est (dans les Grands Lacs de toute évidence également, nous l'avons déjà évoqué sur ce blog). Aujourd'hui, l'Ouganda "occupe" ses soldats en Somalie, plus de 5000 hommes déployés dans le cadre de l'AMISOM. Néanmoins, 15 octobre 2010 le CPS de l’UA appelait à un renforcement des troupes: 20000 hommes pour la composante militaire, 1680 éléments de police, un blocus naval et une zone d’interdiction aérienne au-dessus de la Somalie. L’UA voulait également financer la mission au moyen des contributions obligatoires, qui seraient mises à disposition de la mission à l’intérieur et à l’extérieur de la Somalie. Mais la résolution 1964 de décembre 2010 a autorisé l’augmentation des troupes mais uniquement un supplément de 4000 troupes (soit 12000 au total) que l'Ouganda va aussi largement fournir, elle était d'ailleurs prête à fournir les 20000 hommes...
Rappelons que l'Ouganda héberge également une mission européenne de formation des troupes somaliennes.

Rappelons aussi, que, déjà l’administration Clinton avait choisi de mettre en avant des nouveaux dirigeants, pas nécessairement démocratiques mais pragmatiques et garants supposés d’une certaine stabilité comme : Yoweri Museveni pour l'Ouganda, Issayas Afworki pour l'Érythrée, Mälläs Zénawi pour l'Éthiopie, Paul Kagamé pour le Rwanda et Joseph Kabila pour la République Démocratique du Congo. Désormais, les États-Unis hésitent à exercer des pressions sur les régimes autoritaires qui seraient du « bon côté ».
La communauté internationale préfère pour le moment privilégier la stabilité surtout dans cette région. Typiquement, l’Ethiopie conserve le soutien américain, malgré la sanglante répression des manifestations du 15 mai 2005, à la suite de la victoire de l’opposition aux élections législatives.


L'Ouganda fournit le gros des efforts en Somalie, les troupes de l'AMISOM paient un lourd tribu dans la guerre contre les Shebab (retrait de Mogadiscio ces dernières semaines), un nouveau front d’instabilité s'est ouvert au Nord avec la naissance du Soudan du Sud où les troupes de la LRA peuvent trouver refuge, et le pays a été victime d'un attentat terroriste revendiqué par les Shabab en juillet 2010...l'annonce américaine n'est bien sur pas un hasard du calendrier.
Bref l'Ouganda est incontournable dans la région et se veut incontournable....

dimanche 21 novembre 2010

La LRA traquée peut-elle renaitre ?

Cette semaine Le Monde Magazine consacre un excellent article à la LRA (ICI), cette rébellion ougandaise qui sévit entre l'Ouganda, la RDC, la RCA et le Soudan (nous en avions déjà parlé ICI



Le reportage est réalisé par Jonathan Littell (le prix Goncourt 2006 pour "Les Bienveillantes". L'auteur s'est rendu dans le nord est de la République Démocratique du Congo comprendre les méfaits de cette rébellion estimée à 400 combattants (dont 250 Acholis puisqu'au départ ce mouvement est un mouvement populaire d’autodéfense des populations Acholi du nord du pays, face à la prise de pouvoir de Museveni, et donc des ethnies du Sud-ouest) sur la population locale.
Il a rencontré des enfants enlevés : "Vu d'Europe ça parait loin, ces histoires d'enlèvements d'enfants, encore un des innombrables malheurs d'une guerre africaine comme il y en a tant. Mais essayer d'imaginer, de manière sérieuse, qu'on vous prenne un beau jour votre enfant. Vous l'avez laissé seul à la maison pour allez faire une course, et à votre retour il n'est plus là; il rentre de l'école, proche de quelques centaines de mètres, avec ses camarades, et n'arrive jamais. Imaginez alors la panique, l'incrédulité, les appels désespérés, les réponses résignées et fatalistes de la police, la longue attente, celle qui dure parfois jusqu'à la fin de vos jours. Imaginez ne jamais savoir si votre enfant est vivant ou mort, si vous le reverrez un jour ou non".
Et de conclure son enquête : "L'image de la LRA qui se dégage de ces informations est celle d'une nuée de groupuscule traqués aux abois : et il semble en effet qu'il suffirait, comme le pensent les Ougandais, de tuer ou de capturer Kony et quelques-uns de ses principaux lieutenants pour que le mouvement s'effondre (...) Mécaniquement on entre dans un jeu d'attrition. Chaque homme tué ou capturé est un homme de moins pour Kony".
Mais surtout Jonathant Littell ne manque de mettre en perspective cette rébellion avec les prochaines échéances électorales au Sud Soudan car Khartoum devrait difficilement accepter l'indépendance de cette riche région : "(...) personne ne sait ce qu'il planifie : une guerre frontale, ouverte ? Ou, comme par le passé, un soutien à des groupes rebelles, pour déstabiliser le Sud ? Dans les 2 cas, la LRA pourrait redevenir une pièce maitresse dans son jeu. Et comme le dit Ledio Cakaj, "Kony s'adapte vite. Il essaye de maintenir l'"acholiété" du mouvement, oui, mais si on lui donnait des armes, du soutien, de l'assistance logistique et médicale, il n'aurait aucune hésitation pour recruter une grande force non-acholi". Et redevenir la menace virulente qu'il était au début des années 2000."

jeudi 29 avril 2010

LRA: A Regional Strategy beyond Killing Kony

Dernières recommandations de l'International Crisis Group sur la LRA de Joseph Kony.

"The Lord’s Resistance Army (LRA) has become a regional problem that requires a regional solution. Operation Lightning Thunder, launched in December 2008, is the Ugandan army’s latest attempt to crush militarily the one-time northern Ugandan rebel group. It has been a failure. After the initial attack, small groups of LRA fighters dispersed in the Democratic Republic of Congo (Congo), South Sudan and the Central African Republic (CAR), where they survive by preying on civilians. National security forces are too weak to protect their own people, while the Ugandan army, with U.S. support, is focused on hunting Joseph Kony, the group’s leader. The Ugandans have eroded the LRA’s numbers and made its communications more difficult. But LRA fighters, though disorganised, remain a terrible danger to civilians in this mostly ungoverned frontier zone. National armies, the UN and civilians themselves need to pool intelligence and coordinate their efforts in new ways if they are to end the LRA once and for all.

As the Juba peace process began to fall apart, President Museveni of Uganda worked hard to convince South Sudan and the Congo to participate in a joint military operation against the LRA. He had to overcome their mistrust of his army, notorious for its past abuse of civilians and illegal resource extraction on its neighbours’ territory. The U.S. lent its diplomatic weight to advance discussions. Even though both South Sudan and the Congo finally agreed, Uganda undermined its chances of success by failing to coordinate with them, giving them little reason to commit to the fight. In the event, bad weather and leaked intelligence caused Operation Lightning Thunder to fail in its primary objective, killing Kony, and a lack of forward planning allowed the LRA to put on a bloody show of force against Congolese civilians.

The LRA has since exploited the inability of the Congo, South Sudan and the CAR to control their border areas. Small, fast-moving groups of fighters attack unprotected villages to resupply with food and clothes and seize new recruits before heading back to the cover of the forest. Killing and mutilating are part of a strategy of terror to dissuade survivors from cooperating with the Ugandan and other armies. Even with the help of U.S. satellite imagery and audio intercepts, the Ugandan army, the only force committed to the chase, has had great difficulty tracking its targets. What was supposed to be a sudden, decisive strike has become a slow and very expensive campaign of attrition across three countries. It has also yielded unacceptably high human costs among local civilians, with virtually no accountability for the failure to protect. The weakness of all three state security forces and the limited means of the UN missions in the Congo and South Sudan have left civilians no choice but to fend for themselves, which in many instances they have done well.

In March 2010, Ugandan intelligence reported that Kony was in the southern Darfur region of Sudan, hoping to receive support from his former benefactor, the Khartoum government. He appears now to have crossed back into the CAR, where the bulk of his forces are, but with the fighters so scattered and mobile, it is difficult to pin down his exact whereabouts or the LRA’s present numerical strength. However, as the Ugandan army slowly kills and captures more of his Acholi officers, Kony’s faithful core is shrinking. This threatens the LRA’s cohesion, which depends on the leadership controlling the rank and file through violence and fear. The audio intercept capability the U.S. has given the army makes communication dangerous by any means other than runner. Despite these organisational stresses, LRA fighters continue to cause appalling suffering even in survival mode and would likely continue to do so even if Kony is caught or killed.

To remove this twenty-year-old cancer, a new strategy is required that prioritises civilian protection; unity of effort among military and civilian actors within and across national boundaries; and national ownership. The LRA’s need for fresh recruits and the ability of civilians to provide the most accurate information on its activities makes protecting them both a moral imperative and a tactical necessity. Only by pooling intelligence and coordinating activities across the entire affected region can the Ugandan army, its national partners, the UN and civilians hope to rid themselves of the LRA. The Ugandan operation and UN missions, however, offer only temporary support to LRA-affected states. The latter need to put structures in place now to ensure they can cope with what is left of the organisation and its fighters when foreign militaries leave.

Moreover, even complete victory over the LRA would not guarantee an end to insecurity in northern Uganda. To do that, the Kampala government must treat the root causes of trouble in that area from which the LRA sprang, namely northern perceptions of economic and political marginalisation, and ensure the social rehabilitation of the north.

RECOMMENDATIONS

Regarding civilian protection

To the Ugandan and U.S. Governments:


1. Adopt a new strategy that prioritises civilian protection. Review the operation every four months to assess civilian casualties and increase civilian protection measures accordingly.

2. Set a clear goal and timeline for the operation, such as the neutralisation of the LRA leadership within one year.

To the Governments and Armies of Uganda, the Congo, the CAR and South Sudan, the UN Mission in Congo (MONUC) and the UN Mission in Sudan (UNMIS):


3. Deploy more soldiers and logistical support to LRA-affected areas to provide safe havens by increasing joint day and night patrols in villages, on frequently used routes and especially in larger settlements.

4. Work with civilians to set up unarmed and voluntary community security committees in the Congo and increase the capacity of self-defence groups in South Sudan and the CAR.

5. Rehabilitate roads in LRA-affected areas.

6. MONUC and UNMIS should deploy permanent joint protection teams to monitor human rights abuses committed in LRA-affected areas, and the Congolese government should urgently enforce discipline within the regiments deployed in Haut- and Bas-Uélé, encourage civilian oversight structures to monitor human rights abuses by its soldiers and punish and withdraw offenders from the field.

Regarding unity of effort among military and civilian actors within and across national boundaries

To the U.S. Government:

7. Deploy a team to the theatre of operations to run an intelligence platform that centralises all operational information from the Ugandan and other armies, as well as the UN and civilian networks, and provides analysis to the Ugandans to better target military operations.

To MONUC and UNMIS:

8. Create a regional team with members in both the Congo and South Sudan dedicated to gathering, analysing and sharing information on LRA activities and advising on how best to protect civilians.

To the UN Security Council:


9. Give the UN mission in the CAR and Chad (MINURCAT) a new mandate to remain in the CAR, deploy to the south east and join the MONUC/UNMIS regional team dedicated to gathering, analysing and sharing information on LRA activities and advising on how best to protect civilians.

10. Ensure that the planned and gradual drawdown of MONUC leaves sufficient forces in the LRA-affected areas in the Congo.

Regarding national ownership

To the Ugandan Army, MONUC, UNMIS and MINURCAT:

11. Work more closely with the Congolese, South Sudan (SPLA) and CAR armies through joint patrols and offensive operations, in full compliance with the UN’s conditionality policy on support to national armies, and by sharing information so they gain a full understanding of the operation and improve their counter-insurgency tactics.

To the Governments of the Congo, South Sudan (GoSS), and the CAR:

12. Instruct local authorities, police and the security forces to work with communities in the support of self-defence groups; local administrators should register all members, agree in writing on their specific tasks, plan and monitor group activities carefully.

Regarding the root causes of the problem in northern Uganda

To the Ugandan Government:

13. Bring closure to the LRA conflict and minimise the risk of a successor insurgency by implementing the provisions of the agreements negotiated but not finally signed in Juba which relate to reconstructing the north, bringing the worst perpetrators to justice and reconciling civilians with former fighters.

To Donors:

14. Finance a disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) program for LRA combatants and a regional communication campaign and support humanitarian relief and long-term development programs implemented in an accountable and transparent manner in northern Uganda."

jeudi 8 avril 2010

Après Amin Dada, l’Armée de Résistance du Seigneur sème la terreur


La LRA (Lord Resistance Army), la plus vieille rébellion du continent africain, fait tragiquement reparler d’elle par des attaques répétées depuis février dans les pays voisins de l’Ouganda. Ces attaques auraient fait plus de 200 morts depuis 2008 dans l’Est de la République Centrafricaine (RCA) et près de 300 morts (320 selon un récent rapport de l’organisation Human Rights Watch) fin 2009 dans le Nord Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Le mode opératoire est toujours le même : les combattants évoluent dans la zone frontalière reliant l’Ouganda, le Soudan, la RDC et la Centrafrique, et de villages en villages prennent des otages et des biens de valeurs. Pour le ministre Délégué à la Défense nationale centrafricaine : « C'est une guerre qui nous est imposée ». La RCA, incapable de faire face à cette nouvelle déstabilisation sur son territoire, a donné son feu vert en juin 2009 pour que l'armée ougandaise poursuive la LRA sur son territoire.

Origines de la rébellion
La LRA est active depuis l’arrivée au pouvoir de Museveni en 1988, après une période de guerres civiles et de coups d’Etats opposant les ethnies du nord et celle du sud (Obote, Amin Dada…), elle figure sur la liste américaine des groupes terroristes à combattre. Cette guerre est la plus ancienne de la région et entrave les perspectives d’avenir.
Au départ, ce mouvement est un mouvement populaire d’autodéfense des populations Acholi du nord du pays (carte ci-dessous), face à la prise de pouvoir de Museveni, et donc des ethnies du Sud-ouest. Son objectif est de remplacer le pouvoir de Museveni par un pouvoir basé sur la bible. L’Ouganda a été marqué par le clivage entre protestants et catholiques. L’une des particularités du pays est d’avoir été construit par le colonisateur britannique sur la base de la juxtaposition au sein d’un même territoire de l’aire géographique nilotique et soudanaise face à l’aire Bantou. Bien qu’associées, ces deux parties ont été maintenues dissociées au niveau géographique, politique et administratif jusqu’à l’indépendance du pays. Comme le rappelle Bernard Calas : « L’Ouganda est le produit d’une histoire particulière qui va transformer un blanc cartographique en un territoire limité et soumis à une même tutelle politico-administrative. Son devenir contemporain y trouve ses racines ». Le problème récurrent est donc de maintenir l’unité entre ces deux parties régionales qui luttent pour le pouvoir. Le territoire actuel était au départ composé de plusieurs royaumes et le pays tel qu’il est aujourd’hui a été construit par ajustements successifs.
La LRA s’est formée à partir du mouvement millénariste d’Alice Auma, le Holy Spirit Movement (HSM). La prêtresse se disait possédée « par l’esprit Lakwena (=messager) qui lui ordonne de constituer [des] forces armées [...] pour renverser le gouvernement » ainsi que pour « purger le monde du pêché et construire un monde nouveau où seront réconciliés l’homme et la nature» (Behrend). Pour Brett la répression exercée par la NRA ((National Resistance Army, branche armée du mouvement de Museveni) sur les populations Acholis crée une transition au sein du HSM, d’une dynamique d’expiation de la culpabilité vers une dynamique de rébellion. Le sociologue Behrend explique la multiplication des conflits dans la région et les discours sur la sorcellerie ont produit un phénomène de « moral panic », « dans [un] contexte de terreur générale et de menace intérieure et extérieure à la communauté » et le HSM proposait des solutions morales. La prêtresse prend ensuite le nom d’Alice Lakwena. Le HSM prêche un syncrétisme mêlant christianisme, islam et religions traditionnelles. Les combattants acceptaient de se soumettre à un rituel de purification où ils étaient aspergés d’une eau leur assurant la protection des esprits même contre les balles !
A l’origine l’armée, comptant près de 10 000 combattants (beaucoup d’anciens militaires attirés par le repentir et parce qu’ils craignaient de connaître la marginalisation politique et la discrimination), rencontre de nombreux succès et entame une marche vers la capitale. Elle est défaite à 60km de Kampala en 1987 et Alice Lakwena s’exile au Kenya. Les troupes rejoignent plusieurs mouvements qui succèdent aux HSM dont celui de Joseph Kony (photo). Ce dernier emprunte la plupart des idées, du discours et des méthodes du HSM cependant la LRA est moins messianiste. Dans les mouvements de rébellion le chef possède un rôle très important dans la motivation des troupes. Ce type de conflit repose en effet sur la figure charismatique d’un homme (ou d’une femme) et de sa capacité à accomplir la mission qu’il s’est fixé.
Au départ les Acholi étaient conciliants et offraient des denrées et des hommes aux rebelles pour les soutenir. En effet, l’une des premières phases d’un mouvement de guérilla consiste à gagner l’appui des masses. Cette mobilisation a pour but de déboucher sur la constitution d’une infrastructure politique clandestine et sur la popularisation du projet. Cette stratégie présuppose que l’État est impopulaire ce qui était le cas dans cette région. Les paysans nilotiques du Nord se sentaient exclus d’un développement qu’ils ne voyaient que de loin.
Dans les années 1990, l’armée gouvernementale a forcé les Acholi, (environ 2,5 millions de personnes), à se rassembler dans des camps de déplacés. Cette politique a eu l’effet recherché puisque, coupés de leurs sources de recrutement et de ravitaillement, les rebelles se sont mis à piller les villages et à kidnapper les jeunes enfants engagés de force dans ce combat. En outre, sur le plan militaire, la guérilla cherchait à disperser au maximum les forces armées. Jusqu’en 1992, le mouvement dispose de capacités militaires réduites. Sans soutien extérieur, il se contente d’effectuer des opérations de brigandage à petite échelle et des actions criminelles. Entre 1992 et 1994, la LRA est la cible d’une offensive d’envergure menée par l’armée gouvernementale.
Le plus important, en dehors du soutien de la population, consistait à organiser des bases où la guérilla pouvait connaître une relative sécurité. Ces bases étaient vitales. La LRA a donc trouvé du soutien auprès du régime islamique de Khartoum, alors soucieux de limiter l'aide militaire apportée par l’Ouganda, avec le soutien de la Grande-Bretagne et des États-Unis, à l’Armée de libération populaire du Sud-Soudan (SPLA) du chrétien John Garang. En 1994, les forces soudanaises arrivent près de la frontière. Dès lors la guérilla bénéficie d’un important soutien notamment par la livraison de matériel et la mise à disposition de bases arrière. La LRA dispose alors d’environ 4000 hommes. La NRA n’est pas en mesure de réagir aux pillages des villages. La seule solution adoptée est de soutenir la SPLA dans le Sud du Soudan. Le conflit interne devient régional. La NRA pénètre sur le territoire soudanais pour détruire les bases arrière de la guérilla. C’est une véritable stratégie croisée qui s’organise et s’autoalimente, chaque guérilla (LRA et SPLA) bénéficiant de bases arrière et de soutien dans le pays voisin.
La LRA perd un peu de son soutien populaire en 1999 lorsque les autorités de Kampala développent une nouvelle politique qui favorise le rapprochement entre les autorités locales et les populations. Dès lors on ne peut plus parler de guérilla mais de rébellion.

Un conflit dans l’impasse
Qualifiée de « crise humanitaire la plus négligée du monde » par l’ancien secrétaire général adjoint des Nations unies en charge des Affaires humanitaires, Jan Egeland, la guerre civile ougandaise a provoqué des dizaines de milliers de morts (100 000) et environ 2 millions de déplacés dans le Nord de l’Ouganda et le sud du Soudan depuis 1986. Les membres de ce mouvement sont accusés de massacres, de viols, d'attaques de la population civile et autres violations des droits de l'homme. Ses effectifs seraient aujourd’hui constitués à plus de 80% d’enfants soldats. Plus de 25.000 enfants ont été enlevés par la LRA depuis 1986 dont 30 % de filles et sont utilisés comme soldats, porteurs et esclaves sexuels. Ils sont souvent mutilés par les rebelles.
Aujourd’hui, le conflit avec la LRA est dans l’impasse. Aussi bien les tentatives politiques de résolution du conflit que la solution militaire ont échoué. La population Acholi, qui vit dans des camps de déplacés, continue à être victime des rebelles et de l’abandon du gouvernement. La survie de la rébellion passe nécessairement par un bon renseignement sur l’adversaire or il arrive souvent par l’infiltration dans l’armée et surtout des sympathisants locaux. Pour Gérard Prunier si cette rébellion perdurent c’est aussi parce qu’elle sert « les appétits d’une classe d’officiers souvent corrompus, auxquels la guerre permet d’entretenir un flou ».
La Cour Pénale Internationale a émis des mandats d’arrêts en septembre 2005 qui visent les 5 hauts responsables de la LRA dont Joseph Kony et son adjoint, Vincent Otti. L’intervention de la CPI suscite une vive controverse dans le pays. Ces inculpations constitueraient un frein au processus de paix entamé en juillet 2006 entre les rebelles et le gouvernement. D’autant que cette cour pourrait aussi s’intéresser aux exactions commises par l’armée ougandaise.

Sources :
BALENCIE (J.M.), de LA GRANGE (A.), «Mondes rebelles : Guérillas, milices, groupes terroristes », Paris, 2001, Michalon
BEHREND (H.), « War in Nothern Uganda-The Holy Spirit Movements of Alice Lakwena, Severino Lukoya and Joseph Kony (1986-97), in CLAPHAM (C.), “African Guerillas”, 1998.
BRETT (E.A.), “Neutralising the Use of force in Uganda: The role of the military in Politics”, in The Journal Modern African Studies, 1995
CALAS (Bernard), PRUNIER (Gérard), « L’Ouganda contemporain », Paris, 1994, Khartala, 303 p.
CHALIAND (Gérard), « Terrorismes et guérillas », Paris, 1988, Complexe, 177 p.
ESSOUNGOU (André-Michel), « Chantage à la paix en Ouganda », in Le Monde diplomatique, avril 2007.
JOES (James), « Modern Guerrilla Insurgency », Preager, 1993.
PRUNIER (Gérard), « Forces et faiblesses du modèle ougandais », in Le Monde diplomatique, 1998
RENO (W.), « Warlord Politics and African States”, 1998.
TABER (Robert), “War of the flea the classic study of guerrilla warfare”, Potomac book, Dulles 2002, p.170
TAWA (Habib), « La Prusse de l’Afrique », in Le Nouvel Afrique Asie, n°6, mai 2006, pp. 42 à 45.