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mardi 7 juin 2011

Le japon inaugure sa base djiboutienne

Le Japon a inauguré le 1er juin sa première base militaire à l'étranger. Rappeler vous nous avions consacré quelques billets à cette information il y a un quelques mois mettant en évidence le bouleversement dans la posture stratégique japonaise.

En effet la Constitution de 1946 interdit l’usage et le déploiement de forces à l’étranger. De nombreuses questions se posaient : "Est-ce la volonté d’occuper une place plus conséquente sur la scène internationale et le désir de rééquilibrer ses relations avec son partenaire américain ? Est-ce une porte d’entrée vers l’Afrique alors que la Chine et les autres concurrents asiatiques s’y implantent ? Finalement le Japon qui jusqu’à présent menait ce qu’on a appelé une « diplomatie du chéquier » peut-il passer de l’influence à la puissance ? "
Cette nouvelle base comprend : un bâtiment administratif, un réfectoire, des dortoirs, une piste d’atterrissage, des hangars pour la maintenance des deux avions P-3C, et un gymnase.
Billet
-Le Japon à Djibouti ICI et ICI
-Quel statut pour les forces japonaises à Djibouti ?

vendredi 21 janvier 2011

Djibouti : la France décroche ?

Décidément la base japonaise à Djibouti fait beaucoup parlé d'elle en ce moment. Phillipe Leymarie y consacrait hier un article (ICI) sur son blog : "A Djibouti, la première base du Japon à l’étranger depuis 1945".

Et j'ai eu le plaisir de voir que le journaliste du Monde Diplomatique a fait référence à mon article parut en novembre dans la revue Défense Nationale
: "Le gouvernement japonais est d’ailleurs resté discret sur cette première implantation permanente à Djibouti, pour ne pas réveiller un débat sur ce qui pourrait apparaître comme une violation de la Constitution pacifiste. En principe, le texte actuel ne s’oppose pas à la présence des FAD à l’étranger, « si c’est à la requête du pays concerné, et que leurs activités ne conduisent pas à l’usage de la force, y compris dans un cadre collectif (et sauf cas de légitime défense) », précise Sonia Le Gouriellec.Cette chercheuse de l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM) recense, parmi les facteurs à prendre en compte pour expliquer ces ambitions japonaises :
- la dépendance énergétique et commerciale de l’archipel ;
— sa vocation maritime (qui l’a conduit à construire une marine militaire performante) ;
— l’expérience du pays en matière d’antipiraterie, notamment la formation de garde-côtes à Singapour, en Malaisie, en Indonésie (qui a contribué à réduire très fortement la piraterie dans les détroits entre l’océan Pacifique et l’océan Indien);
— l’ambition du Japon de décrocher un siège permanent au Conseil de sécurité, et de « transformer sa richesse en puissance », sortant de ce qui a été jusqu’ici surtout une « diplomatie du chéquier »."

Philippe Leymarie note avec pertinence un point, observable sur le reste du continent, et caractéristique de la politique étrangère française actuellement : "Dans l’immédiat, Djibouti s’apprête à encaisser les dividendes d’une troisième base permanente : le loyer annuel pour la nouvelle base japonaise a été fixé à 30 millions de dollars – une somme comparable, pour le moment, aux royalties versés par le gouvernement américain (mais, dans ce cas, pour 2 000 hommes). Les Français s’acquittent d’un loyer de 30 millions d’euros (pour 2 850 hommes). Plusieurs armées étrangères – espagnole, allemande notamment – qui disposent également de facilités à Djibouti, mais pas de bases permanentes, versent des compensations plus réduites. Le petit Etat, dont la rente stratégique (aérienne et portuaire) est la seule ressource, est redevenu un point focal : il y a quelques semaines, on y a même aperçu l’amiral commandant la marine iranienne.Côté français, la tendance reste plutôt au « décrochage ». La 13e demi-brigade de la Légion étrangère (DBLE), stationnée depuis un demi-siècle à Djibouti, devrait être transférée en mai prochain à Abou Dhabi, où l’armée française a ouvert une nouvelle base. Le bail qui lie la France au gouvernement djiboutien prend fin l’an prochain, et devra être renégocié, dans un contexte d’effectifs en baisse. Le nouvel accord de défense entre Paris et Djibouti pourrait être signé fin janvier, grâce à un passage-éclair dans la Corne de l’Afrique du nouvel « Air Sarko One »."

jeudi 20 janvier 2011

Le Japon à DJibouti (2/2)

Suite de mes deux précédents billet ICI et ICI

Une approche globale pour l’Afrique : vers l’instauration d’une Pax Nipponica (11) ?
Le Japon a toujours semblé en retrait face aux évolutions majeures du continent (voire du monde), aujourd’hui il aspire à redevenir une nation politique. Mais son problème principal est de « transformer sa richesse en puissance (12) ». Ses priorités sont donc le développement de son aide internationale, de son modèle en matière de développement durable et le renforcement de sa présence dans les organisations internationales.
Pour ce dernier point le Japon a besoin du soutien des pays africains car il ambitionne d’obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité dans le cadre du « G4 » (Japon, Allemagne, Brésil, Inde) et les pays subsahariens représentent un quart des votes à l'Assemblée générale de l'ONU. Pour le premier point, c’est une évidence depuis deux décennies, la politique africaine du Japon s’articule principalement autour de son aide au développement ce qu’on a pu appeler « la diplomatie du portefeuille (ou du chéquier)» : « le Japon s’est engagé en Afrique subsaharienne par le biais de son Aide Public au Développement (13) ». Ainsi dans le cas de notre exemple Djiboutien, la coopération avec ce pays ne s’arrête pas à la lutte contre la piraterie. Le Japon ouvre aussi une ambassade sur place et multiplie les projets de développement : construction d’une centrale électrique solaire et l’installation d’un millier de panneaux solaires d’ici 2012 (14) , don de 35 millions de dollars en 2009, l’aide bilatérale est passée de 2 millions de dollars en 2007 à 22 millions en 2008 et 24 millions en 2009, construction et équipement d’un centre de formation pour les enseignants, accord de coopération dans la lutte contre la sécheresse (plus de 5.5 millions de dollars), des centres de dialyse, des studios de production pour la Radio Télévision de Djibouti (près de 10 millions de dollars), des écoles, des équipements agricoles (15) …

A partir des années 1990, en devenant l’un des principaux bailleurs de fonds bilatéraux sur le continent, le Japon s’est impliqué politiquement. Avec la loi PKO (Peacekeeping Operation) votée en 1992 et qui règle les conditions de la coopération au maintien de la paix, le Japon accrût sa participation aux efforts de paix : contribution financière à l’ONUSOM en 1992, surveillance des élections la même année en Angola (UNAVEM2), envoi d’unités de transport de troupes au Mozambique (ONUMOZ) en 1994, secours aux réfugiés Rwandais au Zaïre (MINUAR). Puis il a été le premier des pays non colonisateur à lancer en 1993 la série de conférence de la TICAD (Tokyo International Conference on African Development) afin d’expliquer les projets de développements qu’il avait pour l’Afrique. L’idée de coopération Sud-Sud s’est développée à partir de cette première conférence bien que pour certains la TICAD ait juste avalisé les stratégies de développement existantes (16) . Néanmoins au début du XXIème siècle, l’aide japonaise a subi de fortes contraintes budgétaires conjuguées à une réforme du Ministère des Affaires Etrangères et de l’APD qui a permit au Japon d’adopter une démarche globale alors qu’auparavant il séparait ses activités d’aide de celles liées au règlement des conflits. Au G8 de Miyazaki (juillet 2000) les ministres des Affaires étrangères ont donc adopté cette approche globale, de la phase précédant le conflit à l’après conflit et le Japon de rendre public son propre programme : « Action du Japon » qui indiquait les modalités de sa politique de développement en vue d’éliminer les causes potentielles des conflits. De plus il est a noté que depuis 2006 la part de l’aide accordée à l’Afrique (34,2% du total) a dépassé celle de l’Asie qui concentrait jusqu’alors la majorité de l’aide (et même 98.2% dans les années 1970)(17) . Lors de la quatrième réunion de la TICAD IV en mai 2008 Tokyo a même annoncé un doublement de son aide à l’Afrique.
Le ministère des Affaires étrangères exprimait son engagement pour la prévention des conflits ainsi : « Les questions de développement et de stabilité politique sont étroitement liées (…) le Japon doit (…) s’acquitter d’un certain rôle et mener des efforts indépendants sur le plan du développement africain et des questions de conflit, lesquels sont inhérents à sa position sur la scène internationale. (18) » Aujourd’hui le Japon soutien les appropriations africaines au travers des organismes régionaux et malgré quelques désillusions notamment sur l’utilisation de l’argent par l’Union Africaine pour l’opération de maintien de la paix au Darfour (MINUAD). Dorénavant la priorité va au financement de la formation dans les centres d’excellences régionaux. Tokyo apporte son soutien financier aux 9 centres d’excellences. Contrairement aux anciennes puissances coloniales qui concentrent financement et partenariat sur leurs zones d’influences, le Japon, qui n’a pas de racines historiques en Afrique, investit dans les 5 régions. Seule la NASBRIG (Brigade pour l’Afrique du Nord) bénéficie d’une attention particulière par le soutien au Cairo Centre for Conflict Resolution and Peacekeeping Training in Africa en Egypte. Cette région est en quelques sortes devenues leur zone de préférence (19) .

Conclusion
Le Japon s’est engagé dans une série de changements majeurs depuis le début des années 1990 et la création de cette base à Djibouti est une étape supplémentaire dans son autonomisation sur la scène internationale, à une période où l’archipel se trouve isolé tant dans sa région que dans le monde. L’Afrique est un axe de sa politique étrangère, Tokyo entend jouer un rôle majeur dans la prévention des conflits et la consolidation de la paix. Son implication croissante en Afrique de l’Est, zone au combien instable du continent, est une porte d’entrée pour une diplomatie plus politique sur le reste du continent.

11 Inoguchi Takashi, « Japan’s Foreign Policy in an area of Global Change », Londres, 1993, Pinter Publishers, p175.
12 Jean Esmein (sous la direction de.), « Les bases de la puissance du Japon », Paris, Collège de France, Fondation pour les études de défense nationale, 1988, 348 p.
13 K. Enoki, « La politique africaine du Japon », discours prononcé à l’université de Hokkaigakuin, le 30 juin 2000, cité par Shozo Kamo, « De l’engagement économique à l’engagement politique. Les nouvelles orientations de la politique africaine du Japon », in Afrique contemporaine, Hivers 2004, p.55-66.
14 « Contrepartie japonaise à Djibouti », in Lettre de l’Océan Indien, n°1275, 12 décembre 2009.
15 Yasser Hassan Boullo, « Intensification de la coopération entre Djibouti et le Japon », Agence Djiboutienne d’Informations, 21 juin 2010.
16 Minoru Obayashi (sous la direction de.), « Afurka no Chosen » [« les défis de l’Afrique »], Showa-do, 2003, cité par Makoto Sato et Chris Alden, « La diplomatie japonaise de l’aide et l’Afrique » in Afrique contemporaine, Hivers 2004, p.13-31.
17 Aicardi de Saint-Paul Marc, « Japon-Afrique : genèse d’une relation pérenne », in Géostratégiques, n°26, 1er trimestre 2010, p.195.
18 MOFA, « Contribution du Japon à la prévention et à la résolution des conflits en Afrique », Tokyo, 2000.
19 Entretien avec l’auteure à Djibouti le 5 juin 2010.

vendredi 14 janvier 2011

Le Japon à DJibouti (1/2)

Suite de mon billet ICI



Une rupture dans sa posture stratégique
La projection des forces d’autodéfense (FAD) japonaises dans le Golfe d’Aden peut porter à débat lorsqu’on connaît les limites constitutionnelles du pays. En effet, le Japon a adopté après la seconde guerre mondiale une « Constitution Pacifiste » célèbre pour son article 9 interprété comme bannissant l’utilisation de la force armée dans la défense des intérêts nationaux et le maintien d’une armée : « le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux. (…) il ne sera jamais maintenu de forces de terre, de mer et de l’air, ainsi que tout autre potentiel de guerre ». La Constitution ne reconnaît pas non plus le droit de belligérance au sens de l’article 51 de la charte des Nations Unies (3). Pourtant à la suite de la Guerre de Corée (50-53) et de la Guerre Froide, le Japon s’est doté de Forces d’autodéfense aujourd’hui parmi les armées les plus développées (4) et le tropisme maritime de l’archipel fait de sa marine l’une des meilleures. Mais pour beaucoup de Japonais cette clause est un obstacle aux ambitions internationales de Tokyo notamment pour sa participation aux opérations de maintien de la paix. Aussi certaines évolutions comme la transformation fin 2006 de l’Agence de défense en ministère lui permettant ainsi de faire des lois, des arrêtés, d’avoir un budget traduit la volonté du pays de se « normaliser ». Dès 2003 avec la guerre en Irak, les Japonais ont modifié leur constitution afin de pouvoir déployer des troupes dans le cadre d’opérations de reconstruction ou d’aide humanitaire ou de pouvoir s’associer à des activités dites de police internationale. Ainsi, la Constitution ne s’oppose pas à la présence des FAD à l’étranger l’une des conditions est la demande du pays concerné et que leurs activités ne les poussent pas à faire usage de la force.


Un engagement croissant dans la lutte contre la piraterie
Pour le Japon la piraterie au large de la Somalie est une extension du phénomène constaté en Asie du Sud Est et pour lequel Tokyo avait joué un rôle de premier plan notamment par la formation des gardes côtes Malaisiens, Singapouriens et Indonésiens. La liberté de circulation sur les voies maritimes est vitale pour les pays occidentaux et asiatiques. En outre, la dépendance énergétique du Japon explique pourquoi le pays s’est doté d’une des plus importantes marines militaire au monde afin d’assurer la sécurité de son approvisionnement énergétique. En effet, la route maritime passant par le détroit de Bab El Mandeb est d’un intérêt majeur pour un pays qui exporte massivement ses technologies. Sur les 20 000 bateaux qui passent dans le détroit 10% sont propriétés ou contiennent des marchandises japonaises et 90% des exportations japonaises empruntent cette route. L’opinion publique s’est largement mobilisée à la suite d’attaques de piraterie (5) et le Japon a décidé à l’été 2009 de déployer 2 destroyers (6) et 2 avions de patrouille maritime P-3C Orion pour son auto-défense alors que seuls 5 pays ont envoyé des avions (dont la France, les Etats-Unis, l’Espagne et l’Allemagne). Les observateurs ont été très étonnés de la rapidité de cette décision peu habituelle en générale au pays du soleil Levant (7).
Dans le cadre de la lutte anti piraterie les navires de guerre japonais sont placés sous l’application de la loi anti pirate du 24 juillet 2009. A l’origine les navires ont été déployés pour escorter les bateaux japonais selon l’article 82 de la loi sur les Forces d’autodéfense mais la loi du 24 juillet leur permet de protéger les bateaux portant n’importe quel pavillon, alors que les autres forces multinationales ont adopté le principe de « corridor » : chacun surveillant une zone précise et coordonnant à son tour de rôle l’action dans le corridor IRTC (8). En effet, nous l’avons vu, de part son article 9, la Constitution interdit aux Japonais de recourir à toute force militaire y compris dans un cadre collectif sauf en cas de légitime défense.
Par ailleurs, le Japon participe de façon indirecte au renforcement des capacités régionales. En effet, un montant de 15 millions de dollars du budget consacré à la piraterie sert à soutenir la mise en œuvre du code de conduite de Djibouti par l’Organisation Maritime Internationale (9). Or cette organisation est largement financée par le Japon. Plusieurs axes ont été définis par ce code notamment l’établissement de 3 centres d’information : au Kenya (Mombassa), en Tanzanie (Dar Es Salam), au Yémen (Sanaa) et d’un centre de formation à Djibouti. Ces centres informeront sur les attaques, les avaries, l’immigration clandestine…. La construction du centre de formation et de documentation des gardes côtes devrait débuter en octobre à Doraleh (Djibouti). Si l’Union Européenne prend en charge le financement pédagogique (1,5 million d’euros par an), le Japon assure pour sa part le financement direct à hauteur de 4 millions d’euros du complexe (amphithéâtre, réfectoire, dortoirs) qui devra accueillir dès 2011 une soixantaine de personnes venant de 22 pays (10) car si la piraterie touche les côtes d’Afrique de l’Est elle est aussi endémique dans le Golfe de Guinée par exemple....(la suite le 20 janvier)

2 Entretien de l’auteure à Djibouti le 5 juin 2010.
3 Général Henri Paris, « Du néant à la force de réserve policière, puis à la force armée », in Géostratégiques, n°26, 2010, p.67.
4 Le budget reste fixé à 1% du PIB (5180 milliards de dollars en 2008). Le pays se place au 5ème rang mondial (en valeur absolu).
5 En octobre 2007 le chimiquier Golden Nori n’a été libéré par les pirates qu’après avoir exigé une rançon d’un million de dollars, en avril 2008 le pétrolier Takayama a été attaqué au lance-roquette, une tentative d’abordage en février 2010 contre un porte-conteneurs. ..
6 Le Sazanami (DD-113, classe Takanami) et le Samidare (DD-106, classe Murasame), dotés de systèmes de détection, de transmission, d’hélicoptères SH-60J et de 200 marins.
7 Entretien de l’auteure à Addis Abeba le 21 juin 2010.
8 Nicolas Gros-Verheyde, « 18 mois après le début d’Atalanta. Un dernier bilan », in Blog Bruxelles 2, 11 mai 2010.
9 Le code est disponible à cette adresse : http://www.fco.gov.uk/resources/en/pdf/pdf9/piracy-djibouti-meeting
10 « A Djibouti, un centre de formation pour gardes-côtes », in Jeune Afrique, n°2577 du 30 mai au 5 juin 2010.

jeudi 13 janvier 2011

Quel statut pour les forces japonaises à Djibouti ?

La dernière Lettre de l'Océan Indien (LOI) nous apprend que d'après une note diplomatique japonaise, les Forces d'auto-défense du Japon et ses Gardes-côtes bénéficieront globalement des mêmes avantages que ceux des autres forces armées étrangères basées à Djibouti.


Et la LOI d'ajouter : "Selon cet accord passé avec le gouvernement djiboutien pour une durée de douze mois renouvelable automatiquement, les militaires japonais pourront porter leurs uniformes, conduire des véhicules militaires immatriculés au Japon et leurs installations à Djibouti jouiront de l'immunité de juridiction. Ainsi, elles ne pourront faire l'objet "d'aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d'exécution". Toutes les importations destinées aux activités de ces troupes ou à l'usage personnel de leurs membres seront exemptes de droits de douane, taxes et redevances similaires. Les militaires japonais auront "la liberté de déplacement et de circulation sur le territoire de la République de Djibouti, y compris ses eaux et son espace aérien". Ils pourront utiliser leurs propres réseaux de communication, y compris par satellite. (...)"
Pour plus d'informations sur la base militaire Japonaise à Djibouti : mon précédent billet ICI

dimanche 31 octobre 2010

Publication : Base militaire à Djibouti le paradoxe de la puissance japonaise

Le numéro de novembre de la revue Défense nationale propose un dossier sur l’Afrique. Plusieurs regards croisés permettent de réfléchir aux perspectives régionales actuelles dont :

Base militaire à Djibouti : le paradoxe de la puissance japonaise de SONIA LE GOURIELLEC : Le Japon semble sortir d’une réserve stratégique qui limitait son engagement international. Sa nouvelle politique africaine passe par l’Afrique de l’Est et la base de Djibouti.


Pour les Etats-Unis, Djibouti est le centre de gravité de la lutte antiterroriste dans la Corne de l’Afrique et dans la péninsule arabique. La France s’en sert comme base de projection pour ses forces et comme terrain d’aguerrissement. L’Union européenne y a posé ses valises pour lutter contre la piraterie. C’est au tour des militaires Japonais d’affluer dans ce petit carrefour stratégique à l’entrée de la Mer Rouge. En effet, pour la première fois depuis 1945 l’armée japonaise va installer une base à l’étranger. Cette base n’est pas permanente mais temporaire « le temps que durera la piraterie» entend-on sur place …. Actuellement les Japonais sont accueillis par les Américains au Camp Lemonnier (accord d’assistance mutuelle) mais dès 2011, l’armée japonaise aura en permanence 150 personnes sur le territoire djiboutien, à l’instar des Français ou des Américains et elle paiera un loyer pour les 12 hectares alloués près de l’aéroport. La construction de cette base a débuté à l’été 2010 pour un montant de 40 millions de dollars. Elle abritera des logements, des bureaux, et un hangar.
Comment interpréter ce bouleversement dans la posture stratégique japonaise ? En effet la Constitution de 1946 interdit l’usage et le déploiement de forces à l’étranger. Est-ce la volonté d’occuper une place plus conséquente sur la scène internationale et le désir de rééquilibrer ses relations avec son partenaire américain ? Est-ce une porte d’entrée vers l’Afrique alors que la Chine et les autres concurrents asiatiques s’y implantent ? Finalement le Japon qui jusqu’à présent menait ce qu’on a appelé une « diplomatie du chéquier » peut-il passer de l’influence à la puissance ? C’est à ces interrogations que cet article tente de répondre....

mais aussi :
Un long chemin pour se faire une place de FRANCIS GUTMANN :
L’histoire moderne du continent africain est celle d’une lente émergence d’un pôle continental à la recherche de son identité géostratégique et de sa viabilité géoéconomique.

Les facteurs de conflictualité en Afrique de l’Ouest de MASSAËR DIALLO : Évaluer la conflictualité latente de l’Afrique de l’Ouest, c’est prendre la mesure des vulnérabilités structurelles de cette région et des interférences extérieures qui la fragilisent.

L’Afrique de l’Est, un territoire tourné vers l’Asie ? de MATHIEU CHERRIÈRE : L’important potentiel de l’Afrique de l’Est ne pourra être mis en valeur que si la stabilité peut y être consolidée. Porte ouverte de l’Afrique sur l’Asie, cette sous-région peu connue est aujourd’hui prometteuse.

L’Afrique du Sud est-elle une grande puissance ? de MAXENCE GILLE de L’Afrique du Sud s’affirme comme une de ces nations à fort potentiel qui émerge au premier plan des puissances du XXIe siècle. L’auteur fait un inventaire soigné des facteurs de force de ce pays austral.

Piraterie maritime de VIVIANE DU CASTEL : En décomposant les phénomènes qui se combinent dans la nouvelle piraterie maritime, on peut mesurer en quoi elle affecte les États, elle nourrit une nouvelle forme de criminalité, et comment on peut la combattre.

mercredi 30 décembre 2009

Achat des terres agricoles (2/2) : une opportunités de développement ?



Suite du précédent billet "Terres agricoles (1/2) : les richesses agricoles africaines".
La guerre pour le contrôle des terres agricole dans les pays pauvres est ouverte. Mais « la terre est une patate chaude » (Jacques Diouf, directeur de la FAO). Explications :
1) Les acheteurs : La Chine (40% des agriculteurs du monde pour 9% des terres agricoles de la planète) a signé une trentaine d’accords avec des entreprises chinoises pour un accès aux terres agricoles étrangères qu’elles louent ou achètent afin d’y installer des exploitations de riz, soja, maïs…, l’Inde, le Japon, la Malaisie, la Corée du Sud, l’Egypte, les Emirats Arabes Unies, la Libye, Bahreïn, la Jordanie, le Koweït, le Qatar, l’Arabie Saoudite, l’Afrique du Sud. Dans le cadre du Conseil de Coopération du Golfe, les Etats du Golfe ont conclu des accords « pétrole contre terres agricoles pour leurs entreprises.
2) Les pays d’accueil : le Soudan, le Kenya, l’Ethiopie, et la Somalie principalement mais la plupart des pays africains également soulignant les retombées économiques pour leur pays (infrastructures..)

- Genèse :
La hausse du prix des matières premières agricoles : Jusqu’en 2003, les prix des principales matières premières étaient inférieurs à leur valeur d’il y a 20 ans. Puis, le resserrement de la situation mondiale de l'offre et de la demande céréalière a entraîné une hausse des prix de toutes les céréales.
Pour la plupart des économistes, la hausse quasi générale des prix des matières premières depuis à peu près 2003 n'est pas qu’une poussée conjoncturelle mais un phénomène de fond structurel. L’édition 2007 du Cyclope donne son opinion : « Au-delà des aléas climatiques, il semble évident que le trend des prix agricoles mondiaux (pour les grandes productions végétales) sera orienté à la hausse sur les prochaines décennies : la rechute des prix (comme cela fut le cas dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix) parait exclue sur longue période du fait de la dynamique de la demande alors même que les obstacles au développement harmonieux des biotechniques sont loin d’être tous levés».
On peut relever cinq raisons majeurs de la hausse des cours des matières premières.
La première concerne la hausse de la consommation mondiale, la demande mondiale qui va croissant depuis plusieurs années, du fait de la poussée de la Chine et d’autres pays émergents (Inde notamment). Face à cette poussée du coté demande, l’offre réagit. En outre, la hausse des prix des produits agricoles s’explique par l’augmentation de la population et de l’évolution des modes de consommation dans ces mêmes pays émergents. De même, la hausse de la demande mondiale nécessiterait d'augmenter de 20 % à 30 % les surfaces cultivées ; on peut difficilement, sauf à provoquer des déforestations, dans le bassin du Congo par exemple. Il faudrait alors augmenter la productivité ; or il serait nécessaire de recourir aux OGM qu'une partie de l'opinion refuse.
L’autre explication tient aux craintes pesant sur la production. La guerre en Irak, la crise au Moyen-Orient, en Iran, les politiques menées au Venezuela et en Russie entament la confiance des marchés énergétiques.
Ensuite, la production ne suit pas la consommation. Ainsi, les récoltes ne sont pas forcément en baisse mais elles ne suffisent pas à couvrir la demande et à remonter le niveau des stocks.
L’essor des agro carburants (biocarburants) à travers le monde commence à concurrencer la production alimentaire, et à bouleverser le jeu. Les Etats-Unis conservent leur maïs pour le transformer en bioéthanol, et ne l’écoulent donc plus sur le marché mondial. Selon le rapport 2007-2016 de l’OCDE et de la FAO, la production d’agro carburants devrait augmenter de façon drastique et provoquer une hausse importante des prix des produits alimentaires. En Afrique, plusieurs projets « biocarburants » voient le jour. La compétition entre les cultures vivrières et énergétiques devrait rapidement exploser. La concurrence pour la terre arable profiterait en outre aux gros producteurs de monocultures, aux dépens de petits producteurs vivriers.
Les aléas climatiques ont des incidences toutes particulières sur les économies africaines, dépendantes de leurs ressources en matières premières. Durant les dernières années, la raréfaction des pluies (d’autant plus que le réseau d’irrigation est très limité) ou leur violence lorsqu’elles surviennent (Mozambique), a accru les handicaps. En outre, la déforestation, la désertification de nouveaux espaces, les invasions d’insectes entament le potentiel agricole du continent.

Cette dynamique est mondiale :
- l’Egypte a signé un contrat avec le Soudan, pour produire du blé dans le Nord du pays,
- en août 2008, la compagnie suédoise Alpcot-Agro exploitait 135 000 ha en Russie pour les céréales et les oléagineux.
-Mitsui (Japon) a acheté en novembre 2007, 100 000 ha de terres agricoles au Brésil pour produire du soja
- en 2008, le gouvernement libyen échange fourniture de gaz et de pétrole contre l’exploitation de 250 000 ha de terres en Ukraine.
- la Chine a acquis ces dernières années des centaines de milliers d’hectares de terres au Cameroun, en Australie, au Laos, aux Philippines

Intérêts des pays vendeurs ou loueurs :
- Ce sont des pays souvent peu peuplés ;
- disposant de vastes réserves de terres cultivables : au Mozambique ou en Angola, par exemple, seules 10 % des terres seraient aujourd’hui exploitées.
- Ces terres ne sont pas chères.

Opportunités de développement ou néocolonialisme ? :
Ces pays manquent d’infrastructures et de matériels (entrepôts, silos, routes…) pour soutenir une production agricole et justement les pays acquéreurs ou les sociétés privées peuvent les financer.
Problèmes :
- en créant des marchés non concurrentiels, ces acquisitions contournent les règles du commerce international
- certains achats de terre ne relèvent pas d’une logique de développement agro-industriel, mais d’une logique financière (achat par des hedge funds, c’est-à-dire des fonds d’investissement).

D’ailleurs, les cartes de la sous alimentation et celles des pays loueurs ou vendeurs de terres se superposent comme le Soudan qui a bénéficié de la plus grosse opération du PAM (Programme Alimentaire Mondial) en 2008.



La lettre de l’Océan Indien nous apprend que l’Ethiopie sera à l'honneur d'un des premiers reportages de la nouvelle émission Terre d'enquête d’M6, présenté par Guy Lagache. L’émission enquête sur la cession des terres et aurait connu quelques difficultés de tournage dans le pays.

Sources :
CHALMIN (Philippe), « Les marchés mondiaux », Paris, 2007, Cyclope
La Lettre de l’Océan Indien
« Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2007-2016 », OCDE/FAO, 2007, 97p.
« Terres agricoles : une autre délocalisation? », in Le Dessous des cartes, 26/06/09, ARTE

mercredi 11 novembre 2009

Les enjeux internationaux. Vendredi : la Chine-Afrique


En écho à mon billet de lundi écoutez vendredi l’émission Les enjeux internationaux de Thierry Garcin qui portera sur la Chine-Afrique : « Depuis une vingtaine d’années, de nouveaux et grands acteurs apparaissent sur la scène économique africaine : le Japon, les États-Unis, la Chine et l’Inde plus récemment. La Chine, elle, déploie des moyens soutenus et considérables : économie de troc, reposant sur des échanges entre matières premières et aide économique ou assistance technique (infrastructures, rénovation de villes, construction d’usines…). Pékin s’appuie sur des structures et des instruments solides : forums de coopération, visites de hauts dirigeants, investissements… Elle joue aussi le rôle de bailleur de fonds. Enfin, elle s’affranchit de toutes conditions politiques, étant d’ailleurs la moins bien placée pour donner des leçons de morale politique ou de démocratie, ce qui lui permet d’ouvrir au maximum l’éventail des coopérations. Cela dit, des effets contre-productifs commencent à apparaître en Afrique. Comme la Chine est-elle (souvent mal) perçue, d’une région à l’autre, d’un pays à l’autre ? »
Photo : Le Président nigérian Olusegun Obasanjo aux côtés du Président chinois Hu Jintao lors de l’ouverture du sommet Chine-Afrique à Beijing (2006).