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dimanche 19 janvier 2014

Café stratégique : Sur les champs de bataille

Alors qu'en ce début d'année 2014 près de 8450 militaires français sont engagées sur plusieurs théâtres d'opérations extérieures, l'Alliance géostratégique vous invite, pour son 31ème café stratégique, à venir discuter avec Jocelyn Truchet.


Le café se tiendra le jeudi 23 janvier à 19h au café Concorde. L'entrée est libre mais par courtoisie avec notre hôte vous êtes invité à consommer avant de monter.


Le site de l'intervenant : ICI

vendredi 13 décembre 2013

Recension : La guerre au Mali

Nous publions ici, avec l'aimable autorisation de son auteur, Yves Gounin, une note de lecture parue initialement dans la revue Politique étrangère (4/2013, p.202).



Yves Gounin : "Il faut reconnaître à Michel Galy le mérite d’avoir réuni autour de lui les meilleurs spécialistes du Mali pour commenter, à vif, l’opération Serval lancée par la France le 11 janvier 2013 et la replacer dans le temps long historique.
Comme l’expose très clairement la préface de Bertrand Badie, la crise au Mali est un cas d’école de conflit multi-dimensionnel. 
Au premier chef le niveau national : la crise d’un État failli, rongé par la corruption, souterrainement travaillé par l’islamisme, où l’armée qui a pris le pouvoir le 22 mars 2012 s’est posée en ultime recours (Jean-Luis Sagot Duvauroux, Eros Sana), la marginalisation des populations touarègues, tenues à l’écart de la construction nationale malienne (Hélène Claudot-Hawad). 
Les enjeux régionaux ensuite (Grégory Giraud) : les frontières des Etats issus de la décolonisation tracés en contradiction avec la culture nomade des Touarègues, des « printemps arabes » qui ont largement débordés de leurs frontières, le retour de Touarègues surarmés de la Libye où ils servaient de garde rapprochée à Kadhafi, la criminalisation des groupes indépendantistes et fondamentalistes, l’ombre portée de l’Algérie (François Gèze) ... 
La dimension mondiale enfin : les relations entre la France et l’Afrique, l’intervention militaire internationale, sa légitimité politique, sa faisabilité militaire, ses objectifs politiques …


On pourra toutefois reprocher aux contributeurs de La Découverte leur parti-pris. L’intervention française au Mali est à leurs yeux lestée de deux pêchés irrémissibles. Trahissant la promesse de rompre avec la Françafrique, François Hollande y conduirait « un processus de recolonisation qui n’ose pas dire son nom » fondé sur « une sorte de « doctrine Monroe » à la française » (p. 18). Pire encore : il marcherait pour ce faire sur les traces de George W. Bush et de sa politique néo-conservatrice. La charge est rude, qui n’hésite pas à comparer les reniements du pouvoir socialiste sur l’Afrique, de Mitterrand à Hollande, au « mollétisme de triste mémoire » (p. 87).
La charge est excessive. N’en déplaise aux adeptes de la théorie du complot et aux contempteurs de la désinformation dont les médias se feraient les complices, la France ne poursuit pas au Mali une politique néo-colonialiste. Avant comme après l’élection de François Hollande – et sur ce point les auteurs ont raison de souligner la continuité de la politique française – la France s’est inquiétée du délitement de l’Etat malien et de l’influence grandissante de mouvements terroristes aux objectifs flous. Son intervention militaire n’en fait pas le supplétif des Etats-Unis dont les intérêts et surtout la connaissance de la zone sont nettement moindres que ceux de la France. Son intervention n’en fait pas non plus une puissance néocolonialiste. Car elle n’est pas guidée par un quelconque projet de « mise sous tutelle du Mali » (p. 87). Autant la France joue au Mali un rôle essentiel, qui justifie que ce soit vers elle et non vers les Etats-Unis – ou vers la Chine étonnamment discrète sur ce théâtre – qu’il se tourne, autant le Mali ne compte pour rien dans la politique internationale de la France ou dans son économie (il n’est que son 84ème client et son 160ème fournisseur de la France).
Sans doute la sortie de crise sera-t-elle longue et périlleuse. Mais le pire n’est jamais certain. Et la bonne tenue des élections présidentielles de juillet 2008 laissent augurer une issue positive."

L'ouvrage : ICI

vendredi 18 janvier 2013

Triste prospective, triste Sahel


En 2002 l’Economist Intelligence Unit présentait le Mali comme « un rempart contre l’islam radical en Afrique[1] ».  La même année le gouvernement américain avertissait que ce pays pourrait être une « pépinière potentielle d’intégristes islamiques ». Presque dix ans plus tard le Mali est le nouveau cœur de la guerre globale contre le terrorisme lancée par les Occidentaux en 2001. L’accélération des évènements au Sahel ne peut qu’irriter les chercheurs et observateurs de la zone, peu entendus dans les médias et encore moins par le politique (nous pensons en particulier à notre collègue Abou Djaffar et à la pertinence de ses analyses).

 (Les chercheurs : pour montrer ce qu'ils trouvent, ne doivent-ils pas être écoutés?)

Il y a deux ans lors d’un colloque organisé par le CREC St Cyr nous nous nous interrogions sur l’africanisation d’AQMI (à l'époque, seul groupe jihadiste de la région et dont le commandement était exclusivement arabe), au sens d’appropriation régionale d’une violence armée se réclamant de l’islam, ainsi que sur la réussite de la tentative de « déterritorialisation[2] » du GSPC-AQMI[3]. Nous concluions alors que si AQMI voulait survivre et se développer en Afrique subsaharienne son commandement devrait accepter de partager le pouvoir avec des subsahariens. Nous avions souligné les contraintes méthodologiques : d’une part beaucoup de recherches ont portées sur l’histoire de l’islam mais beaucoup moins sur l’islam pratiqué actuellement en Afrique, sur la formation des identités musulmanes, leur engagement politique... D’autre part, il s’agissait de dépasser une représentation souvent erronée de la zone saharo-sahélienne véhiculée par une historiographie défaillante[4] et qui s’explique par la rupture communément accepté entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. 

Voici les conclusions que nous tirions, il y a donc deux ans
« La situation économique et sociale régionale fait le lit d’AQMI. D’autant que les communautés marginalisées reçoivent beaucoup moins en termes de programmes de développement alors qu’elles en ont le plus besoin. La décentralisation qui a suivi le changement de régime de 1991 au Mali ne s’est pas mise immédiatement en marche dans le Nord et a intensifié les luttes de pouvoir au sein des communautés[5]. Le retrait des ONG, le marasme économique que constitue la chute des revenus liés au tourisme sont une fenêtre d’opportunité pour le recrutement de jeunes. Les trafics en tout genre sont une perspective lucrative pour des jeunes désœuvrés.
La zone saharo-sahélienne donne à AQMI une profondeur stratégique face aux moyens de répressions algériens mais seul le temps nous permettra de comprendre les ambitions globales de cette jeune organisation. 
On peut poser la question de l’africanisation de cette organisation mais aussi celle de la réponse des autorités locales et donc de l’africanisation de la lutte. En effet, les Etats de la région doivent relever le défi complexe d’un système de crises à trois niveaux [6]: local (lutte clanique ou ethnique), régional (rivalités de puissances), transnational (réseaux criminels, terroristes). Ces différents facteurs se nourrissent mutuellement, se renforcent et se diffusent dans la périphérie. La stabilité régionale est la fois menacée par des guerres classiques dont l’enjeu est le contrôle du territoire ou des ressources mais à ces facteurs « classiques » doivent s’ajouter des facteurs « globaux ».
Au départ chaque gouvernement menait sa propre stratégie pour combattre l’expansion du terrorisme. Si les Etats sont conscients du besoin de coopérer, la coopération reste pour le moment insuffisante. De plus certains conflits comme celui du Sahara Occidental sont des obstacles à la mise en place d’une stratégie commune. L’Algérie et la Libye (du moins jusqu’à l’opération «Aube de l'Odyssée») rejettent tout interventionnisme dans ce qu’ils considèrent comme leur zone d’intérêt stratégique. D’ailleurs si la Mauritanie, le Niger et le Mali suivent l’Algérie dans sa lutte, la Libye, le Tchad, le Burkina Faso, se sont déjà désolidarisés d’une initiative précédente. De plus, l’internationalisation de la menace oblige les Etats de la région, et plus particulièrement l’Algérie, à intérioriser le cadre conceptuel de lutte contre le terrorisme formalisé par les Américains et ce cadre international est plus contraignant[7].
Une aide extérieure doit être apportée mais elle doit rester discrète et passe par de l’appui aux capacités (capacity building type formation, entrainement…) associée à une volonté politique des Etats de la région. Les partenaires occidentaux doivent se garder de toute intervention directe ou de toute publicité intempestive faisant le jeu de la propagande djihadiste. La lutte contre le terrorisme est devenue la rente stratégique post-11 septembre, les injustices qu’elle créée sont, pour reprendre les propos de  Jean-François Bayart, « le meilleur sergent recruteur du radicalisme islamique [8]». Une approche globale[9] est nécessaire pour combattre ce terrorisme. La recherche d’une solution passe inévitablement par une réponse aux problèmes régionaux structuraux. On ne peut pas faire l’économie d’un débat sur le développement économique et social de la région dont le retard est à la base de l’instrumentalisation de certaines populations par AQMI. Si aujourd’hui cette menace est plus sécuritaire que politique, la région est un terreau favorable à un soutien local opportuniste. D’autant, que l’impact très négatif de cette violence terroriste, sur le tourisme ou les investissements, devrait accentuer cette problématique. Toute solution passe également par un renforcement de la légitimité de l’Etat sur ses marges et donc de sa présence notamment par la fourniture de services publics.
Par ailleurs gardons à l’esprit que cet espace a toujours posé des problèmes de gouvernance tant pour l’Etat colonial que pour ses successeurs[10]. La ceinture sahélienne est une zone mouvante d’échanges et de circulation, peuplées de sociétés nomades qui ont toujours entretenus des relations de coopération sur des périodes plus ou moins longues et d’affrontement avec les gouvernements centraux. Toute intervention étrangère doit garder ces données en tête et ne pas commettre les mêmes erreurs qu’en Somalie où les ingérences extérieures ont donné une légitimité aux insurgés. Toute ingérence faire courir le risque que des alliances conjoncturelles se renforcent derrière une cause commune anti-impérialiste. Le djihad devenant la version islamique des luttes anticoloniales[11]. »


[1] Cité par Benjamin Soares, « L’islam au Mali à l’ère néolibérale » in Islam, Etat et société en Afrique, Paris, Karthala, 2009,
[2] Olivier Roy, « Islamisme et nationalisme » in « Dossier : Islam et démocratie », Pouvoirs, n°104, janvier 2003, p.45-53
[3] Cette terminologie « GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat)-AQMI » permet de mettre en évidence l’évolution en cours d’un djihadisme national vers un djihadisme globale.
[4] Lire E. Ann Mcdougall, « Constructing Emptiness : Islam, Violence and Terror in the Historical Making of the Sahara », in Journal of Contemporary African Studies, n°25, p.17-30 et Triaud Jean-Louis, « L'islam au sud du Sahara. Une saison orientaliste en Afrique occidentale » Constitution d'un champ scientifique, héritages et transmissions, in Cahiers d'études africaines,  2010/2-3-4 N° 198-199-200,  p. 907-950.
[5] Karin Nijenhuis, « Does decentralization serve everyone ? The struggle for power in a malian village », in The European Journal of Development Research, 2003,  Vol.15, n°2, p.67-92
[6] Charles Toussaint, « Vers un partenariat euro-sahélien de sécurité et de développement ? », in Annuaire français des relations internationales, 2010,  p.761
[7] Cherif Dris, « L’Algérie et le Sahel : de la fin de l’isolement à la régionalisation contraignante », in Maghreb Machrek, Choiseul, n°200, été 2009, p.57
[8] Jean-François Bayart, « Le piège de la lutte antiterroriste en Afrique de l’Ouest », in Sociétés politiques comparées, n°26, août 2010, P.4
[9] Sur ce concept se référer à : Cécile Wendling,  « L’approche globale dans la gestion civilo-militaire  des crises. Analyse critique et prospective du concept », in Cahier de l’IRSEM n°6, 2010,  134p.
[10] Entre 1957 et 1961, le colonisateur tenta de créer une Organisation commune des régions sahariennes (OCRS) afin d’administrer spécifiquement cet espace.
[11] Jean-Pierre Filiu, « The local and global Jihad of al-Qa’ida in the Islamic Maghrib », in The Middle East Journal, Vol.63n n°2, printemps 2009, p.214

mercredi 16 janvier 2013

Opération Serval au Mali : quand l'opinion part en guerre

Ilinca Mathieu, doctorante en science politique et rattachée aux jeunes chercheurs de l'IRSEM nous propose cette analyse de l'opinion publique au moment où la France se trouve engagée au Mali.

"Aux lendemains du déclenchement de l’opération Serval au Mali, les Français se seraient, selon les premiers sondages, montrés très favorables à cette décision (à 63% 1, voire même 75%² ). S’il faut s’en réjouir, le soutien de la Nation constituant un élément clé de l’action armée dans une démocratie libérale, la situation doit être appréhendée avec prudence. C’est enfoncer une porte ouverte que de rappeler que le soutien de l’opinion publique est classiquement plus fort au début d’une opération que dans les mois, voire les années qui suivent (les exemples afghan et libyen l’illustrent) ; mais il faut également s’interroger sur la nature de cet appui initial – penche-t-il réellement en faveur de cette intervention ?

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 ©AFP PHOTO /ERIC FEFERBERG

Il est permis d’en douter, ne serait-ce qu’à l’écoute des commentaires d’auditeurs – théoriquement sélectionnés pour leur pertinence et/ou leur représentativité – sur les grandes radios nationales ces derniers jours. On y retrouve d’abord ceux qui postulent l’impréparation et l’amateurisme de nos forces armées sur le seul constat de la mort d’un pilote de Gazelle ou de l’échec d’une mission commando (en Somalie, concomitante au déclenchement de l’intervention au Mali). Ils y côtoient les arguments de ceux qui somment le politique de s’expliquer sur le coût d’une telle action contre des djihadistes sur le territoire malien, en pleine crise budgétaire nationale. D’autres, forts de leur analyse confortablement énoncée plus d’un an après les évènements, assènent que l’opération Harmattan en Libye n’aurait jamais dû avoir lieu, puisqu’elle a eu pour conséquence de permettre la diffusion d’armements dans le Nord du Mali, et donc de nourrir ce nouveau conflit…

S’agit-il là tout simplement des 37% restants, déclarés hostiles à cette intervention, ou bien peut-on trouver une autre raison à ce hiatus ? Il est ici éclairant de se pencher sur la nature des sondages eux-mêmes. A quoi les 63% (ou 75%) de Français ont-ils donc exprimé leur soutien ? L’enquête Ifop précise la question posée aux sondés : « Vous savez que des troupes françaises ont été engagées militairement au Mali pour lutter au côté du gouvernement malien contre des mouvements islamistes armés. Vous personnellement, êtes-vous tout à fait favorable, plutôt favorable, plutôt pas favorable ou pas du tout favorable à cette intervention militaire française ? ». On peut alors se demander si les personnes interrogées se sont prononcées en faveur d’une action courte, visant uniquement à stopper l’avancée des rebelles vers la capitale, ou d’une intervention destinée à les éradiquer définitivement du Nord du pays. Un autre sondage nous informe par ailleurs que 64% des sondés estiment que l’opération Serval aura pour effet d’ « augmenter la menace terroriste en France »3 ! Est-ce à dire que l’opinion française soutient l’intervention de son armée tout en assumant une menace accrue sur son propre territoire ? Ou bien faut-il en déduire que les personnes interrogées dans les deux premiers sondages auxquels nous faisons référence n’avaient guère considéré cette possibilité avant de répondre ?

Ces sondages, de par l’imprécision des questions posées et la méconnaissance inévitable des paramètres de l’opération par les sondés, ne sauraient ainsi avoir aucune utilité. On se rappellera utilement à cet égard les critiques bourdieusiennes portées à l’encontre de la pratique des sondages en tant que telle4 . Le risque est grand, dans ces conditions, de voir l’opinion publique, désormais réputée initialement favorable au déclenchement de l’opération, se « retourner » au fil des semaines. Retournement qui sera attribué à l’incapacité de la France à résoudre rapidement le conflit (alors même qu’il est clair, dès aujourd’hui, que la formation des troupes africaines et l’élimination complète des mouvements islamistes prendront nécessairement du temps), quand elle pourrait aussi découler tout simplement de l’exposition a posteriori des sondés, au sein du débat public, à des questions qu’ils ne s’étaient pas posées initialement.

Pour autant, il ne faut pas négliger l’impact de ces chiffres sur le politique qui, préoccupé par la supposée aversion aux pertes humaines de l’opinion publique, semble parfois très (trop ?) sensible à ses éventuels retournements. Pourtant, outre le fait que les nombreux soldats tombés en Afghanistan n’ont provoqué, faute d’une franche opposition, qu’une sourde indifférence, il a été montré que l’opinion est tout à fait prête à supporter la mort de ses soldats, à condition que les objectifs poursuivis (et, in fine, l’intérêt national) soient clairs et légitimes5 . Dans le cas du Mali, les intérêts français potentiels apparaissent nombreux : éradiquer le foyer d’un terrorisme qui se veut international ; sauvegarder la vie des quelques 6000 ressortissants présents dans la zone ; répondre à l’appel d’un gouvernement ami (l’influence nourrissant la puissance sur la scène internationale) ; préserver la stabilité de la région afin d’y sauvegarder nos nombreux intérêts économiques et stratégiques… Mais aussi mettre en concordance nos valeurs, si souvent claironnées, et nos actes, la « politique du bluff » étant à long terme la pire des stratégies…

C’est au politique qu’il revient alors d’éclairer le citoyen sur la justification de cette opération, pour limiter les débats stériles. D’abord, parce qu’il s’agit d’une question essentielle par principe – l’emploi de la force armée, au nom de la nation française. Ensuite, parce que le soutien national aux troupes déployées sur le terrain – si souvent mis en avant dans les discours politiques comme militaires – est dans les faits trop faiblement marqué. Certes, les notions de patrie et d’esprit de défense n’ont généralement pour nos soldats qu’une dimension abstraite qui ne nourrit qu’indirectement leurs motivations au combat. « Faire son travail », appliquer ce qui a été acquis à l’entraînement, reste ainsi pour une immense majorité la première motivation à partir en opérations. L’opération Serval est ici l’occasion rêvée de mettre en œuvre les enseignements du combat en milieu désertique, notamment acquis lors des séjours à Djibouti, et notre armée professionnelle porte ainsi bien son nom. Pour autant, le soutien affirmé de la population aux militaires demeure essentiel, car il ne faut pas oublier que ce sont leurs familles qui sont exposées quotidiennement au débat public et médiatique, dont la violence rejaillit dès lors indirectement sur les soldats. Et que cela ne devrait pas être au militaire de répondre à la question qui lui est trop souvent posée : « mais qu’êtes-vous donc allés faire là-bas, et pourquoi ? »6 .

Sondage Ifop/La lettre de l’opinion mené les 12 et 13 janvier 2013.
2 Sondage BVA/Le Parisien mené les 14 et 15 janvier 2013.
3 Sondage CSA/BFM TV des 14 et 15 janvier 2013.
4 Bourdieu P., « L’opinion publique n’existe pas », Les Temps Modernes, n°318, janvier 1973.
5 Voir par exemple les travaux de E. Luttwak ou N. La Balme à ce sujet.
6 Merci au LCL H.Pierre pour ses réflexions à ce sujet.

L'armée malienne en reconquête, le risque de massacres


Dernièrement le chercheur Pierre Boilley avertissait :


 « Il ne faut pas laisser la main à la seule armée malienne. Le risque est grand que les autorités de Bamako, soutenues par une armée putschiste, ne profitent de la présence des militaires français au Mali pour mener de larges représailles contre les Touareg à l'abri du paravent antiterroriste. On peut s'inquiéter quand on entend le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, appeler à la reconquête. Nous savons déjà que les civils touareg ne sont pas épargnés par les soldats maliens.
Les Français en ont conscience car des contacts existent avec le MNLA pour ne pas confondre ses forces avec celles des islamistes. La stabilité du Mali ne peut se faire sans régler la question touareg et le problème de la marginalisation du nord du pays qui ont nourri le terreau djihadiste." (Source: ICI)
Depuis le commencement  des opérations au Mali, plusieurs témoignages font aussi déjà état de vengeances et de punitions contre les populations non noirs : ICI et ICI


 Ce problème est ethnico racial et peut s’expliquer par une profonde division entre « Afrique noire » et « Afrique blanche » qui marque les mémoires collectives locales et caractérise les Etats situés entre les latitudes 10°Nord et 20° Nord. Le Sahara est ainsi un pont entre le bled es sudan (« pays des Noirs ») et le bled es beidan (« pays des Blancs »). Beaucoup de conflits trouvent leur origine dans la mémoire de la traite (islamo arabe puis européenne), souvent facilitée par des populations locales. A cette opposition ; il faudrait ajouter celle entre les populations sédentaires méridionales et les nomades (Toubou, Touaregs, Maures) se considérant, par opposition, comme Blancs. Pour Medhi Taj : « cette fracture raciale Nord-Sud, ancrée dans l’histoire, est à la base d’une profonde conscience ethnico-tribale structurant les sociétés du sahel africain et brouillant la pertinence du concept occidental d’Etat Nation.[1]»



[1] Medhi Taj, « Les clefs d’une analyse géopolitique du Sahel africain »