Nous publions ici, avec l'aimable autorisation de son auteur, Yves Gounin, une note de lecture parue initialement dans la revue Politique étrangère (4/2013, p.202).
Yves Gounin : "Il faut reconnaître à Michel Galy le mérite
d’avoir réuni autour de lui les meilleurs spécialistes du Mali pour
commenter, à vif, l’opération Serval lancée par la France le 11 janvier
2013 et la replacer dans le temps long historique.
Comme l’expose très clairement la préface de Bertrand Badie, la crise au Mali est un cas d’école de conflit multi-dimensionnel.
Comme l’expose très clairement la préface de Bertrand Badie, la crise au Mali est un cas d’école de conflit multi-dimensionnel.
Au premier chef le
niveau national : la crise d’un État failli, rongé par la corruption,
souterrainement travaillé par l’islamisme, où l’armée qui a pris le
pouvoir le 22 mars 2012 s’est posée en ultime recours (Jean-Luis Sagot
Duvauroux, Eros Sana), la marginalisation des populations touarègues,
tenues à l’écart de la construction nationale malienne (Hélène
Claudot-Hawad).
Les enjeux régionaux ensuite (Grégory Giraud) : les
frontières des Etats issus de la décolonisation tracés en contradiction
avec la culture nomade des Touarègues, des « printemps arabes » qui ont
largement débordés de leurs frontières, le retour de Touarègues surarmés
de la Libye où ils servaient de garde rapprochée à Kadhafi, la
criminalisation des groupes indépendantistes et fondamentalistes,
l’ombre portée de l’Algérie (François Gèze) ...
La dimension mondiale
enfin : les relations entre la France et l’Afrique, l’intervention
militaire internationale, sa légitimité politique, sa faisabilité
militaire, ses objectifs politiques …
On pourra toutefois reprocher aux contributeurs de La Découverte leur parti-pris. L’intervention française au Mali est à leurs yeux lestée de deux pêchés irrémissibles. Trahissant la promesse de rompre avec la Françafrique, François Hollande y conduirait « un processus de recolonisation qui n’ose pas dire son nom » fondé sur « une sorte de « doctrine Monroe » à la française » (p. 18). Pire encore : il marcherait pour ce faire sur les traces de George W. Bush et de sa politique néo-conservatrice. La charge est rude, qui n’hésite pas à comparer les reniements du pouvoir socialiste sur l’Afrique, de Mitterrand à Hollande, au « mollétisme de triste mémoire » (p. 87).
La charge est excessive. N’en déplaise aux adeptes de la théorie du complot et aux contempteurs de la désinformation dont les médias se feraient les complices, la France ne poursuit pas au Mali une politique néo-colonialiste. Avant comme après l’élection de François Hollande – et sur ce point les auteurs ont raison de souligner la continuité de la politique française – la France s’est inquiétée du délitement de l’Etat malien et de l’influence grandissante de mouvements terroristes aux objectifs flous. Son intervention militaire n’en fait pas le supplétif des Etats-Unis dont les intérêts et surtout la connaissance de la zone sont nettement moindres que ceux de la France. Son intervention n’en fait pas non plus une puissance néocolonialiste. Car elle n’est pas guidée par un quelconque projet de « mise sous tutelle du Mali » (p. 87). Autant la France joue au Mali un rôle essentiel, qui justifie que ce soit vers elle et non vers les Etats-Unis – ou vers la Chine étonnamment discrète sur ce théâtre – qu’il se tourne, autant le Mali ne compte pour rien dans la politique internationale de la France ou dans son économie (il n’est que son 84ème client et son 160ème fournisseur de la France).
Sans doute la sortie de crise sera-t-elle longue et périlleuse. Mais le pire n’est jamais certain. Et la bonne tenue des élections présidentielles de juillet 2008 laissent augurer une issue positive."
L'ouvrage : ICI
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