Mercredi le président Sarkozy a fait son traditionnel Discours aux ambassadeurs (ICI). Olivier Kempf d'EGEA nous propose son analyse ICI. Il note à propos de l'évocation de la Somalie : "Cela me paraît nouveau, et je crois qu'il y a là une inquiétude, et qu'on n'a pas fini, cette année, d'évoquer la Corne de l'Afrique". Merci Olivier de mettre la lumière sur cette région dont on ne s'intéressait que depuis la piraterie alors que les germes des problématiques actuelles existent depuis des décennies.
Revenons au discours. Que dit le Président ?
"De l'autre côté du Golfe d'Aden, en Somalie, l'enjeu est clair : les attentats meurtriers de Kampala, en juillet, ont montré que les milices islamistes des Shebab ont désormais la capacité d'étendre leurs combats bien au-delà des frontières. Leur victoire à Mogadiscio transformerait la Somalie en base de départ d'Al Qaïda. Elle achèverait de déstabiliser toute une région déjà fragilisée par les déchirements du Soudan."
1ère remarque : Les Shebabs contrôlent déjà presque entièrement Mogadiscio. Depuis la fin des années 90 on s'inquiète de voir la Somalie devenir une base arrière pour Al Qaida ou ses mouvances.
Par ailleurs le mouvement des Shebab compterait dans ses rangs entre 3000 et 4000 combattants maximum (dont 800 étrangers). Bien sûr ces chiffres ne sont pas vérifiables. Disons que c'est la fourchette qui nous intéresse. Mais les forces de l''AMISOM en face sont 6000. Nous aurons beau augmenter leur nombre (8000 à terme), c est la mission qui doit être modifiée (voir ICI).
Les Shebabs sont appuyés par Hizbul Islam même si de nombreuses tensions existent entre les deux. Le gros problème c'est qu'ils ont réussi à se faire passer auprès de la population pour un mouvement de résistance opposé à la coalition Ethiopie/GFT. Les Shebab seraient financés par les milieux d’affaire somaliens au Kenya, aux Emirats Arabes Unis et en Somalie soient de façon volontaire, soit à titre de protection. Les avis divergent sur le lien entre pirates et islamistes. Certains avancent que les Shebab ponctionnent un pourcentage de rançons collectés par les pirates. Voir billet ICI
2ème remarque : C'est après le référendum d'indépendance du Sud Soudan en 2011 que la région risque d'être déstabilisée.
D'ailleurs l’Envoyé spécial russe pour le Soudan, Mikhail Margelov, a exprimé jeudi dernier ses craintes qu’« en tant que membre de la communauté internationale et du Conseil de sécurité de l’ONU, nous ne voulons pas une situation semblable à la Somalie au Sud-Soudan ». Peut être la solution du référendum imposée par l'extérieure (Etats-Unis) lors des accords de paix n'était pas la meilleure solution.... L'indépendance du Sud Soudan va créer un précédent sur un continent et surtout dans une région déjà fragilisée par les rebellions autonomistes (Afars, Ogaden, Oromo...). Le quasi Etat du Somaliland attend toujours sa reconnaissance par la communauté internationale.
"La France contribue par sa présence militaire à Djibouti, au Tchad et en RCA, à la stabilité régionale. Elle va accentuer son effort en Somalie, en réponse aux demandes de l'Union africaine et avec ses partenaires européens. Après les 500 formés à Djibouti, ce sont 2.000 soldats somaliens qui sont actuellement entraînés en Ouganda, tandis que la force africaine AMISOM dont nous avons déjà formé 5.600 hommes, va être renforcée. Bien sûr, il n'y aura pas de solution purement militaire. L'Union européenne, premier donateur d'aide, doit maintenir son effort et, avec tous les autres soutiens extérieurs, aider le gouvernement à élargir son assise politique, préalable nécessaire à la reconstruction de structures étatiques. C'est ce chemin aussi qui permettra de régler dans la durée le problème de la piraterie"
3ème remarque : Dès le début du mandat de l'AMISOM les pays africains (à part l'Ouganda et le Burundi qui avaient besoin d'occuper leurs troupes) ont refusé d'envoyer des troupes dans ce bourbier. De même la mission était au début envisagée comme une opération transitoire jusqu’au déploiement d’une force onusienne or aucune des étapes prévues par le mandat de la mission n’a été réalisée. La pression americano-européenne aidera t-elle à faire évoluer les choses ?
4ème remarque : L'Européanisation de la politique africaine n'est pas forcément pour plaire aux dirigeants de la région. C'est l'une des pierres d'achoppement de la renégociation des accords de défense entre la France et Djibouti.
5ème remarque : Pourquoi vouloir à tout prix reconstruire (construire ?) des structures étatiques dans une société segmentée qui n'a jamais accepté l'existence d'un pouvoir central ? Le nationalisme a tellement marqué l’histoire postcoloniale du pays que la question de l’Etat et son articulation avec la segmentation clanique de la société a été occultée. L'échec de notre politique est là ! Pourquoi vouloir greffer un système qui n'a pas de sens dans cette société ? Le pouvoir politique est présent à chaque niveau de la société, le monopole de la violence légitime par l’Etat n’a donc aucun sens pour les Somaliens et encore moins après l'expérience de S.Barré. Et pourquoi vouloir mettre en place un pouvoir basé la représentation proportionnelle des clans alors que les alliances claniques sont conjoncturelles ?
Qu'en pensez vous ?
An Oath Keeper Talks Civil War Over Pastrami on Rye
Il y a 8 heures
Bon résumé de la situation et des perspectives futures.
RépondreSupprimerJe ne suis que trop d'accord avec les points 4 et 5 (sic)... ce n'est pourtant pas faute de le dire.
Quant au discours initial de M. Sarkozy sur Al-Shabaab, je pense qu'il ne faut pas non plus trop s'envoler : certes il y a eu les attentats de Kampala, mais ils n'ont pas eu la même médiatisation que si des bombes avaient explosé en Afrique du Sud aux derniers jours de la coupe du Monde. Ont-ils vraiment des moyens d'actions solides à longue distance ? A creuser, qu'en penses-tu ?
En effet, dans le court terme je ne suis pas sur qu'ils aient les moyens nécessaires pour frapper loin. EN même temps en ont ils l'intérêt ? Ils n'ont pas non plus les connexions en dehors de la région. L'objectif premier est donc de déstabiliser les pays de la région (attentats en 2008 au Somaliland).
RépondreSupprimerTout à fait d'accord avec la 5ème remarque. On sait bien que les frontières ont été dessinées sans aucun rapport avec la réalité des populations sur le terrain, pourquoi rester attaché à ces frontières la?
RépondreSupprimerIl faut l'indépendance du Sud Soudan, qui a trop souffert et est presque independant de facto, et la reconnaissance du Somaliland, qui a besoin de devenir un Etat pour recevoir de l'APD et devenir un vrai interlocuteur dans la lutte contre la piraterie.
A ceux qui disent que cela provoquerait un précédent fâcheux en Afrique, il faut accepter que l'histoire africaine est en marche, et ne pas essayer de la figer à tout prix. Quelles autres régions pourraient vraiment accéder à l'indépendance? La Casamance, le "touareg-land" le nord de la Côte d'Ivoire? Je n'y crois pas vraiment.