Le car transportant les joueurs de l’équipe nationale de football des Eperviers du Togo a été attaqué à Cabinda vendredi alors qu'il
franchissait la frontière entre le Congo-Brazzaville et ce territoire angolais, une bande de terre enclavée entre les deux Congo (Brazzaville et Kinshasa) et distant de 50 km du reste de l'Angola. Trois morts, deux joueurs et des dirigeants ont été blessés.
L’attaque a été revendiquée par le tout nouveau mouvement de résistance du FLEC/PM (Forces de Libération de l’État du Cabinda/Position Militaire) Rodrigues Mingas, son secrétaire général s'est expliqué : "Nous regrettons que ce soit le bus du Togo qui a été pris pour cible. On n'a pas fait exprès de tirer sur un bus de joueurs. C'aurait tout aussi bien pu être le bus des Ivoiriens, le bus de n'importe qui... On est en guerre,
tous les coups sont permis. L'Angola veut faire croire à une paix effective au Cabinda, mais la paix n'existe pas."
Dans son message de fin d'année, il l'annonçait déjà : "Les patriotes résistants du FLEC/PM, sont décidés à mener autrement la lutte réelle de libération de notre pays le Cabinda, dans ce challenge je peux vous dire que
les choses sérieuses vont commencer (...) Veuillez recouvrir l’espoir, le
changement arrive ! Oui, nous pouvons vous garantir que les choses vont bouger comme jamais et un vent nouveau va souffler sur la lutte de Libération Cabindaise dans les jours à venir pour le bien de notre peuple tout entier.".
Rappel historique : Cette
zone tampon a longtemps été le témoin des rivalités européennes, du fait de sa position géographique, près de l’embouchure du fleuve Congo. Le royaume de Cabinda était sous le
protectorat du royaume du Portugal à partir d’un traité signé le 1er février 1895 et cet acte constitue aujourd’hui le texte de référence des indépendantistes, puisqu’il
établit juridiquement l’existence politique de Cabinda. Selon eux, la cessation du protectorat aurait dû s’accompagner d’un retour à l’indépendance de ce royaume Or en 1956, le Portugal a placé le Cabinda et l’Angola sous l’autorité d’un administrateur unique, sans modifier le traité, et en contradiction avec la constitution portugaise, qui distinguait ces deux territoires. En 1963, Henrique Tiago Nzita et Ranque Franck créent le FLEC (Front de libération de l’Etat de Cabinda) dont l’objectif est l’indépendance du Cabinda. Avant l’indépendance de l’Angola, le contrôle du
Cabinda était vital pour permettre au MPLA (mouvement au pouvoir ayant lutté pour l’indépendance de l’Angola) d’acheter des armes avec la rente pétrolière (les gisements pétroliers d’Angola ne sont entrés en exploitation qu’à partir de 1980).
En 1975, quelques mois avant l’indépendance de l’Angola trois mouvements politico-militaires indépendantistes angolais et le Portugal ont proclamé le rattachement du Cabinda à l’Angola. En 2002, à la fin de la guerre civile angolaise, Cabinda n’est pas pacifiée. Pourtant depuis 2006, le gouvernement central assure que l'enclave l’est en raison de la signature d'un accord de paix avec Antonio Bento Bembe, un des dirigeants politiques du FLEC.
Cette guerre larvée se poursuit et l’action des forces gouvernementales contre la population civile continue à ternir l’image de l’Angola à l’étranger. (voir le rapport de Human Rights Watch en juin dernier ICI) (drapeau de Cabinda)
Mode d’action :
Au début des années 1990
les grandes puissances, attirées par la manne pétrolière se sont désintéressées des indépendantistes. En outre, en 1991 les soldats cubains ont quitté l’Angola, et les militaires sud-africains la Namibie. Les mouvements armés indépendantistes cabindais ont donc changé leur tactique pour obtenir des fonds et ont
commencé à prendre des otages parmi les étrangers salariés des grandes entreprises. Cette tactique a p
artiellement fonctionné puisque des négociations se sont ouvertes avec le gouvernement angolais. Mais l’
incapacité des indépendantistes (notamment) à unifier leurs stratégies a sonné le glas des négociations. Ainsi, l’accord de paix signé à la mi-2006 avec le Front de libération de l’enclave de Cabinda prévoyait notamment la nomination de nouveaux vice-ministres dans plusieurs zones mais il n’a pas tardé à être dénoncé par certains des leaders du Front, qui avaient été exclus des négociations.
La s
olution militaire reste l’hypothèse envisagée par le gouvernement angolais face à cette multitude de groupuscules. Au niveau international la division du camp indépendantiste a rendu le message cabindais inaudible. Ayant perdu leurs soutiens régionaux,
les indépendantistes recherchent de nouveaux alliés.
Le chemin vers la paix ? : Il n’y a aucune force de maintien de la paix actuellement, ni l’Union Africaine, ni les Casques bleus. Plusieurs médiations se sont succédées sans succès : Omar Bongo en 11997 et 1998 (président du Gabon) et Sassou Nguesso en 2006 (président du Congo Brazzaville).
L'occasion tendue par la CAN 2010 est unique : les médias internationaux et les observateurs pourront s’intéresser à la cause cabindaise.
L'occasion est donnée pour le FLEC de Nzita de revendiquer ouvertement l'indépendance du Cabinda. Mais à quel prix ?
Le risque est grand pour le mouvement indépendantiste de discréditer sa cause en frappant au hasard par des actions terroristes. Après les affrontements liés au match Egypte/Algérie, et cette attaque pour médiatiser une cause, le
football apparaît comme un reflet actif du monde. Pour Pascal Boniface, penseur de la géopolitique du foot, il existe un parallèle entre football et mondialisation, parce que le football s’est étendu à l’échelle planétaire et le foot reflète les tensions géopolitiques :
- affrontements entre les supporters croates du Dynamo de Zagreb et les Serbes de l’Étoile rouge de Belgrade avant la désagrégation de la Yougoslavie,
-lors de la phase éliminatoire de la Coupe du monde 1958, les pays du groupe Afrique-Asie ont refusé de jouer contre Israël.
- en1966, quinze pays africains susceptibles de participer à la Coupe du monde en Angleterre décident de se retirer, en raison de la sous-représentation de leur continent.
- plus récemment, les tensions entre l’Algérie et l’Egypte qui reflèteraient selon Pascal Boniface deux visions du nationalisme arabe.
- la participation de la Corée du Nord à la prochaine coupe du monde en Afrique du Sud permettrait à Pyongyang de redorer son image.
Donc, le football est devenu un instrument diplomatique. Il permet de promouvoir une image plus ou moins positive du pays, d’endiguer ou de prolonger des tensions régionales. Site du FLEC :
ICILa vidéo de l'évènement sur France 24 (interview de joueur après l'attaque) :
ICILe récit d'Adedayor le capitaine de l'équipe du Togo :
ICISources : Le Monde / « Les indépendantistes dans l’impasse au Cabinda » par la Commission des recours des réfugiés de la Cour National du droit d’asile /
Cabinda Monde Info
L angola s est toujours considéré come une puissante nation .... 1997 l angolais aide kabila a se debarrasser de l encombrant mobutu qui soutenait indirectement l unita de savimbi le but etait de couper les bases arrieres de l unita .... 1998 sassou reconquiere le pouvoir a brazaville le but etait de securiser le cabinda dont les mouvements rebelles(flec ecumait la region et soutenu passivement par lissouba .... aujourd hui luanda a renforcé ses troupes au cabinda du moins on le pensait ....
RépondreSupprimerCOMMENT EXPLIQUER la resurgence de ces mouvements rebelles alors que la pluspart ont ete demntelé et que les principaux leaders independantistes sont exiles ? il y a 4 ans luanda a renforcer ses troupes au cabinda a grand renfort mediatques ...
L'Angola s'est toujours considérée comme un puissant pays mais l'est elle vraiment ? :
RépondreSupprimerdans les conflits régionaux, le rôle de l’Angola est resté plutôt mineur :
- lors de la guerre civile au Libéria, ses efforts de médiation ont été largement éclipsés par le Nigéria ;
- en RDC, la diplomatie angolaise s’est surtout employée à soutenir le Président Kabila comme vous le dites mais sans initiative d’envergure, contrairement à son autre rival l’Afrique du Sud, très en pointe dans la recherche d’un dénouement global (sommet de Sun City en 2002) ;
- sur le dossier du Zimbabwe, le Président Dos Santos a longtemps défendu sans nuance la légitimité du pouvoir du Président Mugabe ; cette position apparaît comme une pâle reproduction de la « quiet diplomacy » du Président Mbeki.
La situation interne du pays n'est pas si simple : reconstruction post-guerre civile, problèmes de gouvernance...
L'Angola a pris le risque d'organiser une partie de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN-2010) dans l'enclave séparatiste de Cabinda pour prouver que le pays était stabilisé, mais l'attaque meurtrière contre l'équipe du Togo a ruiné ses plans.
RépondreSupprimerDepuis la fin d'une longue guerre civile, l'ancienne colonie portugaise est soucieuse de se présenter sous son meilleur jour pour attirer les investisseurs étrangers et financer sa reconstruction.
Les autorités ont organisé en septembre 2008 des élections législatives -les premières depuis 1992- qui ont légitimé le pouvoir du parti aux rênes du pays depuis l'indépendance, donnant plus de 80% des voix au MPLA.
En décembre, Luanda a accueilli un sommet de l'Opep et la CAN devait parachever ce processus de normalisation.
dommage pour un pays grisé par sa puissance
je profite de l occasion pour vous remercier pour ces precision ...
Merci à vous de faire vivre ce blog par la pertinence de vos commentaires
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