jeudi 9 septembre 2010

Sur la nature prédictive des Relations internationales

Je soumets à votre réflexion cet extrait tiré de "Théories des relations internationales" de Dario Battistella" :
"A la veille de 1989, obnubilés par la longue paix qu'avait fini par devenir la guerre froide, les internationalistes passaient le plus clair de leur temps à étudier les causes possibles de cette stabilité, et entre 1970 et 1990, les trois grandes revues théoriques de relations internationales qu'étaient à ce moment World Politics, INternational Studies Quaterly et International Organization n'avaient publié en tout et pour tout qu'une demi- douzaine d'articles portant sur le changement, que ce soit au niveau du système international dans son ensemble ou au niveau d'une politique extérieure particulière. Pour ce qui est du 11 septembre, moins de 0,4% des article parus entre 1980 et 1999 dans les quatre grandes revues théoriques américaines des relations internationales ont concerné la religion, et il n'y a pas eu un seul article sur le terrorisme lors des trois années précédant les attentats dans World Politics, International Organization et Security Studies, un seul dans International Studies Quaterly, affirmant qui plus est le déclin du terrorisme transnational, et un seul dans International Security, portant d'ailleurs sur le phénomène terroriste que sur l'état de préparation des États-Unis en cas d'attaque terroriste sur le territoire américain à l'aide d'armes chimiques ou biologiques. Mais ce n'est pas sans raison que les internationalistes ont ignoré le signal que représentait dès 1993 le premier attentat contre le World Trade Center.(...) la production scientifique rend possible au mieux la prévision de la reproduction de ce qui existe ou de ce qui est connu mais ne permet pas de prévoir ce qui ne s'est encore jamais produit car "les scientifiques n'ont pas pour but, normalement, d'inventer de nouvelle théories", ni même de "prendre en compte telle nouveauté fondamentale (...) propre à ébranler [leurs] convictions de base"(T.Kuhn)"

mercredi 8 septembre 2010

Sud Soudan : une indépendance mal préparée

La semaine dernière l'ICG publiait un billet sur le Soudan : Sudan : Defining the North-South Border. On y apprend que l'accord de paix de 2005 prévoyait une démarcation de la frontière entre le Nord et le Sud, or 5 ans plus tard la démarcation n'est toujours pas effectuée.
Ni la délimitation de la frontière ni sa gestion ne sont d'ailleurs dans l'agenda des négociations sur la situation post independance qui ont débuté en juillet. Pourtant les enjeux sont réelles pour la stabilité de la région et les futurs relations entre les 2 parties d'autant que la présence de ressources pétrolières donnent une dimension économique à cette question.
Cette situation n'est pas sans rappeler l'indépendance érythréenne (non délimitation de la frontière, intérêts économiques pour l'Éthiopie avec l'accès à la mer...) qui aboutira à une guerre fratricide en 1998.
La région n'a pas fini de s'enflammer.

mardi 7 septembre 2010

La PESD: instrument de légitimation de la France ?

Les experts ne s'accordent pas sur ce point :
La politique africaine de l'Europe est elle un instrument de pouvoir pour la France (l'opération Eufor Tchad/RCA ne sert-elle pas le régime tchadien ?) ou permet-elle au contraire à la France de normaliser ses relations avec le continent et à l'Union Européenne de développer sa PESD sur le terrain ?

lundi 6 septembre 2010

Les Ethiopiens ont-ils mangé leurs forêts ? par Alain Gascon


A signaler : l'article d'Alain Gascon dans le Diplomatie du mois : "Les Ethiopiens ont-ils mangé leurs forêts ?" (8p.)
Un article passionnant rédigé par le spécialiste de l'Éthiopie (ICI )
Il y rappelle que "l'augmentation générale de la pression foncière a conduit à la suppression de la jachère et la diminution de la taille moyenne des exploitations : de 1,5ha à 0,8ha. De plus en plus nombreux, les Éthiopiens ont mangé leurs forêts pour se nourrir." D'autant que si en 1975 l'Éthiopie (avec l'Érythrée) était peuplée de 25 millions d'habitants aujourd'hui on compte 82,8 millions d'habitants. (1104000km²) "Ces 20 dernières années, selon la FAO, la production alimentaire per capita a constamment diminué et" en 2050, 150 millions d'Ethiopiens devront être nourris.

dimanche 5 septembre 2010

Lutte contre la piraterie : Atalante en passe d'atteindre son but ?


Dans une interview réalisée pour la revue Diplomatie (n°45) Edouard GUillaud, le chef d'Etat-major des armées rappelle que le "but d'Atalante n'a jamais été l'éradication de la piraterie, puisque l'éradication se passera à terre avec un Etat plus stable [un Etat tout court pourrait on préciser] et des moyens de vie décents pour les Somaliens.(...) l'objectif de faire baisser la piraterie à un niveau tel que les voies d'approvisionnements stratégiques du commerce maritime international ne soient plus menacées. Le nombre d'actes de piraterie a augmenté et le nombre d'attaques réussies a diminué. Nous sommes donc en passe d'atteindre ce but".

samedi 4 septembre 2010

L’Allemagne a-t-elle une politique africaine ?

Drôle de question de prime abord quand on sait que l’Allemagne est une ancienne puissance coloniale et une puissance engagée dans la lutte contre le terrorisme, la piraterie, les missions de maintien de la paix au Soudan (Darfour et Sud Soudan), au Congo… Pourtant elle mérite d’être posée et il conviendrait même de se demander si l’Allemagne a déjà eu une politique africaine ?


Bien sûr l’Allemagne a gardé de solides liens avec l’Afrique du Sud et le Sud Ouest du continent (Namibie), des pays d’accueil des émigrants allemands. Mais finalement elle n’a jamais vraiment eu de politique africaine. Dans la période coloniale ses acquisitions étaient subordonnées à l’accord des britanniques et des français et cette question coloniale était toujours traitée comme une politique interne liées aux intérêts commerciaux. L’Afrique n’a été vraiment un sujet important que pour servir la propagande de la République de Weimar après le traité de Versailles.
L’Afrique n’est pas non plus une priorité après la seconde guerre mondiale. Ni Adenauer, ni Erhard, ni Schmidt, ni Kohl ne lui portent un grand intérêt. Les visites sont rares et réservées au Président fédéral, les représentations ont juste des pouvoirs protocolaires.
Aujourd’hui la politique africaine de l’Allemagne est surtout européenne et centrée sur le développement, même si cette politique a évolué depuis le Traité de Nice laissant une place plus large aux questions globales que sont la lutte contre le terrorisme et l’approvisionnement énergétique. La coopération culturelle est plus intense notamment avec l’initiative "Aktion Afrika" lancée en janvier 2008 (20 millions d’€ de budget en 2008 renouvelé en 2009) et l’augmentation du nombre d’Institut Goethe sur le continent. Elle donne une priorité au renforcement des capacités des organisations régionales par l’envoi d’expert auprès de l’UA, le financement d’audits, ou d’infrastructures. Les Allemands ont d’ailleurs construit le nouveau building paix et sécurité de l’UA (20millions d euros).
Malgré tout l’Allemagne a très peu d’initiatives seule et passe par l’UE le plus souvent, ou l’OTAN. Elle base la protection de ses intérêts sur ses bonnes relations avec la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Comportement somme toute assez logique puisqu’après la seconde guerre mondiale la construction d’une politique étrangère allemande s’est faite sous l’égide des Alliés.
L’évolution la plus marquante de la politique étrangère est sa pacification. Pendant la guerre froide les missions hors du territoire national étaient constitutionnellement interdites.
De fait on peut se permettre des rapprochements avec la posture japonaise. En effet, pour la première fois depuis 1945 l’armée japonaise va installer une base à l’étranger (Djibouti) et l’Allemagne a ouvert en début d’année une ambassade dans le même pays. Pourtant les deux pays ont toujours semblé en retrait face aux évolutions majeures du continent. De même ils ont les mêmes priorités : développement de leur aide internationale, de leur modèle en matière de développement durable et renforcement de leur présence dans les organisations internationales. Pour les deux pays la route maritime passant par le détroit de Bab El Mandeb est d’un intérêt majeur et la piraterie touche leurs intérêts commerciaux. Sur les 20000 bateaux qui passent dans le détroit 10% sont propriétés ou contiennent des marchandises japonaises et 90% des exportations japonaises empruntent cette route. Les armateurs allemands représentent quant à eux la troisième flotte commerciale au monde (bien que 80% naviguent sous un autre pavillon…). Les deux pays recherchent aussi des débouchés pour leurs produits.
Cet intérêt naissant pour le continent n’est pas sans arrière-pensées : les deux pays ont besoin du soutien des pays africains s’ils souhaitent obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité dans le cadre du « G4 » (Japon, Allemagne, Brésil, Inde).

vendredi 3 septembre 2010

Scénario Hollywoodien pour publicité djiboutienne

Un peu de divertissement en cette fin de semaine...Voici la dernière publicité qui fait le buzz à Djibouti. Entièrement tournée avec des acteurs Djiboutiens. Un vrai scénario Hollywoodien pour la farine de la Minoterie de la Mer Rouge.



Production : Black Sight Productions

jeudi 2 septembre 2010

Vidéo la politique de coopération militaire de la France en Afrique

A la suite de mon billet d'hier sur la politique africaine de la France, l'allié de Mars Attaque nous signale cette vidéo du Journal de la Défense d'août 2010 (26 minutes) composée de 5 reportages sur la politique de coopération militaire de la France en Afrique.


Le Journal de la Défense n°46 d'août 2010
envoyé par ministeredeladefense. - L'info video en direct.

mercredi 1 septembre 2010

Réflexions sur l'évolution de la politique africaine de la France

Quelques réflexions sur les évolutions depuis le début des années 1990 :
- d’abord une politique volontariste et attentive de courte durée explicitée dans le discours de la Baule en 1990 ;
- puis une politique plus transparente mais qui prend la forme d'un désengagement ou d'une rupture, à partir de 1997 et illustrée par la formule « ni ingérence, ni indifférence » (L. Jospin) ;
- une politique qui se cherche et qui hésite entre l'influence et l'attentisme, dès 2002, soutenue par la doctrine « accompagner sans dicter » (D. de Villepin)
- et depuis 2007 une politique de rupture et d’ouverture hors du champ traditionnel marquée par la prépondérance des intérêts économiques et le désir de multilatéraliser les opérations.

Malgré les soupçons qui ont pesé sur les gouvernements successifs et sur l'actuel en particulier, la France souhaite rester en Afrique, d’ailleurs les enjeux n’ont guère varié depuis la décolonisation :
- l’Afrique est un levier d’influence à l’ONU et dans les grandes institutions internationales en général, elle lui permet de consolider la position française;
- elle lui permet l’accès à des matières premières;
- l’Afrique est le principal vecteur de la francophonie, et elle peut favoriser la diffusion de la culture française ;
- la France possède en Afrique des ressortissants français en grand nombre ;
- les intérêts économiques français y sont importants.

mardi 31 août 2010

Comprendre les Somali (Issa) : le Xeer


Pour comprendre les Somaliens il faut comprendre le mode de fonctionnement de l'ethnie somali. Et les conflits se résolvent par le recours au Xeer, le code des règles orales qui régissent la vie des individus et ses rapports aux autres. L'appartenance clanique est donc une « protection » dans le cadre d’un conflit. Le quotidien La Nation proposait hier un article sur ce thème : Le « Xeer » et la loi sur les biens . Je me permets d'en reproduire quelques extraits ici.

"Le « Xeer » issa s’applique aussi en cas de litige sur les biens, individuels ou tribaux, qu’ils soient d’ordre foncier ou matériel. Le « Xeer » et le partage des terres. Compte tenu de son mode de vie, le peuple issa a une notion assez sommaire de la propriété foncière.
La propriété privée n’existe pas chez les issas, l’usage des pâturages et des points d’eau étant réservé au premier venu sur les lieux. Cependant, les Issas divisent leur terre en deux sortes de milieu :
- le « Bad », la mer, milieu marin qui ne les attire pas du tout et leur inspire une crainte certaine. La mer a toujours constitué une frontière infranchissable ;
- le « Bari », milieu terrestre, lui-même divisé en « Buur », montagnes, et en « Banaan », plaines.
A nouveau dans ce milieu des plaines, les Issas distinguent deux catégories, le « Ceel », puits et points d’eau et le « Caws », les pâturages. Les pâturages sont communs à tous et répondent donc à la loi du premier venu chez les Issas. Par contre, en ce qui concerne l’eau, le « Xeer » a délimité des droits.
Tous les puits sommaires et les points d’eau naturels sont la propriété de tous. En revanche, les puits construits, qui ont nécessité un travail humain important, sont réservés en priorité aux maîtres de l’ouvrage. (...)
Ainsi, en matière de propriété foncière, le « Xeer » insiste sur la distinctionentre ce qui est l’œuvre de la nature et ce qui est l’œuvre de l’homme. (...)
Chez les Issas, celui qui n’a pas de troupeau n’est pas crédible. Celui qui n’a pas cette richesse ne peut résister à la corruption et peut donc vendre son honneur et sa parole à n’importe qui. En conséquence, il ne peut témoigner dans les procès.
(...)
Là aussi, toute atteinte au capital vivant se rembourse en têtes de bétail. Il convient de noter au passage, la référence constante au bien le plus précieux du nomade, le chameau, à tel point qu’il représente même l’unité de base de la valeur des choses, à l’image d’un précepte du « Xeer » qui précise : « Un chameau est un chameau, et tout ce qui a la même valeur équivaut aussi à un chameau ».
Ainsi est signifié que tout peut-être convertible en tête de chameau.