mercredi 9 février 2011

Afrique du Sud : le défi de l'emploi

Début janvier l'OCDE a publié un rapport sur le taux de chômage qui toucherait en Afrique du Sud 24,5% de la population. Une augmentation par rapport au dernier chiffres de 2007 : 22,3%. Mais surtout il touche majoritairement la population noire (28,6% contre 4% chez les Blancs). L'Afrique du Sud aura besoin d'un taux de croissance supérieur à 5 % au cours des prochaines années pour infléchir ce chômage .
Le Center for Development and Enterprise de Johannesburg indiquait qu’en 2005, 65% des jeunes entre 15 et 25 ans étaient au chômage. On imagine que ces données ne sont guère meilleures aujourd'hui (Graphique : taux  de chômage des jeunes 2008).

Pourtant Jacob Zuma avait promis de créer 500 000 emplois avant la fin 2009, en pleine crise économique et financière mondiale. Il vient encore de promettre :
-l'implantation d'usine à grande échelle censée créer 350 000 emplois dans les 10 années à venir
- l'économie verte promet d'en créer 300 000
- le développement des infrastructures : 250 000
- 10% de postes en plus dans la fonction publique
- 140 000 dans les mines
- 260 000 dans l'économie sociale
Les perspectives sociales inquiétantes (crime, exode des Blancs, chômage, réforme foncière au point mort…) sont très présentes au sein des classes moyennes blanches et noires. Certains observateurs soulignent même le passage d’une société de races à une société de classes. Mais l’utilisation de la rhétorique raciale est toujours utilisée en réponse aux critiques par l'ANC. De même que la référence à Mandela. Dans son premier spot de campagne, l’ANC avait ainsi fait de Mandela l’un des visages de sa campagne, et son apparition lors d’un rassemblement électoral de l’ANC dans l’Eastern Cape montre que le parti utilise plus son héritage historique que son bilan politique.

Le bilan de l’ANC : 14 millions de personnes de plus ont désormais un toit, et 80% sont raccordées au réseau électrique. En 1994, 51% de la population était considérée comme pauvre, contre 41% en 2007 (chiffres officiels). En 2008, 12 millions de personnes ont bénéficié d’aides de l’Etat, passant le programme d’aide de 6,4 milliards d’euros (72,3 milliards de rands) en 2005-2006 à une estimation de plus de 10 milliards d’euros (118,1 milliards de rands) pour 2009-2010.
Pourtant, en 2008, 43% des Sud-africains vivaient avec moins de deux dollars par jour (chiffres de l’ONU). Le creuset entre riches et pauvres ne cesse d’augmenter, malgré une croissance stable depuis 1994. Cette croissance continue n’a pas permis au parti de se remettre en question. Or, l’impôt, payé à 90% par la minorité blanche, et l’insécurité poussent les jeunes diplômés blancs à l’exil. L’Afrique du Sud enregistre l’un des taux de meurtres les plus élevés au monde. « Si l’apartheid criminalisait toute forme de manifestation politique, la lutte pour la libération politisait les actes criminels » .
Le candidat Zuma prônait des mesures populistes et radicales pour satisfaire la base de l’électorat de l’ANC, et l’aile gauche du parti qui le soutenait contre son prédécesseur. Le président Zuma doit composer avec un pays touché par la crise internationale et une crise structurelle interne.

Sources : SLG/ Afrique Asie

lundi 7 février 2011

Sur les migrations Somalie/Yémen

A signaler l'excellent reportage de William Spindler (porte-parole du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en France) sur les "Migrants oubliés du Yémen" avec un reportage photographique de Rocco Nuri.

Résumé :
"Le Yémen ne semble pas être le premier endroit où l’on penserait se rendre en quête de sécurité ou d’une vie meilleure : extrême pauvreté, tribus rebelles, insurrections, conflits armés persistants, mers infestées de pirates… Pourtant chaque année, des dizaines de milliers de réfugiés arrivent depuis la Corne de l’Afrique avec l’espoir d’échapper à la guerre, aux persécutions, à la famine et à la sécheresse."

A lire, à voir ICI

samedi 5 février 2011

Colloques cette semaine

lundi 7 février (9h30) Conférence de presse de présentation du nouveau trimestriel : AFRICA24 Magazine autour d’un petit déjeuner - AFRICA24 Magazine est un trimestriel de 200 pages, haut de gamme, basé sur l’analyse et la vision d’experts et de leaders entièrement dédié à l’économie Africaine, aux enjeux géopolitique et aux défis du continent.
Lieu : Restaurant LADURÉE, 75 av des Champs Elysées, Paris 8è - Rens. Et inscription avant le 3 février 01 47 03 31 95 direction@etnium.com africa24mag@etnium.com

mercredi 9 février de 11h à 13h
: Conférence dans le cadre du séminaire Afrique australe : Etat, Sociétés et Problèmes sociaux. Le séminaire organisé sous la responsabilité de Jean Copans et Ingolf Diener, propose d’analyser la dynamique des relations sociales et politiques dans les pays d’Afrique australe et dans la région en tant que telle. L’accent sera mis sur les dynamiques des sociétés post-coloniales et post-apartheid. - Lieu : Centre d’Etudes Africaines, salle de réunion (Ceaf) , 2e étage, 96 bd. Raspail, Paris 6è - Rens. : diener.ingolf@neuf.fr www.ipt.univ-paris8.fr/cerasa/

mercredi 9 février de 17h45 à 19h45 rencontre-débat sur : « Diaspora et Panafricanisme »
Aujourd’hui, le panafricanisme anime les rêves et les réflexions d’une diaspora africaine dispersée dans le monde qui se vit comme porteur d’une vision et d’un humanisme dont on sent bien l’importance de sa contribution à la marche de notre planète. Avec Patrice Yengo, anthropologue, professeur à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales EHESS ; Lazare Ki-Zerbo, Burkinabé, philosophe de formation (doctorat à Poitiers en 1994), co-auteur du Recueil de textes sur le Mouvement panafricaniste au vingtième siècle (OIF, Paris), et Etudes africaines de géographie par le bas (CODESRIA). Chargé de projets droits de l’Homme à la rancophonie. http://fondationki-zerbo.org - dans le cadre du cycle I, 2010-2011, consacré au thème : « Que peuvent les productions littéraires africaines ? » - Lieu : Ecole Nationale d’Administration (ENA), amphithéâtre Parodi, 2 av de l'Observatoire, Paris 6ème, RER B : Luxembourg, Bus : 38 et 82 ) - Rens 01 43 48 14 67 cade@afrique-demain.org http://www.afrique-demain.org

vendredi 11 février de 9h30 à 12h30 Conférence-Débat :Les processus électoraux en Afrique, vecteur de démocratisation ou d'instabili
té ? Études de cas : Côte d'Ivoire, Guinée, Kenya autour de : Nicholas Cheeseman, Chercheur au Centre d'Études Africaines d'Oxford ; Mathieu Merino, Chercheur CREPAO-CEAN, Chargé de missions d'observation électorale; Gilles Yabi, Directeur du Bureau de Dakar de l'International Crisis Group; Alain Antil, Responsable du programme Afrique subsaharienne de l'Ifri; Vincent Darracq, Chercheur invité à l'Ifri (Programme TAPIR) - Lieu : Ifri, salle de conférence, 27 rue de la Procession, Paris 15è, M° Volontaires (12) ou Pasteur (6) - rens. Victor Magnani 01 40 61 60 88 , 01 40 61 60 00 magnani@ifri.org ifri@ifri.org

vendredi 28 janvier 2011

Badie sur la démocratie et les élections

Le jeudi 20 janvier dans un chat sur le MOnde.fr Bertrand Badie a donné son analyse des évènements en Côte d'Ivoire et en Tunisie, extraits :

" (...) Une élection n'a de sens que si elle est approuvée comme mode de régulation politique par tous ceux qui y participent. Autrement dit : pas d'élection sans démocratie instituée, pas de démocratie possible sans Etat installé, et pas d'Etat concevable sans nation construite autour d'un contrat social. On voit bien, par exemple dans le cas ivoirien, que le vrai défi d'une élection est de faire en sorte que la minorité battue tienne son échec pour légitime. (...)


En bref, l'organisation matérielle d'élections dans des pays qui ne sont pas arrivés à bout de leur guerre civile et où la puissance publique n'est pas parfaitement structurée et légalisée a peu de chances d'aboutir à des résultats probants. Maintenant, si les élections sont contestées et si, comme en Côte d'Ivoire, le candidat réputé défait refuse d'admettre son échec, la "communauté internationale" peut-elle le faire changer d'avis ? Et comment ? Un candidat qui obtient 47 % des suffrages ne peut pas être tenu pour un dictateur isolé. Il a une base sociale. Dans le cas ivoirien, il incarne presque la moitié du pays. Une opération de commando à la Noriega ne serait donc pas suffisante. La vraie question qui se pose est de savoir si une armée étrangère peut reconstituer par la force un contrat social déchiré.(...)

La principale erreur des Nations unies est d'avoir pensé un processus électoral dans un contexte de démilitarisation et de démobilisation inachevées : l'Onuci n'a pas su faire ce qu'avait réussi la Minul au Liberia ou la Minusil en Sierra Leone. Le principal rôle de l'acteur onusien est de créer les conditions d'une vraie compétition électorale. En Côte d'Ivoire, l'élection n'apparaissait que comme le prolongement de la guerre intestine amorcée en 2002 en mobilisant d'autres moyens.
On ne s'étonnera pas que les résultats électoraux soient eux aussi le prolongement de la guerre civile par d'autres moyens. (....)

On est en fait confronté, à travers cette expérience, au danger de vouloir mêler, voire confondre, le rôle du juge et celui du médiateur. Etre médiateur suppose d'occuper une position intermédiaire et équidistante entre deux protagonistes ; être juge consiste à donner raison à l'un contre l'autre. Il s'agit bien, donc, de deux rôles distincts. Les Nations unies ont, dans l'affaire ivoirienne, jugé. Nous n'avons pas les moyens d'établir ici si elles ont accompli cette tâche de manière correcte. Mais s'y étant installées, elles s'interdisent désormais de jouer le rôle de médiateur. D'où l'apparition de toute une série d'acteurs nouveaux qui s'efforcent de tenir ce rôle ainsi laissé vacant : des chefs d'Etat de la Cédéao, le premier ministre kényan, ou, tout au début, l'ancien président sud-africain.(...)"

Sur la Tunisie : " (...) D'abord, la dictature a fait oublier la culture démocratique, a rasé la vie politique, a cassé les forces d'opposition et a aboli le débat public. Une élection n'est pas possible ni légitime sans que tous ces éléments se trouvent préalablement restaurés. D'autre part, cette révolution a une particularité remarquable : c'est peut-être la vraie première révolution post-léniniste que nous connaissons. C'est-à-dire sans leader, sans organisation, sans interlocuteur, donc, qui puisse parler au nom du mouvement social ou le confisquer. Or, l'élection est fondamentalement une institution élitiste, qui suppose un personnel politique, des partis, bref, une oligarchie qui sera portée par les urnes. Un temps de latence devient indispensable pour que se constitue cet autre préalable nécessaire.(...)

Prenons-la [la démocratie] comme un idéal, c'est-à-dire faisons-en une valeur partagée par tous, c'est-à-dire reconstruite par ceux-là même auxquels elle est censée s'adresser. Sa faiblesse se trouve dans sa dérive procédurale, dans son universalisme naïf, dans son formalisme, dans la volonté de plaquer et d'imposer de l'extérieur des modèles tout faits auxquels on ne cherche même pas à faire adhérer ceux auxquels on veut l'adresser. Peut-être que le fond du problème est là ; nous avons oublié chez nous que la démocratie était un idéal, nous n'en retenons plus que l'aspect facile de technique de gouvernement : on l'exporte telle quelle et on veut en faire en plus une technique d'action diplomatique ; on a alors tout faux.

mercredi 26 janvier 2011

2011 : Des élections à gogo

18 élections présidentielles et un référendum d’autodétermination. Les élections seront des périodes incertaines dans des pays dits fragiles comme la RD Congo, le Zimbabwe, la Centrafrique, Madagascar et le Nigeria. Peu de suspense en revanche au Cameroun, en Ouganda, au Tchad, en Égypte, à Djibouti et en Gambie.

Dates et pays à suivre cette année :
Bénin : Présidentielles et législatives en mars 2011
Cameroun : Paul Biya est au pouvoir depuis 28 ans et a modifié la Constitution pour pouvoir briguer un troisième mandat, le RDPC reste dominant.
Cap vert : Législatives le 6 février
Djibouti : Sans surprise et après la révision constitutionnelle lui permettant de se présenter une nouvelle fois (ICI) Ismaïl Omar Guelleh devrait remporter les présidentielles organisées le 8 avril.
Gambie : Elections présidentielles en septembre. Yahya Jammeh a déclaré se retirer mais il pourrait vouloir briguer une nouvelle fois la place suprême.
Niger : référendum constitutionnel le 31 octobre 2010, les élections locales le 08 janvier 2011, les législatives couplées au 1er tour des présidentielles le 31 janvier 2011 (10 candidats dont une femme), le 2ème tour des présidentielles le 12 mars 2011 et le président élu prêtera serment le 6 avril 2011.
Gabon : législatives. Premières consultations générales depuis l’accession d’Ali Bongo à la présidence en 2009.
Liberia : présidentielles en octobre 2011. Ellen Johnson Sirleaf, première femme présidente d`Afrique, élue en 2005, est candidate à un second mandat.
Madagascar : Législatives en mars et présidentielles le 4 mai mais la date sera-t-elle maintenue ? En l’absence d’opposition Rajoelina pourrait remporter des élections qui ne seraient pas reconnues par la communauté internationale.
Nigeria: Elections générale en avril 2011. Le président Goodluck Jonathan a été désigné comme candidat du Parti démocratique des peuples (PDP, au pouvoir). Les nordistes du parti estiment que c'est leur tour d'occuper le fauteuil de la présidence, après les deux mandats de l'ancien président Olusegun Obasanjo, un Chrétien du Sud, achevés en 2007. Bien que le successeur de M. Obasanjo, Umaru Yar'Adua, soit un musulman du Nord, il n'a toutefois pas terminé son premier mandat. Ce dernier est décédé le 5 mai 2010, ouvrant ainsi la voie à son vice-président de l'époque, M. Jonathan.
Ouganda : Après 25 ans au pouvoir Yoweri Museveni devrait remporter les prochaines présidentielles (le 18 février).


République Démocratique du Congo : Législatives en juillet 2011, présidentielles le 27 novembre. Alors que le pays doit organiser ses 2ème élections démocratiques, une révision constitutionnelle vient de supprimer un tour de scrutin au grand damne de l’opposition. Raisons invoquées : contraintes financières et préservation des acquis de la paix entre autres.
São Tomé e Príncipe : Présidentielles en juillet. Au pouvoir depuis 2001, Fradique de Menezes au pouvoir depuis 2001 ne peut pas se représenter.
Seychelles : présidentielles en juillet
Tchad : les élections générales de 2011 seraient reportées au 8 mai (premier tour des présidentielles le 3 avril?). Les élections devraient se dérouler avec plus de consensus qu’à l’accoutumé du fait de l’« Accord politique en vue du renforcement du processus démocratique au Tchad », signé en 2007 qui a permis à toutes les parties de collaboré à la mise en place d’une Commission électorale nationale indépendante paritaire. Pour Jeune Afrique « l’enjeu principal des élections sera la redistribution des cartes. L’opposition espère gagner plusieurs sièges à l’Assemblée nationale et s’imposer au niveau local ».
Zambie : Présidentielle et parlementaires en octobre. Le président Rupiah Banda affrontera l`opposant historique Michael Sata.
Zimbabwe : Présidentielles en février 2011 après les massacres de 2008. A 86 ans et après 30 ans au pouvoir Robert Mugabe voudra gouverner sans la contrainte d’un gouvernement d’union nationale.

mardi 25 janvier 2011

Colloque cette semaine

Demain de 11h à 13h : Conférence : Transitions du post-colonial et du post-apartheid. Dans le cadre du séminaire Afrique australe : Etat, Sociétés et Problèmes sociaux. Le séminaire organisé sous la responsabilité de Jean Copans et Ingolf Diener, propose d’analyser la dynamique des relations sociales et politiques dans les pays d’Afrique australe et dans la région en tant que telle. Les premières séances seront consacrées à une présentation synthétique et didactique du sub-continent, de ses sociétés, de leur histoire et de leur économie. Ensuite, en variant les approches disciplinaires et les domaines thématiques, le séminaire fera intervenir chercheurs confirmés, doctorant(e)s ainsi qu’invité(e)s en provenance de la région. L’accent sera mis sur les dynamiques des sociétés post-coloniales et post-apartheid. - Lieu : Centre d’Etudes Africaines, salle de réunion, 2e étage, 96 bd. Raspail, Paris 6è - Rens. : diener.ingolf@neuf.fr www.ipt.univ-paris8.fr/cerasa/

dimanche 23 janvier 2011

Classement politique des leaders Africains

"Jeune Afrique" propose cette semaine un classement des hommes et femmes les plus influents du continent en fonction de la notoriété, de l'aptitude à peser sur le jeu diplomatique, du poids économique, du rayonnement moral ou culturel...


Quelques remarques :
- les leaders arabes tiennent les premières places : Moummar Kaddafi (1), Abdelaziz Bouteflika (3), Mohammed VI (4), Hosni Moubarak (7)

- 3 "leaders" se classent dans le top 20 pour leur capacité de nuisance : le chef d'AQMI Abdelmalek Droukdel (6), le pirate Somalien Garaad Mohamed (9), et Henry Okah, le leader présumé du Mouvement du Mouvement d'émancipation du Delta du NIger (Mend) détenu en Afrique du Sud. Son mouvement aurait contribué à la baisse de la production pétrolière dans le delta de 2,5 millions à 1,8 millions de barils par jour.
- Etonnamment Goodluck Jonathan (Nigeria) se classe 17ème alors que l'autre "grand" du continent, Jacob Zuma est second. Autre surprise Jean Ping est 18ème.
- Les leaders d'Afrique de l'Ouest semblent plus influents (étonnamment, il faudrait étudier de plus près les critères qui ont permis de réaliser ce classement) que ceux d'Afrique de l'Ouest ou d'Afrique de l'Est : Compaoré (5), Wade (9), Ellen Johnson Sirleaf (15). Afrique de l'Est : Zenawi (11), Musevini (12), Salva Kiir du Sud SOudan (16). Afrique centrale : Nguesso (13), Nguema de Guinée Equatoriale (14), Kagamé (10)

samedi 22 janvier 2011

Posture délicate pour la Chine en Côte d'Ivoire

Voici l'article de la lettre TTU du 5janvier 2011 intitulé "Double jeu chinois a Abidjan" il m'a semblé intéressant de le reprendre ici.

« Depuis qu’il avait offert du matériel à la commission électorale ivoirienne début sept, l’ambassadeur de Chine a Abidjan, Wei Wenhua, ne sait plus où donner de la tête pour faire apparaitre son pays comme intercesseur entre les 2 camps. Cet africaniste chevronné, ancien ambassadeur au Mali, a d’abord suivi la logique du PC chinois pro-Gbagbo, lequel dans sa jeunesse était militant pro-chinois. Pékin l’avait défendu quand il était tombé en disgrâce aux yeux de Paris, ce dont témoignera son voyage en Chine en avril 2002 et le soutien conséquent de Pékin contre Ouattara (soutenu par le Burkina Faso, principal relais de Taiwan). Des grands équipementiers chinois faisaient alors pression en ce sens, Ouattara apparaissant comme un poulain de Bouygues. Mais les Chinois continentaux veulent se maintenir en Côte d'Ivoire quoi qu’il arrive. Aussi, dès l’année passée, l’ambassadeur Wei avait consacré Ouattara comme « grand ami de la Chine ». A Pékin, on essaie de comptabiliser les éléments favorables dans les 2 camps. Les responsables de la commission militaire font valoir qu’ils ont d’excellents contacts avec l’armée régulière, tandis que les services spéciaux chinois ont réussi un coup de maître : installer, clés en main, l’intranet gouvernemental et le système téléphonique interministériel de Gbagbo l’année dernière, pouvant ainsi suivre en temps réel les mouvements de ce dernier. »

vendredi 21 janvier 2011

Djibouti : la France décroche ?

Décidément la base japonaise à Djibouti fait beaucoup parlé d'elle en ce moment. Phillipe Leymarie y consacrait hier un article (ICI) sur son blog : "A Djibouti, la première base du Japon à l’étranger depuis 1945".

Et j'ai eu le plaisir de voir que le journaliste du Monde Diplomatique a fait référence à mon article parut en novembre dans la revue Défense Nationale
: "Le gouvernement japonais est d’ailleurs resté discret sur cette première implantation permanente à Djibouti, pour ne pas réveiller un débat sur ce qui pourrait apparaître comme une violation de la Constitution pacifiste. En principe, le texte actuel ne s’oppose pas à la présence des FAD à l’étranger, « si c’est à la requête du pays concerné, et que leurs activités ne conduisent pas à l’usage de la force, y compris dans un cadre collectif (et sauf cas de légitime défense) », précise Sonia Le Gouriellec.Cette chercheuse de l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM) recense, parmi les facteurs à prendre en compte pour expliquer ces ambitions japonaises :
- la dépendance énergétique et commerciale de l’archipel ;
— sa vocation maritime (qui l’a conduit à construire une marine militaire performante) ;
— l’expérience du pays en matière d’antipiraterie, notamment la formation de garde-côtes à Singapour, en Malaisie, en Indonésie (qui a contribué à réduire très fortement la piraterie dans les détroits entre l’océan Pacifique et l’océan Indien);
— l’ambition du Japon de décrocher un siège permanent au Conseil de sécurité, et de « transformer sa richesse en puissance », sortant de ce qui a été jusqu’ici surtout une « diplomatie du chéquier »."

Philippe Leymarie note avec pertinence un point, observable sur le reste du continent, et caractéristique de la politique étrangère française actuellement : "Dans l’immédiat, Djibouti s’apprête à encaisser les dividendes d’une troisième base permanente : le loyer annuel pour la nouvelle base japonaise a été fixé à 30 millions de dollars – une somme comparable, pour le moment, aux royalties versés par le gouvernement américain (mais, dans ce cas, pour 2 000 hommes). Les Français s’acquittent d’un loyer de 30 millions d’euros (pour 2 850 hommes). Plusieurs armées étrangères – espagnole, allemande notamment – qui disposent également de facilités à Djibouti, mais pas de bases permanentes, versent des compensations plus réduites. Le petit Etat, dont la rente stratégique (aérienne et portuaire) est la seule ressource, est redevenu un point focal : il y a quelques semaines, on y a même aperçu l’amiral commandant la marine iranienne.Côté français, la tendance reste plutôt au « décrochage ». La 13e demi-brigade de la Légion étrangère (DBLE), stationnée depuis un demi-siècle à Djibouti, devrait être transférée en mai prochain à Abou Dhabi, où l’armée française a ouvert une nouvelle base. Le bail qui lie la France au gouvernement djiboutien prend fin l’an prochain, et devra être renégocié, dans un contexte d’effectifs en baisse. Le nouvel accord de défense entre Paris et Djibouti pourrait être signé fin janvier, grâce à un passage-éclair dans la Corne de l’Afrique du nouvel « Air Sarko One »."

jeudi 20 janvier 2011

Le Japon à DJibouti (2/2)

Suite de mes deux précédents billet ICI et ICI

Une approche globale pour l’Afrique : vers l’instauration d’une Pax Nipponica (11) ?
Le Japon a toujours semblé en retrait face aux évolutions majeures du continent (voire du monde), aujourd’hui il aspire à redevenir une nation politique. Mais son problème principal est de « transformer sa richesse en puissance (12) ». Ses priorités sont donc le développement de son aide internationale, de son modèle en matière de développement durable et le renforcement de sa présence dans les organisations internationales.
Pour ce dernier point le Japon a besoin du soutien des pays africains car il ambitionne d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité dans le cadre du « G4 » (Japon, Allemagne, Brésil, Inde) et les pays subsahariens représentent un quart des votes à l'Assemblée générale de l'ONU. Pour le premier point, c’est une évidence depuis deux décennies, la politique africaine du Japon s’articule principalement autour de son aide au développement ce qu’on a pu appeler « la diplomatie du portefeuille (ou du chéquier)» : « le Japon s’est engagé en Afrique subsaharienne par le biais de son Aide Public au Développement (13) ». Ainsi dans le cas de notre exemple Djiboutien, la coopération avec ce pays ne s’arrête pas à la lutte contre la piraterie. Le Japon ouvre aussi une ambassade sur place et multiplie les projets de développement : construction d’une centrale électrique solaire et l’installation d’un millier de panneaux solaires d’ici 2012 (14) , don de 35 millions de dollars en 2009, l’aide bilatérale est passée de 2 millions de dollars en 2007 à 22 millions en 2008 et 24 millions en 2009, construction et équipement d’un centre de formation pour les enseignants, accord de coopération dans la lutte contre la sécheresse (plus de 5.5 millions de dollars), des centres de dialyse, des studios de production pour la Radio Télévision de Djibouti (près de 10 millions de dollars), des écoles, des équipements agricoles (15) …

A partir des années 1990, en devenant l’un des principaux bailleurs de fonds bilatéraux sur le continent, le Japon s’est impliqué politiquement. Avec la loi PKO (Peacekeeping Operation) votée en 1992 et qui règle les conditions de la coopération au maintien de la paix, le Japon accrût sa participation aux efforts de paix : contribution financière à l’ONUSOM en 1992, surveillance des élections la même année en Angola (UNAVEM2), envoi d’unités de transport de troupes au Mozambique (ONUMOZ) en 1994, secours aux réfugiés Rwandais au Zaïre (MINUAR). Puis il a été le premier des pays non colonisateur à lancer en 1993 la série de conférence de la TICAD (Tokyo International Conference on African Development) afin d’expliquer les projets de développements qu’il avait pour l’Afrique. L’idée de coopération Sud-Sud s’est développée à partir de cette première conférence bien que pour certains la TICAD ait juste avalisé les stratégies de développement existantes (16) . Néanmoins au début du XXIème siècle, l’aide japonaise a subi de fortes contraintes budgétaires conjuguées à une réforme du Ministère des Affaires Etrangères et de l’APD qui a permit au Japon d’adopter une démarche globale alors qu’auparavant il séparait ses activités d’aide de celles liées au règlement des conflits. Au G8 de Miyazaki (juillet 2000) les ministres des Affaires étrangères ont donc adopté cette approche globale, de la phase précédant le conflit à l’après conflit et le Japon de rendre public son propre programme : « Action du Japon » qui indiquait les modalités de sa politique de développement en vue d’éliminer les causes potentielles des conflits. De plus il est a noté que depuis 2006 la part de l’aide accordée à l’Afrique (34,2% du total) a dépassé celle de l’Asie qui concentrait jusqu’alors la majorité de l’aide (et même 98.2% dans les années 1970)(17) . Lors de la quatrième réunion de la TICAD IV en mai 2008 Tokyo a même annoncé un doublement de son aide à l’Afrique.
Le ministère des Affaires étrangères exprimait son engagement pour la prévention des conflits ainsi : « Les questions de développement et de stabilité politique sont étroitement liées (…) le Japon doit (…) s’acquitter d’un certain rôle et mener des efforts indépendants sur le plan du développement africain et des questions de conflit, lesquels sont inhérents à sa position sur la scène internationale. (18) » Aujourd’hui le Japon soutien les appropriations africaines au travers des organismes régionaux et malgré quelques désillusions notamment sur l’utilisation de l’argent par l’Union Africaine pour l’opération de maintien de la paix au Darfour (MINUAD). Dorénavant la priorité va au financement de la formation dans les centres d’excellences régionaux. Tokyo apporte son soutien financier aux 9 centres d’excellences. Contrairement aux anciennes puissances coloniales qui concentrent financement et partenariat sur leurs zones d’influences, le Japon, qui n’a pas de racines historiques en Afrique, investit dans les 5 régions. Seule la NASBRIG (Brigade pour l’Afrique du Nord) bénéficie d’une attention particulière par le soutien au Cairo Centre for Conflict Resolution and Peacekeeping Training in Africa en Egypte. Cette région est en quelques sortes devenues leur zone de préférence (19) .

Conclusion
Le Japon s’est engagé dans une série de changements majeurs depuis le début des années 1990 et la création de cette base à Djibouti est une étape supplémentaire dans son autonomisation sur la scène internationale, à une période où l’archipel se trouve isolé tant dans sa région que dans le monde. L’Afrique est un axe de sa politique étrangère, Tokyo entend jouer un rôle majeur dans la prévention des conflits et la consolidation de la paix. Son implication croissante en Afrique de l’Est, zone au combien instable du continent, est une porte d’entrée pour une diplomatie plus politique sur le reste du continent.

11 Inoguchi Takashi, « Japan’s Foreign Policy in an area of Global Change », Londres, 1993, Pinter Publishers, p175.
12 Jean Esmein (sous la direction de.), « Les bases de la puissance du Japon », Paris, Collège de France, Fondation pour les études de défense nationale, 1988, 348 p.
13 K. Enoki, « La politique africaine du Japon », discours prononcé à l’université de Hokkaigakuin, le 30 juin 2000, cité par Shozo Kamo, « De l’engagement économique à l’engagement politique. Les nouvelles orientations de la politique africaine du Japon », in Afrique contemporaine, Hivers 2004, p.55-66.
14 « Contrepartie japonaise à Djibouti », in Lettre de l’Océan Indien, n°1275, 12 décembre 2009.
15 Yasser Hassan Boullo, « Intensification de la coopération entre Djibouti et le Japon », Agence Djiboutienne d’Informations, 21 juin 2010.
16 Minoru Obayashi (sous la direction de.), « Afurka no Chosen » [« les défis de l’Afrique »], Showa-do, 2003, cité par Makoto Sato et Chris Alden, « La diplomatie japonaise de l’aide et l’Afrique » in Afrique contemporaine, Hivers 2004, p.13-31.
17 Aicardi de Saint-Paul Marc, « Japon-Afrique : genèse d’une relation pérenne », in Géostratégiques, n°26, 1er trimestre 2010, p.195.
18 MOFA, « Contribution du Japon à la prévention et à la résolution des conflits en Afrique », Tokyo, 2000.
19 Entretien avec l’auteure à Djibouti le 5 juin 2010.