lundi 16 avril 2012

Exécution du "Shebab américain" ?

Omar Hammami alias Abu Mansour al-Amriki (l'Américain) aurait été exécuté, début avril (le 4?), dans la région du Lower Shabelle au Sud du pays. Cet américain de 27 ans était l'une des célèbres figures publiques du groupes somalien Al-Shabab, affilié à Al-Qaida.



D'après un rapport de l'AMISOM de 2010 il était en charge du financement des combattants étrangers. Il avait rejoint le mouvement combattant depuis une dizaine d'années (1999?). En octobre 2007 il apparaissait comme combattant et instructeur dans un reportage d'Al-Jazeera TV.

Pour promouvoir le recrutement de jeunes musulmans de l'Ouest à participer au Djihad, il poste en 2010 cette vidéo d'une embuscade contre des soldats somaliens et éthiopiens :





Le 16 mars il poste cette vidéo. Il y annonce craindre pour sa vie du fait de divergences stratégiques et idéologiques entre les leaders du mouvement :



To whomever it may reach from the Muslims, from Abu Mansour al-Amriki, I record this message today because I feel that my life may be endangered by Harakat Shabaab al-Mujahideen due to some differences that occurred between us regarding matters of the Shariah (Muslim law) and matters of the strategy" dit-il en anglais, ce que le mouvement démentira par la suite via son compte twitter:

- "HSM is surprised by the video of Abu Mansoor #AlAmriki that surfaced on the internet recently claiming that his life is ‘endangered by HSM’ (17 mars 2012)
- "A formal investigation is just underway and HSM is still attempting to verify the authenticity as well as the motivations behind the video" (17 mars 2012)
- "We assure our Muslim brothers that #AlAmriki is not endangered by the Mujahideen &our brother still enjoys all the privileges of brotherhood" (17 mars 2012)

Il aurait pourtant été arrêter quelques jours après avoir posté sa vidéo sur You tube : ICI
mais là encore les Shebab démentent via leur compte twitter :
- "All reports of #AlAmriki's arrest are false and intended purely for propaganda purposes. Beware of such inaccurate reports" (19 mars 2012)

Cette mort (si elle est confirmée) aura t-elle des conséquences sur le recrutement de nouveaux combattants de l'Ouest ?

Humour : la situation somalienne en schémas ...

A la suite du café stratégique sur les influences extérieures en Somalie avec Roland Marchal, l'auteur de ce blog a envoyé à ses alliés de l'Alliance stratégique un schéma de Bjorn Moller justement sur ces influences en 2006-2007 (intervention éthiopienne en Somalie, renversement des Tribunaux islamiques). Le schéma a le mérite d'être...tout aussi complexe que la situation. Un comble pour un schéma...


Amusé par ce schéma peu compréhensible, l'allié de Mon Blog défense propose une version très personnalisée....Nous vous laissons en juger ! JGP me demande d'ajouter une précision : "j'ai mis l'Iran au choix dans les Arabes ou les organisations terroristes."

samedi 14 avril 2012

Azawad et ressources minières

Excellente carte proposée par l'OCDE, représentant bien les enjeux derrière la sécession du Nord Mali.

jeudi 12 avril 2012

De l'abus du terme "balkanisation" au Mali et ailleurs

Des analyses (parfois hâtives) voient dans les évènements maliens la preuve d'une balkanisation de la zone sahélienne de l'Afrique.  

Balkanisation, fragmentation, scission, partition? Rappelons tout d’abord les différences entre ces terminologies. Selon Stéphane Rosière, la balkanisation est : « le processus de fragmentation d'un État en au moins trois nouveaux États (…) si un État “primaire” est divisé en deux nouvelles entités, on peut préférer les notions de scission ou de partition »[i]. Ainsi la notion de balkanisation, souvent employée avec une connotation péjorative, ne correspond pas à la réalité malienne actuelle. 
Un peu plus à l'Est de cette bande sahélienne prenons des exemples que nous maitrisons plus.  L’Erythrée et le Soudan du Sud se sont séparés d’une entité qui existe toujours. Le cas du Somaliland est plus problématique, puisque l’Etat somalien s’est effondré et qu’une autre entité, le Puntland, s’est déclarée autonome. 
En revanche, la sécession est bien l’aboutissement d’un processus de désintégration politique. Si l’intégration politique se définit comme un processus par lequel les acteurs, de systèmes politiques distincts, sont persuadés qu’ils doivent loyauté à un nouveau centre de pouvoir, prévalant sur l’ancien système[ii], lors d’une sécession les acteurs décident à l’inverse de retirer leur loyauté du centre juridique et de le donner à un nouveau centre. En interne, une sécession signifie donc la dissolution du pacte existant et marque un coup d’arrêt à la capacité de l’Etat à gouverner sur tout le territoire. La sécession est donc le retrait d’une entité constitutive d’un ensemble établi et reconnu internationalement et la création d’un nouvel Etat souverain. 

La reconnaissance internationale est en générale l’étape suivante. Cet acte fait entrer le nouvel Etat dans l’ordre juridique internationale en lui attribuant des droits et des obligations. Néanmoins la reconnaissance reste un acte discrétionnaire et bilatéral que le Somaliland attend par exemple toujours et que l'Azawad s'est fut refusé par les Etats composant la communauté internationale.


La reconnaissance internationale des nouvelles entités
Le système international ne reconnait qu’aux Etats certains pouvoirs, droits et devoirs, alors que les gouvernements ne sont reconnus que comme les agents d’Etats légitimes [iii]. En effet, deux principes contradictoires guident la communauté internationale : le droit à l’autodétermination et le respect de l’intégrité territoriale. En général, l’instauration de l’autonomie est préférée à la sécession, mais cette dernière reste parfois l’unique mode de résolution des conflits.
Ainsi, l’Erythrée a accédé à l’indépendance, après l’autorisation préalable du nouveau régime en place à Addis Abeba, et son engagement à reconnaitre les résultats du référendum d’autodétermination. L’indépendance est ainsi déclarée de facto en 1991, et de jure en 1994 après le referendum en avril 1993.
Concernant le Soudan du Sud, ce sont les accords de paix inclusifs, ou Compehensive Peace Agreement, (« accords de Naivasha »), signés au Kenya le 9 janvier 2005  par  la rébellion sudiste de John Garang (Mouvement populaire de Libération du Soudan - SPLM) et  Ali  Osmane  Taha,  le  vice-président  du  Soudan, qui ont ouvert la voie au référendum d’autodétermination. En effet, ces accords prévoyaient une large autonomie du Soudan du Sud, ainsi que la tenue d’élections démocratiques dans  l'ensemble  du  Soudan un an avant la fin de la période de transition. Puis ils octroyaient, au terme d’une période intérimaire de six ans, la possibilité de choisir, par référendum, entre l’indépendance et le maintien au sein du Soudan.
Le Somaliland s’est, quant à lui, autoproclamé indépendant selon la même logique que l’Erythrée, mais cette indépendance n’est pas internationalement reconnue. L’ancienne colonie britannique bénéficiait en 1991 d’une autonomie de facto, en l’absence de pouvoir central légitime à Mogadiscio. La capitale Hargeisa s’est dotée de tous les instruments de la puissance régalienne (drapeau, monnaie, etc). Le président du SNM (Mouvement National Somalien) proclame, en mai 1991, la nullité de l’acte d’union du 1er juillet 1960 et déclare l’Etat souverain. Or la déclaration d’indépendance est un acte est juridiquement controversé et n’est pas validé par la communauté internationale.
Dans les trois cas, le scrutin référendaire a recueilli des scores élevés et montre l’adhésion du peuple aux mouvements d’indépendance. Le scrutin d’autodétermination érythréen a été approuvé par 99,8% des électeurs. Le référendum somalilandais du 31 mai 2001, en faveur de la nouvelle Constitution qui réaffirme le statut indépendantiste de l’Etat[v], fut approuvé par 97 % des votes bien que les résultats soient certainement surestimés. Au Soudan du Sud, en 2011, près de 98% des votants approuvaient la sécession malgré les contestations et les intimidations dénoncées. 


Nous avons retracé dans "Trois trajectoires desécession dans la Corne de l’Afrique : le Somaliland, l’Erythrée, le Soudan duSud", les  trajectoires de trois récentes sécessions qui ont eu lieu dans la région (Soudan du Sud, Erythrée et Somaliland) en mettant en évidence leurs similarités. À différents  degrés, chacune de ces sécessions a éprouvé des difficultés à passer d’une administration militaire à une administration civile. Le défi est aussi la construction de l’Etat après la sécession ce qui explique pourquoi ces Etats sont particulièrement sourcilleux de protéger leur souveraineté.

[i] Rosière (Stéphane), « La fragmentation de l’espace étatique mondial. », L'Espace Politique [En ligne] , 11, 2010-2, mis en ligne le 16 novembre 2010, Consulté le 01 décembre 2011. URL : http://espacepolitique.revues.org/index1608.html
[ii] Haas (Ernest), The uniting of Europe, Stanford University Press, 1968, p.16

mercredi 11 avril 2012

Quel avenir pour le régime érythréen ?

A la suite du débat lors de la conférence de l'ANAJ-IHEDN sur la Corne de l'Afrique, interrogeons nous sur l'avenir possible du régime érythréen. 



Un changement de régime est-il envisageable ? La question est complexe. Le régime ne montre aucune volonté d’ouverture. En revanche, il ne semble plus avoir les capacités financières de mener une politique étrangère agressive. Ainsi, le 15 mars 2012, le régime n’a pas répondu à l’incursion militaire éthiopienne sur son territoire (lire ICI et la réaction de l'Erythrée ICI).
Par ailleurs, la contestation interne a peu de chance d’émerger et beaucoup d’Erythréens ont tiré une leçon erronée du printemps arabe. En effet, il n’existe plus d’espace public en Erythrée et l’impulsion ne peut être qu’exogène.
La diaspora est-elle aussi réceptive aux arguments de l’opposition que l’est, à titre comparatif, la diaspora éthiopienne ?  Elle se situe surtout dans les pays arabes et reste pauvre, peu éduquée et très nationaliste. En effet, l'Erythrée est un Etat diasporique récent qui s’est largement formé dans la diaspora. A ce titre, la diaspora constitue un réel enjeu de pouvoir. Pourtant, il est difficile de la quantifier. On estime que près d’un million d’Erythréen vivrait en exil, soit près d’un cinquième de la population. Une diaspora plutôt éclectique composée de musulmans ayant fui le pays dans les années 1970, vers les pays arabes (notamment le Soudan). Une vague plus composite suit dans les années 1980, alors que la guerre de libération s’intensifie. Enfin, une vague importante de migrants quitte le pays après la guerre frontalière de 1998-2000. Aujourd’hui se sont surtout les jeunes qui fuient le service national et plus largement la répression et la crise économique. La diaspora ne sont s'oppose pas dans son ensemble au régime. Et l'opposition qui peut exister peine à se faire entendre et n'est pas unit, bien que depuis juillet 2010 et la « conférence nationale pour un changement démocratique », elle tente de s’unir.

 Ensuite, elle se réunit en Éthiopie et tant que la question de la frontière ne sera pas résolu, ce type de compromission n’est pas acceptable pour de nombreux Erythréens. Jeudi dernier des représentants de l'ambassade érythréenne appelant même les membres de cette opposition des "Vichystes".
Enfin, remettre en cause le régime est parfois perçu comme une remise en cause des sacrifices consentis pour libérer le pays, pourtant il faut bien admettre que près de vingt après son indépendance, le « miracle érythréen » est devenu cauchemar.

lundi 9 avril 2012

Erythrée : pour aller plus loin

Jeudi soir, lors de la conférence "La Corne de l'Afrique : vers un nouvel ordre régional ?", le cas érythréen a créé le débat. Pour ceux qui souhaitent aller plus loin, voici une petite bibliographie utile (évidement non exhaustive) :



- l'ouvrage de Léonard Vincent, présent jeudi : Les Erythréens, Paris, Rivages, 2012.
-Kjetil Tronvoll, The lasting Struggle for Freedom in Eritrea : Human Rights and Political Development, 1991-2009, Oslo, 2009,ICI
- Daniel R Mekonnen, “Pre- and Post-Migration Patterns of Victimisation among Eritrean Refugees in the Netherlands », 20p., 2011, ICI
- Raphaël Roig, L'Érythrée, naissance d'une nation, faillite d'un Etat ?, Travaux et documents sur l’Éthiopie et la corne de l’Afrique, Addis Abeba, CFEE, numéro 3, avril 2009, p.3 ICI
- Dan Connelle, « The EPLF/PFDJ Experience and How it shapes Eritrea’s Regional Strategy », in Richard Reid (ed.), Eritrea’s External Relations : Understanding its Regional Role and Foreign Policy, Londres, Chatham House, 2009
- Fabienne Le Houérou, Ethiopie-Erythrée, frères ennemis de la Corne de l’Afrique, Paris, L’Harmattan, 2000
- Certainement l'une des meilleure sources (on se référera aussi aux références citées) : International Crisis Group, Eritrea: The Siege State, Africa Report, numéro 163, 21 septembre 2010, ICI
International Crisis Group, Eritrea: The Siege State, Africa Report, numéro 163, 21 septembre 2010, p.7
- Rico Tuor, Erythrée : service militaire et désertion, Organisation suisse d’aide aux réfugiés, 23 février 2009, ICI
- Gaim Kibreab, « Forced Labour in Eritrea », in Journal of Modern African Studies, numéro 47, volume 1, 2009
- informations sur le mandat et l’historique de la MINUEE sur le site du Réseau francophone de recherche sur les Opérations de Paix : ICI

Sitographie :
- le site du Ministère de l’information érythréen, ICI , celui du PFDJ ICI
- les sites d'opposition ICI et ICI

jeudi 5 avril 2012

L'Erythrée sous l'emprise du dictateur Issayas Afeworki (2)

Ecoutez la suite de l'émission Rendez vous avec Monsieur X (voir billet précédent) : ICI



Résumé de l'émission :
"C’est une histoire effrayante : celle d’un pays qui donnait à espérer, qui suscitait des sympathies dans tout le monde occidental, malgré quelques dérives inhérentes, pensait-on, à sa jeunesse… Un pays même dont le modernisme, le dynamisme et l’absence de corruption pourraient servir d’exemple à ses voisins africains… Et puis soudain, la chute ! La glaciation ! En quelques jours de 2001, la petite Erythrée ferme ses frontières, interdit le pays à la presse étrangère, emprisonne tous ses opposants, met fin à toutes les libertés dont celle de la presse… C’est la dictature, un régime totalitaire qui terrorise ses cinq millions d’habitants.
Et pourtant, il n’y a pas eu de putsch, pas de changement de dirigeant… C’est le même homme, Isssayas Afeworki, héros de la guerre d’indépendance, une légende vivante, qui est resté à la tête de l’Etat et qui a donc ordonné ce retour vers les ténèbres. Le héros est devenu un tyran alcoolique.
La semaine dernière, Monsieur X a retracé à grands traits l’histoire de ce pays de la Corne de l’Afrique, longtemps assujetti à l’Ethiopie voisine, puis devenu colonie italienne, avant de passer sous le contrôle de la Grande Bretagne au cours de la Seconde Guerre mondiale… Puis d’être récupéré par l’Ethiopie au sein d’une improbable fédération. Ce sera ensuite une longue guerre d’indépendance qui va durer 30 ans et une destruction quasi-totale du pays. Mais la paix revenue est fragile… Cinq ans après l'indépendance de l'Erythrée, une nouvelle guerre éclate en 1998. La puissante Ethiopie est victorieuse. Mais politiquement, c’est la petite Erythrée, pourtant exsangue, qui gagne. Et malgré des accords de paix signés en 2000 la tension demeure. D’autant que la Corne de l’Afrique demeure une région agitée, propice aux manœuvres les plus tortueuses… En attendant, l’Erythrée est donc devenue l’un des pays les plus fermés au monde…



Bibliographie :

- "Les Erythréens", de Léonard Vincent, Editions Rivages (Payot), 2012

- La revue trimestrielle « Sécurité Globale » dont le dernier numéro consacre un dossier à la Corne de l’Afrique, coordonné par Sonia Le Gouriellec, éditée par l’Institut Choiseul ICI

A noter : Les auteurs du numéro de "Sécurité globale" sur la Corne de l'Afrique ainsi que Léonard Vincent seront présents le 5 avril pour une conférence (accès gratuit), Inscription : http://www.anaj-ihedn.org/2012/03/5-avril-2012-corne-de-lafrique-vers-un.html


Discographie :

- Akale Wube - Album : "Mata" ; Titre : "Maryé" ; Label : Nabligam Production, 2012

- Asmara All Stars ; titre : "Safir Hilet" ; label : Out Here Records, 2010

- extrait d'un chant de Helen Berhane, chanteuse érythréenne restée 18 mois enfermée dans un conteneur (lire le récit de son emprisonnement dans le livre de Léonard Vincent)"

mardi 3 avril 2012

La Corne de l'Afrique : Vers un nouvel ordre régional ? (conférence)

Les inscriptions pour assister à la conférence mentionnée en titre, organisée par l'ANAJ IHEDN et l'Institut Choiseil, seront closes ce soir, dépêchez vous de vous inscrire !



Résumé :
La Corne de l’Afrique, à l’extrême Est du continent africain, est un espace connu pour son instabilité. Du fait de sa situation privilégiée à l’intersection du Moyen Orient et de l’Afrique, c’est aussi un espace géostratégique important. Cette conférence propose de poser un regard sur un acteur régional majeur : l'Ethiopie, la terre sainte du Peuple élu ; sur les Érythréens qui fuient en masse la terreur mise en place par le régime de ce jeune Etat ; et sur l’histoire plus récente de la Somalie au travers des islamistes Shebab que combattent les forces de l’Union Africaine.



Avec la présence exceptionnelle des intervenants suivants :

• Jean-Nicolas BACH : Docteur en Science politique, Centre de recherche "Les Afriques dans le Monde" IEP Bordeaux - CNRS

• Alain GASCON : Géographe, professeur émérite à l’Institut français de géopolitique de l'Université Paris VIII , Chargé de cours à l’INALCO, membre associé du Centre d'études africaines (Ceaf) de l'EHESS.

• Sonia LE GOURIELLEC : Doctorante en Science politique, responsable du comité "Afrique" de l'ANAJ-IHEDN

• Hanna OUAKNINE : Auteur de l'ouvrage "Londres-Mogadiscio, Al-Shebab et la jeunesse somalienne" (Ed. Harmattan)

• Léonard VINCENT : Journaliste, auteur de l'ouvrage "Les Erythréens" (Ed. Rivages)

Inscription obligatoire à l'adresse
: http://tinyurl.com/anaj-afrique

Informations : afrique@anaj-ihedn.org

dimanche 1 avril 2012

Café stratégique : Jeux d'influences en Somalie

Quinzième numéro (déjà) des cafés stratégiques...
Pour l’occasion nous poserons notre regard sur une région méconnue : la Corne de l’Afrique. Roland Marchal, chargée d’études au CNRS/CERI Sciences Po viendra évoquer les jeux d’influences observables en Somalie.


La situation en Somalie se trouve radicalement modifiée depuis quelques mois : les Shebab ont quitté Mogadiscio en août, les Kenyans et les Ethiopiens ont lancé des opérations miliaires au sud et à l’Ouest du pays, la mission de l’Union Africaine (AMISOM) doit être révisée et de nouveaux financements sont nécessaires, etc.
Mais un autre enjeu doit être relevé, celui de la coordination des différents acteurs présents sur place.

Illustration : Représentation somalienne des jeux d'influences en Somalie (Amin Art)

En effet, la Somalie est un carrefour d’influences. Roland Marchal a montré que c’est l’intervention éthiopienne de 2006 et le soutien américain dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, qui ont créé un appel pour des éléments étrangers et le développement du radicalisme. Certes cette tendance existait auparavant mais uniquement au sein d’une frange minoritaire.

Depuis d’autres acteurs étatiques imposent leur agenda dans le processus en cours. D’ailleurs, la conférence de Londres en février 2012 avait pour objectif de coordonner tous ces acteurs. Le 12 avril, nous demanderons à Roland Marchal de nous éclairer sur le rôle joué actuellement par : la Turquie qui fut la première à réouvrir son ambassade à Mogadiscio en 2011, mais aussi le Qatar, l’Iran, l’Arabie Saoudite, etc. Quelle est la politique de ces acteurs en Somalie ? Pensent-ils vraiment que processus en cours en Somalie est guidé par l'UA et l'IGAD et donc suivent les agendas des Occidentaux et des Ethiopiens ? Se montrent-ils plus efficaces que les Occidentaux justement (Etats-Unis et Européens) ? Quelle coordination possible avec ces derniers ?

Pour répondre à ces questions et débattre avec Roland Marchal rendez-vous le jeudi 12 avril 2012 de 19h à 21h (entrée libre), Café Le Concorde, métro Assemblée nationale, 239, boulevard Saint-Germain 75007 Paris

Bibliographie :

- Markus Virgil Hoehne, “Counter-terrorism in Somalia, or : how external interferences helped to produce militant Islamism”, 17 décembre 2009, (en ligne) consulté le 15 juin 2011
- Roland Marchal, “Islamic political dynamics in the Somali civil war”, in Alex de Waal (ed.), Islamism and Its Enemies in the Horn of Africa, Indiana University Press, 2004
- Roland Marchal, « Somalie : un nouveau front antiterroriste ? », in Les Etudes du CERI, n°135, juin 2007, 28p.
-David H. Shinn, “Al-Qaeda in East Africa and the Horn”, in The Journal of Conflict Studies, Eté 2007, 29p.

Revue de presse :
- Turkey challenges Iran in Somalia ICI
- Only Turkey is showing solidarity with Somalia's people ICI
- Turkey takes giant leap toward Africa, prioritizes Somalia on agenda ICI
- Turkey's Increasing Role in Somalia: An Emerging Donor? ICI
- HH Shaikh Nasser reiterates Bahrain's support to the brotherly Somali people ICI
- La Somalie à la veille d'un tournant majeur ? ICI

samedi 31 mars 2012

Mali : Faiblesse de l’Etat et périphérie marginalisée

Au regard des évènements actuels au Mali, nous vous proposons ici les grandes lignes d'une communication présentée en juin 2011 dans le cadre d'un colloque sur les organisations combattantes (ICI).



L'Afrique de l'Ouest et plus particulièrement la région sahélienne est soumise à de nombreux soubresauts politiques avec l’incursion régulière de l’armée dans le champ politique : coups d’Etat en Mauritanie (août 2008) et au Niger (février 2010), mutinerie au Burkina Faso (avril 2011), récent coup d'Etat au Mali.

L’activité d’AQMI profite de cette faiblesse des Etats régionaux souvent défaillants à leurs périphéries.
D’abord pour des raisons géographiques : la configuration du peuplement marginalise aux périphéries les populations opposées au pouvoir central. Comme nous l'expliquions dans le précédent billet (ICI) une trêve avec les rébellions touarègues, par exemple, aux confins du Mali, rend le gouvernement réticent à engager son armée contre AQMI dans une région où elle a retiré ses forces en 2006.


Par ailleurs, ces Etats n’ont pas les moyens d’assurer le maillage territorial de leur pays. De fait leur incapacité à contrôler leur territoire a permis l’implantation des cellules d’AQMI et aujourd’hui ils n’ont pas non plus les moyens de s’engager dans une lutte contre AQMI. En 2010, le budget du Mali était le plus important du Sahel mais bien loin de celui consacré par le gouvernement algérien

 Tableau 1 : Forces des pays du Sahel



Budgets Défense                             (millions de $) en 2009
Forces
Algérie
 5280 (5670 en 2010)
147 000  (Terre : 127000; Air : 14000; Mer : 6000)  Paramilitaires : 187200
Mali
170 (208 en 2010)
7800 (Terre : 7350; Air : 400; Mer : 50) Paramilitaires : 4800
Mauritanie
115
15870 (Terre : 15000, Air : 250; Mer : 620) Paramilitaires : 5000
Niger
64
5300 (Terre : 5200, Air : 100) Paramilitaires : 5400


On observe une dynamique inverse à celle qui a motivé les Etats européens entre le XVIème et XIXème siècle. Ces derniers surinvestissaient dans leurs marges afin de les intégrer. Dans les pays du Sahel cet investissement semble peu rentable aux gouvernements qui soupçonnent par ailleurs les populations nomades vivant sur les territoires de plusieurs Etats d’être plus loyales aux autorités traditionnelles qu’aux autorités étatiques. Pourtant, jusqu’à présent, il semble qu’AQMI n’est pas de lien notable avec les insurrections locales d’ailleurs certaines se sont retournées contre l’organisation en 2004 au Tchad et en 2006 au Mali. Lors du colloque nous évoquions une hypothèse qui malheureusement se vérifie aujourd'hui : un échec du règlement de la question touarègue aura un impact négatif sur la lutte contre AQMI, les deux processus sont intrinsèquement liés...
La recherche d’une solution passe inévitablement par une réponse aux problèmes régionaux structuraux. On ne peut pas faire l’économie d’un débat sur le développement économique et social de la région dont le retard est à la base de l’instrumentalisation de certaines populations par AQMI. Si aujourd’hui cette menace est plus sécuritaire que politique, la région est un terreau favorable à un soutien local opportuniste. D’autant, que l’impact très négatif de cette violence terroriste, sur le tourisme ou les investissements, devrait accentuer cette problématique. Toute solution passe également par un renforcement de la légitimité de l’Etat sur ses marges et donc de sa présence notamment par la fourniture de services publics.
Par ailleurs gardons à l’esprit que cet espace a toujours posé des problèmes de gouvernance tant pour l’Etat colonial que pour ses successeurs. La ceinture sahélienne est une zone mouvante d’échanges et de circulation, peuplées de sociétés nomades qui ont toujours entretenus des relations de coopération sur des périodes plus ou moins longues et d’affrontement avec les gouvernements centraux. Toute intervention étrangère (motivée tant par la lutte contre AQMI que la préservation d'une influence dans une région au sol particulièrement riche) doit garder ces données en tête et ne pas commettre les mêmes erreurs qu’en Somalie où les ingérences extérieures ont donné une légitimité aux insurgés. Toute ingérence faire courir le risque que des alliances conjoncturelles se renforcent derrière une cause commune anti-impérialiste. Le djihad devenant la version islamique des luttes anticoloniales comme le rappelle Jean-François Bayart ICI