Ce titre pourrait être l’un des préceptes du pirate contemporain, ici du pirate Somalien. Ces pirates vivent dans un pays en marge du système international mais, paradoxalement, ils sont très bien intégrés à ce système.
En effet, les progrès technologiques multiplient les performances de ces agresseurs et facilitent une nouvelle forme de criminalité transnationale.
Pour l’historien Philippe Gosse elle « est un crime de nature vraiment particulière et qui demande à ses adeptes autre chose que de l’audace, de l’astuce ou de l’habileté dans le maniement des armes ». Et force est de constater que la piraterie contemporaine use de tous les moyens modernes mis à sa disposition. Ainsi elle emprunte le véhicule d’internet et les réseaux satellitaires pour communiquer et s’informer de la position des navires ou se procurer argent et équipements.
En l’absence de gouvernement central, de banque ou d’opérateur national de télécommunication, comment s’organise le lien entre les pirates et le reste du monde ?
Le poids et l’influence d’une diaspora mondiale
Selon un récent dicton les Somaliens sont: « une nation d’immigrants qui dépend des autres immigrants ». Les pirates bénéficieraient d’un réseau d’informateurs répartis un peu partout dans le monde et principalement en Amérique du Nord où la diaspora est nombreuse : plus de 200 000 Somaliens vivraient au Canada et entre un et trois millions hors de la Somalie. Elle leur apporterait des fonds, de l’équipement et des informations, en échange d’une part du butin des rançons. Ce système d’aide en réseau n’est pas nouveau les Hawala (Xawaala en Somali) sont des structures de transfert d’argent de la diaspora basée sur la confiance.
L’argent qui circule par ce biais serait estimé à environ 300 millions de dollars US par an. Bien sûr et heureusement il ne sert pas qu’à financer la piraterie. D’autant que si les interventions étrangères dans la lutte contre la piraterie, comme l’opération Atalante, sont mal perçues de la population (elles protégeraient les bateaux accusés de piller les richesses halieutiques de Somalie illégalement) les pirates ne sont pas plus populaires, ils s’opposent à la tradition somalienne et aux croyances religieuses locales.
Des soupçons pèsent aussi sur des transferts d’argent vers des banques de Dubaï ou d’autres pays du Golfe et même vers le sous continent indien. Dès lors la surveillance des transactions financières des « syndicats de piraterie » est une piste à creuser dans la lutte anti-piraterie.
Un gouvernement bienveillant
La Somalie n’a pas de pouvoir central mais les pirates se trouvent au Puntland, la région autonome au centre du pays et quatre réseaux de pirates se partagent les 1300 km de côte Puntlandaise. Dans cette région il existe un gouvernement et l’ancien président le Général Mohamed Muse Hersi, en poste de janvier 2005 à janvier 2009 (en plein essor de la piraterie dans la région…) serait l’un des « parrains » du réseau canadien de soutien des pirates. Le nouveau président vient également de l’étranger. Directeur de Banque, sous le régime de Siad Barre, M. Faroole est revenu d’Australie où il a vécu pendant treize ans. Sa réputation fait l’unanimité contre lui, il aurait acheté son élection et aurait pour principal intérêt de vouloir faire fructifier son capital et enrichir son entourage. De fait le gouvernement Puntlandais est impuissant face aux pirates et aux trafics à la fois par incapacité matérielle, manque de volonté et corruption.
Un secteur des télécommunications en plein essor
Les télécoms sont le seul secteur à s’être considérablement développé pendant la guerre civile des années 1990 et cela malgré l’absence d’Etat (UNPD, 1998). Au départ la croissance des télécom et notamment des téléphones satellitaires facilitait le transfert des rémittences de l’étranger. Le principal maitre d’œuvre de cette expansion : Al Barakat Global Telecomunication, considéré après 2001 comme terroriste par le Département du Trésor américain mais qui offrait un service internet, fax, et téléphone sous contrat de joint-venture à la firme américaine AT&T et British Telecom. On a pu même parler jusqu’en 2001, année de fermeture d’Al Barakat, de « révolution des télécoms » dans un pays pourtant définit comme un « Etat failli » depuis
Et c’est bien par les TIC que la Somalie entre dans le système international (voir cartes). Le nombre de téléphones cellulaires y est plus élevé que chez ses voisins djiboutiens, érythréens et éthiopiens. Les utilisateurs d’internet y sont plus nombreux quand Ethiopie et aussi nombreux qu’à Djibouti (pour 1000 habitants). Le taux de pénétration du téléphone fixe y est le plus élevé des pays côtiers d’Afrique de l’Est (à l’exception de la Tanzanie)… De fait les pirates ne sont pas nouveaux seuls leurs tactiques et leurs équipements le sont.
Jusqu’alors cette piraterie relevait principalement de la criminalité puisque les pirates recherchent essentiellement le profit. Or le rapprochement observé dernièrement avec les islamistes du Sud somalien fait entrer cette criminalité, somme toute classique et ancienne, dans un champ géopolitique très moderne. En effet, les experts des services de renseignement s'intéressent particulièrement à cette évolution, convaincus que l'élargissement du recrutement des pirates à des franges plus politisées, ainsi que l'accroissement de leurs moyens, a pu faire évoluer les motivations. « Actuellement, la DGSE et d'autres services de renseignement pensent que les choses ont changé. Au tout début, les Chebabs ont lutté contre la piraterie. On se rend compte qu'il existe aujourd'hui des clans et des sous-clans qui très vraisemblablement s'entendent avec les pirates. Une partie des rançons serait affectée à ces ententes. On n'a pas encore de preuves, mais si cela était avéré, ce pourrait être très grave... » rapporte Christian Ménard. Finalement pirates et terroristes utilisent tous deux le cyberplanning pour s’organiser, lever des fonds et coordonner des attaques.
La piraterie est bien un des visages de la mondialisation, le cyberspace et l’océan sont deux espaces de navigation maitrisée par les pirates somaliens.