Génaf est une association créée en 2003 qui se donne pour
objectif de participer au développement de l'Afrique de l'Ouest. Good Morning
Afrika (via Bénédicte, l'une des membres de l'association) vous propose une interview croisée de Sarah Monnier, l’actuelle
présidente de Génaf, de Grégoire Mialet, son ancien président et de Lauren
Kharouni, chef du projet 2013.
Olympiade avec les
enfants
Comment est née cette association ? Depuis quand
l'association existe-t-elle ?
Grégoire Mialet :
L’association Génaf existe depuis 2003. Elle est née de la
volonté de plusieurs jeunes en France de se structurer pour organiser des
projets solidaires en collaboration avec des jeunes africains.
Le cœur de notre fonctionnement repose sur notre indépendance
qui nous permet une totale liberté d’action : laïque, apolitique et totalement
autonome, l’association se veut un trait d’union entre tous les milieux sociaux
afin de proposer à tous les jeunes qui désirent s’investir un espace
d’expression et d’engagement solidaire.
Comment l'association est-elle organisée ? Quels sont les
rôles de chacun ?
Grégoire Mialet :
La taille de notre association nous permet de mettre en place
une organisation clairement définie tout en conférant une certaine flexibilité
dans le déroulé de nos actions. Ainsi, comme beaucoup d’associations, nous
sommes régis par des statuts et par un règlement intérieur et les principales
décisions sont validées par un conseil d’administration de six personnes.
Néanmoins, nous tenons à investir chaque bénévole dans un rôle (événementiel,
gestion des dons, organisation des activités pédagogiques, organisation d’un
tournoi de sport, etc.) afin de le rendre acteur du projet et sommes sensibles
au travail collaboratif et participatif plutôt qu’un fonctionnement
hiérarchique pyramidal.
Il est important pour nous que chaque bénévole perçoive la
touche personnelle qu’il peut apporter dans nos projets. Le rôle de
l’association est de l’accompagner dans ses idées et ses prises d’initiatives.
Sarah Monnier :
Oui, par exemple, pour le choix du futur projet, nous avons
beaucoup discuté des propositions qui nous avaient été faites entre bénévoles,
puis, à partir des informations à notre disposition, nous avons pu, entre
membres du conseil d’administration, faire le choix du meilleur projet à
adopter. Nous tenons à ce que chaque bénévole puisse agir à sa manière, comme
il le souhaite et surtout à hauteur de ses envies et de ses possibilités.
Communauté rurale de
N'Gogom
Qui sont vos bénévoles ? Pourquoi s'engagent-ils ?
Sarah Monnier :
Les bénévoles de Génaf sont plutôt jeunes : nous avons entre
18 et 32 ans. Nous sommes étudiants, salariés, chômeurs, chefs d'entreprise,
dans tous les secteurs. Certains s'engagent pour découvrir une autre façon de
voyager et de découvrir les cultures africaines, d'autres pour participer à un
projet qui leur semble juste et qui leur permet de mener une action solidaire.
Quelques-uns encore y trouvent un excellent tremplin vers une
professionnalisation dans le domaine de la solidarité internationale.
Grégoire Mialet :
Cette diversité des parcours, des formations et des
personnalités de nos bénévoles constitue la richesse de notre association et
cimente les actions que nous organisons.
Comment arrivez-vous à mesurer l'impact de vos projets ?
Grégoire Mialet :
Le suivi de nos projets est un point auquel nous accordons
une attention très particulière. L’efficacité même de notre action dépend de
notre capacité à faire en sorte que la population locale s’approprie les
structures que nous avons mises en place et les systèmes organisationnels que
nous avons proposés. Aussi, nous cherchons toujours à valider l’utilisation de
ces structures plusieurs mois, voire plusieurs années après notre venue. Cela
se matérialise par de nouveaux séjours sur place (en plus petit comité) et/ou
par un suivi régulier avec nos partenaires.
Nous cherchons notamment à mesurer le plus précisément
possible le nombre d’enfants touchés par les structures éducatives mises en
place : salles de classes, espace numérisé, bibliothèque… Nous vérifions que
les populations bénéficiaires correspondent aux populations que nous ciblons et
notamment, que la parité garçon/fille est respectée. Ensuite, nous essayons de
tracer le volume d’accès (nombre de livres prêtés, nombre de connexions) grâce
au travail précieux de nos partenaires. Si ces processus peuvent se révéler complexes
et coûteux en énergie, ils sont notre garantie d’une action efficace, cohérente
et concertée.
Le chantier
Quel est le prochain projet que vous allez mener ?
Lauren Kharouni :
Pour son cinquième projet, Génaf interviendra, à l’été 2013,
dans le centre-est du Burkina Faso, dans la région de Koupéla. Le projet
consiste à participer au développement d’un collège-lycée agricole situé en
région rurale dans le village de Lioulgou en partenariat avec une association
locale, à l’initiative du projet.
Sur place, les matinées des bénévoles seront consacrées à la
construction d’un laboratoire, en partenariat avec un entrepreneur burkinabé.
Les salles de classe étant déjà construites, et les terrains disponibles pour
les cultures, la salle de laboratoire est indispensable à l’enseignement
technique que souhaite prodiguer l’établissement. Semblable à une salle de
chimie, cet espace permettra aux élèves de mener à bien des expériences, d’entreprendre
des expérimentations sur les cultures et de comprendre, de manière pratique et
concrète, l’ensemble du cycle productif agricole. Les après-midi seront, elles,
dédiées aux activités culturelles organisées avec les enfants, en coopération
avec une association de jeunes et des institutrices du village.
Good Morning Afrika traite des questions géopolitiques et
stratégiques liées aux continent africain. Dans quelle mesure le travail mené
par Génaf peut-il être rattaché à ces problématiques ?
Grégoire Mialet :
Depuis sa création, Génaf cherche à montrer avec humilité que
les actions locales des petites associations ont autant d’importance que les
programmes internationaux gérés par les gouvernements ou les grandes ONG : par
leur connaissance du terrain, par leurs contacts proches de la population, par
leur implication vertueuse, par leur diversité et leur multiplicité, ces
associations mettent en place des projets simples mais adaptés dans des zones
souvent non concernées par les programmes nationaux ou internationaux.
La complémentarité des acteurs qui travaillent pour le
développement est un atout considérable qu’il nous faut savoir utiliser. Cela
passe évidemment par un meilleur dialogue ainsi que par une volonté commune de
toujours chercher à comprendre les besoins et les intérêts locaux.
Enfin, notre action doit être durable et, à ce titre, les
acteurs qui interviennent dans ces pays (gouvernements, entreprises,
exploitants, ONG, associations) doivent oser mettre en place des solutions
innovantes, respectueuses de l’environnement, des droits humains et des
traditions. C’est ce que Génaf, à son échelle, s’attachera à faire dans les
projets à venir.
Lauren Kharouni :
Le travail de Génaf concerne la coopération. Ainsi, nos
projets se doivent d’être en parfaite adéquation avec les besoins, contraintes
et potentialités du territoire sur lequel nous intervenons. Cette adéquation
est recherchée tant au niveau local des villages où sont menés les projets qu’à
une échelle plus grande par l’intégration dans les axes de politique nationale
pour s’assurer de la pérennité et l’efficacité du projet. La dimension
géopolitique et stratégique de notre travail repose sur le choix de prioriser
l’éducation et la formation, puisque lorsque celles-ci font défaut, cela a un impact
sur le développement social et économique, les flux migratoires et les
conflits.
La dimension géopolitique et stratégique du projet Burkina
2013 réside d’une part dans sa volonté d’une revalorisation de la ruralité et
du travail agricole. D’autre part, il s’inscrit dans une stratégie de lutte
contre l’insécurité et la dépendance alimentaires. En effet, le secteur
primaire est au cœur de l'économie burkinabé. Or, la production de de produits
destinés à l’exportation est privilégiée au détriment des cultures vivrières.
De plus, les rendements agricoles sont très faibles, notamment du fait de
techniques agraires nuisant à la fertilité des sols. Le manque de formation en
est l’une des causes, et c’est par ce biais que Génaf a choisi d’agir. La
question alimentaire soulève non seulement la question des ressources -
produire plus et mieux - mais également des questions sociales - réduction des
inégalités - et politiques - éviter les conflits. L'agriculture est ainsi un
moteur de développement indéniable et est, de fait, au cœur des enjeux
géopolitiques actuels.