Après «
Comment la France a perdu l’Afrique », «
Sarko en Afrique », écrits avec
Stephen Smith, et «
Ces Messieurs
Afrique : Des réseaux aux lobbies »,
Antoine Glaser revient une
nouvelle fois sur les relations entre la France et son pré-carré dans son
nouvel opus : AfricaFrance. Quand les dirigeants africains deviennent les maîtres du jeu. L'auteur le dit lui-même «
je suis devenu, à mon corps défendant, un
spécialiste de la « Françafrique » (p.11) ».
Nous vous proposons ici une recension de son ouvrage.
Dans AfricaFrance, l’ancien directeur de La Lettre du continent, souhaite
déconstruire « l’histoire communément admise » d’un continent soumis
à la France. Selon lui c’est « un
leurre qui arrange autant Paris que les capitales africaines (…) loin d’être
des pantins et des béni-oui-oui, les présidents africains ont su manœuvrer et
instrumentaliser leurs « maîtres » à Paris » (p.12-13). Il
va même plus loin, ça n’est pas qu’un simple retournement mais une situation
qui préexistait déjà sous le Général de Gaulle. L’objectif d’Antoine Glaser est
donc de mettre la lumière sur ces manipulations qui ne proviendraient pas
toujours de ceux qu’on croit : « les
dirigeants africains jonglent ainsi avec les non-dits pour que leurs
interlocuteurs gaulois se sentent toujours responsables de leur avenir (…)[ils]
se trouvent plus souvent qu’on ne le croit dans une position dominante
vis-à-vis du pouvoir français (…) il considèrent [la France] avec la
condescendance du « qui paie commande »» (p.17-18).
De l’influence essentielle de Jacques
Foccart et de Felix Houphouët-Boigny, « le patron de la Françafrique », au financement des partis
politiques, en passant par les réseaux d’influence parisiens (communicants,
hommes d’affaires et politiques) activés par les président africains « pour asseoir leur pouvoir en Afrique »
(p.41), ou encore le rôle de la franc-maçonnerie, des réseaux de « l’or
noir » au Congo et ceux de l’or jaune au Niger, Antoine Glaser décrypte en
dix chapitres le passage de la Françafrique
à l’AfricaFrance. Chaque chapitre est
consacré à l’une des anciennes colonies françaises. L’auteur revient ainsi sur
l’arrivée au pouvoir de l’ivoirien Alassane Ouattara et son soutien à l’opération
française au Mali, les relations parfois difficile entre François Hollande et
Idriss Déby, le président tchadien, les initiatives du président burkinabé qui
relèvent « plus souvent qu’on ne le
pense de sa propre initiative » et ne sont pas « téléguidées par Paris ». En effet,
pour Antoine Glaser « Blaise
Compaoré sait que la France a plus
besoin de lui qu’il n’a besoin de la France. En termes d’aide financières, il
compte bien plus sur Taïwan que sur l’Hexagone » (p.146). Antoine
Glaser analyse aussi la politique du gabonais Ali Bongo plus tournée vers les
Etats-Unis que celle de son père. On peut regretter que Djibouti ne soit que
rapidement mentionné en conclusion alors même que ce petit Etat de la Corne de
l’Afrique illustrerait parfaitement la thèse de l’auteur (p.213).
Les initiés apprécieront les
nombreuses anecdotes et les coulisses des relations entre les présidents
africains et le pouvoir français dans la période récente (et jusqu’à fin 2013).
L’ouvrage est agrémenté d’entretiens des acteurs de ces relations, comme Anne
Lauvergeon, Patricia Balme, André Bailleul, Jean-Marc Simon, Michel Roussin,
Michel Katz, Georges Serre, Michel de Bonnecorse, Jean-Christophe Rufin,
Pierre-André Wiltzer, Robert Bourgi, etc.
Ainsi, malgré les promesses
rééditées de ruptures, tant François Hollande que son prédécesseur auraient été
« marabouté[s] par l’Afrique et ses
dirigeants » (p.209). Le président français serait parfois « l’obligé »
de certains présidents africains car « celui
qui paie commande ». Antoine Glaser conclue sur les perspectives
économiques et les richesses du continent africain qui attirent déjà de
nombreux Etats. Il finit par asséner: « Paris n’est plus le donneur d’ordres, mais il ne le sait pas encore. Il
se croit encore aimé alors qu’il n’intéresse plus. L’Afrique a changé sans que
son « papa » autoproclamé en soit informé » (p.215) or comme
l’aimait à le rappeler l’ancien président gabonais Omar Bongo : « La France sans l’Afrique, c’est une voiture
sans carburant » (p.42).
A lire d'une traite !
Quelques interviews de l'auteur :