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mercredi 16 janvier 2013

Opération Serval au Mali : quand l'opinion part en guerre

Ilinca Mathieu, doctorante en science politique et rattachée aux jeunes chercheurs de l'IRSEM nous propose cette analyse de l'opinion publique au moment où la France se trouve engagée au Mali.

"Aux lendemains du déclenchement de l’opération Serval au Mali, les Français se seraient, selon les premiers sondages, montrés très favorables à cette décision (à 63% 1, voire même 75%² ). S’il faut s’en réjouir, le soutien de la Nation constituant un élément clé de l’action armée dans une démocratie libérale, la situation doit être appréhendée avec prudence. C’est enfoncer une porte ouverte que de rappeler que le soutien de l’opinion publique est classiquement plus fort au début d’une opération que dans les mois, voire les années qui suivent (les exemples afghan et libyen l’illustrent) ; mais il faut également s’interroger sur la nature de cet appui initial – penche-t-il réellement en faveur de cette intervention ?

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 ©AFP PHOTO /ERIC FEFERBERG

Il est permis d’en douter, ne serait-ce qu’à l’écoute des commentaires d’auditeurs – théoriquement sélectionnés pour leur pertinence et/ou leur représentativité – sur les grandes radios nationales ces derniers jours. On y retrouve d’abord ceux qui postulent l’impréparation et l’amateurisme de nos forces armées sur le seul constat de la mort d’un pilote de Gazelle ou de l’échec d’une mission commando (en Somalie, concomitante au déclenchement de l’intervention au Mali). Ils y côtoient les arguments de ceux qui somment le politique de s’expliquer sur le coût d’une telle action contre des djihadistes sur le territoire malien, en pleine crise budgétaire nationale. D’autres, forts de leur analyse confortablement énoncée plus d’un an après les évènements, assènent que l’opération Harmattan en Libye n’aurait jamais dû avoir lieu, puisqu’elle a eu pour conséquence de permettre la diffusion d’armements dans le Nord du Mali, et donc de nourrir ce nouveau conflit…

S’agit-il là tout simplement des 37% restants, déclarés hostiles à cette intervention, ou bien peut-on trouver une autre raison à ce hiatus ? Il est ici éclairant de se pencher sur la nature des sondages eux-mêmes. A quoi les 63% (ou 75%) de Français ont-ils donc exprimé leur soutien ? L’enquête Ifop précise la question posée aux sondés : « Vous savez que des troupes françaises ont été engagées militairement au Mali pour lutter au côté du gouvernement malien contre des mouvements islamistes armés. Vous personnellement, êtes-vous tout à fait favorable, plutôt favorable, plutôt pas favorable ou pas du tout favorable à cette intervention militaire française ? ». On peut alors se demander si les personnes interrogées se sont prononcées en faveur d’une action courte, visant uniquement à stopper l’avancée des rebelles vers la capitale, ou d’une intervention destinée à les éradiquer définitivement du Nord du pays. Un autre sondage nous informe par ailleurs que 64% des sondés estiment que l’opération Serval aura pour effet d’ « augmenter la menace terroriste en France »3 ! Est-ce à dire que l’opinion française soutient l’intervention de son armée tout en assumant une menace accrue sur son propre territoire ? Ou bien faut-il en déduire que les personnes interrogées dans les deux premiers sondages auxquels nous faisons référence n’avaient guère considéré cette possibilité avant de répondre ?

Ces sondages, de par l’imprécision des questions posées et la méconnaissance inévitable des paramètres de l’opération par les sondés, ne sauraient ainsi avoir aucune utilité. On se rappellera utilement à cet égard les critiques bourdieusiennes portées à l’encontre de la pratique des sondages en tant que telle4 . Le risque est grand, dans ces conditions, de voir l’opinion publique, désormais réputée initialement favorable au déclenchement de l’opération, se « retourner » au fil des semaines. Retournement qui sera attribué à l’incapacité de la France à résoudre rapidement le conflit (alors même qu’il est clair, dès aujourd’hui, que la formation des troupes africaines et l’élimination complète des mouvements islamistes prendront nécessairement du temps), quand elle pourrait aussi découler tout simplement de l’exposition a posteriori des sondés, au sein du débat public, à des questions qu’ils ne s’étaient pas posées initialement.

Pour autant, il ne faut pas négliger l’impact de ces chiffres sur le politique qui, préoccupé par la supposée aversion aux pertes humaines de l’opinion publique, semble parfois très (trop ?) sensible à ses éventuels retournements. Pourtant, outre le fait que les nombreux soldats tombés en Afghanistan n’ont provoqué, faute d’une franche opposition, qu’une sourde indifférence, il a été montré que l’opinion est tout à fait prête à supporter la mort de ses soldats, à condition que les objectifs poursuivis (et, in fine, l’intérêt national) soient clairs et légitimes5 . Dans le cas du Mali, les intérêts français potentiels apparaissent nombreux : éradiquer le foyer d’un terrorisme qui se veut international ; sauvegarder la vie des quelques 6000 ressortissants présents dans la zone ; répondre à l’appel d’un gouvernement ami (l’influence nourrissant la puissance sur la scène internationale) ; préserver la stabilité de la région afin d’y sauvegarder nos nombreux intérêts économiques et stratégiques… Mais aussi mettre en concordance nos valeurs, si souvent claironnées, et nos actes, la « politique du bluff » étant à long terme la pire des stratégies…

C’est au politique qu’il revient alors d’éclairer le citoyen sur la justification de cette opération, pour limiter les débats stériles. D’abord, parce qu’il s’agit d’une question essentielle par principe – l’emploi de la force armée, au nom de la nation française. Ensuite, parce que le soutien national aux troupes déployées sur le terrain – si souvent mis en avant dans les discours politiques comme militaires – est dans les faits trop faiblement marqué. Certes, les notions de patrie et d’esprit de défense n’ont généralement pour nos soldats qu’une dimension abstraite qui ne nourrit qu’indirectement leurs motivations au combat. « Faire son travail », appliquer ce qui a été acquis à l’entraînement, reste ainsi pour une immense majorité la première motivation à partir en opérations. L’opération Serval est ici l’occasion rêvée de mettre en œuvre les enseignements du combat en milieu désertique, notamment acquis lors des séjours à Djibouti, et notre armée professionnelle porte ainsi bien son nom. Pour autant, le soutien affirmé de la population aux militaires demeure essentiel, car il ne faut pas oublier que ce sont leurs familles qui sont exposées quotidiennement au débat public et médiatique, dont la violence rejaillit dès lors indirectement sur les soldats. Et que cela ne devrait pas être au militaire de répondre à la question qui lui est trop souvent posée : « mais qu’êtes-vous donc allés faire là-bas, et pourquoi ? »6 .

Sondage Ifop/La lettre de l’opinion mené les 12 et 13 janvier 2013.
2 Sondage BVA/Le Parisien mené les 14 et 15 janvier 2013.
3 Sondage CSA/BFM TV des 14 et 15 janvier 2013.
4 Bourdieu P., « L’opinion publique n’existe pas », Les Temps Modernes, n°318, janvier 1973.
5 Voir par exemple les travaux de E. Luttwak ou N. La Balme à ce sujet.
6 Merci au LCL H.Pierre pour ses réflexions à ce sujet.

L'armée malienne en reconquête, le risque de massacres


Dernièrement le chercheur Pierre Boilley avertissait :


 « Il ne faut pas laisser la main à la seule armée malienne. Le risque est grand que les autorités de Bamako, soutenues par une armée putschiste, ne profitent de la présence des militaires français au Mali pour mener de larges représailles contre les Touareg à l'abri du paravent antiterroriste. On peut s'inquiéter quand on entend le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, appeler à la reconquête. Nous savons déjà que les civils touareg ne sont pas épargnés par les soldats maliens.
Les Français en ont conscience car des contacts existent avec le MNLA pour ne pas confondre ses forces avec celles des islamistes. La stabilité du Mali ne peut se faire sans régler la question touareg et le problème de la marginalisation du nord du pays qui ont nourri le terreau djihadiste." (Source: ICI)
Depuis le commencement  des opérations au Mali, plusieurs témoignages font aussi déjà état de vengeances et de punitions contre les populations non noirs : ICI et ICI


 Ce problème est ethnico racial et peut s’expliquer par une profonde division entre « Afrique noire » et « Afrique blanche » qui marque les mémoires collectives locales et caractérise les Etats situés entre les latitudes 10°Nord et 20° Nord. Le Sahara est ainsi un pont entre le bled es sudan (« pays des Noirs ») et le bled es beidan (« pays des Blancs »). Beaucoup de conflits trouvent leur origine dans la mémoire de la traite (islamo arabe puis européenne), souvent facilitée par des populations locales. A cette opposition ; il faudrait ajouter celle entre les populations sédentaires méridionales et les nomades (Toubou, Touaregs, Maures) se considérant, par opposition, comme Blancs. Pour Medhi Taj : « cette fracture raciale Nord-Sud, ancrée dans l’histoire, est à la base d’une profonde conscience ethnico-tribale structurant les sociétés du sahel africain et brouillant la pertinence du concept occidental d’Etat Nation.[1]»



[1] Medhi Taj, « Les clefs d’une analyse géopolitique du Sahel africain »

dimanche 11 novembre 2012

Publications : Sahel

L'IFRI vient de publier deux rapports sur le Sahel : 



The Sahel: A Crossroads between Criminality and Terrorism par Abdelkader ABDERRAHMANE.
Résumé : "Besides the ongoing political conundrum in Mali, it is the entire West African region, from Guinea Bissau to Mali, which is under threat of destabilization. Indeed, for many years now, terrorists and drugs traffickers have been synergizing their respective illegal activities, transforming the Sahel into a narco-terrorist zone. As a result, the Sahel has become a dangerous crossroads for drugs, crime, terrorism and insurgency." Téléchargez ICI

et 

Sahara de tous les dangers. Le Maghreb dans la tourmente ? par Antonin Tisseron 
Résumé : "Alors qu’à la fin de l’année 2011 les groupes djihadistes étaient relativement circonscrits dans l’espace maghrébin, considérés avant tout comme une nuisance plus qu’une réelle menace, en un an, la situation sécuritaire s’est considérablement dégradée. Les conséquences du « printemps arabe » au Sahel, et tout particulièrement au Nord-Mali, ont en effet offert à Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) une opportunité de développement dans la sous-région après l’échec du mouvement dans ses ambitions maghrébines. Or, si les pays d’Afrique de l’Ouest sont en première ligne face à cette dégradation de leur environnement, les pays du Maghreb ne sont pas épargnés. Mais les problématiques sécuritaires ne doivent pas masquer les autres enjeux." Téléchargez ICI

jeudi 14 juin 2012

Quels pompiers pour éteindre le feu malien ?

Face à l’interconnexion des crises au Mali, une intervention militaire se dessine et l’Union Africaine serait préférée à la Communauté Economique Des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Pourtant, malgré ses récents succès, l’exemple de la mission de l’Union Africaine en Somalie reste un modèle discutable.

Le 17 janvier dernier, un coup d’Etat atypique a porté au pouvoir des militaires reprochant  au  président malien sa faiblesse dans le traitement de la rébellion au Nord. Sans expérience politique, sans soutien international, la junte ne parvient alors pas à stopper l’avancée de la rébellion. Alors que la CEDEAO vient de prolonger la transition politique, les combats se poursuivent dans le Nord du pays. L’afflux de réfugiés et la possible propagation de la rébellion touarègue dans les pays voisins inquiètent les gouvernements de la région et les puissances extérieures qui craignent de voir AQMI et ses alliés tirer bénéfice de ce chaos. Le scénario d’une intervention militaire se dessine de plus en plus mais elle ne pourra se faire sans un soutien extérieur.

Quel mandat pour quelle mission ?

Les puissances traditionnelles, France et Etats-Unis en tête, ne soutiendront qu’une mission sous mandat des Nations unies, ce qui exclut une intervention non mandatée par le Conseil de sécurité comme ce fut le cas des interventions de l’OTAN dans les Balkans à la fin des années 1990. Une intervention internationale de l’UE ou de l’OTAN sous mandat de l’ONU (comme en Libye l’année dernière) a également été écartée.
Jeudi dernier, le Groupe de soutien et de suivi sur la situation au Mali s’est prononcé pour une saisine par l’Union Africaine (UA) du Conseil de Sécurité des Nations unies en vue de la création d’une force d’intervention. En effet, le Conseil de sécurité est le seul à même de décider des mesures coercitives nécessaires s’il estime qu’il existe une menace contre la paix et la sécurité internationale. Cette initiative avait déjà été lancée fin mai par Boni Yayi, président en exercice de l’UA et président du Bénin. Le mandat d’une telle force reste néanmoins flou : restructurer l’armée malienne, restaurer l’ordre constitutionnel, rétablir la souveraineté étatique au Nord du pays, combattre les groupes terroristes, criminels ….
Une intervention conjointe entre l’ONU et l’Union Africaine comme la MINUAD au Darfour a peu de chance d’aboutir. En effet, selon le rapport Brahimi, l’ONU n’est pas disposée à déployer une mission militaire lors d’une situation similaire à celle que traverse le Mali. Deux autres scénarii sont rendus possibles eu égard au régionalisme à deux niveaux qui constitue la singularité du continent africain : une intervention sous régionale (CEDEAO) ou régionale (UA). Dans les deux cas, c’est au Conseil de sécurité de l’ONU de faire appel, si besoin, aux organismes régionaux comme « bras armé ».

La CEDEAO éclipsée par l’Union Africaine ?

La réaction rapide de la CEDEAO au coup d’Etat au Mali et en Guinée Bissau a été décisive (ICI). L’organisation régionale souhaite également que Bamako retrouve ses droits dans le Nord du pays. Une intervention régionale parait donc légitime (sous condition de l’accord des autorités maliennes). Les dirigeants de la région approuveraient cette intervention militaire mais Florent de Saint–Victor, dans une tribune publiée sur le site Atlantico, a montré les difficultés d’un déploiement éventuel de la force de la CEDEAO. Cette intervention paraît d’autant plus improbable que le mandat de la mission reste à définir, condition fondamentale pour obtenir les soutiens financiers et logistiques des Etats-Unis ou de la France. Par ailleurs, pour le président de l’UA, la force d’intervention doit réunir tous les pays de la région au-delà  de la CEDEAO. Or l’Algérie, la Mauritanie et même la Libye ne sont pas membres de l’organisation mais devront pourtant être associés aux décisions. Une position que semble partager les Etats-Unis et la France qui s’échine chaque jour à convaincre le géant algérien d’être le régulateur de cette crise.

La CEDEAO poursuit son travail de médiation même si son action dans la crise parait dorénavant peu probante. La pression exercée a en tout cas forcé la junte, menée par le capitaine Amadou Sanogo, à faire quelques concessions et à entamer une transition politique. Pour Gilles Yabi, de l’International Crisis Group, « le mandat d’une éventuelle mission militaire de la CEDEAO ne serait pas nécessairement un mandat d’intervention offensive contre des militaires maliens ou contre des groupes armés au Mali. Cela pourrait être un mandat de soutien à la remise sur pied d’une structure de commandement claire et à la protection des institutions civiles. » Par ailleurs, gardons à l’esprit que dans trois crises (Libéria, Sierre Leone et Côte d’Ivoire) la CEDEAO est intervenue en amont des forces de l’ONU permettant ainsi une réaction rapide.  Le problème du financement s’est néanmoins posé à chaque intervention, accélérant le déploiement d’une mission de l’ONU. Au Mali, l’intervention se rapprocherait du cas somalien or l’exemple de l’AMISOM explique les réticences de l’ONU à prendre le relais dans un tel contexte.

L’AMISOM, un modèle pour le déploiement d’une intervention de l’Union Africaine ?

Une intervention militaire africaine sous mandat de l’ONU se dessine suivant le modèle  de l’AMISOM (Mission de l’Union Africaine en Somalie). Une référence surprenante quand on connait les difficultés rencontrées par cette mission. De contre-exemple depuis 5 ans, l’AMISOM, après les victoires obtenues ces dernier mois contre le Shebab, serait donc devenues un modèle à suivre…
Créée en 2007 pour combler le manque de réaction des acteurs internationaux et prendre le relai des troupes éthiopiennes présentes sur place, cette mission autorisée par le Conseil de Sécurité et agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte ne devait pas excéder une période de six mois et l'ONU devait rapidement prendre le relais. Or, l’AMISOM est toujours déployée et le relais onusien se fait toujours attendre. Par ailleurs se pose la question du financement d’une opération de l’UA au Mali alors même que l’opération en Somalie vient d’être renforcée. L'extension du mandat de l’AMISOM, décidée en début d’année, accroit le coût de la mission qui passerait ainsi de 310 millions de dollars à 510 millions. Certes, l’UE finance largement la mission mais la résolution 2036 de l’ONU appel de nouveaux contributeurs. L’Union Africaine et ses partenaires peuvent–ils se permettre une nouvelle opération à l’autre extrémité du continent dans une période de crise économique financière de surcroit ?
La définition d’un mandat clair et précis reste primordiale et l’AMISOM est loin d’être un exemple. En Somalie, la mission de l’Union Africaine a en effet manqué aux principes fondamentaux de neutralité et d’impartialité. L’opération est intervenue  alors qu’il n’y avait aucune paix à maintenir. C’est un théâtre de guerre où l’accord des parties était loin d’être acquis et dans lequel les mandats et les ressources étaient inadéquats et la force inadaptée à la lutte anti-terroriste. Pour Jean-Nicolas Bach et Romain Esmenjaud, l’AMISOM a « de nombreuses caractéristiques qui la rapprochent d’une intervention militaire traditionnelle (soutien à une partie au conflit, recours régulier à la force, absence de commandement multinational, intéressement des contributeurs dont la participation à l’opération s’inscrit dans une stratégie de promotion d’intérêts nationaux…) » .

Aujourd’hui, l’espace sahélien semble durablement déstabilisé. A l’heure du retrait d’Afghanistan, la région devient-elle un nouveau front antiterroriste ? Il y a surement des leçons à tirer de l’interventionnisme en Somalie mais certainement pas en faire un exemple. Jean-François Bayart et Roland Marchal, deux chercheurs français, ne cessent d’appeler à la prudence lorsqu’on évoque des interventions militaires face à Al Qaïda ou ses alliés dans la bande sahélienne. Ils constatent un rétrécissement de la sphère politique au profit du contre-terrorisme et mettent en garde contre la radicalisation de certaines organisations combattantes. Le piège serait donc de voir la CEDEAO ou l’UA se transformer en « pompier-pyromane »…

Cette article a bénéficié d'une publication parallèle sur le site Atlantico.

jeudi 19 avril 2012

Mali. Les conséquences régionales de l'échec du coup d'État

André Bourgeot (bio) était, le 13 avril, l'invité de Thierry Garcin dans les Enjeux internationaux. Réécoutez l'émission ICI


Résumé de l’émission : "La régionalisation des dossiers a plusieurs sources, traditionnelles ou récentes.
Le nomadisme des Touareg ; les trafics divers ; les routes des caravanes ; les prises d’otages occidentaux (Niger, 2010...) ou de pays environnants (consul d’Algérie à Gao, le 5 avril) ; les attentats (à Tamanrasset le 3 mars, contre une caserne de gendarmerie) ; les groupes islamistes (AQMI, Ançar Eddine, Mujuao affilié à AQMI) ; les projets d’imposition de la charia ; la lutte anti-terroriste ; la création d’un Centre d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC), réunissant depuis 2010 l’Algérie, le Mali, la Mauritanie, le Niger (logistique américaine et française) ; l’attaque de l’OTAN contre la Libye et la guerre civile de 2011.

Depuis le coup d’État du 22 mars, dont les auteurs (arroseurs arrosés) ont renforcé les Touareg et les islamistes qu’ils croyaient pouvoir combattre, d’autres facteurs régionaux sont apparus : condamnation rapide de la CEDEAO, organisation économique de l’Ouest africain ; efficacité des sanctions (certes, contre un pays enclavé et pauvre) ; médiations ivoirienne et burkinabé ; implication diplomatique de l’Algérie, qui n’acceptera jamais un État touareg ; réfugiés maliens en Algérie ; divisions internes et chez les Touareg et chez les islamistes."

Sur les sanctions, on lira avec intérêt :  Olivier Schmitt "Thinking strategically about sanctions"ICI

De André Bourgeot, pour aller plus loin  :

- analyse du coup d'Etat à Bamako ICI
- Coups d'état au Mali : Azawad, année zéro ?(avec également Thomas Hofnung, grand reporter à Libération, spécialiste de l'Afrique de l'Ouest, Marc-Antoine Perouse de Montclos, politologue et enseignant à l'IRD, spécialiste des conflits armés en Afrique de l'Ouest et Atmane Tazaghar, journaliste pour l'Associated Press TV, auteur de AQMI : Enquête sur les héritiers de Ben Laden au Maghreb et en Europe, J. Picollec, 2011) ICI
- Désordre, pouvoirs et recompositions territoriales au Sahara (Hérodote) ICI
- Sahara de tous les enjeux ICI
-  Sahara : espace géostratégique et enjeux politiques (Niger) ICI

Ouvrages :
Bourgeot André [1992], « L’enjeu politique de l’histoire : vision idéologique des événements touaregs (1990-1992) », Politique africaine, 48, décembre : 129-135.
Bourgeot André [1994], « Révoltes et rébellions en pays touareg », Afrique contemporaine, 170, 2e trimestre : 3-19.
Bourgeot André [1995], Les Sociétés touarègues : nomadisme, identité., résistances, Paris, Karthala, 542 p.
Bourgeot André (dir.) [1999], Horizons nomades en Afrique sahélienne : sociétés, développement et démocratie, Paris, Karthala, 491 p.

samedi 31 mars 2012

Mali : Faiblesse de l’Etat et périphérie marginalisée

Au regard des évènements actuels au Mali, nous vous proposons ici les grandes lignes d'une communication présentée en juin 2011 dans le cadre d'un colloque sur les organisations combattantes (ICI).



L'Afrique de l'Ouest et plus particulièrement la région sahélienne est soumise à de nombreux soubresauts politiques avec l’incursion régulière de l’armée dans le champ politique : coups d’Etat en Mauritanie (août 2008) et au Niger (février 2010), mutinerie au Burkina Faso (avril 2011), récent coup d'Etat au Mali.

L’activité d’AQMI profite de cette faiblesse des Etats régionaux souvent défaillants à leurs périphéries.
D’abord pour des raisons géographiques : la configuration du peuplement marginalise aux périphéries les populations opposées au pouvoir central. Comme nous l'expliquions dans le précédent billet (ICI) une trêve avec les rébellions touarègues, par exemple, aux confins du Mali, rend le gouvernement réticent à engager son armée contre AQMI dans une région où elle a retiré ses forces en 2006.


Par ailleurs, ces Etats n’ont pas les moyens d’assurer le maillage territorial de leur pays. De fait leur incapacité à contrôler leur territoire a permis l’implantation des cellules d’AQMI et aujourd’hui ils n’ont pas non plus les moyens de s’engager dans une lutte contre AQMI. En 2010, le budget du Mali était le plus important du Sahel mais bien loin de celui consacré par le gouvernement algérien

 Tableau 1 : Forces des pays du Sahel



Budgets Défense                             (millions de $) en 2009
Forces
Algérie
 5280 (5670 en 2010)
147 000  (Terre : 127000; Air : 14000; Mer : 6000)  Paramilitaires : 187200
Mali
170 (208 en 2010)
7800 (Terre : 7350; Air : 400; Mer : 50) Paramilitaires : 4800
Mauritanie
115
15870 (Terre : 15000, Air : 250; Mer : 620) Paramilitaires : 5000
Niger
64
5300 (Terre : 5200, Air : 100) Paramilitaires : 5400


On observe une dynamique inverse à celle qui a motivé les Etats européens entre le XVIème et XIXème siècle. Ces derniers surinvestissaient dans leurs marges afin de les intégrer. Dans les pays du Sahel cet investissement semble peu rentable aux gouvernements qui soupçonnent par ailleurs les populations nomades vivant sur les territoires de plusieurs Etats d’être plus loyales aux autorités traditionnelles qu’aux autorités étatiques. Pourtant, jusqu’à présent, il semble qu’AQMI n’est pas de lien notable avec les insurrections locales d’ailleurs certaines se sont retournées contre l’organisation en 2004 au Tchad et en 2006 au Mali. Lors du colloque nous évoquions une hypothèse qui malheureusement se vérifie aujourd'hui : un échec du règlement de la question touarègue aura un impact négatif sur la lutte contre AQMI, les deux processus sont intrinsèquement liés...
La recherche d’une solution passe inévitablement par une réponse aux problèmes régionaux structuraux. On ne peut pas faire l’économie d’un débat sur le développement économique et social de la région dont le retard est à la base de l’instrumentalisation de certaines populations par AQMI. Si aujourd’hui cette menace est plus sécuritaire que politique, la région est un terreau favorable à un soutien local opportuniste. D’autant, que l’impact très négatif de cette violence terroriste, sur le tourisme ou les investissements, devrait accentuer cette problématique. Toute solution passe également par un renforcement de la légitimité de l’Etat sur ses marges et donc de sa présence notamment par la fourniture de services publics.
Par ailleurs gardons à l’esprit que cet espace a toujours posé des problèmes de gouvernance tant pour l’Etat colonial que pour ses successeurs. La ceinture sahélienne est une zone mouvante d’échanges et de circulation, peuplées de sociétés nomades qui ont toujours entretenus des relations de coopération sur des périodes plus ou moins longues et d’affrontement avec les gouvernements centraux. Toute intervention étrangère (motivée tant par la lutte contre AQMI que la préservation d'une influence dans une région au sol particulièrement riche) doit garder ces données en tête et ne pas commettre les mêmes erreurs qu’en Somalie où les ingérences extérieures ont donné une légitimité aux insurgés. Toute ingérence faire courir le risque que des alliances conjoncturelles se renforcent derrière une cause commune anti-impérialiste. Le djihad devenant la version islamique des luttes anticoloniales comme le rappelle Jean-François Bayart ICI

samedi 24 mars 2012

Mali : la stabilité des régimes sahéliens en question ? (MAJ)

La menace grondait depuis plusieurs jours, les troupes maliennes se sont révoltées contre leur Etat major et ont pris le pouvoir à Bamako. Ils reprochent au président ATT sa faiblesse dans le traitement de la rébellion au Nord. Leur porte-parole, Amadou Konaré, a affirmé qu'ils avaient agi face "à l'incapacité" du gouvernement "à gérer la crise au nord de notre pays", en proie à une nouvelle rébellion touareg depuis le mois de janvier et aux activités de groupes islamistes armés.



Le président refusait l'escalade militaire dans le Nord malgré des pertes de terrain importantes. Rappelons que le Mali a longtemps refusé la logique militaire dictée par les Occidentaux dans la lutte contre AQMI (que l'Algérie et la Mauritanie ont suivi pour leurs intérêts bien compris). En fait la trêve avec les rébellions touarègues rendait le gouvernement réticent à engager une escalade militaire, dans une région où il a retiré ses forces en 2006. D’autant que depuis la rébellion de la première partie des années 1990, les forces militaires qui avaient tué plus de civils que de combattants sont particulièrement détestées par les tribus nomades du Nord. L’armée malienne est passée pour la première fois à l’offensive en juin 2010 après l’assassinat d’un officier malien à Tombouctou.



Ce coup d'Etat montre l'importance des conséquences de la crise libyenne (on s'en doutait) et surtout il met en lumière une mutation d'échelle stratégique. Jusqu'à présent les États luttaient contre des conflictualités locales maintenant la logique de montée en puissance attentatoire à la stabilité des État a pris le pas. Le président malien semble ne pas l'avoir vu venir. Jusqu'à présent, il pouvait marginaliser ces conflictualités locales en ne les considérant pas comme attentatoire à la posture de stabilité de son régime. Mais avec ce coup d'Etat un nouveau seuil vient d'être atteint.

On lira avec intérêt :
The Old-Style Coup Makes a Comeback in Mali
Pourquoi le régime du président "ATT" était fragilisé
La chute d'Amadou Toumani Touré au Mali ou la défaite d'une politique de consensus
"La nouvelle géopolitique post-Kadhafi explique les problèmes actuels" au Mali
 Gaddafi's influence in Mali's coup
Nicolas au Sahara par Jean-François Bayart
Restaurer l’ordre constitutionnel au Mali (ICG)

Les derniers coups d’État militaires :
Côte d’Ivoire (Robert Gueï en 1999), Centrafrique (François Bozizé en 2003), Mauritanie (Ould Vall en 2005 puis Ould Abdel Aziz en 2008), Guinée (Dadis Camara en 2008), Niger (Salou Djibo en 2010). 
Rappelons qu'Amadou Toumani Touré a accédé au pouvoir en 1991 après un coup d'Etat. Celui ci a eu vocation à mettre en place une transition politique démocratique débouchant sur une élection présidentielle.


jeudi 1 mars 2012

Otages au Sahel : 100 jours

Depuis 100 jours Philippe Verdon et Serge Lazarevic sont détenus par les terroristes d'Al Qaïda au Maghreb Islamique, ne les oublions pas. Ils sont encore à ce jour 7 à être détenu au Sahel et en Somalie.



Pascal Lupart, président du Comité de soutien : "cela fait cent jours qu'ils ont été enlevés et toujours rien" :




Pascal Lupart : cela fait cent jours qu'ils ont été enlevés et toujours rien
(00:48)



président du Comité de soutien à Philippe Verdon et Serge Lazarevic