Le porte-parole du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, à fixer la durée de la transition à douze mois à compter de son arrivée au pouvoir le 18 février 2010, conformément à la proposition du Conseil consultatif national.
Rappelons que le 4 août 2009 une nouvelle Constitution qui renforçait les pouvoirs du président déchu Tanja et lui accordait au moins trois ans de plus à la tête du pays avait été voté par référendum. La convocation des législatifs faisait parti des dispositions de cette nouvelle Constitution. Ce référendum controversé, boycotté par l’opposition et décrié par la Communauté internationale, s’etait tenu après que le Président Tandja ait dissout tour à tour le parlement puis la Cour constitutionnelle et modifié la loi électorale. Les élections anticipées s'étaient tenues pour tous les sièges de l'Assemblée nationale. 51,27% de participation.
Victoire du Mouvement national pour la société du développement (MNSD) (75 sièges sur 112).
Le 18 février 2010, le président Tandja a été renversé par un coup d’Etat militaire. Les militaires qui ont pris le pouvoir ont institué un « Conseil suprême pour la restauration de la démocratie » (CSRD), présidé par le Chef d’escadron Salou DJIBO, désormais chef de l’Etat (photo). Les premières mesures ont été de suspendre la Constitution et de dissoudre les institutions qui en découlaient.
Le CSRD a annoncé trois objectifs principaux : assainir la situation (lutte contre la corruption), réconcilier les Nigériens et restaurer la démocratie. Les membres du CSRD et du gouvernement se sont engagés à ne pas se présenter aux futures élections présidentielles.
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lundi 10 mai 2010
dimanche 9 mai 2010
Côte d’Ivoire : sécuriser le processus électoral
Synthèse et recommandations de l'International Crisis Group :
La Côte d’Ivoire est encore loin d’une élection présidentielle déjà reportée à six reprises. Deux mois après la dissolution par le président Gbagbo de la Commission électorale indépendante (CEI) et du gouvernement, la préparation de cette élection est en panne et le processus qui doit y conduire est déjà porteur de risques de violences. La présence sur le terrain de groupes armés et de milices, combinée à la résurgence dans le débat politique du concept d’ivoirité et à une situation économique difficile, constitue un environnement explosif qui menace la stabilité de ce pays clef de l’Afrique de l’Ouest. Si les responsables politiques ne se décident pas immédiatement à accélérer le rythme du processus électoral et à abandonner les discours incendiaires ; si l’ONU et les autres partenaires étrangers de la Côte d’Ivoire ne mettent pas rapidement en place les mécanismes politiques et sécuritaires à même de prévenir la violence, le processus de paix ivoirien risque de dérailler avec des conséquences graves pour la Côte d’Ivoire et ses voisins.
Rappel : La guerre civile ivoirienne a été déclenchée en septembre 2002 quand une fraction de l’armée a tenté de faire un coup d’Etat. Ce putsch a échoué. Mais ses auteurs ont réussi à prendre le contrôle de la moitié nord du pays. Rejoints par de jeunes intellectuels dirigés par l’ancien responsable syndical estudiantin, Guillaume Soro, ils ont souligné dans leur discours que les ressortissants du Nord étaient traités comme des citoyens de seconde classe. Une situation de conflit armé larvé s’est poursuivi jusqu’à la signature de l’Accord politique de Ouagadougou (APO) en mars 2007, qui a considérablement apaisé la situation. Cependant, depuis le milieu de l’année 2009, les tensions ont ressurgi autour du processus électoral et de la question de la nationalité.
Les manifestations qui ont suivi l’annonce de la double dissolution du 12 février 2010 sont la preuve concrète de la résurgence de ces tensions. Organisées par l’opposition, elles ont fait sept morts et plusieurs dizaines de blessés. A Gagnoa, les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur des manifestants. De tels incidents pourraient se reproduire, si les responsables politiques ne trouvent pas rapidement un compromis pour remettre en route la machine électorale. Mais plus que ce compromis particulier, ils doivent revenir au climat pacifié et à l’esprit de concertation qui a prévalu durant les mois qui ont suivi la signature de l’APO.
Le seul acquis de l’élection à venir est l’existence d’une liste électorale issue de la phase d’enrôlement. Cette phase a permis d’identifier plus de 6,3 millions d’électeurs potentiels. Après une opération de vérification, 5,3 millions d’électeurs ont été autorisés à figurer sur la liste provisoire. Le reste a été reversé sur une seconde liste car leur nationalité n’a pas pu être vérifiée. La phase suivante dite du contentieux a provoqué une dispute entre le parti au pouvoir et l’opposition. Ce désaccord a conduit à la dissolution de la CEI et à un blocage du processus. Une nouvelle CEI a certes été mise en place fin février. Elle s’est remise au travail mais n’a toujours pas défini clairement et totalement les modalités d’une nouvelle période de contentieux, devant servir à l’élaboration d’une liste électorale définitive. De même, elle reste muette sur le plan global pour la distribution des cartes d’électeurs, du matériel électoral et pour la centralisation des résultats qu’elle doit pourtant élaborer.
Parce qu’elle lui est défavorable et qu’elle comporterait de nombreux « étrangers », le camp présidentiel entend revenir sur l’acquis que constitue la liste des 5,3 millions d’électeurs en procédant à son « audit ». Or, cette liste a été réalisée sur la base d’un mode opératoire consensuel validé par l’ensemble des partis politiques. Elle a en outre été implicitement validée par le Représentant du Secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire. Elle ne peut donc être remise en cause. Les partisans du président font en outre du désarmement de l’ex-rébellion des Forces Nouvelles (FN) un préalable à la tenue de la présidentielle. Cette position maximaliste est difficilement acceptable par l’opposition et doit être revue à la baisse car elle met en danger l’esprit de concertation hérité de l’APO.
Le climat de paix relative qui a prévalu depuis la signature de cet accord est menacé, non seulement par l’intransigeance des uns et des autres, par les insultes à caractère personnel, mais aussi par le retour sur le devant de la scène du concept d’ivoirité et par l’utilisation des notions dangereuses d’ « étrangers » et de « vrais Ivoiriens ». L’emploi d’arguments d’exclusion ne peut que renforcer un sentiment de peur de l’autre, déjà très diffus dans la société ivoirienne et moteur puissant de la violence. Les responsables politiques doivent absolument s’abstenir d’en faire usage. Faute de quoi, ils prépareront le terrain soit d’un dérapage avant terme du processus, soit d’une élection aussi calamiteuse que celle de 2000.
L’utilisation de la xénophobie à des fins politique s’effectue sur fond de paix armée. Dans la zone contrôlée par l’ex-rébellion, le désarmement est toujours une promesse. A l’extrême ouest du pays, les milices pro-gouvernementales sont encore en place. Elles entretiennent un climat d’insécurité permanent et entravent le déroulement normal de la vie démocratique. Il est très difficile d’envisager une campagne électorale sereine dans cette région. A Abidjan, les groupements patriotiques et leurs propos xénophobes ont toujours pignon sur rue, entraînant en réaction la formation de groupe de jeunes militants de l’opposition, prêts pour une éventuelle riposte. On peut craindre qu’en cas de nouvelles manifestations de l’opposition, la capitale économique ne serve, une fois de plus, de théâtre d’affrontements à ces deux jeunesses antagonistes mais animées de la même peur et du même mépris de l’adversaire.
Les acteurs locaux et internationaux doivent se mettre d’accord sur un nouveau plan de sécurisation pour les élections. Ils doivent se servir de ce plan pour renforcer la confiance de la population et engager un dialogue avec les responsables politiques et administratifs ivoiriens. Le plan de sécurisation actuel est insuffisant car basé sur la promesse, sans cesse repoussée, d’une force mixte ivoirienne issue pour moitié des Forces de défense et de sécurité (FDS) et pour l’autre des FN. Cette force mixte, doit être appuyée par le contingent de l’ONUCI et la force française Licorne, qui disposent de capacités de police insuffisantes. Il appartient à la communauté internationale, de combler, le cas échéant, ces vides.
La communauté internationale a, jusqu’alors, fait le choix de la patience et de la prudence. La dissolution de la CEI et du gouvernement ainsi que les violences de février n’ont guère suscité de réactions de sa part. Elle n’a pas été non plus capable de tracer une ligne rouge que les acteurs ivoiriens ne doivent pas dépasser. Cette position timide est finalement peu en phase avec la gravité des enjeux. Plus généralement, la communauté internationale doit être plus prompte à désigner des responsables de violence et du blocage électoral. Le Conseil de sécurité de l’ONU qui doit réexaminer le mandat de l’ONUCI, le 31 mai prochain, doit sérieusement considérer la possibilité d’adopter des sanctions individuelles supplémentaires. Dans le passé, de telles sanctions ont fait la preuve de leur efficacité pour pacifier le climat.
RECOMMANDATIONS
Au président Laurent Gbagbo et à son parti:
1. Respecter à la lettre les dispositions de l’APO et de ses accords complémentaires, notamment celles par lesquelles les signataires se sont engagés à créer les conditions « d’élections libres, ouvertes, transparentes et démocratiques » et à entretenir « un esprit de dialogue permanent basé sur la confiance mutuelle ». En particulier, renoncer à l’utilisation d’un discours stigmatisant les « étrangers », les « ennemis de la Côte d’Ivoire » et consistant plus généralement à faire porter la responsabilité actuelle de la crise ivoirienne à des puissances étrangères et à certaines communautés ivoiriennes ou ouest-africaines.
2. Donner un signal clair de leur engagement à aller rapidement aux élections en abandonnant le préalable qui consiste à revoir complètement la liste des 5,3 millions. Minimiser les revendications concernant la restructuration de la CEI et la composition de ses 415 bureaux locaux.
3. Se démarquer clairement des organisations miliciennes. Ce démarquage passera dans un premier temps par une modification du règlement intérieur du Front populaire ivoirien (FPI) en interdisant à ses membres le cumul d’une position de responsabilité au sein du parti en même temps qu’un rôle de dirigeant dans une ou plusieurs de ces milices.
Au ministère de l’Intérieur :
4. Garantir la sécurité de l’ensemble des populations du Grand Ouest en y augmentant le nombre de membres des forces de l’ordre. Ces renforts doivent recevoir un ordre de mission précis afin de ne plus être passifs et d’appréhender ceux qui se rendent coupables de viols et de braquages. Ces mesures visent à faire baisser le niveau général de violence dans la région afin que les élections puissent s’y dérouler dans un climat pacifié.
5. S’abstenir de recourir à l’usage d’unités de sécurité comme le Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS), dédié à la répression du grand banditisme, pour encadrer des manifestations à caractère politique. Assurer en coordination avec la communauté internationale la formation d’unités des forces de sécurité rompues au travail de contrôle des foules. Donner aux forces de sécurité des ordres allant dans le sens d’une riposte graduée et appropriée face à d’éventuels troubles qui pourraient découler de ces manifestations. Sanctionner les éléments de ces forces qui auront recours aux tirs à balles réelles contre les foules non armées.
Au Premier ministre et secrétaire général des Forces Nouvelles (FN), Guillaume Soro :
6. Poursuivre les pressions sur les responsables politiques et militaires des FN pour accélérer le désarmement dans leur zone, afin de renforcer la paix et la confiance et d’enlever au camp présidentiel un éventuel argument lui permettant de retarder le processus électoral.
Aux Forces Nouvelles :
7. S’engager à faciliter le travail de déploiement du matériel électoral et la distribution des cartes d’électeurs en levant l’ensemble des barrages routiers lors de ces opérations qui doivent être conduites par la CEI et l’ONUCI. Associer des représentants de la CEI et de l’ONUCI aux réunions que les responsables des FN tiendront pour se concerter sur l’attitude à adopter vis-à-vis de l’organisation de l’élection dans leur zone.
Au Gouvernement Ivoirien :
8. Empêcher le mécontentement social de la population de se transformer en violences en renforçant la gouvernance avec pour objectif primordial une amélioration des conditions de vie, en garantissant un approvisionnement régulier en électricité et en eau potable.
9. Débloquer le budget nécessaire à la mise en place de la force mixte. Ce budget devra permettre de payer la solde des membres de cette force issue des FN et de les doter en matériel de transport et de communication.
10. Rendre public les grandes lignes du plan de sécurisation de l’élection une fois qu’il aura été élaboré par l’ONUCI, le Centre de commandement intégré (CCI) en collaboration avec la CEI.
A la Commission électorale indépendante (CEI) :
11. Produire une liste électorale définitive et consensuelle ainsi qu’un nouveau calendrier électoral. Etablir à partir de la liste définitive une carte complète des bureaux de vote et construire en partenariat avec l’ONUCI un plan d’ensemble pour la distribution des cartes d’électeurs, du matériel électoral et la centralisation des résultats. Formuler auprès de l’ONUCI une demande d’aide en matériel de transport la plus précise possible.
12. Etablir pour ces cadres un système de primes ou de sanctions financières liées à l’obtention de résultats concrets dans l’avancée des travaux préparatoires aux élections. Ce projet devra se faire en concertation avec le gouvernement ivoirien.
Aux partis politiques d’opposition :
13. Respecter le code de bonne conduite signé en avril 2008 et s’abstenir d’utiliser dans les discours publics et dans les médias un vocabulaire insultant vis-à-vis de l’adversaire.
A l’ONU et au Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en Côte d’Ivoire :
14. Assurer la sécurité du processus électoral en :
a) Maintenant intact les effectifs de l’ONUCI sur le terrain et, si possible, en envoyant un contingent de police supplémentaire à l’ouest de la Côte d’Ivoire durant le déroulement de l’élection.
b) Aller à la rencontre de certaines autorités locales, notamment les maires des grandes communes populaires d’Abidjan qui ont une expertise unique du terrain qu’ils administrent depuis environ une décennie. Prendre en compte leurs avis et conseils.
c) Renforcer la sécurité du Premier ministre afin de prévenir toute tentative d’atteinte à son intégrité physique par des membres marginalisés de l’ex-rébellion.
15. Le Représentant du Secrétaire général doit faire un usage plus large de son mandat de certification et prendre une position plus ferme et plus explicite, en condamnant les dérapages répétés de la presse écrite et la partialité des médias publics audio-visuels.
16. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit affirmer clairement son intention de prononcer des sanctions individuelles contre ceux qui bloqueraient le processus électoral, inciteraient à la violence ou profiteraient de leur position de commandement pour se rendre coupables de violences organisées durant le processus électoral.
Au facilitateur, Blaise Compaoré :
17. Appuyer sans relâche les pressions du Premier ministre sur l’appareil des FN pour que celui-ci commence un désarmement effectif.
18. Organiser à Ouagadougou, avant le début de la campagne, une réunion du Cadre permanent de concertation (CPC) durant laquelle les principaux responsables politiques se réengageront devant l’opinion ivoirienne et la communauté internationale à respecter le code de bonne conduite qu’ils ont signé en avril 2008.
Au Panel des sages de l’Union africaine :
19. Commencer le travail préparatoire pour l’envoi d’une mission à Abidjan qui aura pour priorité stratégique la prévention des violences électorales, en particulier en définissant les lignes rouges à ne pas franchir pendant l’ensemble de la période électorale, y compris toute incitation à la violence et toute tentative de manipulation ou de rejet des résultats, et en engageant un dialogue avec toutes les parties pour résoudre les litiges électoraux de manière pacifique.
A l’Union européenne :
20. Accélérer :
a) Les négociations en cours en vue de l’adoption d’une position commune de ses Etats membres. Cette position commune doit inclure la prise de sanctions individuelles en cas d’incitation à la violence ou de blocage manifeste du processus électoral.
b) Le délai d’exécution d’un projet mené avec les autorités ivoiriennes pour la remise en service d’un tribunal à Guiglo. Ce tribunal est indispensable pour juger les nombreux crimes commis dans le Moyen Cavally et pour créer dans cette région à haut risque un climat pacifié. L’Union européenne doit aider à la réinstallation de ce tribunal dans un délai d’un semestre et non de 24 mois comme initialement prévu.
A tous les représentants de la Communauté économique impliqués en Côte d’Ivoire :
21. Rappeler à tous les protagonistes de la crise ivoirienne que les mécanismes de la justice nationale et internationale sont disponibles pour poursuivre tous ceux qui seraient tentés d’activer la violence autour de la période des élections et qu’ils sont prêts à soutenir ces mécanismes.
La Côte d’Ivoire est encore loin d’une élection présidentielle déjà reportée à six reprises. Deux mois après la dissolution par le président Gbagbo de la Commission électorale indépendante (CEI) et du gouvernement, la préparation de cette élection est en panne et le processus qui doit y conduire est déjà porteur de risques de violences. La présence sur le terrain de groupes armés et de milices, combinée à la résurgence dans le débat politique du concept d’ivoirité et à une situation économique difficile, constitue un environnement explosif qui menace la stabilité de ce pays clef de l’Afrique de l’Ouest. Si les responsables politiques ne se décident pas immédiatement à accélérer le rythme du processus électoral et à abandonner les discours incendiaires ; si l’ONU et les autres partenaires étrangers de la Côte d’Ivoire ne mettent pas rapidement en place les mécanismes politiques et sécuritaires à même de prévenir la violence, le processus de paix ivoirien risque de dérailler avec des conséquences graves pour la Côte d’Ivoire et ses voisins.
Rappel : La guerre civile ivoirienne a été déclenchée en septembre 2002 quand une fraction de l’armée a tenté de faire un coup d’Etat. Ce putsch a échoué. Mais ses auteurs ont réussi à prendre le contrôle de la moitié nord du pays. Rejoints par de jeunes intellectuels dirigés par l’ancien responsable syndical estudiantin, Guillaume Soro, ils ont souligné dans leur discours que les ressortissants du Nord étaient traités comme des citoyens de seconde classe. Une situation de conflit armé larvé s’est poursuivi jusqu’à la signature de l’Accord politique de Ouagadougou (APO) en mars 2007, qui a considérablement apaisé la situation. Cependant, depuis le milieu de l’année 2009, les tensions ont ressurgi autour du processus électoral et de la question de la nationalité.
Les manifestations qui ont suivi l’annonce de la double dissolution du 12 février 2010 sont la preuve concrète de la résurgence de ces tensions. Organisées par l’opposition, elles ont fait sept morts et plusieurs dizaines de blessés. A Gagnoa, les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur des manifestants. De tels incidents pourraient se reproduire, si les responsables politiques ne trouvent pas rapidement un compromis pour remettre en route la machine électorale. Mais plus que ce compromis particulier, ils doivent revenir au climat pacifié et à l’esprit de concertation qui a prévalu durant les mois qui ont suivi la signature de l’APO.
Le seul acquis de l’élection à venir est l’existence d’une liste électorale issue de la phase d’enrôlement. Cette phase a permis d’identifier plus de 6,3 millions d’électeurs potentiels. Après une opération de vérification, 5,3 millions d’électeurs ont été autorisés à figurer sur la liste provisoire. Le reste a été reversé sur une seconde liste car leur nationalité n’a pas pu être vérifiée. La phase suivante dite du contentieux a provoqué une dispute entre le parti au pouvoir et l’opposition. Ce désaccord a conduit à la dissolution de la CEI et à un blocage du processus. Une nouvelle CEI a certes été mise en place fin février. Elle s’est remise au travail mais n’a toujours pas défini clairement et totalement les modalités d’une nouvelle période de contentieux, devant servir à l’élaboration d’une liste électorale définitive. De même, elle reste muette sur le plan global pour la distribution des cartes d’électeurs, du matériel électoral et pour la centralisation des résultats qu’elle doit pourtant élaborer.
Parce qu’elle lui est défavorable et qu’elle comporterait de nombreux « étrangers », le camp présidentiel entend revenir sur l’acquis que constitue la liste des 5,3 millions d’électeurs en procédant à son « audit ». Or, cette liste a été réalisée sur la base d’un mode opératoire consensuel validé par l’ensemble des partis politiques. Elle a en outre été implicitement validée par le Représentant du Secrétaire général de l’ONU en Côte d’Ivoire. Elle ne peut donc être remise en cause. Les partisans du président font en outre du désarmement de l’ex-rébellion des Forces Nouvelles (FN) un préalable à la tenue de la présidentielle. Cette position maximaliste est difficilement acceptable par l’opposition et doit être revue à la baisse car elle met en danger l’esprit de concertation hérité de l’APO.
Le climat de paix relative qui a prévalu depuis la signature de cet accord est menacé, non seulement par l’intransigeance des uns et des autres, par les insultes à caractère personnel, mais aussi par le retour sur le devant de la scène du concept d’ivoirité et par l’utilisation des notions dangereuses d’ « étrangers » et de « vrais Ivoiriens ». L’emploi d’arguments d’exclusion ne peut que renforcer un sentiment de peur de l’autre, déjà très diffus dans la société ivoirienne et moteur puissant de la violence. Les responsables politiques doivent absolument s’abstenir d’en faire usage. Faute de quoi, ils prépareront le terrain soit d’un dérapage avant terme du processus, soit d’une élection aussi calamiteuse que celle de 2000.
L’utilisation de la xénophobie à des fins politique s’effectue sur fond de paix armée. Dans la zone contrôlée par l’ex-rébellion, le désarmement est toujours une promesse. A l’extrême ouest du pays, les milices pro-gouvernementales sont encore en place. Elles entretiennent un climat d’insécurité permanent et entravent le déroulement normal de la vie démocratique. Il est très difficile d’envisager une campagne électorale sereine dans cette région. A Abidjan, les groupements patriotiques et leurs propos xénophobes ont toujours pignon sur rue, entraînant en réaction la formation de groupe de jeunes militants de l’opposition, prêts pour une éventuelle riposte. On peut craindre qu’en cas de nouvelles manifestations de l’opposition, la capitale économique ne serve, une fois de plus, de théâtre d’affrontements à ces deux jeunesses antagonistes mais animées de la même peur et du même mépris de l’adversaire.
Les acteurs locaux et internationaux doivent se mettre d’accord sur un nouveau plan de sécurisation pour les élections. Ils doivent se servir de ce plan pour renforcer la confiance de la population et engager un dialogue avec les responsables politiques et administratifs ivoiriens. Le plan de sécurisation actuel est insuffisant car basé sur la promesse, sans cesse repoussée, d’une force mixte ivoirienne issue pour moitié des Forces de défense et de sécurité (FDS) et pour l’autre des FN. Cette force mixte, doit être appuyée par le contingent de l’ONUCI et la force française Licorne, qui disposent de capacités de police insuffisantes. Il appartient à la communauté internationale, de combler, le cas échéant, ces vides.
La communauté internationale a, jusqu’alors, fait le choix de la patience et de la prudence. La dissolution de la CEI et du gouvernement ainsi que les violences de février n’ont guère suscité de réactions de sa part. Elle n’a pas été non plus capable de tracer une ligne rouge que les acteurs ivoiriens ne doivent pas dépasser. Cette position timide est finalement peu en phase avec la gravité des enjeux. Plus généralement, la communauté internationale doit être plus prompte à désigner des responsables de violence et du blocage électoral. Le Conseil de sécurité de l’ONU qui doit réexaminer le mandat de l’ONUCI, le 31 mai prochain, doit sérieusement considérer la possibilité d’adopter des sanctions individuelles supplémentaires. Dans le passé, de telles sanctions ont fait la preuve de leur efficacité pour pacifier le climat.
RECOMMANDATIONS
Au président Laurent Gbagbo et à son parti:
1. Respecter à la lettre les dispositions de l’APO et de ses accords complémentaires, notamment celles par lesquelles les signataires se sont engagés à créer les conditions « d’élections libres, ouvertes, transparentes et démocratiques » et à entretenir « un esprit de dialogue permanent basé sur la confiance mutuelle ». En particulier, renoncer à l’utilisation d’un discours stigmatisant les « étrangers », les « ennemis de la Côte d’Ivoire » et consistant plus généralement à faire porter la responsabilité actuelle de la crise ivoirienne à des puissances étrangères et à certaines communautés ivoiriennes ou ouest-africaines.
2. Donner un signal clair de leur engagement à aller rapidement aux élections en abandonnant le préalable qui consiste à revoir complètement la liste des 5,3 millions. Minimiser les revendications concernant la restructuration de la CEI et la composition de ses 415 bureaux locaux.
3. Se démarquer clairement des organisations miliciennes. Ce démarquage passera dans un premier temps par une modification du règlement intérieur du Front populaire ivoirien (FPI) en interdisant à ses membres le cumul d’une position de responsabilité au sein du parti en même temps qu’un rôle de dirigeant dans une ou plusieurs de ces milices.
Au ministère de l’Intérieur :
4. Garantir la sécurité de l’ensemble des populations du Grand Ouest en y augmentant le nombre de membres des forces de l’ordre. Ces renforts doivent recevoir un ordre de mission précis afin de ne plus être passifs et d’appréhender ceux qui se rendent coupables de viols et de braquages. Ces mesures visent à faire baisser le niveau général de violence dans la région afin que les élections puissent s’y dérouler dans un climat pacifié.
5. S’abstenir de recourir à l’usage d’unités de sécurité comme le Centre de commandement des opérations de sécurité (CECOS), dédié à la répression du grand banditisme, pour encadrer des manifestations à caractère politique. Assurer en coordination avec la communauté internationale la formation d’unités des forces de sécurité rompues au travail de contrôle des foules. Donner aux forces de sécurité des ordres allant dans le sens d’une riposte graduée et appropriée face à d’éventuels troubles qui pourraient découler de ces manifestations. Sanctionner les éléments de ces forces qui auront recours aux tirs à balles réelles contre les foules non armées.
Au Premier ministre et secrétaire général des Forces Nouvelles (FN), Guillaume Soro :
6. Poursuivre les pressions sur les responsables politiques et militaires des FN pour accélérer le désarmement dans leur zone, afin de renforcer la paix et la confiance et d’enlever au camp présidentiel un éventuel argument lui permettant de retarder le processus électoral.
Aux Forces Nouvelles :
7. S’engager à faciliter le travail de déploiement du matériel électoral et la distribution des cartes d’électeurs en levant l’ensemble des barrages routiers lors de ces opérations qui doivent être conduites par la CEI et l’ONUCI. Associer des représentants de la CEI et de l’ONUCI aux réunions que les responsables des FN tiendront pour se concerter sur l’attitude à adopter vis-à-vis de l’organisation de l’élection dans leur zone.
Au Gouvernement Ivoirien :
8. Empêcher le mécontentement social de la population de se transformer en violences en renforçant la gouvernance avec pour objectif primordial une amélioration des conditions de vie, en garantissant un approvisionnement régulier en électricité et en eau potable.
9. Débloquer le budget nécessaire à la mise en place de la force mixte. Ce budget devra permettre de payer la solde des membres de cette force issue des FN et de les doter en matériel de transport et de communication.
10. Rendre public les grandes lignes du plan de sécurisation de l’élection une fois qu’il aura été élaboré par l’ONUCI, le Centre de commandement intégré (CCI) en collaboration avec la CEI.
A la Commission électorale indépendante (CEI) :
11. Produire une liste électorale définitive et consensuelle ainsi qu’un nouveau calendrier électoral. Etablir à partir de la liste définitive une carte complète des bureaux de vote et construire en partenariat avec l’ONUCI un plan d’ensemble pour la distribution des cartes d’électeurs, du matériel électoral et la centralisation des résultats. Formuler auprès de l’ONUCI une demande d’aide en matériel de transport la plus précise possible.
12. Etablir pour ces cadres un système de primes ou de sanctions financières liées à l’obtention de résultats concrets dans l’avancée des travaux préparatoires aux élections. Ce projet devra se faire en concertation avec le gouvernement ivoirien.
Aux partis politiques d’opposition :
13. Respecter le code de bonne conduite signé en avril 2008 et s’abstenir d’utiliser dans les discours publics et dans les médias un vocabulaire insultant vis-à-vis de l’adversaire.
A l’ONU et au Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies en Côte d’Ivoire :
14. Assurer la sécurité du processus électoral en :
a) Maintenant intact les effectifs de l’ONUCI sur le terrain et, si possible, en envoyant un contingent de police supplémentaire à l’ouest de la Côte d’Ivoire durant le déroulement de l’élection.
b) Aller à la rencontre de certaines autorités locales, notamment les maires des grandes communes populaires d’Abidjan qui ont une expertise unique du terrain qu’ils administrent depuis environ une décennie. Prendre en compte leurs avis et conseils.
c) Renforcer la sécurité du Premier ministre afin de prévenir toute tentative d’atteinte à son intégrité physique par des membres marginalisés de l’ex-rébellion.
15. Le Représentant du Secrétaire général doit faire un usage plus large de son mandat de certification et prendre une position plus ferme et plus explicite, en condamnant les dérapages répétés de la presse écrite et la partialité des médias publics audio-visuels.
16. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit affirmer clairement son intention de prononcer des sanctions individuelles contre ceux qui bloqueraient le processus électoral, inciteraient à la violence ou profiteraient de leur position de commandement pour se rendre coupables de violences organisées durant le processus électoral.
Au facilitateur, Blaise Compaoré :
17. Appuyer sans relâche les pressions du Premier ministre sur l’appareil des FN pour que celui-ci commence un désarmement effectif.
18. Organiser à Ouagadougou, avant le début de la campagne, une réunion du Cadre permanent de concertation (CPC) durant laquelle les principaux responsables politiques se réengageront devant l’opinion ivoirienne et la communauté internationale à respecter le code de bonne conduite qu’ils ont signé en avril 2008.
Au Panel des sages de l’Union africaine :
19. Commencer le travail préparatoire pour l’envoi d’une mission à Abidjan qui aura pour priorité stratégique la prévention des violences électorales, en particulier en définissant les lignes rouges à ne pas franchir pendant l’ensemble de la période électorale, y compris toute incitation à la violence et toute tentative de manipulation ou de rejet des résultats, et en engageant un dialogue avec toutes les parties pour résoudre les litiges électoraux de manière pacifique.
A l’Union européenne :
20. Accélérer :
a) Les négociations en cours en vue de l’adoption d’une position commune de ses Etats membres. Cette position commune doit inclure la prise de sanctions individuelles en cas d’incitation à la violence ou de blocage manifeste du processus électoral.
b) Le délai d’exécution d’un projet mené avec les autorités ivoiriennes pour la remise en service d’un tribunal à Guiglo. Ce tribunal est indispensable pour juger les nombreux crimes commis dans le Moyen Cavally et pour créer dans cette région à haut risque un climat pacifié. L’Union européenne doit aider à la réinstallation de ce tribunal dans un délai d’un semestre et non de 24 mois comme initialement prévu.
A tous les représentants de la Communauté économique impliqués en Côte d’Ivoire :
21. Rappeler à tous les protagonistes de la crise ivoirienne que les mécanismes de la justice nationale et internationale sont disponibles pour poursuivre tous ceux qui seraient tentés d’activer la violence autour de la période des élections et qu’ils sont prêts à soutenir ces mécanismes.
samedi 8 mai 2010
La politique africaine de la Libye (2/2)
II.Des actions d’une grande diversité sans réelle cohérence
Marginalisé dans le monde arabe, M. Kadhafi s’est tourné vers l’Afrique, se déclarant africain avant tout. C'est sa façon de jouer un rôle à l’échelle du continent et de tenter d'exister sur la scène internationale. Cette stratégie s’est déployée de manière chaotique, mais la pénétration de l’Islam en Afrique est aujourd’hui incontestable.
a) L’échec de l’action militaire directe
L’intégration par la conquête militaire a été sans aucun doute le premier objectif de Kadhafi. En témoigne la conquête et l’occupation temporaire du Tchad au début des années 1980 qui a tourné au fiasco militaire pour les forces armées libyennes. Cette incursion a obéi à une analyse stratégique, Kadhafi voulait se protéger d’éventuelles incursions soudanaises en agrandissant son territoire au Sud dans la bande d’Aozou. Cet échec n’a pas fait renoncer le Président libyen à sa volonté de domination militaire, pas plus que le raid punitif américain qui a tué son fils et détruit sa résidence, mais il l’a fait plus prudemment : il est arrivé accompagné de plus de 3 000 soldats en 1997 au Tchad où il n’est pas resté plus d’une semaine, il a installé en 1997 et 1998, des bases militaires en Centrafrique et à Gbadolite au Nord de la République Démocratique du Congo pour soutenir la rébellion, positions qu’il a abandonnées après une nouvelle défaite militaire cuisante près de Gbadolite. La Libye n’avait pas vraiment les moyens de ses ambitions et à perdu, avec la chute de l’URSS, le principal soutien de ses actions en Afrique.
Elle a tenté de repositionner sa politique étrangère en utilisant la médiation plutôt que l’intervention militaire pour poursuivre sa politique d’influence sur le continent. Ainsi on peut penser que la Libye est passé d’une stratégie de puissance , à une stratégie d’influence assimilée au Soft Power qui « consiste à tenter d’abord d’obtenir par la persuasion séductrice les résultats que l’on pourrait aussi atteindre par la force. Il s’agit d’amener les autres à adhérer à des normes et des institutions qui incitent ou induisent au comportement désiré. Le Soft Power peut prendre appui sur la capacité d’établir l’ordre du jour de manière à façonner les préférences des autres » .
b) Un leadership politique qui peine à s’imposer
La politique internationale du Guide résulte d’une ambition personnelle et d’une volonté de domination sur l’Afrique. Le régime cherche, notamment dans le cadre de l’Union Africaine, à fédérer les États africains. D’ailleurs c’est en partie sous l’impulsion de la Libye que l’Organisation de l’Unité Africaine (1963), en perte de vitesse, a été remplacée en 2002 par l’Union Africaine. Aujourd’hui son projet d’Etats-Unis d’Afrique est soutenu par certains obligés de la Libye , mais refusé par de nombreux pays, menés par l’Afrique du Sud et le Nigeria.
Après avoir refusé en 2004 la présidence de l’Union Africaine « parce qu’il pensait qu’il devait aider l’Afrique à réaliser son unité continentale indépendamment de toute position officielle », le « Frère Guide de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste, Roi des rois africains » (tel qu’il a demandé à être appelé après son élection à Benghazi par les chefs traditionnels du continent les 28 et 29 août 2008) a accepté la présidence en 2009 et s’est réinvesti dans la gestion des conflits. Il a notamment défendu une position différente de celle du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine, en prônant la non-application de sanctions contre la junte putschiste du général Mohamed Ould Abdel Aziz.
Malgré tout, les deux vecteurs de l’interventionnisme sont plutôt d’ordre économique et idéologique.
c) Les pétrodollars : soutien au prosélytisme religieux
Le discours sur le panarabisme étant moins porteur Kadhafi a réactivé la composante religieuse de sa rhétorique. Il paraît vouloir étendre son influence sur les États les plus fragiles pour ensuite les dominer de manière plus progressive et lente. Ainsi l’influence libyenne se développe vers trois ensembles géographiques : d’abord vers les pays du Sud. Naturellement le Tchad, pays proche, puis la République Démocratique du Congo, via la Centrafrique et même des ramifications en Afrique du Sud. La Libye aimerait un plus grand rapprochement avec le Niger et le Tchad car elle y a une volonté de regroupement hégémonique, qu’elle a tenté d’accomplir par des moyens militaires, mais qui désormais passe par les moyens économiques. Elle finance aussi des projets au Cameroun, au Gabon et au Nigeria. Ensuite vers l’Afrique de l’Ouest : la Sierra Leone et le Liberia , via le Niger, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Afin de favoriser l’expansion musulmane elle essaie de créer une emprise islamique dans cet axe. La Mauritanie et le Sénégal restent assez méfiants face aux velléités d’expansion libyennes. Enfin, vers l’Afrique de (notamment en Somalie) malgré une concurrence avec l’Égypte et des réticences de certains pays comme le Soudan.
Il convient de rappeler que la situation économique libyenne est liée naturellement aux ressources, mais aussi aux choix politique du régime. Le pétrole est à la fois la richesse et l’arme de la Libye. La production se situe entre 1,3 à 1,7 million de barils/jour (11ème rang mondial) qu'elle ambitionne de porter à 3 millions b/j à l'horizon 2010. Les réserves estimées à environ 43 milliards de barils. Ce pétrole représente 95% des exportations et un tiers du PNB. Outre l’achat d’armes, la manne pétrolière autorise de grands travaux lancés au nom de la diversification de l’économie. Le pays possède des réserves de gaz de 1.500 milliards de m3 pour une production de 2.600 millions de pieds cubes par jour.
Le pays n’a que des échanges économiques limités en termes de volume et de finances avec l’Afrique. Ce mobile ne joue donc qu’un rôle secondaire, voir mineur, dans la politique d’influence libyenne. En outre, le développement économique du pays est freiné par l’étroitesse économique et le manque de main d’œuvre. L’appel à l’immigration est donc indispensable. On compterait près de 50% de main d’œuvre étrangère venant d’Afrique, du Maghreb et d’Asie. Cet afflux de main d’œuvre est un moyen de pression considérable sur les pays d’origine économiquement dépendants des devises de leurs immigrés et menaces de déstabilisation politique en cas de retour massif de ces populations. La Libye oscille entre répression et tolérance à l’égard de cette population. En effet, un rapport de l’ONG Human Rights Watch du 12 septembre 2006 intitulé « Endiguer la marée : exactions à l’encontre des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés » dénonce les traitements infligés aux ressortissants subsahariens par les autorités libyennes. Pour justifier la répression les Libyens reprochent aux étrangers d’être responsables de la progression de la criminalité et de la propagation de certaines maladies (notamment le Sida).
Kadhafi utilise donc ses moyens financiers pour aider à l’islamisation du continent notamment par le canal d’une organisation la Daawa Islamiyya (la Pastorale islamique) qui fait du prosélytisme religieux en distribuant des denrées alimentaires, des médicaments….dans les pays pauvres du Sahel mais aussi en construisant dans chaque capitale des mosquées et des instituts de formation d’imams locaux. Les méthodes sont d’une grande diversité : des dons ou prêts financiers aux régimes amis qui deviennent des obligés du Guide aux ONG soutenues par la Libye qui disposent de fonds très substantiels pour attribuer des aides réservées aux musulmans africains.
Kadhafi n’a pas de politique panafricaine car il n’a pas de stratégie pour le continent. Ses objectifs sont assez flous et difficiles à cerner. Il n’a pas renoncé à jouer un rôle primordial en Afrique, mais a dû abandonner son soutien officiel au terrorisme. Seul constante : son désir de vouloir nuire aux intérêts occidentaux.
Depuis la disparition du président gabonais Omar Bongo, le colonel Kadhafi n’est pas le plus âgé mais le plus ancien chef d’Etat africain. Alors qu’il fête cette année le 40ème anniversaire de la « révolution » libyenne, on est en mesure de s’interroger encore et toujours sur les bienfaits de son influence sur le reste du continent car plutôt qu’un « Guide » c’est d’un véritable leader, sur le plan démocratique, dont a besoin le continent.
Marginalisé dans le monde arabe, M. Kadhafi s’est tourné vers l’Afrique, se déclarant africain avant tout. C'est sa façon de jouer un rôle à l’échelle du continent et de tenter d'exister sur la scène internationale. Cette stratégie s’est déployée de manière chaotique, mais la pénétration de l’Islam en Afrique est aujourd’hui incontestable.
a) L’échec de l’action militaire directe
L’intégration par la conquête militaire a été sans aucun doute le premier objectif de Kadhafi. En témoigne la conquête et l’occupation temporaire du Tchad au début des années 1980 qui a tourné au fiasco militaire pour les forces armées libyennes. Cette incursion a obéi à une analyse stratégique, Kadhafi voulait se protéger d’éventuelles incursions soudanaises en agrandissant son territoire au Sud dans la bande d’Aozou. Cet échec n’a pas fait renoncer le Président libyen à sa volonté de domination militaire, pas plus que le raid punitif américain qui a tué son fils et détruit sa résidence, mais il l’a fait plus prudemment : il est arrivé accompagné de plus de 3 000 soldats en 1997 au Tchad où il n’est pas resté plus d’une semaine, il a installé en 1997 et 1998, des bases militaires en Centrafrique et à Gbadolite au Nord de la République Démocratique du Congo pour soutenir la rébellion, positions qu’il a abandonnées après une nouvelle défaite militaire cuisante près de Gbadolite. La Libye n’avait pas vraiment les moyens de ses ambitions et à perdu, avec la chute de l’URSS, le principal soutien de ses actions en Afrique.
Elle a tenté de repositionner sa politique étrangère en utilisant la médiation plutôt que l’intervention militaire pour poursuivre sa politique d’influence sur le continent. Ainsi on peut penser que la Libye est passé d’une stratégie de puissance , à une stratégie d’influence assimilée au Soft Power qui « consiste à tenter d’abord d’obtenir par la persuasion séductrice les résultats que l’on pourrait aussi atteindre par la force. Il s’agit d’amener les autres à adhérer à des normes et des institutions qui incitent ou induisent au comportement désiré. Le Soft Power peut prendre appui sur la capacité d’établir l’ordre du jour de manière à façonner les préférences des autres » .
b) Un leadership politique qui peine à s’imposer
La politique internationale du Guide résulte d’une ambition personnelle et d’une volonté de domination sur l’Afrique. Le régime cherche, notamment dans le cadre de l’Union Africaine, à fédérer les États africains. D’ailleurs c’est en partie sous l’impulsion de la Libye que l’Organisation de l’Unité Africaine (1963), en perte de vitesse, a été remplacée en 2002 par l’Union Africaine. Aujourd’hui son projet d’Etats-Unis d’Afrique est soutenu par certains obligés de la Libye , mais refusé par de nombreux pays, menés par l’Afrique du Sud et le Nigeria.
Après avoir refusé en 2004 la présidence de l’Union Africaine « parce qu’il pensait qu’il devait aider l’Afrique à réaliser son unité continentale indépendamment de toute position officielle », le « Frère Guide de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste, Roi des rois africains » (tel qu’il a demandé à être appelé après son élection à Benghazi par les chefs traditionnels du continent les 28 et 29 août 2008) a accepté la présidence en 2009 et s’est réinvesti dans la gestion des conflits. Il a notamment défendu une position différente de celle du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union Africaine, en prônant la non-application de sanctions contre la junte putschiste du général Mohamed Ould Abdel Aziz.
Malgré tout, les deux vecteurs de l’interventionnisme sont plutôt d’ordre économique et idéologique.
c) Les pétrodollars : soutien au prosélytisme religieux
Le discours sur le panarabisme étant moins porteur Kadhafi a réactivé la composante religieuse de sa rhétorique. Il paraît vouloir étendre son influence sur les États les plus fragiles pour ensuite les dominer de manière plus progressive et lente. Ainsi l’influence libyenne se développe vers trois ensembles géographiques : d’abord vers les pays du Sud. Naturellement le Tchad, pays proche, puis la République Démocratique du Congo, via la Centrafrique et même des ramifications en Afrique du Sud. La Libye aimerait un plus grand rapprochement avec le Niger et le Tchad car elle y a une volonté de regroupement hégémonique, qu’elle a tenté d’accomplir par des moyens militaires, mais qui désormais passe par les moyens économiques. Elle finance aussi des projets au Cameroun, au Gabon et au Nigeria. Ensuite vers l’Afrique de l’Ouest : la Sierra Leone et le Liberia , via le Niger, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire. Afin de favoriser l’expansion musulmane elle essaie de créer une emprise islamique dans cet axe. La Mauritanie et le Sénégal restent assez méfiants face aux velléités d’expansion libyennes. Enfin, vers l’Afrique de (notamment en Somalie) malgré une concurrence avec l’Égypte et des réticences de certains pays comme le Soudan.
Il convient de rappeler que la situation économique libyenne est liée naturellement aux ressources, mais aussi aux choix politique du régime. Le pétrole est à la fois la richesse et l’arme de la Libye. La production se situe entre 1,3 à 1,7 million de barils/jour (11ème rang mondial) qu'elle ambitionne de porter à 3 millions b/j à l'horizon 2010. Les réserves estimées à environ 43 milliards de barils. Ce pétrole représente 95% des exportations et un tiers du PNB. Outre l’achat d’armes, la manne pétrolière autorise de grands travaux lancés au nom de la diversification de l’économie. Le pays possède des réserves de gaz de 1.500 milliards de m3 pour une production de 2.600 millions de pieds cubes par jour.
Le pays n’a que des échanges économiques limités en termes de volume et de finances avec l’Afrique. Ce mobile ne joue donc qu’un rôle secondaire, voir mineur, dans la politique d’influence libyenne. En outre, le développement économique du pays est freiné par l’étroitesse économique et le manque de main d’œuvre. L’appel à l’immigration est donc indispensable. On compterait près de 50% de main d’œuvre étrangère venant d’Afrique, du Maghreb et d’Asie. Cet afflux de main d’œuvre est un moyen de pression considérable sur les pays d’origine économiquement dépendants des devises de leurs immigrés et menaces de déstabilisation politique en cas de retour massif de ces populations. La Libye oscille entre répression et tolérance à l’égard de cette population. En effet, un rapport de l’ONG Human Rights Watch du 12 septembre 2006 intitulé « Endiguer la marée : exactions à l’encontre des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés » dénonce les traitements infligés aux ressortissants subsahariens par les autorités libyennes. Pour justifier la répression les Libyens reprochent aux étrangers d’être responsables de la progression de la criminalité et de la propagation de certaines maladies (notamment le Sida).
Kadhafi utilise donc ses moyens financiers pour aider à l’islamisation du continent notamment par le canal d’une organisation la Daawa Islamiyya (la Pastorale islamique) qui fait du prosélytisme religieux en distribuant des denrées alimentaires, des médicaments….dans les pays pauvres du Sahel mais aussi en construisant dans chaque capitale des mosquées et des instituts de formation d’imams locaux. Les méthodes sont d’une grande diversité : des dons ou prêts financiers aux régimes amis qui deviennent des obligés du Guide aux ONG soutenues par la Libye qui disposent de fonds très substantiels pour attribuer des aides réservées aux musulmans africains.
Kadhafi n’a pas de politique panafricaine car il n’a pas de stratégie pour le continent. Ses objectifs sont assez flous et difficiles à cerner. Il n’a pas renoncé à jouer un rôle primordial en Afrique, mais a dû abandonner son soutien officiel au terrorisme. Seul constante : son désir de vouloir nuire aux intérêts occidentaux.
Depuis la disparition du président gabonais Omar Bongo, le colonel Kadhafi n’est pas le plus âgé mais le plus ancien chef d’Etat africain. Alors qu’il fête cette année le 40ème anniversaire de la « révolution » libyenne, on est en mesure de s’interroger encore et toujours sur les bienfaits de son influence sur le reste du continent car plutôt qu’un « Guide » c’est d’un véritable leader, sur le plan démocratique, dont a besoin le continent.
jeudi 6 mai 2010
La politique africaine de la Libye (1/2)
Je complète sur ce blog le billet publié en parallèle sur AGS :
La Libye est le quatrième plus grand Etat d’Afrique en superficie (1 757 000 km²) mais 14 fois moins peuplée que l’Egypte, riche d’un pétrole (40% des réserves africaines, 2ème exportateur du continent) qui lui permet toujours de peser politiquement. Elle bénéficie d’une situation privilégiée sur la façade méditerranéenne mais ne néglige pas le poids de sa partie continentale. En effet, le désert s’étend sur la quasi-totalité du territoire et la circulation de nomades dans cet espace n’est pas sans répercussion sur les intentions géopolitiques du pays. Carrefour entre le Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie, auxquels on ajoute parfois la Mauritanie et le Soudan) et le Moyen Orient, la Libye est faite d’une profonde dualité culturelle : arabité et africanité. Dans un ouvrage publié en 1986 M. Kadhafi déclarait : « Les pays africains et les pays arabes connaissent une situation analogue, sinon identique, d’autant que plus de la moitié des peuples arabes vit en Afrique ? » Ainsi l’idéal de l’unité africaine se trouvait dès l’origine en filigrane de la politique africaine de la Libye.
Ce billet propose de répondre à une interrogation principale : le colonel Kadhafi a-t-il une politique panafricaine ? Il convient pour y répondre de comprendre comment se manifeste la politique d’influence de la Libye en Afrique, vers quels pays est-elle dirigée, quels sont les vecteurs de cette influence ? Nous nous proposons d’analyser la portée idéologique de cette politique puis les vecteurs de l’influence libyenne sur le continent noir.
I.Une politique éminemment idéologique
a)Une vision unioniste et tribale
La politique d’influence libyenne est conçue et dirigée par le Colonel Kadhafi. La République arabe libyenne a pour principes fondamentaux : la liberté, l’union, la justice sociale et fait référence à l’Islam et à l’arabisme. L’idéologie kadhafiste se fonde aussi sur une volonté unioniste contre ce qu’il considère comme l’ennemi sioniste et contre l’Occident accusé d’avoir divisé le monde arabe. En 1974 il déclare : « la lutte contre Israël est éternelle » et en 1978 : « Nous sommes des unionistes depuis 1959, date de la constitution du mouvement des officiers unionistes libres. L’unité arabe est un destin, un objectif et en même temps une nécessité impérieuse. Nous avons peiné pour l’unité arabe et nous avons payé le prix depuis que nous étions étudiants en 1961, lorsque nous vivions sous les menaces de la persécution. L’unité est notre manière d’entrer en politique et elle en est la justification ». Dans les années 1969-1975 la Libye soutient de nombreux mouvements de libération dans le monde et tout particulièrement dans son voisinage africain : le Frolinat au Tchad, les Erythréens, les colonies portugaises, l’ANC en Afrique du Sud. Cet activisme pousse plusieurs pays d’Afrique à rompre leurs liens avec Israël. L’unionisme est une composante fondamentale de la politique de Kadhafi et un axe essentiel de son action politique.
En 1977, M. Kadhafi annonce la Jamahiriya (assemblée triviale) et publie le Livre Vert qui se veut une « troisième théorie universelle », différente du capitalisme et du marxisme, se fondant sur la société tribale bédouine, l’arabisme selon sa version nassérienne et la religion musulmane. H. Bleuchot considère que la tribu a joué un rôle fondamentale dans l’élaboration du Livre Vert : « la conception de Kadhafi (..) est celle-ci : le lien sociale véritable et naturel est celui du sang. L’individu est lié aux autres d’abord et avant tout à sa famille. La tribu est à son tour une famille élargie et la nation un groupe de tribus. Voilà la société naturelle. On a reconnu la société bédouine traditionnelle » .
Kadhafi s’est voulu l’héritier de Nasser et a voulu porter l’arabisme après la disparition de celui-ci en 1970. En effet, dans les années 1960 et 1970 on observe un grand rayonnement de la pensée nassérienne. Pourtant le moteur de la vision unioniste de Kadhafi diffère de celui de Nasser pour qui le projet d’unité était beaucoup moins utopique et correspondait davantage à des motifs stratégiques d’incarnation du leadership arabe . Djaziri paraphrase Sivan en considérant que le projet unitaire kadhafien comme un mythe politique arabe comme l’est l’islamisme . Les tentatives d’union qu’il proposera avec la Tunisie, le Maroc, l’Egypte et d’autres pays ne sont pourtant pas des succès (Soudan-Egypte en 69 , Egypte-Syrie en 71, Egypte en 72, Tunisie en 1974, Syrie en 1980, Tchad en 1981, Maroc en 1984, Soudan en 90). Citons également une tentative d’union régionale : la MENA (Middle East and North Africa). Elle obéit sur le plan régional à une logique d’emboitement de centres (capables d’exercer une influence politique, économique, démographique ou religieuse au niveau régional comme l’Arabie Saoudite, l’Egypte, l’Iran, la Turquie et Israël) et de périphéries (inégalement intégrées au système mondial dont fait partie la Libye). En effet, les économies de la MENA restent dans l’ensemble marginalisées, périphériques et peu compétitives. Ainsi, le PIB de la Ligue arabe avec 870 milliards de dollars en 2005 est inférieur à celui de l’Espagne . Aucune puissance régionale ne parvient à fédérer la région. Plusieurs logiques partagent ces pays : l’unité arabe avec la création en 1945 de la Ligue arabe encore fragile ; l’OPAEP (Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole) qui s’est effondrée dans les années 1980 ; l’Union du Maghreb arabe créée en 1989 mais paralysée par les tensions régionales (Sahara Occidentale) ; le Gafta ou Great Arab Free Trade Area qui réunit 17 membres de la Ligue arabe sur 22 et entré en vigueur en 2005 mais qui pâtit de la faiblesse des échanges dans la zone ; l’Organisation de la Conférence islamique elle aussi ralentit par les rivalités interétatiques.
Actuellement le mouvement panarabe est fortement battu en brèche par la montée récente de l’islamisme. L’arabisme, l’idéologie officielle des pouvoirs en place, a perdu de son potentiel révolutionnaire.
b)La promotion d’un islam réformiste
Kadhafi est partisan d’un islam réformiste et surveille la menace représentée par les mouvements islamistes notamment celui des Frères musulmans. La Libye fait néanmoins partie de l’Organisation de la conférence islamique. Ses thèses socialistes trouvent, selon lui, leurs fondements dans le Coran. Cet islam socialiste est théorisé dans le livre vert. Ces oppositions tendent à isoler la Libye des Etats défenseurs d’un islam orthodoxe notamment l’Arabie Saoudite, qui est allée jusqu'à financer les projets américains de déstabilisation du régime. Le guide joue des affrontements entre chiites et sunnites en critiquant le régime saoudien qui « vise les chiites et complote contre le Hezbollah, la fierté de l’islam, des Arabes et de la résistance contre Israël ». Le 31 mars 2007 le Guide a même appelé dans un discours prononcé au Niger en présence des chefs de tribus Touareg, à l’établissement d’un second Etat fatimide chiite en Afrique du Nord, sur le modèle de l’Empire fatimide (10ème- 13ème siècle) qui regroupait l’Afrique du Nord, l’Egypte et une partie du Croissant fertile. Cependant les Saoudiens se sont réconcilier au Sommet de Doha (1er avril 2009) avec les Libyens mais une lutte d’influence se ressent toujours entre la Libye, l’Arabie Saoudite et même l’Iran.
c)Une constante : l’hostilité à l’égard de l’Occident
Le « Guide » libyen n'hésite pas à user et abuser d'une rhétorique populiste anti-blanc ou anti-occidentale et se faire passer ainsi pour le champion de la lutte contre le néocolonialisme. En cela, il trouve des opportunités lorsqu'un pays africain a des différents avec son ancienne métropole (Côte d'Ivoire ou Zimbabwe par exemple).
Son interventionnisme sur les différentes scènes internationales a toujours traduit une volonté de réduire l’influence occidentale et de faire progresser ses objectifs unitaires. Les positions propalestinnienne du leader libyen l’ont très vite opposé aux Etats-Unis et à Israël. A la suite d’un processus de reconnaissance et de recherche d’acceptabilité internationale, l’ONU et l’Union européenne ont levé leurs sanctions en septembre 2003, et le 15 mai 2006 les Etats-Unis ont retiré la Libye de leur liste des états terroristes. Mais il faut attendre juillet 2007 et la résolution de l’affaire des infirmières bulgares et fin 2008 l’indemnisation des victimes des attentats aériens pour que le Guide trouve un semblant de respectabilité.
La Libye est le quatrième plus grand Etat d’Afrique en superficie (1 757 000 km²) mais 14 fois moins peuplée que l’Egypte, riche d’un pétrole (40% des réserves africaines, 2ème exportateur du continent) qui lui permet toujours de peser politiquement. Elle bénéficie d’une situation privilégiée sur la façade méditerranéenne mais ne néglige pas le poids de sa partie continentale. En effet, le désert s’étend sur la quasi-totalité du territoire et la circulation de nomades dans cet espace n’est pas sans répercussion sur les intentions géopolitiques du pays. Carrefour entre le Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie, auxquels on ajoute parfois la Mauritanie et le Soudan) et le Moyen Orient, la Libye est faite d’une profonde dualité culturelle : arabité et africanité. Dans un ouvrage publié en 1986 M. Kadhafi déclarait : « Les pays africains et les pays arabes connaissent une situation analogue, sinon identique, d’autant que plus de la moitié des peuples arabes vit en Afrique ? » Ainsi l’idéal de l’unité africaine se trouvait dès l’origine en filigrane de la politique africaine de la Libye.
Ce billet propose de répondre à une interrogation principale : le colonel Kadhafi a-t-il une politique panafricaine ? Il convient pour y répondre de comprendre comment se manifeste la politique d’influence de la Libye en Afrique, vers quels pays est-elle dirigée, quels sont les vecteurs de cette influence ? Nous nous proposons d’analyser la portée idéologique de cette politique puis les vecteurs de l’influence libyenne sur le continent noir.
I.Une politique éminemment idéologique
a)Une vision unioniste et tribale
La politique d’influence libyenne est conçue et dirigée par le Colonel Kadhafi. La République arabe libyenne a pour principes fondamentaux : la liberté, l’union, la justice sociale et fait référence à l’Islam et à l’arabisme. L’idéologie kadhafiste se fonde aussi sur une volonté unioniste contre ce qu’il considère comme l’ennemi sioniste et contre l’Occident accusé d’avoir divisé le monde arabe. En 1974 il déclare : « la lutte contre Israël est éternelle » et en 1978 : « Nous sommes des unionistes depuis 1959, date de la constitution du mouvement des officiers unionistes libres. L’unité arabe est un destin, un objectif et en même temps une nécessité impérieuse. Nous avons peiné pour l’unité arabe et nous avons payé le prix depuis que nous étions étudiants en 1961, lorsque nous vivions sous les menaces de la persécution. L’unité est notre manière d’entrer en politique et elle en est la justification ». Dans les années 1969-1975 la Libye soutient de nombreux mouvements de libération dans le monde et tout particulièrement dans son voisinage africain : le Frolinat au Tchad, les Erythréens, les colonies portugaises, l’ANC en Afrique du Sud. Cet activisme pousse plusieurs pays d’Afrique à rompre leurs liens avec Israël. L’unionisme est une composante fondamentale de la politique de Kadhafi et un axe essentiel de son action politique.
En 1977, M. Kadhafi annonce la Jamahiriya (assemblée triviale) et publie le Livre Vert qui se veut une « troisième théorie universelle », différente du capitalisme et du marxisme, se fondant sur la société tribale bédouine, l’arabisme selon sa version nassérienne et la religion musulmane. H. Bleuchot considère que la tribu a joué un rôle fondamentale dans l’élaboration du Livre Vert : « la conception de Kadhafi (..) est celle-ci : le lien sociale véritable et naturel est celui du sang. L’individu est lié aux autres d’abord et avant tout à sa famille. La tribu est à son tour une famille élargie et la nation un groupe de tribus. Voilà la société naturelle. On a reconnu la société bédouine traditionnelle » .
Kadhafi s’est voulu l’héritier de Nasser et a voulu porter l’arabisme après la disparition de celui-ci en 1970. En effet, dans les années 1960 et 1970 on observe un grand rayonnement de la pensée nassérienne. Pourtant le moteur de la vision unioniste de Kadhafi diffère de celui de Nasser pour qui le projet d’unité était beaucoup moins utopique et correspondait davantage à des motifs stratégiques d’incarnation du leadership arabe . Djaziri paraphrase Sivan en considérant que le projet unitaire kadhafien comme un mythe politique arabe comme l’est l’islamisme . Les tentatives d’union qu’il proposera avec la Tunisie, le Maroc, l’Egypte et d’autres pays ne sont pourtant pas des succès (Soudan-Egypte en 69 , Egypte-Syrie en 71, Egypte en 72, Tunisie en 1974, Syrie en 1980, Tchad en 1981, Maroc en 1984, Soudan en 90). Citons également une tentative d’union régionale : la MENA (Middle East and North Africa). Elle obéit sur le plan régional à une logique d’emboitement de centres (capables d’exercer une influence politique, économique, démographique ou religieuse au niveau régional comme l’Arabie Saoudite, l’Egypte, l’Iran, la Turquie et Israël) et de périphéries (inégalement intégrées au système mondial dont fait partie la Libye). En effet, les économies de la MENA restent dans l’ensemble marginalisées, périphériques et peu compétitives. Ainsi, le PIB de la Ligue arabe avec 870 milliards de dollars en 2005 est inférieur à celui de l’Espagne . Aucune puissance régionale ne parvient à fédérer la région. Plusieurs logiques partagent ces pays : l’unité arabe avec la création en 1945 de la Ligue arabe encore fragile ; l’OPAEP (Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole) qui s’est effondrée dans les années 1980 ; l’Union du Maghreb arabe créée en 1989 mais paralysée par les tensions régionales (Sahara Occidentale) ; le Gafta ou Great Arab Free Trade Area qui réunit 17 membres de la Ligue arabe sur 22 et entré en vigueur en 2005 mais qui pâtit de la faiblesse des échanges dans la zone ; l’Organisation de la Conférence islamique elle aussi ralentit par les rivalités interétatiques.
Actuellement le mouvement panarabe est fortement battu en brèche par la montée récente de l’islamisme. L’arabisme, l’idéologie officielle des pouvoirs en place, a perdu de son potentiel révolutionnaire.
b)La promotion d’un islam réformiste
Kadhafi est partisan d’un islam réformiste et surveille la menace représentée par les mouvements islamistes notamment celui des Frères musulmans. La Libye fait néanmoins partie de l’Organisation de la conférence islamique. Ses thèses socialistes trouvent, selon lui, leurs fondements dans le Coran. Cet islam socialiste est théorisé dans le livre vert. Ces oppositions tendent à isoler la Libye des Etats défenseurs d’un islam orthodoxe notamment l’Arabie Saoudite, qui est allée jusqu'à financer les projets américains de déstabilisation du régime. Le guide joue des affrontements entre chiites et sunnites en critiquant le régime saoudien qui « vise les chiites et complote contre le Hezbollah, la fierté de l’islam, des Arabes et de la résistance contre Israël ». Le 31 mars 2007 le Guide a même appelé dans un discours prononcé au Niger en présence des chefs de tribus Touareg, à l’établissement d’un second Etat fatimide chiite en Afrique du Nord, sur le modèle de l’Empire fatimide (10ème- 13ème siècle) qui regroupait l’Afrique du Nord, l’Egypte et une partie du Croissant fertile. Cependant les Saoudiens se sont réconcilier au Sommet de Doha (1er avril 2009) avec les Libyens mais une lutte d’influence se ressent toujours entre la Libye, l’Arabie Saoudite et même l’Iran.
c)Une constante : l’hostilité à l’égard de l’Occident
Le « Guide » libyen n'hésite pas à user et abuser d'une rhétorique populiste anti-blanc ou anti-occidentale et se faire passer ainsi pour le champion de la lutte contre le néocolonialisme. En cela, il trouve des opportunités lorsqu'un pays africain a des différents avec son ancienne métropole (Côte d'Ivoire ou Zimbabwe par exemple).
Son interventionnisme sur les différentes scènes internationales a toujours traduit une volonté de réduire l’influence occidentale et de faire progresser ses objectifs unitaires. Les positions propalestinnienne du leader libyen l’ont très vite opposé aux Etats-Unis et à Israël. A la suite d’un processus de reconnaissance et de recherche d’acceptabilité internationale, l’ONU et l’Union européenne ont levé leurs sanctions en septembre 2003, et le 15 mai 2006 les Etats-Unis ont retiré la Libye de leur liste des états terroristes. Mais il faut attendre juillet 2007 et la résolution de l’affaire des infirmières bulgares et fin 2008 l’indemnisation des victimes des attentats aériens pour que le Guide trouve un semblant de respectabilité.
mercredi 5 mai 2010
Que fait la Chine en Afrique ?
Pour compléter les propos de JGP (Mon Blog Défense) sur l'AGS : l'émission Le dessous des cartes sur la Chine en Afrique :
Edition : dernières sorties
Mahamadou Issoufou Tiado Le Niger, une société en démolition
Pays ouest-africain enclavé occupé au nord par le désert du Sahara, indépendant depuis 1960, le Niger a connu une première période de stabilité politique de trente ans ponctuée par deux changements de chef d'Etat. Les turbulences politiques liées à l'avènement de la démocratie en 1990 conduiront à quatre changements de chef d'Etat en seize ans.
Le présent ouvrage aborde le récit de l'histoire contemporaine de la gouvernance politique de ce pays. Sous l'influence des facteurs externes, des facteurs internes et de la nature des dirigeants politiques, la société nigérienne s'est métamorphosée au point que ce processus, purement synonyme de démolition de l'identité de cette société, conduit à repenser des modèles d'inversion de cette démolition, sur la base des réalités sociopolitiques internes.
Mahamadou Issoufou Tiado, ingénieur informaticien de formation (1995), aborde une carrière internationale d'enseignant et de chef du Centre de Calcul jusqu'en 2002. Il obtient en 2006 le grade de docteur en Réseaux et Télécommunications de l'INP de Toulouse et s'inscrit en thèse de sciences politiques après le master de l'IEP de Toulouse, spécialité sociologie politique des processus de gouvernement. Il est aujourd'hui enseignant-chercheur à l'Université AM de Niamey et apporte son concours à d'autres établissements dont l'Université canadienne du Niger.
Paris, L'Harmattan, 2010. 275 pages, 13,5 x 21 cm, broché. 26,65 €
Diplomatie n°44 Population mondiale. La bombe humaine
SOMMAIRE :
NEWS Du nouveau pour l'espace? / Crise et migrants / Quelle révolution pour Al-Qaïda?
ZOOM SUR... Le peuple aborigène
FOCUS Elections générales au Soudan
FOCUS Un printemps placé sous le signe du nucléaire
FOCUS Le suivi de la crise humanitaire au Yémen depuis l'espace
FOCUS MEDITERRANÉE Diplomatie méditerranéenne: Sur quoi portent les blocages?
FOCUS MEDITERRANÉE La Turquie, Pivot incontournable au Moyen-Orient
FOCUS Mouvements de la Terre et vie des hommes: une difficile conciliation
POINTS CHAUDS
ENTRETIEN L'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime
TABLEAU DE BORD Trafic de drogues, itinéraires et saisies
PORTFOLIO
SOCIÉTÉ
ANALYSE Le rôle des médias en cas de conflit
PORTFOLIO
DOSSIER : Population mondiale: la bombe humaine
ANALYSE Démographie, migration et politique
ENTRETIEN Les dix lois de la géopolitique de la démographie
TABLEAU DE BORD Palmarès démographique
REPÈRES Quelques implications stratégiques à l'usage des nouvelles et anciennes puissances
ATLAS géostratégique de la population mondiale
Paris, AREION Group, 2010. 90 pages, 23 x 30 cm, broché. 6,70 €
Patricia Rajeriarison & Sylvain Urfer Madagascar
Histoire et géographie
— « Madagascar est un pays africain. »
— « Madagascar est le pays des lémuriens. »
— « Ranavalona Ire fut une reine cruelle. »
— « Madagascar est une ancienne colonie française. »
— « 29 mars 1947 : événement ou insurrection?»
Économie et politique
— « Madagascar est l’un des pays les plus pauvres du monde. »
— « Madagascar est le pays de la vanille. »
— « Madagascar est un pays de potentiel. »
— « Madagascar est un pays ingouvernable. »
— « À Madagascar, les Églises font de la politique. »
Culture
— « L’identité malgache est incertaine. »
— « Madagascar vit au rythme du moramora. »
— « La culture malgache est essentiellement orale. »
— « Le fihavanana est le fondement de la culture malgache. »
— « À Madagascar, on retourne les morts. »
Société
— « Il n’y a pas d’unité nationale à Madagascar. »
— « À Madagascar, on brûle les forêts. »
— « Les Malgaches sont francophones. »
— « Madagascar est une grande destination pour l’écotourisme. »
— « Les Malgaches sont un peuple non-violent. »
Collection Idées reçues
Paris, Le Cavalier Bleu, 2010. 128 pages, 10,5 x 18 cm broché. 9,31 €
Pays ouest-africain enclavé occupé au nord par le désert du Sahara, indépendant depuis 1960, le Niger a connu une première période de stabilité politique de trente ans ponctuée par deux changements de chef d'Etat. Les turbulences politiques liées à l'avènement de la démocratie en 1990 conduiront à quatre changements de chef d'Etat en seize ans.
Le présent ouvrage aborde le récit de l'histoire contemporaine de la gouvernance politique de ce pays. Sous l'influence des facteurs externes, des facteurs internes et de la nature des dirigeants politiques, la société nigérienne s'est métamorphosée au point que ce processus, purement synonyme de démolition de l'identité de cette société, conduit à repenser des modèles d'inversion de cette démolition, sur la base des réalités sociopolitiques internes.
Mahamadou Issoufou Tiado, ingénieur informaticien de formation (1995), aborde une carrière internationale d'enseignant et de chef du Centre de Calcul jusqu'en 2002. Il obtient en 2006 le grade de docteur en Réseaux et Télécommunications de l'INP de Toulouse et s'inscrit en thèse de sciences politiques après le master de l'IEP de Toulouse, spécialité sociologie politique des processus de gouvernement. Il est aujourd'hui enseignant-chercheur à l'Université AM de Niamey et apporte son concours à d'autres établissements dont l'Université canadienne du Niger.
Paris, L'Harmattan, 2010. 275 pages, 13,5 x 21 cm, broché. 26,65 €
Diplomatie n°44 Population mondiale. La bombe humaine
SOMMAIRE :
NEWS Du nouveau pour l'espace? / Crise et migrants / Quelle révolution pour Al-Qaïda?
ZOOM SUR... Le peuple aborigène
FOCUS Elections générales au Soudan
FOCUS Un printemps placé sous le signe du nucléaire
FOCUS Le suivi de la crise humanitaire au Yémen depuis l'espace
FOCUS MEDITERRANÉE Diplomatie méditerranéenne: Sur quoi portent les blocages?
FOCUS MEDITERRANÉE La Turquie, Pivot incontournable au Moyen-Orient
FOCUS Mouvements de la Terre et vie des hommes: une difficile conciliation
POINTS CHAUDS
ENTRETIEN L'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime
TABLEAU DE BORD Trafic de drogues, itinéraires et saisies
PORTFOLIO
SOCIÉTÉ
ANALYSE Le rôle des médias en cas de conflit
PORTFOLIO
DOSSIER : Population mondiale: la bombe humaine
ANALYSE Démographie, migration et politique
ENTRETIEN Les dix lois de la géopolitique de la démographie
TABLEAU DE BORD Palmarès démographique
REPÈRES Quelques implications stratégiques à l'usage des nouvelles et anciennes puissances
ATLAS géostratégique de la population mondiale
Paris, AREION Group, 2010. 90 pages, 23 x 30 cm, broché. 6,70 €
Patricia Rajeriarison & Sylvain Urfer Madagascar
Histoire et géographie
— « Madagascar est un pays africain. »
— « Madagascar est le pays des lémuriens. »
— « Ranavalona Ire fut une reine cruelle. »
— « Madagascar est une ancienne colonie française. »
— « 29 mars 1947 : événement ou insurrection?»
Économie et politique
— « Madagascar est l’un des pays les plus pauvres du monde. »
— « Madagascar est le pays de la vanille. »
— « Madagascar est un pays de potentiel. »
— « Madagascar est un pays ingouvernable. »
— « À Madagascar, les Églises font de la politique. »
Culture
— « L’identité malgache est incertaine. »
— « Madagascar vit au rythme du moramora. »
— « La culture malgache est essentiellement orale. »
— « Le fihavanana est le fondement de la culture malgache. »
— « À Madagascar, on retourne les morts. »
Société
— « Il n’y a pas d’unité nationale à Madagascar. »
— « À Madagascar, on brûle les forêts. »
— « Les Malgaches sont francophones. »
— « Madagascar est une grande destination pour l’écotourisme. »
— « Les Malgaches sont un peuple non-violent. »
Collection Idées reçues
Paris, Le Cavalier Bleu, 2010. 128 pages, 10,5 x 18 cm broché. 9,31 €
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Madagascar,
Niger,
Soudan
lundi 3 mai 2010
Theme AGS mois de mai : les influences étrangères en Afrique
À l'occasion du cinquantenaire des indépendances africaines, Alliance Géostratégique s’intéresse à ce continent et tout particulièrement aux influences étrangères en Afrique noire. En effet, si les Français semblent s’y désintéresser nombreux sont les acteurs à investir le continent.
Ainsi la France n’a cessé de faire évoluer sa doctrine officielle : de « l'indépendance dans l'interdépendance » (E. Faure) à « accompagner sans dicter » (D. de Villepin) en passant par « ni ingérence, ni indifférence » (L. Jospin). Les États-Unis ont réorienté leur politique étrangère vers de nouvelles préoccupations géopolitiques et géostratégiques : le terrorisme islamiste, la sécurité énergétique et l’influence grandissante de la Chine.
Les anciennes puissances coloniales sont encore très présentes. L’héritage colonial les conditionne à être présentes sur cette zone. Après la décolonisation, elles ont cherché à y conserver une certaine influence, et la présence de nombreux ressortissants nationaux ainsi que les autres liens créés au cours de la période coloniale (langue et culture, enseignement...) servent de relais à cette politique.
Des acteurs moins traditionnels ont développé leurs relations avec le continent : la Chine dont la politique africaine qualifiée d’opportuniste est souvent critiquée mais aussi l’Inde, le Brésil, la Russie, Israël, l’Iran…
La question du rôle et de l’influence des pays extérieurs est donc légitime et elle n’a jamais été posée avec autant d’acuité qu’à l’heure actuelle.
Cette influence pourrait se définir comme la capacité d’une entité à orienter le comportement des autres entités en les amenant à s’impliquer dans son action ou à s’identifier à son point de vue. Elle pourrait être assimilée au soft power de Joseph Nye qui « consiste à tenter d'abord d'obtenir par la persuasion séductrice les résultats que l'on pourrait aussi atteindre par la force. Il s'agit d'amener les autres à adhérer à des normes et des institutions qui incitent ou induisent au comportement désiré. Le Soft Power peut prendre appui sur la capacité d'établir l'ordre du jour de manière à façonner les préférences des autres. »
On pourra aussi distinguer des zones d’influence où certains États disposent d’une prépondérance et /ou d’une exclusivité par rapport aux autres.
On rappellera qu’une vision globale est particulièrement difficile à appréhender en ce qui concerne le sous-continent africain. Certains ont tenté de démontrer que l'Afrique est un ensemble homogène. Aussi nombreux sont ceux qui ont eu une vision d'une Afrique qui pourrait être appréhendée et gérée d’un seul bloc. Mais en réalité, l'Afrique est un continent hétérogène qu’il faut penser dans sa diversité et donc y appliquer non pas une politique, mais des politiques africaines. Les stratégies d’influence se prêtent particulièrement bien à cet exercice.
Pourquoi ces acteurs s’intéressent-ils au continent ? Parmi les pays d'Afrique noire, deux tiers font partie des pays les plus pauvres de la planète. Malgré cela, l’Afrique est une zone riche qui recèle des potentialités à la fois économiques et humaines. Elle est une région en pleine évolution : intérêts économiques en tête (production / extraction de ressources naturelles et de matières premières, implantation d’entreprises, nouveaux marchés à conquérir...), intérêts stratégiques et prosélytisme religieux (Libye, pays du Golfe).
Comment évaluer la place des acteurs extérieurs sur le continent africain ? Quelles sont les modalités de l’influence des principales puissances y agissant ? Quelles sont les rapports entre les différents acteurs ? Et surtout, comment ces politiques d’influence sont reçues par les gouvernements sur place et par les populations car ne l’oublions pas ils savent faire jouer la concurrence et se jouent plus qu’on ne l’imagine de la profusion des acteurs extérieurs.
À vos claviers ! Envoyez vos contributions à alliancegeostrategique@gmail.com .
Ainsi la France n’a cessé de faire évoluer sa doctrine officielle : de « l'indépendance dans l'interdépendance » (E. Faure) à « accompagner sans dicter » (D. de Villepin) en passant par « ni ingérence, ni indifférence » (L. Jospin). Les États-Unis ont réorienté leur politique étrangère vers de nouvelles préoccupations géopolitiques et géostratégiques : le terrorisme islamiste, la sécurité énergétique et l’influence grandissante de la Chine.
Les anciennes puissances coloniales sont encore très présentes. L’héritage colonial les conditionne à être présentes sur cette zone. Après la décolonisation, elles ont cherché à y conserver une certaine influence, et la présence de nombreux ressortissants nationaux ainsi que les autres liens créés au cours de la période coloniale (langue et culture, enseignement...) servent de relais à cette politique.
Des acteurs moins traditionnels ont développé leurs relations avec le continent : la Chine dont la politique africaine qualifiée d’opportuniste est souvent critiquée mais aussi l’Inde, le Brésil, la Russie, Israël, l’Iran…
La question du rôle et de l’influence des pays extérieurs est donc légitime et elle n’a jamais été posée avec autant d’acuité qu’à l’heure actuelle.
Cette influence pourrait se définir comme la capacité d’une entité à orienter le comportement des autres entités en les amenant à s’impliquer dans son action ou à s’identifier à son point de vue. Elle pourrait être assimilée au soft power de Joseph Nye qui « consiste à tenter d'abord d'obtenir par la persuasion séductrice les résultats que l'on pourrait aussi atteindre par la force. Il s'agit d'amener les autres à adhérer à des normes et des institutions qui incitent ou induisent au comportement désiré. Le Soft Power peut prendre appui sur la capacité d'établir l'ordre du jour de manière à façonner les préférences des autres. »
On pourra aussi distinguer des zones d’influence où certains États disposent d’une prépondérance et /ou d’une exclusivité par rapport aux autres.
On rappellera qu’une vision globale est particulièrement difficile à appréhender en ce qui concerne le sous-continent africain. Certains ont tenté de démontrer que l'Afrique est un ensemble homogène. Aussi nombreux sont ceux qui ont eu une vision d'une Afrique qui pourrait être appréhendée et gérée d’un seul bloc. Mais en réalité, l'Afrique est un continent hétérogène qu’il faut penser dans sa diversité et donc y appliquer non pas une politique, mais des politiques africaines. Les stratégies d’influence se prêtent particulièrement bien à cet exercice.
Pourquoi ces acteurs s’intéressent-ils au continent ? Parmi les pays d'Afrique noire, deux tiers font partie des pays les plus pauvres de la planète. Malgré cela, l’Afrique est une zone riche qui recèle des potentialités à la fois économiques et humaines. Elle est une région en pleine évolution : intérêts économiques en tête (production / extraction de ressources naturelles et de matières premières, implantation d’entreprises, nouveaux marchés à conquérir...), intérêts stratégiques et prosélytisme religieux (Libye, pays du Golfe).
Comment évaluer la place des acteurs extérieurs sur le continent africain ? Quelles sont les modalités de l’influence des principales puissances y agissant ? Quelles sont les rapports entre les différents acteurs ? Et surtout, comment ces politiques d’influence sont reçues par les gouvernements sur place et par les populations car ne l’oublions pas ils savent faire jouer la concurrence et se jouent plus qu’on ne l’imagine de la profusion des acteurs extérieurs.
À vos claviers ! Envoyez vos contributions à alliancegeostrategique@gmail.com .
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vendredi 30 avril 2010
Sortie de Regard Critique. Spécial Décolonisation
A lire dans le numéro d'avril de Regard Critique (Le Journal des Hautes Etudes Internationales). A télécharger ICI :
- « Les brûlures de la décolonisation » dans les anciennes métropoles françaises et britanniques par SONIA ARAUJO
- Une interview de Jean -Pierre DERRIENNIC
- "Bandung, moment décisif de la décolonisation" par PIERRE-LUC PELLAND-MARCOTTE
- "Le cas CFA : la décolonisation qui n’a pas eu lieu" par Thierry Onga
- " Les indépendances africaines : 50 années après…" par Jean -Marc Fiende
- " Un bilan politique chaotique" par Coffi Dieudonné ASSOUVI
- "Les enfants de Félix peuvent-ils espérer un retour à la normalité ?" par Hervé Bastart
- "La junte militaire pourra-t-elle ramener la démocratie au Niger ?" par Catherine Dandonneau
- "L’OTAN en Afrique" par DAMIAN KOTZEV et Arber Fetiu
Libellés :
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Décolonisation,
Delta du Niger,
OTAN
Sortie de Regard Critique. Spécial Décolonisation
A lire dans le numéro d'avril de Regard Critique (Le Journal des Hautes Etudes Internationales) A télécharger ICI :
- « Les brûlures de la décolonisation » dans les anciennes métropoles françaises et britanniques par SONIA ARAUJO
- Une interview de Jean -Pierre DERRIENNIC
- "Bandung, moment décisif de la décolonisation" par PIERRE-LUC PELLAND-MARCOTTE
- "Le cas CFA : la décolonisation qui n’a pas eu lieu" par Thierry Onga
- " Les indépendances africaines : 50 années après…" par Jean -Marc Fiende
- " Un bilan politique chaotique" par Coffi Dieudonné ASSOUVI
- "Les enfants de Félix peuvent-ils espérer un retour à la normalité ?" par Hervé Bastart
- "La junte militaire pourra-t-elle ramener la démocratie au Niger ?" par Catherine Dandonneau
- "L’OTAN en Afrique" par DAMIAN KOTZEV et Arber Fetiu
- « Les brûlures de la décolonisation » dans les anciennes métropoles françaises et britanniques par SONIA ARAUJO
- Une interview de Jean -Pierre DERRIENNIC
- "Bandung, moment décisif de la décolonisation" par PIERRE-LUC PELLAND-MARCOTTE
- "Le cas CFA : la décolonisation qui n’a pas eu lieu" par Thierry Onga
- " Les indépendances africaines : 50 années après…" par Jean -Marc Fiende
- " Un bilan politique chaotique" par Coffi Dieudonné ASSOUVI
- "Les enfants de Félix peuvent-ils espérer un retour à la normalité ?" par Hervé Bastart
- "La junte militaire pourra-t-elle ramener la démocratie au Niger ?" par Catherine Dandonneau
- "L’OTAN en Afrique" par DAMIAN KOTZEV et Arber Fetiu
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jeudi 29 avril 2010
LRA: A Regional Strategy beyond Killing Kony
Dernières recommandations de l'International Crisis Group sur la LRA de Joseph Kony.
"The Lord’s Resistance Army (LRA) has become a regional problem that requires a regional solution. Operation Lightning Thunder, launched in December 2008, is the Ugandan army’s latest attempt to crush militarily the one-time northern Ugandan rebel group. It has been a failure. After the initial attack, small groups of LRA fighters dispersed in the Democratic Republic of Congo (Congo), South Sudan and the Central African Republic (CAR), where they survive by preying on civilians. National security forces are too weak to protect their own people, while the Ugandan army, with U.S. support, is focused on hunting Joseph Kony, the group’s leader. The Ugandans have eroded the LRA’s numbers and made its communications more difficult. But LRA fighters, though disorganised, remain a terrible danger to civilians in this mostly ungoverned frontier zone. National armies, the UN and civilians themselves need to pool intelligence and coordinate their efforts in new ways if they are to end the LRA once and for all.
As the Juba peace process began to fall apart, President Museveni of Uganda worked hard to convince South Sudan and the Congo to participate in a joint military operation against the LRA. He had to overcome their mistrust of his army, notorious for its past abuse of civilians and illegal resource extraction on its neighbours’ territory. The U.S. lent its diplomatic weight to advance discussions. Even though both South Sudan and the Congo finally agreed, Uganda undermined its chances of success by failing to coordinate with them, giving them little reason to commit to the fight. In the event, bad weather and leaked intelligence caused Operation Lightning Thunder to fail in its primary objective, killing Kony, and a lack of forward planning allowed the LRA to put on a bloody show of force against Congolese civilians.
The LRA has since exploited the inability of the Congo, South Sudan and the CAR to control their border areas. Small, fast-moving groups of fighters attack unprotected villages to resupply with food and clothes and seize new recruits before heading back to the cover of the forest. Killing and mutilating are part of a strategy of terror to dissuade survivors from cooperating with the Ugandan and other armies. Even with the help of U.S. satellite imagery and audio intercepts, the Ugandan army, the only force committed to the chase, has had great difficulty tracking its targets. What was supposed to be a sudden, decisive strike has become a slow and very expensive campaign of attrition across three countries. It has also yielded unacceptably high human costs among local civilians, with virtually no accountability for the failure to protect. The weakness of all three state security forces and the limited means of the UN missions in the Congo and South Sudan have left civilians no choice but to fend for themselves, which in many instances they have done well.
In March 2010, Ugandan intelligence reported that Kony was in the southern Darfur region of Sudan, hoping to receive support from his former benefactor, the Khartoum government. He appears now to have crossed back into the CAR, where the bulk of his forces are, but with the fighters so scattered and mobile, it is difficult to pin down his exact whereabouts or the LRA’s present numerical strength. However, as the Ugandan army slowly kills and captures more of his Acholi officers, Kony’s faithful core is shrinking. This threatens the LRA’s cohesion, which depends on the leadership controlling the rank and file through violence and fear. The audio intercept capability the U.S. has given the army makes communication dangerous by any means other than runner. Despite these organisational stresses, LRA fighters continue to cause appalling suffering even in survival mode and would likely continue to do so even if Kony is caught or killed.
To remove this twenty-year-old cancer, a new strategy is required that prioritises civilian protection; unity of effort among military and civilian actors within and across national boundaries; and national ownership. The LRA’s need for fresh recruits and the ability of civilians to provide the most accurate information on its activities makes protecting them both a moral imperative and a tactical necessity. Only by pooling intelligence and coordinating activities across the entire affected region can the Ugandan army, its national partners, the UN and civilians hope to rid themselves of the LRA. The Ugandan operation and UN missions, however, offer only temporary support to LRA-affected states. The latter need to put structures in place now to ensure they can cope with what is left of the organisation and its fighters when foreign militaries leave.
Moreover, even complete victory over the LRA would not guarantee an end to insecurity in northern Uganda. To do that, the Kampala government must treat the root causes of trouble in that area from which the LRA sprang, namely northern perceptions of economic and political marginalisation, and ensure the social rehabilitation of the north.
RECOMMENDATIONS
Regarding civilian protection
To the Ugandan and U.S. Governments:
1. Adopt a new strategy that prioritises civilian protection. Review the operation every four months to assess civilian casualties and increase civilian protection measures accordingly.
2. Set a clear goal and timeline for the operation, such as the neutralisation of the LRA leadership within one year.
To the Governments and Armies of Uganda, the Congo, the CAR and South Sudan, the UN Mission in Congo (MONUC) and the UN Mission in Sudan (UNMIS):
3. Deploy more soldiers and logistical support to LRA-affected areas to provide safe havens by increasing joint day and night patrols in villages, on frequently used routes and especially in larger settlements.
4. Work with civilians to set up unarmed and voluntary community security committees in the Congo and increase the capacity of self-defence groups in South Sudan and the CAR.
5. Rehabilitate roads in LRA-affected areas.
6. MONUC and UNMIS should deploy permanent joint protection teams to monitor human rights abuses committed in LRA-affected areas, and the Congolese government should urgently enforce discipline within the regiments deployed in Haut- and Bas-Uélé, encourage civilian oversight structures to monitor human rights abuses by its soldiers and punish and withdraw offenders from the field.
Regarding unity of effort among military and civilian actors within and across national boundaries
To the U.S. Government:
7. Deploy a team to the theatre of operations to run an intelligence platform that centralises all operational information from the Ugandan and other armies, as well as the UN and civilian networks, and provides analysis to the Ugandans to better target military operations.
To MONUC and UNMIS:
8. Create a regional team with members in both the Congo and South Sudan dedicated to gathering, analysing and sharing information on LRA activities and advising on how best to protect civilians.
To the UN Security Council:
9. Give the UN mission in the CAR and Chad (MINURCAT) a new mandate to remain in the CAR, deploy to the south east and join the MONUC/UNMIS regional team dedicated to gathering, analysing and sharing information on LRA activities and advising on how best to protect civilians.
10. Ensure that the planned and gradual drawdown of MONUC leaves sufficient forces in the LRA-affected areas in the Congo.
Regarding national ownership
To the Ugandan Army, MONUC, UNMIS and MINURCAT:
11. Work more closely with the Congolese, South Sudan (SPLA) and CAR armies through joint patrols and offensive operations, in full compliance with the UN’s conditionality policy on support to national armies, and by sharing information so they gain a full understanding of the operation and improve their counter-insurgency tactics.
To the Governments of the Congo, South Sudan (GoSS), and the CAR:
12. Instruct local authorities, police and the security forces to work with communities in the support of self-defence groups; local administrators should register all members, agree in writing on their specific tasks, plan and monitor group activities carefully.
Regarding the root causes of the problem in northern Uganda
To the Ugandan Government:
13. Bring closure to the LRA conflict and minimise the risk of a successor insurgency by implementing the provisions of the agreements negotiated but not finally signed in Juba which relate to reconstructing the north, bringing the worst perpetrators to justice and reconciling civilians with former fighters.
To Donors:
14. Finance a disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) program for LRA combatants and a regional communication campaign and support humanitarian relief and long-term development programs implemented in an accountable and transparent manner in northern Uganda."
"The Lord’s Resistance Army (LRA) has become a regional problem that requires a regional solution. Operation Lightning Thunder, launched in December 2008, is the Ugandan army’s latest attempt to crush militarily the one-time northern Ugandan rebel group. It has been a failure. After the initial attack, small groups of LRA fighters dispersed in the Democratic Republic of Congo (Congo), South Sudan and the Central African Republic (CAR), where they survive by preying on civilians. National security forces are too weak to protect their own people, while the Ugandan army, with U.S. support, is focused on hunting Joseph Kony, the group’s leader. The Ugandans have eroded the LRA’s numbers and made its communications more difficult. But LRA fighters, though disorganised, remain a terrible danger to civilians in this mostly ungoverned frontier zone. National armies, the UN and civilians themselves need to pool intelligence and coordinate their efforts in new ways if they are to end the LRA once and for all.
As the Juba peace process began to fall apart, President Museveni of Uganda worked hard to convince South Sudan and the Congo to participate in a joint military operation against the LRA. He had to overcome their mistrust of his army, notorious for its past abuse of civilians and illegal resource extraction on its neighbours’ territory. The U.S. lent its diplomatic weight to advance discussions. Even though both South Sudan and the Congo finally agreed, Uganda undermined its chances of success by failing to coordinate with them, giving them little reason to commit to the fight. In the event, bad weather and leaked intelligence caused Operation Lightning Thunder to fail in its primary objective, killing Kony, and a lack of forward planning allowed the LRA to put on a bloody show of force against Congolese civilians.
The LRA has since exploited the inability of the Congo, South Sudan and the CAR to control their border areas. Small, fast-moving groups of fighters attack unprotected villages to resupply with food and clothes and seize new recruits before heading back to the cover of the forest. Killing and mutilating are part of a strategy of terror to dissuade survivors from cooperating with the Ugandan and other armies. Even with the help of U.S. satellite imagery and audio intercepts, the Ugandan army, the only force committed to the chase, has had great difficulty tracking its targets. What was supposed to be a sudden, decisive strike has become a slow and very expensive campaign of attrition across three countries. It has also yielded unacceptably high human costs among local civilians, with virtually no accountability for the failure to protect. The weakness of all three state security forces and the limited means of the UN missions in the Congo and South Sudan have left civilians no choice but to fend for themselves, which in many instances they have done well.
In March 2010, Ugandan intelligence reported that Kony was in the southern Darfur region of Sudan, hoping to receive support from his former benefactor, the Khartoum government. He appears now to have crossed back into the CAR, where the bulk of his forces are, but with the fighters so scattered and mobile, it is difficult to pin down his exact whereabouts or the LRA’s present numerical strength. However, as the Ugandan army slowly kills and captures more of his Acholi officers, Kony’s faithful core is shrinking. This threatens the LRA’s cohesion, which depends on the leadership controlling the rank and file through violence and fear. The audio intercept capability the U.S. has given the army makes communication dangerous by any means other than runner. Despite these organisational stresses, LRA fighters continue to cause appalling suffering even in survival mode and would likely continue to do so even if Kony is caught or killed.
To remove this twenty-year-old cancer, a new strategy is required that prioritises civilian protection; unity of effort among military and civilian actors within and across national boundaries; and national ownership. The LRA’s need for fresh recruits and the ability of civilians to provide the most accurate information on its activities makes protecting them both a moral imperative and a tactical necessity. Only by pooling intelligence and coordinating activities across the entire affected region can the Ugandan army, its national partners, the UN and civilians hope to rid themselves of the LRA. The Ugandan operation and UN missions, however, offer only temporary support to LRA-affected states. The latter need to put structures in place now to ensure they can cope with what is left of the organisation and its fighters when foreign militaries leave.
Moreover, even complete victory over the LRA would not guarantee an end to insecurity in northern Uganda. To do that, the Kampala government must treat the root causes of trouble in that area from which the LRA sprang, namely northern perceptions of economic and political marginalisation, and ensure the social rehabilitation of the north.
RECOMMENDATIONS
Regarding civilian protection
To the Ugandan and U.S. Governments:
1. Adopt a new strategy that prioritises civilian protection. Review the operation every four months to assess civilian casualties and increase civilian protection measures accordingly.
2. Set a clear goal and timeline for the operation, such as the neutralisation of the LRA leadership within one year.
To the Governments and Armies of Uganda, the Congo, the CAR and South Sudan, the UN Mission in Congo (MONUC) and the UN Mission in Sudan (UNMIS):
3. Deploy more soldiers and logistical support to LRA-affected areas to provide safe havens by increasing joint day and night patrols in villages, on frequently used routes and especially in larger settlements.
4. Work with civilians to set up unarmed and voluntary community security committees in the Congo and increase the capacity of self-defence groups in South Sudan and the CAR.
5. Rehabilitate roads in LRA-affected areas.
6. MONUC and UNMIS should deploy permanent joint protection teams to monitor human rights abuses committed in LRA-affected areas, and the Congolese government should urgently enforce discipline within the regiments deployed in Haut- and Bas-Uélé, encourage civilian oversight structures to monitor human rights abuses by its soldiers and punish and withdraw offenders from the field.
Regarding unity of effort among military and civilian actors within and across national boundaries
To the U.S. Government:
7. Deploy a team to the theatre of operations to run an intelligence platform that centralises all operational information from the Ugandan and other armies, as well as the UN and civilian networks, and provides analysis to the Ugandans to better target military operations.
To MONUC and UNMIS:
8. Create a regional team with members in both the Congo and South Sudan dedicated to gathering, analysing and sharing information on LRA activities and advising on how best to protect civilians.
To the UN Security Council:
9. Give the UN mission in the CAR and Chad (MINURCAT) a new mandate to remain in the CAR, deploy to the south east and join the MONUC/UNMIS regional team dedicated to gathering, analysing and sharing information on LRA activities and advising on how best to protect civilians.
10. Ensure that the planned and gradual drawdown of MONUC leaves sufficient forces in the LRA-affected areas in the Congo.
Regarding national ownership
To the Ugandan Army, MONUC, UNMIS and MINURCAT:
11. Work more closely with the Congolese, South Sudan (SPLA) and CAR armies through joint patrols and offensive operations, in full compliance with the UN’s conditionality policy on support to national armies, and by sharing information so they gain a full understanding of the operation and improve their counter-insurgency tactics.
To the Governments of the Congo, South Sudan (GoSS), and the CAR:
12. Instruct local authorities, police and the security forces to work with communities in the support of self-defence groups; local administrators should register all members, agree in writing on their specific tasks, plan and monitor group activities carefully.
Regarding the root causes of the problem in northern Uganda
To the Ugandan Government:
13. Bring closure to the LRA conflict and minimise the risk of a successor insurgency by implementing the provisions of the agreements negotiated but not finally signed in Juba which relate to reconstructing the north, bringing the worst perpetrators to justice and reconciling civilians with former fighters.
To Donors:
14. Finance a disarmament, demobilisation and reintegration (DDR) program for LRA combatants and a regional communication campaign and support humanitarian relief and long-term development programs implemented in an accountable and transparent manner in northern Uganda."
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