mercredi 24 février 2010

Le Gabon

J'écoute le discours d'Ali Bongo sur BFMTV à l'occasion de la visite de Nicolas Sarkozy au Gabon et je pense au billet que j'avais publié début décembre sur ce pays.



Aujourd’hui Zahara Youssouf, diplômée en droit international, nous propose de revenir en photos sur son expérience au Gabon pendant la transition politique en août 2009. Nous la remercions pour cette présentation du pays, ses atouts, ses richesses, ses faiblesses, tous les enjeux que doit relever le nouveau président.

Photo (Z.Y. juin 2009) : Affiche du Président Omar Bongo à la suite de son décès


Photo (Z.Y. juin 2009) : Défilé militaire du 16 juin 2009 en l’honneur du Président Omar Bongo

Après plus de 40 ans à la tête du Gabon, Omar Bongo succombe en juin 2009 à Barcelone des suites d’une longue maladie. OBO comme aimait à l’appeler la population laisse une nation orpheline qui salut l’héritage essentiel laissé par ce président, la paix et la stabilité du pays.
Le Gabon est un pays faiblement peuplé mais disposant d’importantes ressources, ce qui lui permet d’être considéré comme un pays à revenu intermédiaire. Les indicateurs sociaux sont cependant en grand décalage avec les possibilités du pays. Le PNUD classe ainsi le pays à la 103ème place en ce qui concerne son IDH.
Omar Bongo laisse donc à son successeur un pays où les défis à relever sont multiples : lutte contre le VIH/sida, amélioration des infrastructures, diversification de l’économie face aux ressources pétrolières qui se raréfient…
Au lendemain de sa mort l’avenir du pays est incertain et l’on craint une tentative de prise du pouvoir par la force.

Rose Francine Rogombé présidente par intérim assoit son autorité et le pays reprend ses activités. Les règles constitutionnelles sont scrupuleusement respectées et une élection est organisée le 30 août 2009, à peine plus de deux mois après la mort d’OBO. Celle-ci a vu s’affronter une opposition divisée face au candidat du parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais et fils du défunt président, Ali Bongo. Les 813 164 électeurs recensés étaient invités à choisir parmi plus de 23 candidats leur futur président. Plusieurs événements ont marqué les deux mois qui ont suivi la mort d’OBO et la désignation d’un nouveau président : le choix du candidat du PDG et la rupture entre Ali Bongo et André Mba Obame, ami de longue date et héritier politique d’OBO, la publication des listes électorales, l’annonce des résultats après des heures d’antenne où le décompte était fait province par province, l’examen des requêtes en annulation par la Cour après des heures de débats…
La campagne aura marqué les esprits, tant les moyens déployés étaient inédits : affiches géantes placardées aux quatre coins de la capital, multiplication des meetings dans les différentes provinces…Une certaine lassitude se fait sentir dans la population, qui n’a qu’une hâte, que le vainqueur, peut importe son nom soit au plus vite désigné afin qu’il puisse s’atteler aux différents défis qui attendent le pays.

Photo (Z.Y. juin 2009) : Affiche d’Ali Bongo, candidat du PDG à l’élection présidentielle du 30 août 2009


Photo (Z.Y. juin 2009) : Affiche d’André Mba Obame, ancien Ministre de l’intérieur et candidat à l’élection présidentielle du 30 août 2009


Photo (Z.Y. juin 2009) : Affiche d’Ali Bongo après la proclamation officielle des résultats à l’élection du 30 août par la Cour Constitutionnelle

Le Gabon est fortement touché par l’épidémie du sida. Plus de 49 000 personnes seraient infectées et 3000 nouveaux cas décelés par an. Les jeunes sont particulièrement vulnérables, ainsi que les femmes. Selon le dernier rapport ONUSIDA, plus de 2500 femmes enceintes seraient séropositives. Les comportements à risque chez les plus jeunes, les croyances populaires retardant l’initiation ou provoquant l’arrêt du traitement peuvent expliquer la progression de la pandémie. Le pays est fortement impliqué dans la lutte contre le VIH/sida et multiplie depuis la découverte du premier cas dans le pays les initiatives favorisant un meilleur accès aux soins pour les plus démunis.

Photo (Z.Y. juin 2009) : Campagne de sensibilisation sur le VIH près du centre hospitalier de Libreville
Le Transgabonais, reliant Owendo, port minéralier situé dans la banlieue de Libreville, à Franceville, assure le transport de grumes et de minerai de manganèse.
Les infrastructures sont peu développées au Gabon, ce qui ne facilite pas les échanges et freine les investisseurs étrangers.
Le réseau routier reliant l’ensemble du pays est vétuste et souvent peu goudronné. La population peut cependant compter sur les taxis bus pour atteindre différents points ou sur les clandos pour les endroits les plus isolés et difficiles d’accès.


Photo (Z.Y. juin 2009) : Transgabonais, reliant Owendo à Franceville


Photo (Z.Y. juin 2009) : Evacuation des billes par flottage, port à bois d’Owendo

Le port à bois d’Owendo est en service depuis 1980. Il dispose de plusieurs quais pour accueillir le bois, mais également d’un ensemble de voies ferrées pour le déchargement des bois acheminés par le Transgabonais.

Photo (Z.Y. juin 2009) : Port à bois d’Owendo
Le Gabon est un pays à revenu intermédiaire, et qui a pu compter sur un sous sol riche (pétrole, manganèse…). La forêt équatoriale couvre 85% du territoire et recèle de différentes essences (ébène, okoumé…). L’exploitation forestière a occupé une grande partie des emplois salariés avant l’essor de l’industrie pétrolière dans les années 70, et reste derrière l’industrie pétrolière un élément essentiel de l’économie gabonaise.
L’exportation du bois en grumes devrait être limitée en 2010, afin de permettre une transformation locale des essences forestières, et ainsi d’alimenter un nouveau secteur d’activités.

Photo (Z.Y. juin 2009) : Fleuve de l’Ogooué, parc national de la Lopé

Le parc de la Lopé est situé au centre du Gabon, et est bordé par le fleuve Ogooué. Une forêt dense couvre la majeure partie du parc, ainsi que des zones savane-forêt. Le parc compte une importante réserve d’espèces protégées. Le pays tente de diversifier ses sources de revenus et mise désormais sur l’écotourisme.

Photo (Z.Y. juin 2009) : Parc national de la Lopé

Demain : le Gabon dans les Enjeux Internationaux


Demain dans les Enjeux Internationaux sur France Culture, Thierry Garcin recevra Antoine Glaser, directeur de la Lettre du continent.

Sujet : En marge de la visite du président français : les effets de la transition politique, près de six mois après l’élection du fils du président Bongo.

Écoutez l'émission ICI

lundi 22 février 2010

Est de la République Démocratique du Congo : état des lieux d'une crise oubliée

Je vous propose la retranscription de l'article de John Campbell, Ralph Bunche Senior Fellow for Africa Policy Studies, du Council on Foreign Relations.

"Deaths from violence, hunger, and disease in the eastern Democratic Republic of Congo (DRC) over the past dozen years now likely exceed six million, with no end in sight. Violence against civilians in the region has persisted since 1998, with the outbreak of fighting in the Congo involving numerous states and agendas. Because of its magnitude and horror, this conflict is often called Africa's first "world war." The 1999 Lusaka Cease Fire Agreement--signed by Angola, Congo, Rwanda, Namibia, Uganda, Zambia, and Zimbabwe--ended fighting among nations, but not violence perpetrated by residual elements. As a result, millions of non-combatants continue to be displaced and killed; most of the formal economy and infrastructure has been destroyed; and hunger and disease are rampant.

While Western governments have not ignored the eastern Congo tragedy (Secretary of State Hillary Clinton visited Goma as recently as December), media attention has been more focused recently on Sudan, Somalia, and Guinea. Hence, Nicholas Kristof's recent series in the New York Times profiling ongoing violence in eastern Congo against civilians, especially women, is an important wake-up call about this continuing humanitarian disaster.

The current round of violence dates from January 2009, following a rapprochement between the DRC and Rwanda. With logistical support from the United Nations Organization Mission in the Democratic Republic of Congo (MONUC), the two governments joined forces to purge the eastern Congo of a Hutu rebel group, the Democratic Forces for the Liberation of Rwanda (FDLR), which seeks to overthrow the Rwandan government.
Despite two campaigns, efforts to rein in the FDLR have largely failed, and Rwandan troops have returned home. The current fighting is among a shifting kaleidoscope of Rwandan Hutu opponents of Rwandan President Paul Kagame's government, elements of the Congolese army, and local militias ostensibly defending their turf against all-comers. In a huge territory largely outside the control of the Kinshasa government, there is also widespread criminal and warlord behavior. Underpinning the violence often is a struggle to loot the region of its abundant natural resources.

Since 1999, the MONUC has been the principal international presence in eastern Congo. Its mandate includes protection of civilians and the disarmament and demobilization of combatants. MONUC is now the UN's largest peacekeeping mission, with a budget of almost $1.35 billion and over 20,509 uniformed personnel and support staff. It has assisted with the demobilization and repatriation of thousands of ex-combatants back to Rwanda, and with the demobilization and reintegration of thousands more into the Congolese army.

However, MONUC's civil protection mandate is hampered by a lack of resources. Its numbers are drawn from a variety of countries including a significant African contingent. In addition, by the end of 2009, it had deployed only 2,050 of its 3,085 newly authorized personnel.

Equipment is similarly sparse. At the close of 2009, there was one Belgian C-130 aircraft and two helicopters from Uruguay. Both countries have also recently pledged an additional helicopter each. There have been no pledges toward MONUC's request for an additional C-130 transport and fourteen utility helicopters, as of the end of 2009. Shortages of helicopters and transport aircraft have limited MONUC's flexibility and rapid-reaction capability. The vastness of the eastern Congo results in MONUC's personnel being so thinly stretched that it is unable to effectively carry out its protection mandate.
Furthermore, with little formal government authority in place, and with the DRC only slowly emerging from failed-state status, there is a culture of impunity with respect to violence against civilians. The Armed Forces of the DRC (FARDC) are ostensibly charged with maintaining security. But soldiers are often untrained, undisciplined and unpaid. Some are also former rebels who have been integrated into the official armed forces as part of an earlier peace agreement, but maintain loyalty to outside groups or warlords.

Like rebel groups and other irregulars, members of the FARDC also appear to use rape to terrorize and control the local populations, a reason why violence against women is so ubiquitous. Some non-governmental organizations have charged that MONUC's supporting role in various FARDC operations made it complicit in some of those crimes. When the UN Security Council renewed MONUC's mandate in December 2009, it reiterated that civilian protection and humanitarian assistance takes precedence over its other activities. At the same time, DRC President Joseph Kabila issued a "zero tolerance" policy toward human rights abuse committed by FARDC personnel.

MONUC should evaluate its personnel and equipment needs in light of its civilian protection mandate. It should seek increased personnel, including from other African countries. Better-trained and French-speaking officers are especially needed. For its part, the Obama administration should urge committed donor countries to fulfill pledges already made to MONUC in a timely manner and seriously consider increasing its own. It should then take the lead in approaching the donor community to provide the additional resources required.

Given the weakness of the DRC's central government as well as Rwanda's inability to defeat the FDLR, it is unlikely that either government can do much more on the ground. This reality complicates Western and African diplomatic pressure on the two states to hold accountable their nationals involved in violence against civilians. Nevertheless, notorious perpetrators of crimes against civilians do fall into official hands from time to time, and MONUC and FARDC efforts to bring them to a speedy trial should be supported. The international community must continue to insist to Congo and Rwanda that a culture of impunity with respect to violence against civilians is intolerable, and that the guilty are held accountable."

Mon billet précédent : "La République Démocratique du Congo (RDC) : retour sur la géopolitique du cœur de l’Afrique"
Le billet de Stéphane Mantoux : « République Démocratique du Congo : chronique d'une guerre sans fin ? » sur Ifriqiya

Les enjeux internationaux demain : le Niger

Les suites de la prise du pouvoir par une junte militaire sur France Culture demain matin 7h15: ICI

vendredi 19 février 2010

Tchad : la mécanique de la rébellion

Ecoutez sur le site du CERI : l'atelier de l'histoire, la marche du monde par Valérie Nivelon
"Depuis les indépendances en 1960, la vie des tchadiens est essentiellement rythmée par les conflits entre la rébellion et le gouvernement..."
Invités : Roland Marchal, chercheur au CERI, chargé de recherche au CNRS et Sonia Rolley, journaliste, correspondante de plusieurs médias internationaux, expulsée du Tchad en mars 2008.
Écoutez ICI

jeudi 18 février 2010

Coup d'Etat au Niger (Actualisé)


Ce matin des tirs de mitrailleuses et d'armes lourdes ont été entendus dans le quartier du palais présidentiel.
Il s'agissait d'une tentative de coup d'Etat. C’est Dijibrilla Hima Hamidou dit «Pelé », 45 ans, commandant de la compagnie d’appui des blindés de Niamey, qui est à la tête du putsch. Ce haut gradé, originaire de l’ethnie Djerma , est à la tête d’un comité de 12 officiers. Formé à l’académie royale de Meknès, Djibrilla Hima Hamidou n’avait pas approuvé les changements portés à la Constitution. La décision de renverser le président Mamadou Tandja n’a été prise qu’aujourd’hui même à 12 heures alors que commençait un conseil de ministres exceptionnel. Dès les premières minutes de l’opération, le chef d’Etat major des armées, Moumini Bouraima, a été arrêté chez lui. Il n’aurait opposé aucune résistance. Les putschistes ont aussi arrêté plusieurs personnalités dont le porte-parole du palais présidentiel. Quant au président de la république, Mamadou Tandia, il a été conduit en « lieu sûr ». Le président aurait été emmené à la garnison de Zinder, deuxième ville du pays, à 700 km de Niamey. Dès 17 heures, la télévision et la radio ont commencé à diffuser de la musique militaire. Le colonel Pelé devrait, lui, prononcer un discours très attendu à 20 heures GMT.

Le 4 août 2009 une nouvelle Constitution qui renforce les pouvoirs de Tanja et lui accorde au moins trois ans de plus à la tête du pays a été voté par référendum.
La convocation des législatifs fait parti des dispositions de cette nouvelle Constitution. Ce référendum controversé, boycotté par l’opposition et décrié par la Communauté internationale, s’est tenu après que le Président Tandja a dissout tour à tour le parlement puis la Cour constitutionnelle et modifié la loi électorale.
Elections anticipées se sont tenues pour tous les sièges de l'Assemblée nationale suite à l'adoption d'une nouvelle Constitution en août 2009. 51,27% de participation.
Victoire du Mouvement national pour la société du développement (MNSD) (75 sièges sur 112).
La tension politique au Niger a provoqué sa suspension en octobre dernier des instances de la CEDEAO, ainsi que l’interdiction de toute réunion de l’organisation régionale sur le sol nigérien.

En décembre dernier, les Etats Unis ont suspendu leur aide financière au profit de Niamey, imposant une interdiction de séjour aux USA aux hautes personnalités du pays.
L’Union Européenne, seul partenaire budgétaire du Niger, a, de son côté, coupé son aide non humanitaire d’environ 450 millions d’euros.
Source : Le Monde / Jeune Afrique / APA / Les Afriques

mercredi 17 février 2010

Philippe Hugon : Tchad/Soudan, Côte d'Ivoire



A noter (et à lire bien sûr) deux interventions de Philippe Hugon, directeur de recherches à l’IRIS :
-Une vidéo (ICI) : Tchad/Soudan : Le règne des colombes ?
La visite récente du président tchadien Idriss Déby Itno au Soudan se voulait être le symbole du rapprochement. Pensez-vous que les deux pays ont tourné la page du conflit qui les oppose ? Quelles en sont les conséquences directes pour le Darfour ? A la veille des élections d’avril 2010 et du référendum d’auto-détermination du Sud Soudan en 2011, quelle est la situation politique du pays ?
-Une analyse (ICI) : L‘« ivoirité » à nouveau au cœur des conflits et des reports de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire

dimanche 14 février 2010

Burundi : vers l'escalade de violence ?



La tension "monte dangereusement à l'approche des élections" générales prévues de mai à septembre 2010 au Burundi (série de cinq scrutins dont une présidentielle et des législatives), selon l'International Crisis Group (ICG) qui met en garde contre les risques de violence "dans les prochains mois".

Pour l'ICG, "il est probable" que le président Pierre Nkurunziza (photo) conserve son poste à l'issue de la présidentielle, grâce à sa popularité et au contrôle des finances publiques, mais son parti pourrait "perdre la majorité au parlement et le contrôle des administrations provinciales", ce que l'aile dure du parti, notamment les chefs militaires, ne seraient pas prêts à accepter.


Pour Thierry Vircoulon, Directeur de projet de Crisis Group pour l'Afrique Centrale : "Les pratiques de harcèlement et d'intimidation de la part de la police et du mouvement de jeunes du parti au pouvoir représentent une évolution inquiétante qui pourrait facilement déstabiliser le processus électoral tout entier".
Selon ce rapport, "les administrations locales, contrôlées par le parti au pouvoir, ordonnent à la police de perturber les rassemblements de l'opposition", alors que "les organisations de la société civile et certains médias sont harcelés pour avoir dénoncé les tendances autoritaires du Cndd-FDD, dont le mouvement de jeunesse, une organisation quasi para-militaire, est d'ores et déjà coupable de violences et d'intimidations".
Pour l'ICG, "il n'est guère probable que les tensions actuelles provoquent un retour à la guerre civile", la communauté internationale doit soutenir rapidement "des politiques de prévention du risque d'escalade violente" et les pays de la région devraient "déployer une mission de police" et nommer un envoyé spécial chargé d'aplanir les différents conflits autour du processus électoral.

Le rapport "Burundi: garantir un processus électoral équitable" ICI
Sommaire :


I. INTRODUCTION
II. UN PROCESSUS POLITIQUE LABORIEUX.
A. DIFFICILE MISE EN PLACE DE LA CENI
B. REFORME POUSSIVE DU CODE ELECTORAL ET INQUIETUDES SUR L’ENREGISTREMENT DES
ELECTEURS
1. Calculs politiques sur les modalités d’organisation du scrutin
2. Un enregistrement des électeurs politisé?
C. RESTRICTIONS DES LIBERTES PUBLIQUES
III. STRATEGIES A COURTE VUE DES PARTIS POLITIQUES
A. LES ANCIENNES REBELLIONS
1. Le CNDD-FDD
2. Les FNL
B. LES FORCES POLITIQUES TRADITIONNELLES
1. Le FRODEBU
2. L’UPRONA
C. LES NOUVELLES FORCES POLITIQUES
1. L’UPD
2. Le MSD
D. LES ENJEUX POLITIQUES DES ELECTIONS DE 2010
IV. AMPLEUR DES DEFIS SECURITAIRES
A. MOBILISATION DES JEUNESSES DES PARTIS POLITIQUES ET DES DEMOBILISES
B. POLITISATION DES CORPS DE DEFENSE ET DE SECURITE
C. RISQUES D’ESCALADE DE VIOLENCE
V. GARANTIR UN PROCESSUS ELECTORAL CREDIBLE
A. SURVEILLER LA NEUTRALITE DES CORPS DE DEFENSE ET DE SECURITE
B. CONSOLIDER LE ROLE DES MEDIAS ET DE LA SOCIETE CIVILE
C. FAVORISER L’IMPARTIALITE DE LA CENI
D. DISSUADER LA VIOLENCE
VI. CONCLUSION
ANNEXES
A. CARTE DU BURUNDI
B. GLOSSAIRE
C. A PROPOS D’INTERNATIONALCRISISGROUP
D. RAPPORTS ET BRIEFINGS DECRISISGROUP DEPUIS 2007
E. CONSEIL D’ADMINISTRATION DE L’INTERNATIONALCRISISGROUP

Les recommandations de l'ICG:

Au Gouvernement burundais :

1. Cesser les entraves au fonctionnement des partis politiques en interdisant formellement aux gouverneurs de province, administrateurs communaux et aux forces de police locales :

a) d’empêcher ou de perturber les réunions des partis politiques d’opposition organisées légalement ;

b) de prohiber l’ouverture de bureaux locaux de partis politiques ; et

c) de procéder à des arrestations arbitraires de responsables locaux et partisans de partis politiques d’opposition.

2. Prendre des sanctions à l’encontre des responsables locaux qui continuent de perturber l’activité des partis politiques.

3. Interdire les activités illégales des mouvements de jeunesse des partis politiques et punir les responsables de telles activités.

4. S’abstenir de toute provocation verbale ou autre, et de l’usage de l’intimidation et de la force à l’encon­tre des partis politiques d’opposition, des médias et de la société civile.

5. Prendre toutes les mesures qui s’imposent contre les personnes, groupes ou organisations impliqués dans le réarmement des milices.

6. Assurer l’accès libre et équitable des partis politiques aux médias publics.

7. Poursuivre les discussions avec les partis politiques d’opposition au sein de la structure nationale nouvellement créée pour le dialogue politique ; ces discussions ont notamment pour but d’atteindre un consensus sur la préparation et le déroulement du processus électoral et de régler rapidement toutes les difficultés liées aux élections.

Aux partis politiques :


8. S’abstenir de toute provocation verbale ou autre qui pourrait mener à une escalade des tensions politiques, y compris l’intimidation de rivaux, les appels à la vengeance ou l’apologie de la haine ethnique.

9. Arrêter de mobiliser les mouvements de jeunesse à des fins d’intimidation ou de violence.

10. S’abstenir de compromettre la neutralité des services de sécurité en instrumentalisant des réseaux de soutien internes.

Aux médias :

11. Accorder le libre accès de leurs antennes et colonnes à tous les partis politiques, de manière équitable, et s’abstenir de faire la propagande déguisée de toute formation ou responsable politique.

A la société civile :


12. Mettre en place un observatoire de la violence politique pour documenter tous les actes de violence liés aux élections, et surveiller particulièrement l’action des mouvements de jeunesse des partis politiques et les groupes de démobilisés affiliés à ceux-ci, ainsi que le comportement des forces de l’ordre.

A l’Initiative régionale sur le Burundi :

13. Organiser, en collaboration avec le gouvernement, le déploiement d’une mission de police régionale composée de petites équipes incorporées à la police burundaise et mandatées pour appuyer la préparation et l’exécution des opérations de sécurisation des élections. Cette mission serait menée par un commissaire de police travaillant directement avec le commandant de la police nationale et placé sous l’autorité d’un envoyé spécial régional de haut niveau.

14. Nommer un envoyé spécial de stature internationale et familier avec la politique burundaise, afin de fournir une facilitation de haut-niveau en cas d’actes violents sérieux ou de différends majeurs liés à la gestion du processus électoral. Celui-ci devra également coordonner les efforts politiques de la communauté internationale auprès des acteurs politiques burundais.

A la communauté internationale :

15. Assurer le déploiement précoce d’une mission internationale d’observation des élections.

16. Fournir le soutien financier opportun et l’expertise technique adéquate à la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

17. Prévenir les responsables politiques burundais que ceux qui se rendraient responsables de crimes politiques sérieux seront poursuivis si nécessaire par les juridictions internationales – Cour pénale internationale ou tribunal spécial – et que des sanctions ciblées seront imposées à ceux qui auraient recours à des fraudes massives ou des violences pour remporter les élections.

jeudi 11 février 2010

L'Afrique et les biocarburants



Une véritable « biocarburant-mania » est en train de se répandre en Afrique depuis la forte poussée de fièvre du baril de pétrole en 2008.
Au Sénégal, le président Abdoulaye Wade, qui se veut le champion africain des biocarburants, a révélé, le 28 décembre dernier dans son adresse à la nation à l’occasion du Nouvel An, que la production de biocarburants a bien démarré dans le pays avec la mise en valeur de 10 000 hectares de jatropha, un arbre originaire du Brésil très présent dans les pays sahéliens, où il est plus communément appelé pourghère ou bagani, et dont les graines non comestibles produisent une huile aux propriétés comparables à celles du diesel. « En faisant planter par chaque communauté rurale 1000 ha, nous aurons 3 210 000 tonnes de jatropha, soit 1,134 million de litres de biodiésel, correspondant à notre indépendance énergétique », a notamment précisé le chef d’Etat sénégalais.
Selon les statistiques de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), « la filière sucre de l’espace UEMOA représente un marché potentiel de 570 000 tonnes pour une production réelle de 330 000 tonnes, un chiffre d’affaires de 120 milliards de francs CFA par an. Elle emploie directement 28 000 personnes, représentant une masse salariale de 30 milliards de francs CFA par an, une valeur ajoutée de 65 milliards de francs CFA par an et une contribution au budget de Etats de l’ordre de 26 milliards de francs CFA annuellement ».
L'Afrique du Sud autre pays en pointe sur le continent pour la promotion de cette nouvelle énergie grâce au géant Ethanol Africa, voit désormais grand et envisage l’ouverture de huit usines de bioéthanol en 2010. Ethanol Africa compte aussi investir en Angola, en Zambie, en Tanzanie et au Mozambique pour produire du biocarburant à partir du maïs et de la canne à sucre. De son côté, le Burkina lorgne de plus en plus les biocarburants. La première unité de production de biodiesel à base de graines de jatropha devrait prochainement voir le jour à Kossodo, à l’initiative du chef traditionnel Larlé Naba.

Au Mali, le jatropha, appelé également « l’or vert du désert », est exploité depuis deux ans dans la production de biodiesel.
Au Zimbabwe, qui fut pionnier en Afrique en matière de production des biocarburants issus de la canne à sucre dès le début des années 80, les regards se tournent aussi vers le jatropha, avec la plantation de 60 000 hectares l’an passé. Transload, une unité de fabrication d’agro-carburants implantée près de Harare, produit également depuis 2008 du biodiesel à partir de graines de coton, de soja et de tournesol.

L’Ile Maurice concentre ses efforts sur la canne à sucre tandis que le Cameroun produit déjà son biocarburant à partir de l’huile de palme. Le Nigeria s’est, quant à lui, lancé dans la production de bioéthanol à partir du manioc. Au total, une trentaine de pays africains produisent déjà des agro-carburants, selon l’Association africaine des producteurs de biocarburants (AAPB), née en novembre 2006 à Ouagadougou en marge d’un atelier sur le développement de la filière biocarburants dans l’espace UEMOA. Selon les experts, l’engouement africain pour les agro-carburants s’explique essentiellement par la volonté de réduire la dépendance énergétique et, accessoirement, par le souhait de créer des emplois dans le milieu rural. « Les pays africains qui misent sur les biocarburants sont majoritairement attirés par les perspectives d’allègement de la facture énergétique et de création d’emplois », explique Joël Blin, bio-énergéticien, responsable du laboratoire Biomasse-énergie et biocarburant (LBEB) au Burkina Faso. Mais, s’il est vrai que la majorité des pays africains produisent des biocarburants pour les besoins du marché intérieur, il n’en demeure pas moins que quelques-uns d’entre eux exportent déjà cette énergie vers le Nord. Le groupe sucrier soudanais Kenana a, pour la première fois le 27 décembre dernier, exporté 5 millions de litres d’éthanol d’une valeur de 3,3 millions de dollars vers l’Union européenne. « Quatre autres cargaisons, de 5 millions de litres chacune, doivent encore partir pour l’UE d’ici la fin février 2010 », révèle Majdi Hassan, directeur des ventes du groupe, cité par l’AFP. Le Soudan emboîte ainsi le pas à l’Ile Maurice et au Zimbabwe, qui exportent depuis quelques années du biodiesel vers le marché communautaire.



Qu’ils soient destinés au marché intérieur ou à l’export, les biocarburants font, depuis 2008, année marquée par des émeutes de la faim dans plusieurs pays africains, l’objet de vives critiques sur le continent. Au Sénégal, le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR) a dénoncé avec véhémence le programme national des biocarburants, qui ne constitue pas, selon lui, « une priorité pour le monde rural ». Une étude sur les biocarburants au Sénégal, publiée début 2009 par les ONG Wetlands International et Action-aid, a estimé que le développement des biocarburants pourrait à terme menacer les cultures vivrières et ouvrir la voie à une compétition dangereuse entre les 800 millions d’automobilistes et les 2 milliards d’humains qui vivent sous le seuil de pauvreté dans le monde. Une autre étude menée par des ONG et intitulée « Jatropha, un piège socioéconomique pour le Mozambique » a également révélé que les jatrophas du Mozambique ont été majoritairement plantés sur des terres arables. Conséquence de cette forte mobilisation : la 2e Conférence internationale sur les biocarburants, tenue du 10 au 12 novembre dernier à Ouagadougou (site de la conférence, synthèse des présentations ICI), a reconnu explicitement la responsabilité directe des biocarburants dans la crise alimentaire et recommandé le lancement de politiques d’autosuffisance alimentaire en parallèle aux stratégies de développement des agro-carburants.
Les agro carburants (biocarburants) sont des substituts à l’essence : l’éthanol est fait à partir de la canne à sucre, de betterave ou de blé ; et des substituts au diesel : huiles faite à partir de colza, soja, huile de palme. Le bilan énergétique de l’éthanol à partir du blé est faible. Le bilan des huiles de colza comme substitut au diesel est un peu meilleur.

Notes :Les agro carburants représentent 1% des terres cultivables du monde mais sur des marchés comme le maïs, l’ambitieux programme américain d’éthanol qui utilise ¼ de la production américaine contribue significativement à la hausse des prix . Les Etats-Unis représentent 40% de la production mondiale (la production d'éthanol croît de 15 à 20 % par an depuis 2002) mais ils sont utilisés aussi de manière importante au Brésil avec la production d’éthanol de canne à sucre et en Allemagne (colza pour le diesel). L'Espagne et la Pologne ambitionnent aussi de développer une capacité de production d'éthanol, à partir des céréales, afin de respecter les objectifs communautaires d'incorporation de biocarburants sans recourir aux importations.
Lire : Les biocarburants en Afrique de l'Institut de Coopération au Développement Economique et Social : ICI

Sources : Les Afriques / Walid Kéfi / Le Gouriellec

mercredi 10 février 2010

Bingu Wa Mutharika succède à Mouammar Kadhafi


Le président du Malawi, Bingu Wa Mutharika succède donc au Libyen Mouammar Kadhafi à la tête de l’Union Africaine. La décision a été prise par consensus le 31 janvier à Addis Abeba lors du quatorzième sommet de l’Union. En coulisses, la diplomatie libyenne a tout fait pour arracher le prolongement du mandat du Guide qui espérait rempiler pour une année supplémentaire. C’était sans compter sur l’opposition des membres de la SADC qui ont tous fait bloc derrière leur candidat malawien, soutenu par des textes de loi instituant la présidente tournante(Article 15 du Règlement intérieur de la Conférence de l’Union prévoyant une rotation de la présidence de l’Union sur une base régionale). Avant de rendre le tablier, le président libyen a tenu à exprimer le fond de sa pensée, déclarant qu’il aurait refusé la charge s’il avait su en quoi elle consistait l’année dernière. La mésentente, chronique, avec Jean Ping a éclaté au grand jour : « la commission a pris cette année des décisions sans que le président de l’union n’en soit informé (.. .) cette fonction de président de l’Union africaine n’a pas beaucoup de sens à l’heure actuelle », dira-t-il.

Cette présidence lui avait d’ailleurs déjà été proposée en 2004 par un certain nombre de chefs d’État africains dont le président sud-africain de l’époque, Thabo Mbeki, pour son rôle central et déterminant dans la création de la nouvelle Organisation panafricaine. Pourtant, le Guide l’avait refusée, soi-disant, « parce qu’il pensait qu’il devait aider l’Afrique à réaliser son unité continentale indépendamment de toute position officielle" et « pour laisser la place aux autres ».

Dans son discours d’adieu, le guide libyen s’en prend aussi à la réunionnite qui affecte l’Union africaine : «c’était comme si on était entrain de fabriquer une bombe atomique», a-t-il ironisé. Pour le moins, cette présidence du Malawi apporte de l’eau au moulin de ceux (Ethiopie, Afrique du Sud) qui militent pour une Union africaine par étape, via les regroupements régionaux. « Unissez-vous dès aujourd’hui ! », a scandé Kadhafi en rappelant l’exemple de l’Union européenne, devenue un seul pays. Dès sa désignation, le président du Malawi a placé sa mandature sous le signe de la lutte contre la famine. En attendant, il devra affronter les nombreuses critiques qui émanent du continent sur l’utilité de l’Union africaine. Incapable de ramener la paix en Somalie, en proie à une guerre civile depuis 20 ans, et au Darfour, cette organisation fonctionne de plus en plus comme une centrale syndicale des chefs d’Etat africains.
Sources : Les Afriques