dimanche 27 octobre 2019

Dernières nouvelles du continent (8)


Le continent africain reste un acteur marginalisé du système international. Pour l’ISS le continent est « résilient mais marginal ». Les principaux défis auxquels sont confrontés les pays africains devant l'Assemblée générale et le Conseil de sécurité des Nations Unies sont liés à leur capacité de voter en tant que groupe cohérent. Les tendances démographiques et migratoires, ainsi que la croissance économique, constituent des défis essentiels, mais représentent également des opportunités pour le continent d'accroître sa présence dans le nouvel ordre mondial. L’une des caractéristiques essentielles de la position de l’Afrique dans le monde est liée à sa démographie, en particulier en ce qui concerne la forte poussée de jeunesse du continent. Selon l’ONU, la population africaine est estimée à 1,3 milliard d’habitants. Environ 37%, soit 410 millions de personnes, vivent sous le seuil de pauvreté de 1,90 USD par jour. La population du continent devrait atteindre environ 2,2 milliards d’ici à 2050. En particulier, la population de jeunes africains (15 à 29 ans) représente environ 60% de la population totale et devrait atteindre 830 millions d’ici 2050.

La revue Diplomatie consacre son dernier numéro au concept d’Indo-Pacifique. J’y signe un article sur la place de l’Afrique dans ce concept. Qu’il s’agisse d’un concept, d’une stratégie ou d’un simple espace géographique ce numéro de Diplomatie montre qu’il n’existe pas de compréhension unanime de cette vaste région parmi les acteurs internationaux. En revanche, on peut noter l’absence de stratégie Indo-pacifique des pays de la côte est-africaine et l’apparition de manière quasi anecdotique de l’Afrique dans les documents stratégiques des puissances occidentales. Pourtant l’Afrique de l’Est est bien au cœur d’un nouveau « grand jeu » entre les grandes puissances et cette rive, avec ses neuf ports, du Caire au Cap et ses vingt pays, de l’Egypte à l’Afrique du Sud, ne peut être délaissée.

Sommet Russie-Afrique
La Russie a organisé son sommet Russie-Afrique du 22 au 25 octobre 2019 à Sotchi. LA FRS propose une étude sur le sujet : « La nouvelle stratégie russe en Afrique subsaharienne : nouveaux moyens et nouveaux acteurs ». Vladimir Poutine a annoncé la création d’un nouveau mécanisme de dialogue et prévoit des sommets tous les trois ans, tour à tour en Russie et dans un pays d’Afrique.
 
Corne de l’Afrique
Quand Abiy Ahmed s’est vu décerner le prix Nobel de la paix, le 11 octobre, « pour ses efforts en vue d'arriver à la paix et en faveur de la coopération internationale » avec l'Érythrée voisine, ce fut l’incompréhension pour une partie de la communauté des experts qui estimait que ce prix ne se justifiait pas (ICI et ICI). Le comité s’attendait bien sûr à recevoir des critiques. Il se doutait qu’on lui reprocherait d’avoir attribué une récompense aussi prestigieuse, de façon précipitée. En revanche, il ne se doutait pas qu’une dizaine de jours plus tard, le nouveau récipiendaire tiendrait des propos fort peu pacifique à l’encontre du voisin égyptien quant à la construction d’un barrage sur le Nil bleu : « Si nous devons entrer en guerre, nous pouvons mobiliser des millions de personnes. Si certains peuvent tirer un missile, d’autres peuvent utiliser des bombes ». Le prix Nobel de la paix qui a été attribué au président Abye est ainsi venu reconnaître le dégel entre les deux pays et récompenser le courage politique de ce dirigeant. Certes, la situation régionale n’est pas apaisée, mais le comité du Prix Nobel a souhaité récompenser une main tendue à l’Érythrée. La paix n’est pas encore obtenue, et le comité l’admet. Les institutions internationales et les grandes puissances devraient maintenant s’employer à soutenir ce processus et le conduire jusqu’à une paix qui puisse être durable. J’ai répondu à ces critiques ICI.
Le chemin vers la démocratie reste semé d’embûches. Les tensions ethniques et fédérales engendrées par les nouvelles libertés ont créé une bulle qui approche dangereusement de son point d'ébullition, forçant des millions de personnes à quitter leur foyer, et alors que s’alimente continûment la crainte d'une fragmentation dans la violence… (lire le Thread de William Davison ICI) Cependant, n'oublions pas que les Éthiopiens ont vécu sous le joug d’un empereur féodal puis sous celui d’une dictature marxiste meurtrière et qu’enfin un régime de parti unique impitoyable a eu une longue emprise sur lui...
Les opérations de maintien de la paix des Nations Unies réduisent-elles le nombre de déplacés ? Ce papier étudie l’impact de la présence de troupes de l’ONU sur les déplacements de populations au Soudan du Sud. Ainsi les soldats de la paix peuvent attirer les personnes déplacées vers des zones de sécurité. Rappelons que depuis décembre 2013, le conflit au Soudan du Sud a engendré plus de 2,5 millions de réfugiés et 2.2 millions de déplacés. 

Il faut lire la Tribune de l’écrivain anglo-soudanais Jamal Mahjoub dans Le Monde : « L’unité est la clé du succès de la révolution. Les préjugés et les barrières de classe, de race et de genre doivent tous être renversés pour se substituer au principe de citoyenneté. La question de l’inégalité, qui a été le véritable moteur de la révolution, doit être désormais affrontée en profondeur, au niveau institutionnel, et se traduire par de profonds changements et une véritable inclusion. » Ce qui se passe immédiatement après une contestation populaire est tout aussi essentiel que ce qui se passe pendant : « What happens in the immediate aftermath of a protest is just as crucial as what occurs during the protest. It is a major factor in determining whether mass protest becomes a force to restructure politics or ultimately remains a dramatic yet ineffective interlude in the status quo. Yet even though this is a vital question in contemporary politics, after each successive protest, the media quickly moves onto other issues and policymakers turn to the next dramatic crisis. Vital postprotest trends and dilemmas can easily get lost from view”.

Conférences et appels à communications

La Revue internationale des études du développement lance un appel à contributions pour son dossier spécial "Foncier et conflits violents en Afrique" à paraître en 2020. Date limite : 15 novembre 2019.
Le centre d'études africaines de Leiden organisera, du 2 au 4 décembre 2020, sous l'égide de l' AEGIS, un colloque "Africa Knows!".


dimanche 6 octobre 2019

Dernières nouvelles du continent (7)


Écoutez la leçon inaugurale de François-Xavier Fauvelle au Collège de France ! J'ai hâte de découvrir sa dernière direction d’ouvrage « Atlas historique de l’Afrique – De la préhistoire à nos jours » avec Isabelle Surun. Cette dernière explique dans une interview : « la continuité qu’on y observe n’a pas la même temporalité qu’en Europe. Il faut ainsi sortir d’une vision eurocentrée. L’histoire africaine ne rentre pas dans les découpages et césures chronologiques que nous connaissons. La période de l’Afrique ancienne s’étend ainsi de la Préhistoire jusqu’au XVe siècle dans certaines régions. Elle peut même déborder jusqu’au XIXe pour certains royaumes. Un autre élément caractéristique de l’histoire de l’Afrique, c’est la diversité, par exemple, des organisations socio-politiques. Les Etats constitués sous forme de royaumes peuvent ainsi coexister avec des chefferies ou des sociétés organisées sous forme de classes d’âge. »

Abou Djaffar commente le contexte dans lequel la leçon inaugurale de François-Xavier Fauvelle a été prononcée  : « On aurait aimé, bien sûr, que cet évènement soit retransmis à la télévision, peut-être sur LCI, mais ceux qui aiment les pétainistes ne goûtent guère les africanistes ». Merci à lui pour sa chaleureuse dédicace sur son incontournable blog !
 
De nombreux sommets cherchent à renforcer les relations avec entre des continents/pays et le continent africain. Le CSIS propose une analyse du TICAD et un graphique de ces sommets internationaux.


Corne de l’Afrique
Quelle est l’influence des combattants étrangers (foreign fighters) au sein du groupe Al Shabaab ? lls sont présents depuis le début de insurrection et particulièrement en 2007-2008 lors des combats contre l’Éthiopie. Cette influence s’est petit à petit estompée. Un article académique étudie quatre périodes marquantes du groupe terroriste: l’émergence de l'Union des Tribunaux islamiques avant 2006, la période juste après l’invasion éthiopienne (2007-2008), les conquêtes territoriales d'al-Shabaab de 2009 à 2010 et les divisions internes entre 2011 et 2013.
Malgré la multiplication des attaques (ICI l’article de Paul D. Williams), l’ambassade américaine a rouvert à Mogadiscio après 30 ans de fermeture !
La mer Rouge et le Golfe d’Aden constituent une voie maritime majeure du commerce international. La situation politique des pays riverains et le nouveau grand jeu des puissances internationales pourraient y menacer la liberté de circulation. Un nouveau rapport ISS examine ces transformations et propose des recommandations à l’aune des expériences d’autres zones maritimes.
Environ 40% des habitants du Soudan du Sud ont été déplacés par la guerre civile. Cet article permet de prendre conscience de l’ampleur du phénomène.

Afrique de l’Ouest
Un nouvel ouvrage revient sur l’histoire d’Hissene Habré.
Il ne faut pas se moquer mais... j’ai beaucoup ri à ce Tweet d’Adam Sandor sur l’efficacité de la communauté internationale au Mali. A noter également la publication d’Alpha Oumar Konaré et Adame Ba Konaré sur l’histoire du Mali.

Arts et littérature
Allez visiter ce site : Brittle Paper qui se définit comme : « an Afrocentric digital literary space ».

Le saviez-vous ? Les festivals de littérature se multiplient sur le continent africain.
Hâte de découvrir le 30 octobre le Dictionnaires enjoué des cultures africaines d’Alain Mabanckou et Abdourahman Waberi.

Les écrivains du continent utilisent la science-fiction pour décrire la présence de la Chine en Afrique.

Découvrez ce fil Twitter sur l’enseignement de la littérature africaine dans des langues africaines pour un public africain.
Pour le philosophe Achille Mbembe le continent africain doit adopter une position favorable aux migrations, éliminer progressivement les frontières coloniales et devenir un "vaste espace de circulation".
Cet article revient sur les discriminations, le racisme et l’esclavagisme à l’encontre des Noirs en Afrique du Nord depuis les révolutions arabes. Et celui-ci étudie en particulier la question en Algérie.


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dimanche 29 septembre 2019

Dernières nouvelles du continent (6)


Corne de l’Afrique
Hâte d’écouter le nouveau podcast de l’International Crisis Group consacré à la Corne de l’Afrique simplement intitulé « The Horn ». Décidément les transformations contemporaines dans la Corne de l’Afrique font des émules. L’Université de Washington créée une initiative pour combler le manque de recherche sur le sujet. A quand la même chose en France ?

Pour vous aider à préparer vos syllabus de cours, la revue International Affairs propose une bibliographie. Je suis très fière de retrouver mon article sur l’Ethiopie dans la sélection Afrique aux côtés de Denis Tull sur l’armée malienne.
Tefera Negash Gebregziabher publie dans African Affairs un article sur l’histoire de l’idéologie portée au sein du parti éthiopien TPLF : « It argues that the circumstances surrounding the ‘shifts’ in ideologies by the TPLF show that ideologies were used to consolidate power within the party and later impose domination at the state level. A thorough investigation of the ideological history of the TPLF is crucial as Ethiopia seems to be standing at a critical ideological crossroad.” Le Journal Democratization consacre également un article à l’Ethiopie et plus particulièrement à son modèle de Dévelopmental State. Ce modèle adopté par l’Ethiopie ou le Rwanda semble être privilégié par les donateurs internationaux bien qu’il s’accompagne de régimes autoritaires peu regardant sur les droits de l’Homme. Cet article interroge ce paradoxe. Il faut également lire cette analyse sur les contestations politiques contemporaines en Ethiopie.
Harry Verhoeven publie dans Civil Wars un article sur ‘interventionnisme des pays du Golfe dans la Corne. Selon lui : «  this interventionist thrust is historically rooted and deeply structural: the politics of state survival that dominate both the Gulf and the Horn are leading aspiring regional hegemons with a self-proclaimed responsibility to provide order to securitise their near abroad. Originating from the self-identity of regional powers and efforts to protect their respective domestic political settlements, this is producing a profoundly destabilising pattern of regional polarization”.
Les Cahiers d’Etudes africaines publient un nouveau numéro. J’ai hâte d’y lire cet article : « From Grievance to Greed in Somalia. The Formation, Failure and Fall of the United Somali Congress (1989-1991)”. Sur Twitter Paul D. Williams spécialise de la Somalie s’interroge sur la nécessité pour l’AMISOM de négocier avec Al Shabaab.
Le Point Afrique consacre une série de billets sur les féministes au Kenya avec notamment une interview de la politiste Marie-Emmanuelle Pomerolle qui publie, avec Nanjala Nyabola, “Where Women Are, Gender and the 2017 Kenyan Elections”. Elle explique : « Au Kenya, comme dans beaucoup d'autres endroits, l'analyse des élections, et du politique en général, met en avant les dynamiques de partis, les tensions ethniques, parfois les disparités économiques, mais les rapports de genre sont invisibles. Pourtant, regarder les élections avec ces lunettes permet d'enrichir l'analyse du politique. »
Afrique de l’Ouest
Le bulletin franco Paix de septembre porte sur l’armée guinéenne et s’interroge sur ce qu’est « une institution d’État, qui échappe à cet État à certains moments, s’y confond à d’autres et qui repose sur des modes de gouvernement ambigus et complexes ».
La France est-elle intervenue dans le Nord du Mali pour le pétrole ? C’est la question que pose Marc Antoine Pérouse de Montclos et Thierry Hommel dans un article de The Conversation Ils démontrent qu’ « Il n’y a pas de corrélation entre les zones d’intervention de l’armée française et la ventilation géographique des intérêts économiques de l’ancienne puissance coloniale sur le continent» e tplus loin d’ajouter : « Depuis 2013, les opérations Serval puis Barkhane n’ont guère été rentables au vu de leur coût, qui a augmenté dans la durée, et de leur incapacité à rétablir les parts de marché de la France, en perte de vitesse dans ses secteurs phares : machines, appareils électriques et électroniques, produits pharmaceutiques, aéronautique, automobile ». En 2015, nous faisions le même type de constat dans un article sur la politique de la France au Sahel : « la France reste en général l’un des principaux fournisseurs des cinq Etats. Inversement, ces derniers ne sont pas les principaux partenaires de la France en termes d’échanges économiques. Ainsi, la balance commerciale avec les Etats du Sahel est fortement excédentaire en faveur de la France ». Cette réflexion générale sur le rôle des ressources dans le déclenchement des guerres nous rappelle celle de Romain Mielcarek en 2016: « La seule guerre dont on est convaincus qu’elle a été déclarée pour le pétrole, est celle du Chaco, opposant la Bolivie et le Paraguay entre 1932 et 1935. 110 000 morts plus tard (un quart des combattants), on réalisera que la vaste plaine convoitée par les deux voisins… ne dispose finalement d’aucunes réserves. Dans les autres conflits, le pétrole n’est pas le motif de la guerre. En tout cas pas le seul. »
A noter : L’Institut français de recherche en Sciences Humaines au Nigéria (IFRA Ibadan) recherche son nouveau directeur !
Afrique centrale
Lignes de défense a consacré une émission à la Russie en RCA. Ces derniers mois les oligarques russes ont massivement investit en Centrafrique mais on voit également des contractors russes. La Russie déploie aussi son soft power dans les secteurs médicaux et agricoles.
Les travaux sur le Burundi se font rares. Quel plaisir, donc, de lire cet article de Jean Pierre Chrétien ! Le chercheur spécialiste des Grands Lacs voit dans une manifestation le 25 août dans les rues de Bujumbura pour dénoncer le Rwanda, qui aurait « volé et utilisé les tambours burundais en violation des lois burundaises et même internationales” (…) une nouvelle tentative du régime de Pierre Nkurunziza pour mobiliser contre le voisin rwandais des passions nationalistes (voire « ethniques »), susceptibles d’être utiles lors du futur scrutin présidentiel de 2020. »
Dans le cadre de la troisième phase - « l’insécurité en ville » - du Projet Usalama (dont l’objectif est d’étudier la dynamique du conflit et de la violence et les effets de ces deux phénomènes sur la société congolaise) Judith Verweijen publie un rapport sur la violence urbain dans l'est du Congo.
Arts et littérature
Jetez un coup d’œil sur Twitter à ce Thread sur les 50 meilleurs livres africains écrits en anglais.
La prochaine journée d'étude de l'Association pour l'étude des littératures africaines se tiendra le 25 septembre 2020 à l'université Paris-Nanterre et sera consacrée aux représentations artistiques et littéraires de la relation sino-africaine. Les propositions de communication (300 mots maximum) accompagnées d’une brève bio-bibliographie sont à adresser avant le 1er mars 2020 aux trois adresses suivantes : ninon.chavoz@gmail.com ; pierr.leroux@gmail.comet fparavy@yahoo.fr
Conférences et appels à communications 
Appel à contributions REAF 2020 : le Groupement d’Intérêt Scientifique «Études Africaines en France » tiendra ses sixièmes rencontres les mardi 7, mercredi 8, jeudi 9 et vendredi 10 juillet 2020 à Marseille. Les chercheur.e.s sont invité.e.s à déposer sur le site : https://reaf2020.sciencesconf.org  un document présentant une proposition d’atelier au plus tard le 6 janvier 2020.
Le séminaire  sur les approches postcoloniales (SAP) reprend avec une première séance le 1er octobre autour  Stéphane Dufoix, professeur des universités en sociologie à l'Université Paris Nanterre.
Encore quelques heures pour s’inscrire au Séminaire ’Conflits armés et patrimoine en Afrique’ qui se tiendra le 10 octobre à Paris.
In Mémorandum
Le 27 septembre RFIrecevait Jean Merckaert, rédacteur en chef de la revue Projets. Les hommages sont unanimes ces derniers jours respectant l’adage latin « de mortuis nihil nisi bonum » (des morts, on ne dit que du bien »). Pourtant Jacques Chirac c’est aussi des « amitiés » peu recommandable qui se traduisaient par un retour d’ascenseur comme les financements d’Omar Bongo. Une politique de réseaux incarnée par des proches comme Foccart ou Pasqua.
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