jeudi 14 avril 2011

La Corne de l'Afrique : une région fracturée

La semaine dernière "les enjeux internationaux" consacrait une émission aux fractures de la Corne de l'Afrique en invitant Marc Fontrier. Vous pouvez réécouter l'émission ICI.

Résumé :"La situation de guerre civile qui prévaut dans le sud de la Somalie est aujourd'hui figée.
L'ancien leader islamiste devenu président légal, mais dont le pouvoir ne contrôle que quelques quartiers de la capitale, est toujours sous la menace des factions islamistes qui le combattent.
Cette situation a encore été aggravée par l'intervention militaire éthiopienne soutenue par les Etats-Unis.
En réalité, la Somalie reste également un théâtre d'affrontements par acteurs interposés pour les deux adversaires ancestraux que sont l'Erythrée et l'Ethiopie..."

mardi 12 avril 2011

Côte d’Ivoire : et maintenant ?

Alors que Laurent Gbagbo est tombé, que Human Rights Watch vient de publier un rapport révélant les exactions des troupes d’Alassane Ouatara (ICI), après les hostilités généralisées et les massacres à grande échelle, une page semble se tourner en Côte d’Ivoire.
Néanmoins le chemin sera encore long.
 

Le pays doit se reconstruire, économiquement bien sûr, mais surtout les Ivoiriens doivent trouver l’envie de vivre ensemble, de créer un cohésion nationale. Des dispositions devront être prises concernant le désarmement et la démobilisation, la réinsertion des militaires, la restructuration des forces de défense et de sécurité, la restauration de l’administration et des services publics… Il faudra aussi poursuivre les responsables et les auteurs de crimes graves. Bien sûr il devrait y avoir une solution pénale pour les politiques impliqués dans la crise mais surement aussi une solution réconciliatrice au niveau nationale pour résoudre les divisions au sein de la population.
Le Rwanda ou l’Afrique du Sud (South African Truth and Reconciliation Commission), l’Argentine, le Chili ont vécu ces périodes délicates de justice post conflictuelles.
Pour Stéphane Leman-Langlois : « Les commissions de vérité promettent de contourner les principaux écueils qui se dressent sur le chemin des pays nouvellement démocratiques : les demandes de justice des victimes, les appréhensions des responsables (dont certains sont toujours au pouvoir), les demandes de la communauté internationale et le fragile équilibre social qui s’est installé entre les différentes factions. » et de préciser les éléments communs à toutes ces commissions : « le premier est bien sûr que l’histoire récente du pays a été marquée par des actes auxquels on juge devoir donner une suite officielle. Le second est la fragilité perçue de l’administration de l’État. Généralement le fait d’une transition politique très récente et souvent inachevée, le gouvernement adoptant une telle institution en décide dans ce qu’on pourrait qualifier d’état de crise – même si la situation paraît tout de même relativement stable pour la population locale, qui peut, par exemple, sortir tout juste d’une guerre civile. »

lundi 11 avril 2011

Côtes somaliennes: une déchetterie radioactive ?

Les habitants d’Hobyo, l’un des principaux ports pirates au nord-est de Mogadiscio (660 km), ont repéré trois grands conteneurs échoués sur les plages (ICI). Les habitants craignent qu’ils puissent contenir des déchets industriels dangereux ou chimiques.



Il est vrai les pêcheurs ont longtemps reproché aux navires étrangers de déverser des déchets au large du pays profitant ainsi du chaos politique de l'absence de gouvernement central effectif qui garantit l’impunité de ces violations des conventions internationales. Les habitants de la côte Somalie et de la région autonomiste du Puntland accusent (principalement les Italiens) d’avoir enfoui des déchets industriels dans les fonds marins somaliens. D’autant que des fûts contenant de produits toxiques et de déchets radioactifs auraient été découverts sur le littoral à la suite du tsunami de 2004.
Selon le PNUE (ICI), les containers se vidaient sur les plages contenaient en effet des déchets industriels ou hospitaliers comprenant de l’uranium, du cadmium, du mercure et toutes sortes de produits pharmaceutiques et de substances chimiques destinées entre autres au traitement des peaux en maroquinerie.

dimanche 10 avril 2011

Le partage des eaux du Nil ou comment profiter de la crise égyptienne


La semaine dernière l'Éthiopie appelait ses citoyens à financer, par l'achat de bons de trésor ou l'octroi de dons, le Grand barrage du Millénaire qui sera construit sur la rivière Abay dans l'Etat régional de Benishangul-Gumuz (Nord-ouest) et permettra de retenir une quantité de 62 milliards de mètres cubes d'eau. Le Premier minstre éthiopien s'est voulu rassurant : "L'Egypte doit reconnaitre que la construction de ce barrage ne portera pas atteinte à son quota des eaux du Nil, mais lui sera par contre bénéfique. Aucun préjudice aux intérêts de l'Egypte ne se produira de la construction de ce barrage".



Les pays en amont du Nil n'ont pas tardé à tirer parti de la crise politique que traverse l'Égypte, florilèges :
- le 15 février l'Éthiopie octroie un contrat pour la construction de 3 barrages sur le Nil Bleu à l'Italien Salini Construttori;
- le 28 février le Burundi rejoint l'accord cadre de coopération sur le Nil. L'accord devrait ainsi pouvoir être ratifié et entré en vigueur;
-l'Ouganda devrait lancer des appels d'offres pour la construction du barrage Karuma sur le Nil Blanc;

vendredi 1 avril 2011

Les défis politiques et stratégiques du conflit en Somalie

La semaine prochaine l'IRSEM en partenariat avec l'ACSS organise un colloque sur la Somalie.



Horaires & Lieu :
mardi 5 avril 2011
8h30-17h30 - Salle de l’UEO - 43 Avenue du Président Wilson- - 75016 Paris
mercredi 6 avril 2011
9h30-12h30 – Salle de l’UEO - 43 Avenue du Président Wilson- - 75016 Paris

Programme du mardi 5 avril 2011

8h30 : Accueil des participants
9h00 : Introduction
Frédéric Charillon,directeur de l’IRSEM Ambassadeur William Bellamy, directeur de l’ACSS

9h30-12h30 : Les clans contre l’Etat ?
Discutant : Nuruddin Farah, écrivain somalien (sous réserve)

- Le lien entre les clans et l’Etat Dr Alexandra Magnolia Dias, chercheur au centre d’étude africain ISCTE
- Leçons à tirer de la construction de la paix et de l’Etat au Puntland et au Somaliland Markus Hoehne, chercheur au Max Planck Institute for Social Anthropology
- Quel Etat construire en Somalie ? Cyril Robinet, chargée de mission à la Délégation aux affaires stratégiques
12h45-14h15 : Déjeuner libre
14h30-17h30 : Regard sur les acteurs de la stabilisation locale
Discutant : Dr André Lesage, chercheur à la National Defense University

- Eléments de discussion sur le potentiel d’engagement de la diaspora en Somalie Géraldine Pinauldt, doctorante à l’Institut Français de Géopolitique de l’Université de Paris 8
- L’intégration des islamistes à la stabilisation Rashid Abdi, International Crisis Group (sous réserve)
- La force en attente de l’Afrique de l"Est : un emploi en Somalie ? Colonel Metayer, adjoint au chef du bureau Afrique-EMA (Etat-major des armées)

Programme du mercredi 6 avril 2011

9h00 : Accueil des participants
9h30-12h30 : Quels défis stratégiques régionaux pour la gestion du conflit somalien ?
Discutant : Colonel Hughes de Bazouges, Centre de doctrine d’emploi des forces
- Les défis sécuritaires régionaux : Djibouti, Kenya, Ethiopie Sonia le Gouriellec, doctorante en Scineces-politique (Université Paris Descartes) et membre des jeunes chercheurs de l’Irsem
- Le terrorisme : l’action contre les milices Al-Shebab Dr Benjamin P. Nickels, Professeur Assistant, Africa Center for Strategic Studies
- Le rapport des somalis à la mer : une approche géographique et culturelle de la piraterie somalie François Guiziou, doctorant à l’Université de Nantes

Pour vous inscrire : ICI ou inscription.irsem@defense.gouv.fr

lundi 21 mars 2011

La Libye au Darfour


« C’est un épisode peu connu : pendant plusieurs années, la Libye a occupé le Darfour avec la bénédiction du Premier ministre soudanais de l’époque, Sadiq al-Mahdi. Ce dernier avait touché des millions de dollars de Tripoli dont il s’était servi pour remporter les élections de 1986. En échange, les Libyens se sont installés au Darfour dont ils voulaient faire une base arrière pour reconquérir le Tchad et renverser le régime d’Hissène Habré. Kadhafi avait créé une

« légion islamique » composée de Soudanais, de Libyens, de Tchadiens et même de Libanais envoyés par le leader druze Walid Joumblatt, parce qu’il voulait, à l’époque, arabiser le Darfour. C’est tombé en plein milieu d’une famine qui a fait 90 000 morts et décimé les trois quarts du cheptel. Il y avait déjà des conflits pour l’exploitation des pâturages et des points d’eau entre pasteurs arabes et paysans africains. La propagande libyenne a agi comme du vinaigre sur une blessure ouverte. Il y a eu une première guerre civile qui a fait 3 000 morts et qui s’est terminée en 1989. »
Cité par Luis Martinez dans "Nouvelle Libye ?"

mercredi 16 mars 2011

Le Sud Soudan est-il tombé dans le piège de son nouveau voisin ?

Samedi dernier les représentants du Sud Soudan ont annoncé la rupture de leur relations diplomatiques et, donc des négociations, avec le Nord.


Pourtant les 2 pays (le Sud Soudan sera reconnu par la communauté internationale en juillet) sont dépendants l'un de l'autre :
- les réserves pétrolières sont au Sud mais les infrastructures de transport, raffinage et d’exportation au Nord et 98 % des revenus du Sud issus des recettes pétrolières. De plus majorité des travailleurs soudanais du secteur sont du Nord - Par ailleurs 6 millions de nomades du Nord font paitre leurs troupeaux au Sud 8 mois de l’année(d'où les conflits réguliers à la frontière notamment dans la région d'Abeyi). Et 50% du personnel enseignant au Sud sont des nordistes.

Les accords de paix de 2005 prévoyaient le referendum d'autodétermination mais aussi la délimitation de la frontière entre les Nord et le Sud. Les acteurs extérieurs qui ont largement soutenu les accords de paix (Etats-Unis, GB, Norvège...) ont fait preuve de légèreté en ne soutenant pas le processus de transition vers le referendum. Ainsi ce qui aurait du être fait en 6 ans devrait l'être en 5 mois...(précédent billet sur la question ICI)


Outre la question de la délimitation de la frontière, du partage des ressources pétrolières et du rattachement de la région d'Abeyi d'autres négociations restent en suspens avec cette rupture du dialogue :le Partage de la dette et des actifs, le partage eaux du Nil (ICI), la nationalité ( 1.5 M de sudistes vivent au Nord et de nombreux sudistes vont s’y faire soigner, étudier, travailler).Un responsable du HCR, Bilqees Esmail, a déclaré qu’« il n’y a pas encore un d’accord finalisé entre les deux gouvernements, mais il y a eu des déclarations faites par les deux parties assurant qu’ils cherchent tous deux à éviter les cas d’apatridie » et qu'il n'y a eu qu’un nombre limité de « communications officielles vers les communautés locales, de sorte que les gens continuent de prendre la décision de rester au Nord ou de partir sans avoir tous les faits »

Une actualité qui fait échos au propos de deux chercheurs (Marc Lavergne et Gerard Prunier) lors d'un café géopolitique début décembre sur la question (ICI) : "Les tribus du Nord vont traditionnellement avec leur bétail au Sud en saison sèche, et vice-versa. La fixation d’une frontière politique ne pourra pas bloquer ces mouvements et la région d’Abyei est un modèle réduit de cette zone frontalière. (...) Les négociations en cours sont difficiles, car l'indépendance du Sud va retentir sur le Nord. Les deux pays vont continuer à vivre côte à côte et devront donc trouver des moyens de coexister. L'angoisse de pogroms plane contre les nombreux sudistes ou descendants de sudistes qui vivent dans le Nord après proclamation de l'indépendance.(...)Les populations arabes ne pourront pas garder la main sur le Sud, car les élites du Sud n’entendent pas partager leurs ressources avec les arabes du Nord."

Source : mission économique, Nicolas B., Opérations de paix

mardi 15 mars 2011

Sources thème du mois AGS

Pour enrichir les réflexions d'AGS sur le thème du mois, vous trouverez ici une bibliographie et une sitographie succinctes. Cette liste est, bien sur, non exhaustive et vise plutôt à servir de base de départ. Elle attend vos ajouts et critiques dans l’espace « commentaires ».

Sitographie :
- Progression du nombre des États Membres de 1945 à nos jours ICI
- Organisation des nations et des peuples non représentés, 57 peuples et nations sont membres de cette ONG créée en 1991 ICI Liste de ces peuples et nations ICI
- Un peu daté mais à consulter pour information : la liste Movements for National, Ethnic Liberation or Regional Autonomy ICI
- A consulter absolument pour découvrir tous les ouvrages et articles sur le nationalisme : The Nationalism Project (ICI) et son blog (ICI)

Articles en ligne :
- Réflexions sur l’augmentation du nombre des États : Stéphane Rosière, « La fragmentation de l’espace étatique mondial », L'Espace Politique [En ligne] , 11 | 2010-2 , mis en ligne le 16 novembre 2010, Consulté le 20 février 2011. ICI
- Une analyse multiscalaire des référendums d’autodétermination et l’emboîtement des représentations et stratégies à différentes échelles: Amaël Cattaruzza, « Les référendums d'autodétermination: démocratisation ou balkanisation du monde ? », L'Espace Politique [En ligne] , 3 | 2007-3 , mis en ligne le 22 décembre 2007, Consulté le 20 février 2011. ICI
- De la même auteure : « Fragmentation : cloisonnement et/ou recomposition de l’espace politique ? », L'Espace Politique , [En ligne] , 11 | 2010-2 , Consulté le 12 mars 2011. ICI
- Commençons exceptionnellement par la conclusion de cet article….: « Bien souvent, le nationalisme et la proximité culturelle ne sont utilisés que pour mieux masquer l’intérêt économique à court terme. Le monde est entré dans l’ère de la prolifération étatique et du sécessionnisme à tous crins, mais aussi, et peut-être de façon plus flagrante, dans celle du cocooning stratégique » BONIFACE, P., 1999, « Danger ! Prolifération étatique », Le Monde Diplomatique, janvier, p. 32 ICI
- Une réponse à cet article vise, entre autres, à minimiser le phénomène décrit par P. Boniface : PEGG, S., 1999, « The Nonproliferation of States: A Reply to Pascal Boniface », The Washington Quarterly, vol. 22, n°2, p.139-147.
- Exposés des participants et synthèse des discussions du Séminaire « Droit à l'autodétermination des peuples autochtones », New York, le 18 mai 2002, ICI

Articles :
- FEARON, J. D., 2004, « Separatist Wars, Partition and World Order », Secutity Studies, vol. 13, n°4, p. 394-415
- KOLSTØ, P., BLAKKISRUD, H., 2008, « Living with Non-recognition: State- and Nation-buiding in South Caucasian Quasi-States », Europe-Asia Studies, vol. 60, n°3, p.483-509.
- TAGLIONI, F., 2005, « Les revendications séparatistes et autonomistes au sein des États et territoires mono- et multi-insulaires: essai de typologie », Cahiers de géographie du Québec, vol. 49, n°136, p. 5-18.
- SMITH, A.D., 1979, "Towards a Theory of Ethnic Separatism", Ethnic and Racial Studies, vol. 2, n° 1, p. 21-37.

Ouvrages :
- BADIE, B., 1995, La fin des territoires, Paris, Fayard, 276p.
- DIECKHOFF, A., 2000, La nation dans tous ses Etats, Champs, Flammarion, Paris
- et vient de sortir : JOAO MEDEIROS (dir.), 2011, Le Mondial des nations, Paris, Choiseul, 574p.

samedi 12 mars 2011

Rapport : La politique africaine de la France

A lire ce week end .... le dernier rapport d'information de M. Josselin de ROHAN, fait au nom de la commission des affaires étrangères, sur la politique africaine de la France. (Téléchargez ICI)


Résumé: "Au moment où la France a entrepris de renouveler les accords de défense qu'elle avait avec un certain nombre de pays africains, comme l'engagement en avait été pris par le Président de la République dans son discours du Cap le 28 février 2008, il a semblé à votre commission pertinent d'analyser ce que sont les lignes directrices de la politique de notre pays vis-à-vis de l'Afrique.
Ces principes, qui fondent notre politique, s'inscrivent naturellement dans le cadre de la diversité et de la singularité de chacun des pays avec lesquels des accords ont été passés.
Le présent rapport traite principalement des questions de défense et de sécurité.
S'agissant de nos rapports avec l'Afrique subsaharienne, l'analyse montre que depuis 1990 c'est la continuité qui l'emporte. Depuis 30 ans, du discours de La Baule au discours du Cap, la politique diplomatique et de défense de la France en Afrique évolue sans rupture majeure mais en suivant l'évolution des grands bouleversements mondiaux et en s'y adaptant.
Elle a été ainsi marquée par deux inflexions majeures dues, pour la première, à la chute du mur de Berlin en 1989 et à l'effondrement du monde bipolaire qui a entraîné une « démocratisation » du continent, et pour la seconde, aux effets de la mondialisation qui conduit inévitablement à l'internationalisation des politiques et au multilatéralisme.
Entre ces deux adaptations majeures, nous avons procédé à de très importants changements de structure de la coopération française qui tirent les conséquences de ces bouleversements et permettent d'accompagner les politiques."

A lire sur ce blog mes précédents billets sur la question ICI.
Le rapport du Sénateur souligne que la "continuité (...)l'emporte", de mon côté je note qu'en alternant volontarisme, désengagement et attentisme, la France a sérieusement brouillé son image tant sur le continent qu'auprès de la communauté internationale.
Sur l'Européanisation de la politique africaine de la France : ICI
Concernant le titre et l'objectif de ce rapport je renvoie également à une citation d'Antoine Glaser et Stephen Smith (cités aussi sur ce blog) "Le jour où, au lieu de se targuer d'une "politique africaine" censée faire le bonheur du continent noir, il existera une politique française en Afrique, qu'on pourra présenter aux citoyens-électeurs-contribuables français comme étant de leur intérêt, la France aura tourné la page de son passé colonial" ....

jeudi 10 mars 2011

54, 55 …après le Sud Soudan, le Somaliland ?

En juillet, le Sud Soudan sera le 54ème États africains reconnu par la communauté internationale. La récente décision du peuple sud soudanais ouvrira-t-elle la boite de pandore des revendications indépendantistes africaines ?

L’indépendance du Sud Soudan est une singularité. Elle fut soutenue par des puissances extérieures au continent et contre le principe fondamental d’intangibilité des frontières de l’Union Africaine hérité de 1964.
L’accord de paix de Nairobi du 9 janvier 2005 entre le gouvernement de Khartoum et la rébellion sudiste de John Garang, incluant le referendum d’autodétermination de 2011,   a mis fin au plus long conflit du continent africain (3 millions de morts, 5 millions de déplacés/réfugiés).
La principale conséquence de cette indépendance pourrait être au niveau régional. En effet, le Somaliland, État de facto depuis 1991, toujours en attente de reconnaissance internationale voit dans l'indépendance du Sud-Soudan une opportunité de faire valoir ses revendications à son tour : « If the international community accepts the independence of southern Sudan, there is no reason why the door should not be open for us also” affirmait en début d’année le président Somalilandais. En 2010 le pays a organisé des élections présidentielles qui se sont passés dans le calme et la transition démocratique fut reconnue de tous. Au lendemain de son élection le nouveau président, Silaanyo, affichait clairement l’objectif principal de son mandat : “During my tenure as president I will vigorously fight for the recognition of Somaliland. The world must recognize our democracy”.

Le Somaliland a tout d’un Etat sauf…la reconnaissance formelle des autres Etats !  Ce petit pays  au Nord  de la Somalie souhaite retrouver les frontières du British Somaliland, une colonie distincte de la Somalia Italiana et dont elle a obtenue son indépendance séparément. De fait son rattachement au reste de la Somalie fut bref (rappel historique :  ICI, Vidéo Somali independence Day 1960 )



C’est également un ilot stable  ayant assis son autorité sur son territoire. Un rattachement à moyen ou même long terme avec la Somalie du Sud est inenvisageable. Le pays dispose de ses propres forces de sécurité et de sa police, d'un système judiciaire et d'une monnaie, d’un drapeau, de timbre (édités en Grande Bretagne), de gardes côtes formés par les Britanniques, d’institutions qui fonctionnent…. Le secteur privé est très dynamique (7 opérateurs de téléphone presque autant de journaux). C’est aussi la seule économie au monde où plus de la moitié de la population dépend du pastoralisme nomade pour vivre.

Pourquoi une reconnaissance internationale si le Somaliland fonctionne déjà comme un Etat ? Outre la possibilité de siéger dans les instances internationales, d’être reconnue par l’ONU, le FMI….une reconnaissance permettrait des relations bancaires et la possibilité d’établir des contrats d’assurance et donc aux investisseurs de s’implanter et à l’Etat de connaitre un essor économique.
De fait, les missions britanniques, américaines…se succèdent à Hargeisa la capitale. Les britanniques seraient venus demander, en octobre 2010, la collaboration des gardes-côtes du Somaliland à leur lutte contre la piraterie maritime et auraient offert en contrepartie des armes et des moyens de détection radars. Ils se seraient également déclarés intéressés pour disposer d'une base navale près de Berbera. De même les Américains ont changé de stratégie en Somalie. Désormais le dialogue et l’aide financière avec les régions périphériques de la Somalie sont privilégiés. Pourtant aucun pays occidental de se risquerait à s’ingérer dans les affaires africaines et à contredire les principes de l’Union Africaine en reconnaissant ce nouvel État.
L'Éthiopie et Djibouti traitent ce voisin comme un égal et commerce avec lui (le Somaliland est même un nouveau débouché maritime pour l’Ethiopie) mais ils n’ont pas la légitimité pour le reconnaitre. L’Ethiopie serait une nouvelle fois perçue comme un État colonial par ses voisins.
La souveraineté du Somaliland est donc reconnue implicitement de tous mais la reconnaissance internationale reste un acte discrétionnaire de chaque État et personne ne souhaite faire le premier pas. La seule solution serait une reconnaissance officielle par un État africain tel que l’Afrique du Sud…mais quel intérêt pour cet État ?
La  situation risque de perdurer et ce statut quo s’installer dans le long terme dans la mesure où aucun Etat ne prendra la décision de reconnaître en premier le Somaliland. Le précédent sud-soudanais pourrait rester une singularité et « le secret le mieux gardé d'Afrique », comme le nomme ses dirigeants, le rester...

Pour aller plus loin :
- Une sélection d'articles des Nouvelles d'Addis sur le Somaliland : ICI
- Une sélection de liens Somalilandais ICI
- "Somalia & Somaliland :  Envisioning a dialogue on the question of Somali unity"
- "Debating secession and the recognition of new states in Africa"
- "Somaliland : à l'Union Africaine de montrer le chemin"
Sonia Le Gouriellec, Good Morning Afrika