mardi 23 août 2011

La politique africaine de la Libye (1/2)

Alors que le « roi des rois traditionnels d’Afrique » vacille et que certains analystes y voient un échec de l'Union africaine, nous nous proposons de republier un billet datant de mai 2010 sur la politique africaine du président Libyen. Espérant qu'il permettra de mieux comprendre l'impact de la chute du Guide sur le continent africain. Ce premier billet revient sur l'idéologie qui anime la politique étrangère de Kadhafi.


La Libye est le quatrième plus grand Etat d’Afrique en superficie (1 757 000 km²) mais 14 fois moins peuplée que l’Egypte, riche d’un pétrole (40% des réserves africaines, 2ème exportateur du continent) qui lui permet toujours de peser politiquement. Elle bénéficie d’une situation privilégiée sur la façade méditerranéenne mais ne néglige pas le poids de sa partie continentale. En effet, le désert s’étend sur la quasi-totalité du territoire et la circulation de nomades dans cet espace n’est pas sans répercussion sur les intentions géopolitiques du pays. Carrefour entre le Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie, auxquels on ajoute parfois la Mauritanie et le Soudan) et le Moyen Orient, la Libye est faite d’une profonde dualité culturelle : arabité et africanité. Dans un ouvrage publié en 1986 M. Kadhafi déclarait : « Les pays africains et les pays arabes connaissent une situation analogue, sinon identique, d’autant que plus de la moitié des peuples arabes vit en Afrique ?» Ainsi l’idéal de l’unité africaine se trouvait dès l’origine en filigrane de la politique africaine de la Libye. 



Ce billet propose de répondre à une interrogation principale : le colonel Kadhafi a-t-il une politique panafricaine ? Il convient pour y répondre de comprendre comment se manifeste la politique d’influence de la Libye en Afrique, vers quels pays est-elle dirigée, quels sont les vecteurs de cette influence ? Nous nous proposons d’analyser la portée idéologique de cette politique puis les vecteurs de l’influence libyenne sur le continent noir.


I.Une politique éminemment idéologique

a)Une vision unioniste et tribale


La politique d’influence libyenne est conçue et dirigée par le Colonel Kadhafi. La République arabe libyenne a pour principes fondamentaux : la liberté, l’union, la justice sociale et fait référence à l’Islam et à l’arabisme. L’idéologie kadhafiste se fonde aussi sur une volonté unioniste contre ce qu’il considère comme l’ennemi sioniste et contre l’Occident accusé d’avoir divisé le monde arabe. En 1974 il déclare : « la lutte contre Israël est éternelle » et en 1978 : « Nous sommes des unionistes depuis 1959, date de la constitution du mouvement des officiers unionistes libres. L’unité arabe est un destin, un objectif et en même temps une nécessité impérieuse. Nous avons peiné pour l’unité arabe et nous avons payé le prix depuis que nous étions étudiants en 1961, lorsque nous vivions sous les menaces de la persécution. L’unité est notre manière d’entrer en politique et elle en est la justification ». Dans les années 1969-1975 la Libye soutient de nombreux mouvements de libération dans le monde et tout particulièrement dans son voisinage africain : le Frolinat au Tchad, les Erythréens, les colonies portugaises, l’ANC en Afrique du Sud. Cet activisme pousse plusieurs pays d’Afrique à rompre leurs liens avec Israël. L’unionisme est une composante fondamentale de la politique de Kadhafi et un axe essentiel de son action politique.
En 1977, M. Kadhafi annonce la Jamahiriya (assemblée triviale) et publie le Livre Vert qui se veut une « troisième théorie universelle », différente du capitalisme et du marxisme, se fondant sur la société tribale bédouine, l’arabisme selon sa version nassérienne et la religion musulmane. H. Bleuchot considère que la tribu a joué un rôle fondamentale dans l’élaboration du Livre Vert : « la conception de Kadhafi (..) est celle-ci : le lien sociale véritable et naturel est celui du sang. L’individu est lié aux autres d’abord et avant tout à sa famille. La tribu est à son tour une famille élargie et la nation un groupe de tribus. Voilà la société naturelle. On a reconnu la société bédouine traditionnelle » .
Kadhafi s’est voulu l’héritier de Nasser et a voulu porter l’arabisme après la disparition de celui-ci en 1970. En effet, dans les années 1960 et 1970 on observe un grand rayonnement de la pensée nassérienne. Pourtant le moteur de la vision unioniste de Kadhafi diffère de celui de Nasser pour qui le projet d’unité était beaucoup moins utopique et correspondait davantage à des motifs stratégiques d’incarnation du leadership arabe . Djaziri paraphrase Sivan en considérant que le projet unitaire kadhafien comme un mythe politique arabe comme l’est l’islamisme . Les tentatives d’union qu’il proposera avec la Tunisie, le Maroc, l’Egypte et d’autres pays ne sont pourtant pas des succès (Soudan-Egypte en 69 , Egypte-Syrie en 71, Egypte en 72, Tunisie en 1974, Syrie en 1980, Tchad en 1981, Maroc en 1984, Soudan en 90). Citons également une tentative d’union régionale : la MENA (Middle East and North Africa). Elle obéit sur le plan régional à une logique d’emboitement de centres (capables d’exercer une influence politique, économique, démographique ou religieuse au niveau régional comme l’Arabie Saoudite, l’Egypte, l’Iran, la Turquie et Israël) et de périphéries (inégalement intégrées au système mondial dont fait partie la Libye). En effet, les économies de la MENA restent dans l’ensemble marginalisées, périphériques et peu compétitives. Ainsi, le PIB de la Ligue arabe avec 870 milliards de dollars en 2005 est inférieur à celui de l’Espagne . Aucune puissance régionale ne parvient à fédérer la région. Plusieurs logiques partagent ces pays : l’unité arabe avec la création en 1945 de la Ligue arabe encore fragile ; l’OPAEP (Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole) qui s’est effondrée dans les années 1980 ; l’Union du Maghreb arabe créée en 1989 mais paralysée par les tensions régionales (Sahara Occidentale) ; le Gafta ou Great Arab Free Trade Area qui réunit 17 membres de la Ligue arabe sur 22 et entré en vigueur en 2005 mais qui pâtit de la faiblesse des échanges dans la zone ; l’Organisation de la Conférence islamique elle aussi ralentit par les rivalités interétatiques.

Actuellement le mouvement panarabe est fortement battu en brèche par la montée récente de l’islamisme. L’arabisme, l’idéologie officielle des pouvoirs en place, a perdu de son potentiel révolutionnaire.

Vidéo : Mouammar Kadhafi à propos de l'influence de Nasser et du conflit au Proche-Orient



b)La promotion d’un islam réformiste


Kadhafi est partisan d’un islam réformiste et surveille la menace représentée par les mouvements islamistes notamment celui des Frères musulmans. La Libye fait néanmoins partie de l’Organisation de la conférence islamique. Ses thèses socialistes trouvent, selon lui, leurs fondements dans le Coran. Cet islam socialiste est théorisé dans le livre vert. Ces oppositions tendent à isoler la Libye des Etats défenseurs d’un islam orthodoxe notamment l’Arabie Saoudite, qui est allée jusqu'à financer les projets américains de déstabilisation du régime. Le guide joue des affrontements entre chiites et sunnites en critiquant le régime saoudien qui « vise les chiites et complote contre le Hezbollah, la fierté de l’islam, des Arabes et de la résistance contre Israël ». Le 31 mars 2007 le Guide a même appelé dans un discours prononcé au Niger en présence des chefs de tribus Touareg, à l’établissement d’un second Etat fatimide chiite en Afrique du Nord, sur le modèle de l’Empire fatimide (10ème- 13ème siècle) qui regroupait l’Afrique du Nord, l’Egypte et une partie du Croissant fertile. Cependant les Saoudiens se sont réconcilier au Sommet de Doha (1er avril 2009) avec les Libyens mais une lutte d’influence se ressent toujours entre la Libye, l’Arabie Saoudite et même l’Iran.

c)Une constante : l’hostilité à l’égard de l’Occident


Le « Guide » libyen n'hésite pas à user et abuser d'une rhétorique populiste anti-blanc ou anti-occidentale et se faire passer ainsi pour le champion de la lutte contre le néocolonialisme. En cela, il trouve des opportunités lorsqu'un pays africain a des différents avec son ancienne métropole (Côte d'Ivoire ou Zimbabwe par exemple).
Son interventionnisme sur les différentes scènes internationales a toujours traduit une volonté de réduire l’influence occidentale et de faire progresser ses objectifs unitaires. Les positions propalestinnienne du leader libyen l’ont très vite opposé aux Etats-Unis et à Israël. A la suite d’un processus de reconnaissance et de recherche d’acceptabilité internationale, l’ONU et l’Union européenne ont levé leurs sanctions en septembre 2003, et le 15 mai 2006 les Etats-Unis ont retiré la Libye de leur liste des états terroristes. Mais il faut attendre juillet 2007 et la résolution de l’affaire des infirmières bulgares et fin 2008 l’indemnisation des victimes des attentats aériens pour que le Guide trouve un semblant de respectabilité.

A lire :
- Kadhafi l'Africain par Moussa Diop pour RFI
- "Les amis africains de Kadhafi" par Jeffrey Gettleman (Courrier International)
- "L’Afrique et Kadhafi : enjeux économiques et financiers" Les Afriques

vendredi 19 août 2011

Somalie : le conflit accentue la famine

Le New York Times proposait dans son édition du 16 août (ICI), deux cartes pour comprendre la famine, qui touche aujourd'hui une partie de la Corne de l'Afrique. On y apprend que dans les régions les plus touchées le prix des céréales est à 260% plus cher qu'en 2010.

mercredi 17 août 2011

Crimes de guerre en Somalie : pas de responsable, tous responsables

Signalons la sortie du denier rapport (15 août 2011) de Human Rigts Watch consacré aux crimes de guerre Somalie : "“You Don’t Know Who to Blame”: War Crimes in Somalia". Le rapport est consultable ICI
Le communiqué de presse : ICI


D'après ce rapport tant les troupes de l'Amisom que les troupes gouvernementales et les insurgés d'Al Shabaab, ont commis des crimes de guerre et tué des civils. Tous coupables d'avoir recouru «à l’artillerie de façon indiscriminée dans la capitale Mogadiscio, entraînant des pertes civiles». Le rapport accuse également l’Éthiopie et le Kenya de soutenir des milices. Il revient sur les abus commis par la police kenyane et les crimes de bandits sur les réfugiés somaliens au Kenya.

lundi 15 août 2011

Hillary Clinton sur la famine en Somalie du Sud

Le 11 août dernier, Hillary Rodham Clinton, revenait sur la famine en Somalie et le rôle des Etats-Unis, dans une interview de Scott Pelley pour CBS.


QUESTION: What are your concerns about al-Shabaab in Somalia?

SECRETARY CLINTON: Well, I have many concerns about al-Shabaab. Al-Shabaab is a terrorist group. Al-Shabaab has been particularly brutal, even barbaric, to the people under their control, even before this famine has so devastated the Somali people. Al-Shabaab has imposed the worst kind of punishments for what they consider to be violations of their particularly perverted, distorted view of Islam. And so they have posed a threat to the United States and to our friends and neighbors. They were behind an attack in Kampala, Uganda because Uganda has been very important in our efforts to try to beat back al-Shabaab, and we’ve made progress, thanks to an organized African effort supported by the United States and others.

But what we’ve seen in recent weeks just beggars the imagination, Scott. I mean, it’s one thing to have a view of religion that is so brutal and totally at odds with anything that anyone else believes, but it’s something entirely different to prevent women and children from getting to a place where they could be saved, where the children could be fed, where women wouldn’t be watching their babies die in their arms. And we have seen no indication that al-Shabaab has a heart. This is Ramadan. If there were ever a time for a group that claims to be adhering to their own form of Islam – they apparently don’t know what Ramadan means, because they are doing nothing to assist the international community or even on their own to assist the people that they control.

And I’ve called on them and their leaders to show some mercy and some compassion. We can get back to squaring off against one another after we save the lives of women and children. So far, we’ve seen no evidence that they’re willing to do that.

QUESTION: Is the United States Government aiding the training of anti-Shabaab militias in Somalia?

SECRETARY CLINTON: Well, the United States Government helps to fund the AMISOM Mission, and the AMISOM Mission has made the difference between clawing back territory from al-Shabaab and losing all of Somalia to this terrorist group. So we have, for a long time, supported African troops under an African mission to work with the Transitional Federal Government that is in place in Mogadishu. And I have seen progress over the last two and a half years. I met with the head of the TFG in Kenya in August of 2009 and --

QUESTION: The Transitional Federal Government.

SECRETARY CLINTON: The Transitional Federal Government. Look, they have a long way to go. They are only learning on the job, so to speak, about how to govern. Somali-Americans have gone home to Mogadishu to try to help prevent this perversion that al-Shabaab practices from destroying their country.

But Somalia has been in turmoil and living with violence for a very long time now. We all remember, first, President George H. W. Bush and then President Clinton trying to help the Somali people in the early ’90s. And it was a very terrible incident with our soldiers being killed and mistreated. So the world, for a number of years, said, “Look, Somalia is just too violent, too complex. We cannot deal with it.” And at that time, there was a lot of – it was mostly an inter-clan conflict.

But what we’ve seen in the last several years is the rise of al-Shabaab, which proudly claims some affinity with al-Qaida, which tries to work with al-Qaida in the Arabian Peninsula, al-Qaida in the Islamic Maghreb. And so this then became a direct threat to us, not just a tragedy on the ground in Somalia, but a threat to not only the United States but the rest of the world.

QUESTION: In addition to the African Union forces, are we supporting or providing training or providing the money for training of other militias inside Somalia?

SECRETARY CLINTON: Well, I think we’re doing what we can to support Uganda and others who are part of the AMISOM Mission to do what they need to do to help not only beat back al-Shabaab, but to help train an indigenous Somali force to stand on its own against al-Shabaab.

QUESTION: And training is integral to that?

SECRETARY CLINTON: Of course it is. I mean, part of the challenge is making sure that people are trained to use equipment, to know how to engage in the kind of warfare to deal with the threat of suicide bombers. I mean, there’s a lot that has to be learned. It’s – it is certainly welcome that people would want to stand up and fight for their family and their country, but they need to be able to know how to do it.

QUESTION: When you see these pictures that are coming out of the famine emergency, what do you think?

SECRETARY CLINTON: Right. Well, it just breaks my heart because there is no doubt that some of this is the unfortunate consequence of weather patterns, of drought. But I would say most of it is because of bad policies and bad people, and that’s what really upsets me.

An act of God is an act of God. You deal with an earthquake, you deal with a tsunami. But there is so much more we could do to help in this, and we’ve tried to. We fund something called the Famine Early Warning System Network. It gave us an indication last year that a famine was on the way, and not just because of weather patterns but because of violence, because of conflict, because of inaccessible areas to be able to provide support. So we pre-position food. And we’ve worked with the Governments of Ethiopia and Kenya. We’ve certainly worked to support the UN and both American and international NGOs. But then you see these pictures and you know how many people are dying because they can’t get help where they are, because you have this terrorist group, al-Shabaab, that has no regard for the lives of the people in the areas they control.

QUESTION: How is the United States responding to the emergency?

SECRETARY CLINTON: Well, I think we are responding very effectively in the face of a very large challenge. We’re by far the largest donor, over $550 million that we have put into trying to help save lives. We’re not only providing emergency foodstuffs – particularly what is needed when you’re terribly malnourished and you can’t eat whole food; you have to have nutritional supplements – but also we’re helping with water, we’re helping with sanitation and healthcare, we’re trying to vaccinate people so that there are not epidemics in the refugee camps. We’re supporting Kenya, which has been an extremely gracious host to hundreds of thousands of Somalis who have come over their border over the last years because of the fighting there. And we’re working with the Government of Ethiopia.

But at the same time, Scott – and I want to emphasize this because the American people are very generous and we do respond to tragedies and natural disasters – we have to change the trajectory here. And so what we did from the very beginning of this Administration was to say, look, we are the best at responding to food disasters. The United States is the major supporter of the World Food Program. We’re there with food. We set up this early warning system. We are great at responding to disasters.

But we’ve got to do more to change the underlying conditions. So we started a program called Feed the Future, which represents the best thinking in agricultural productivity, in nutritional supplementation, in marketing of food, everything that goes into what makes for greater self-sufficiency. And Ethiopia and Kenya are two of the countries we’ve been working with over the last two and a half years. What are policies that need to be changed at the governmental level that encourage more food production?

And the last time there was a famine in Ethiopia – I’m old enough to remember, the pictures were very similar to what you’re showing – it affected 12 million people. This year, this famine is affecting about 5 million in the area. Now, 5 million is still an unacceptably high number, but it’s a big improvement because we’ve worked with both farmers and pastoralists to try to help them do more to sustain themselves – drought-resistant seeds, for example, better irrigation techniques and the like. So it’s not just that we’re responding to the emergency, first and foremost. We’re also trying to change the underlying conditions.

QUESTION: Last question: You mentioned the United States has contributed more than half a billion dollars --

SECRETARY CLINTON: Right.

QUESTION: -- to this emergency in --

SECRETARY CLINTON: Right.

QUESTION: -- the Horn of Africa. Some reasonable people would say this is a terrible, terrible tragedy, but we can’t afford that.

SECRETARY CLINTON: Well --

QUESTION: And I wonder what you would say to them.

SECRETARY CLINTON: I would say look at these pictures. And the one thing that Americans are so well known for, not only through our government but through our religious faith-based institutions, through private charities, through individual giving, is our heart. No matter what anybody says about us anywhere in the world, people have to admit that when there’s trouble anywhere, Americans are there. We’re there to help, and we’re there to do the very best we can to try to alleviate suffering. That’s part of the DNA of the American character. We certainly can afford to do what is necessary now.

Obviously, we’re all having to tighten our belts in this tough budgetary climate, but I have the great honor of heading the State Department and USAID, our two civilian agencies that – we don’t carry weapons; we carry food and we negotiate treaties, we try to help governments get better. It’s an insurance policy both against tragedy happening, but it’s also our way of responding when the inevitable – because given human nature, we’re going to face these kinds of terrible calamities – that we show who we are as a people. And I would hate to think that our country would ever back off from that.

jeudi 11 août 2011

La corne de l'Afrique : l'urgence sans fin ?

Le 4 août, l'émission Contre Expertise sur France Culture, recevait Valérie Daher, directrice de la communication d'Action Contre la Faim, Alain Gascon, géographe, et Rony Brauman, essayiste, professeur à Sciences Po et ancien président de Médecins sans frontières.
Résumé de l'émission : "L’encens est devenu poussière, quant aux chèvres, elles se font plus rares. La Corne de l’Afrique ou l’urgence sans fin… Cette archive date de 1960: depuis, on ne parle plus de « voyageurs » sur les routes, mais d’exilés. Les camps de réfugiés sont saturés, certains y sont nés il y a vingt ans, à l’époque de la première grande crise. On avait laissé la Somalie, telle qu’elle, à l’époque, dans un état de « ni guerre, ni paix ». On s’est retiré en même temps que les troupes américaines, les caméras et pas mal d’organisations humanitaires. Aujourd’hui, et alors que les ONG n’ont plus d’interlocuteur politique dans le pays, la sécheresse concerne 3 millions et demi de personnes dans la seule Somalie. Hier l’ONU déclarait trois nouvelles zones en état de famine, et notamment la capitale Mogadiscio."


Ecoutez l'émission ICI

Extraits :
- Alain Gascon a rappelé que la saison humide est coupée, en Somalie, d'une saison sèche en juillet-août marquée de pluies irrégulières, tous les 10 ans ces irrégularités sont beaucoup plus fortes.
- La Corne de l'Afrique c'est au moins cinq pays (Érythrée, Éthiopie, Somalie, Djibouti, Kenya auxquels on peut ajouter le Soudan et l'Ouganda). La zone affectée et les 13 millions de personnes touchées par la famine couvriraient l'ensemble de ces pays mais Rony Brauman se dit septique face à la surenchère alarmiste de l'ONU qui donne des chiffres invérifiables. Pour lui la crise est réelle mais dans une région délimitée (Somalie et sud Est Éthiopie) ailleurs c'est un autre problème, il ne faut pas homogénéiser toute la région. Étendre la famine à l'ensemble de la Corne a un effet démobilisateur.
- La région ne manque pas d'eau elle est irriguée par deux fleuves pérennes le Juba et le Schebell. La guerre a bousculé la complémentarité qui existait auparavant entre éleveurs et agriculteurs. L'usage et l'entretien de l'irrigation a été endommagé par la guerre. Cette sécheresse est le symptôme d'un dérèglement beaucoup plus profond lié à la crise politique.
D'ailleurs, les conditions climatiques sont difficiles aussi au Somaliland mais l'autorité étatique a établi des conditions qui permettent d'échanger et circuler contrairement au Sud de la Somalie où des chefs de guerres se taillent des principauté. [ndrl : dernièrement les Shabaab ont réclamé $30 par hectare de terres irriguées aux agriculteurs vivant le long du Juba dans la région du Lower Juba (en rouge sur la carte)]


D'ailleurs Alain Gascon s'interroge : pourquoi on ne reconnait pas l'indépendance du Somaliland ?

La question financière est importante mais l'action diplomatique et la résolution des conflits sont plus importantes encore.

Interview dans l'Express de Rony Brauman : surenchère catastrophiste "Famine : " En Somalie la solution est politique""



Dans une interview à L'Express, en 1997, Rony Brauman expliquait que pour que les humanitaires puissent intervenir, il fallait qu'une situation réunisse trois critères: "La liberté de se déplacer sur le territoire, d'évaluer les besoins et de dialoguer sans contrôle." Si ces critères n'étaient pas respectés, "il [fallait] savoir renoncer". Aujourd'hui il estime qu'"On est en train d'assister à une surenchère catastrophiste! Il faut ne pas se souvenir des grandes famines d'après-guerre pour dire des choses pareilles... Même en Somalie, la situation est très contrastée. Les besoins existent, mais ils sont très circonscrits."



A lire :
- « Aujourd’hui, une famine dans un pays ne s’explique pas sans la présence d’un conflit » par Philippe Hugon ICI
-"L’insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne" par Mathieu Mérino ICI
- "Corne de l’Afrique : catastrophe annoncée" par Catherine-Lune Grayson ICI
- Vidéo d'un porte parole des Shabaa affirmant qu'il n'y a pas de famine en Somalie :


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lundi 8 août 2011

Un train pour...l'Erythrée

Arte retransmettra ce mardi à 12H15 l'émission "Un train pour l’Érythrée".
Résumé : "Petit État d'Afrique orientale, l'Érythrée possède l'une des lignes de chemin de fer les plus remarquables au monde. Construite en 1911, elle a été victime des trente années de guerre civile qui ont secoué la région et ont conduit, au début des années 1970, à sa fermeture. Rétablie en 2002, elle relie aujourd'hui la capitale, Asmara, à la ville portuaire de Massaoua pour le plus grand bonheur des touristes"






dimanche 7 août 2011

Les Shabaab se retirent de Mogadiscio

Bien que ce blog soit en vacances depuis quelques semaines, nous ne pouvions passer à côté de cette nouvelle. Hier, le président somalien a annoncé le retrait des Shabaab de Mogadiscio. Pour le porte parole du mouvement, Sheikh Ali Mohamud Rage, ce retrait est tactique et les radicaux conserveront leurs positions dans le reste du Sud de la Somalie. La force de l'Union africaine (Amisom)combattait les Shabaab depuis plusieurs semaines sur le marché stratégique de Bakara, bastion des insurgés. Néanmoins le mouvement extrémiste souffrait de problèmes financiers et de divisions internes.
Paradoxalement il reste à espérer que ces divisions claniques qui font aussi obstacle à l’émergence d’un pouvoir central en Somalie et que dénonce officiellement le discours trans-clanique des intégristes seront aussi celles susceptibles de les faire tomber.

Les photos des espaces abandonnés par les Shebaab à Mogadiscio ci-dessous :








mardi 28 juin 2011

Comprendre la piraterie maritime dans la Corne de l'Afrique

Pour comprendre la piraterie maritime et surtout la lutte contre la piraterie au large de la Somalie, France 24 propose un web documentaire ICI


Photos/Videos: Lucas Menget
Texte: Marie-Sophie Joubert
Flash / Design: Jérôme Pidoux
Réalisation: Studio Multimedia France24

jeudi 16 juin 2011

Colloque « L’évolution des conflictualités et des politiques de sécurité et de défense en Afrique »

Le Club participation et progrès et le Centre Maurice Hauriou de l'Université Paris Descartes, organisent un colloque sur le thème : "L'évolution des conflictualités et des politiques de sécurité et de défense en Afrique". Il se déroulera le lundi 20 juin 2011, dans la salle des Actes de la Faculté de Droit de l’Université Paris-Descartes (10, avenue Pierre Larousse, 92240 Malakoff).
Vous voudrez bien trouver ci-joint le programme du colloque qui détaille les créneaux des différentes interventions.
Pour toute information complémentaire, vous pouvez nous contacter à l’adresse mail suivante : participation.progres@gmail.com ou consulter Facebook
Pour s'inscrire : http://www.doodle.com/2z5hgfdxznwe567x. Il reste encore quelques places...
Pourquoi venir ?
  • La sécurité et la défense seront à l'honneur, ce qui devrait vous intéresser à l’heure où près de 2500 militaires français (hors Libye) sont déployés sur un théâtre d’opération africain,
  • Des régions moins connues en France seront présentées... comme la Corne de l'Afrique
  • Des idées reçues seront attaquées, notamment sur la Chine en Afrique
  • Un Ivoirien, et non un Français, nous parlera de la Côte d'Ivoire
  • Le discours des islamistes dans le Sahel sera décrypté
  • ....
  • Du café sera à votre disposition dans la journée, avant un cocktail de clôture
Sonia Le Gouriellec (Good morning Afrika) et S.D. (Lignes stratégiques)

Par ailleurs, hier Pierre Pascallon, Président du Club Participation et Progrès, était l'invité de Thierry Garcin sur France Culture. Vous pouvez écouter l'émission ICI
Réumé : "L’évolution des conflits armés, à l’occasion d’un colloque du Club Participation et progrès

La variété, la violence et la durée des conflits en Afrique ne laissent d’étonner. Qu’on songe à la partition de fait de la Somalie, au génocide du Rwanda, aux longues guerres civiles du Liberia, de Sierra Leone, de la Côte d’Ivoire, aux meurtriers affrontements cycliques qui ont endeuillé la République démocratique du Congo (qui n’est même pas maître de l’entièreté de son territoire), aux troubles civils multiples souvent aggravés par des répressions d’une rare cruauté (ne citons que le Darfour soudanais, le Zimbabwe, le Kenya…).

De plus, de grands acteurs extérieurs exercent une tutelle ou mainmise sur les ressources naturelles et autres du continent (Japon, Chine, Inde, États-Unis…).

Dans ce contexte durable, que peut la France, et que peuvent les États africains eux-mêmes ?"

mardi 14 juin 2011

Analyse comparée des phénomènes miliciens

Le CERI-Science Po organise le 22 juin 2011(9h00 - 18h00) et le 23 juin 2011 (9h00 -13h00) un colloque autour de l'"Analyse comparée des phénomènes miliciens. Débats, enjeux et nouvelles approches" qui ne manquera pas d'intéresser les lecteurs de ce blog.
Informations : ICI


Programme :
MERCREDI 22 JUIN 9h00 - 18h00

9h00 - 9h15 : Mot de bienvenue : Sandrine Perrot, Sciences Po-CERI, et Hervé Maupeu, LAM Pau
9h15 - 11h00 Historicité de l’économie de protection

Historicité de l’économie de protection : débats et enjeux
Sandrine Perrot, Sciences Po-CERI
Histoire du vigilantisme et politiques de protection dans les townships sud-africains
Laurent Fourchard, LAM, Bordeaux
Les partisans armés : émergence d'un corps "informel" de police à Madagascar au 19ème siècle
Nicolas Courtin, UVSQ, CESDIP- Centre de recherches sociologiques du droit et des institutions pénales, GEMPA - Groupe d'étude sur les mondes policiers africains

Discutante : Christine Deslaurier, IRD, Paris

11h00 - 13h00 Neo-traditionnalisme et (post)modernité des milices

Ce que le monde fait aux milices. Transnationalisation des pratiques et renforcement des identités
Jérôme Lafargue, IFRA Nairobi, LAM Pau
Néo-traditionalisme et modernité : les milices Maï-Maï congolaises
Luca Jourdan, Université de Bologne

Lire également "Les Maï Maï dans la guerre au Kivu" par Stéphane Mantoux

Discutant : Koen Vlassenroot, Université de Gand

14h00 - 16h00 Milices et Etat

Réformes constitutionnelles, droit et milices
Mutuma Ruteere, consultant, ancien directeur de la recherche à la Kenya Human Rights Commission, Nairobi
Les milices jihadistes au Pakistan: sous-traitance de la guerre et logiques de situation
Amélie Blom, Institut d'études de l'Islam et des Sociétés du Monde Musulman, Paris
Vigilantism, smuggling and state recuperation: the OPEC boys in north-western Uganda
Kristof Titeca, Université d’Anvers

Discutante : Elizabeth Picard, émérite CNRS-IREMAM, Aix-en-Provence

Pause café

16h00 - 18h00 Milices dans le temps électoral


Les milices sud-soudanaises en campagne référendaire
Mareike Schomerus, LSE (à confirmer)
L’affiliation partisane des jeunes au Burundi : une milicialisation souterraine et diffuse
Nicolas Hajayandi, Université de Bujumbura
Who is in control? Political leadership and militias in Kenya
Claire Médard, IRD, UMR 205 URMIS Université Paris Diderot-Université de Nice-IRD; Susan Mwangi, Kenyatta University
Sociologie des Chimères d'Aristide en Haïti
Jean Eddy Saint Paul, Université de Gunajuato, Mexique

Discutant : Richard Banégas, Université Paris I

JEUDI 23 JUIN 9h00 - 13h00

9h00 - 11h00 Transformations sociales, transformations de genre


Les rondas compesinas du Pérou : comment traiter du genre ?
Camille Boutron, CERIUM, Montréal
Les politiques libidinales de l'insurrection: 'amour-mariage-sexe' dans l'Armée de libération populaire du Népal
Laurent Gayer, CNRS-CURAPP, CSH Delhi
De la milice à l’engagement paramilitaire : Parcours de femmes républicaines nord-irlandaises au début des années 1970
Elise Féron, CARC, University of Kent

Discutante : Marielle Debos, Université de Paris-Ouest Nanterre

11h00 - 13h00 Représentations populaires des milices : chansons, littérature

Lire les milices dans le roman africain francophone: Les cas de Johnny Chien Méchant d'Emmanuel Dongala et Port Mélo d'Edem
Eric M. Midepani, Institut de Recherche en Sciences Humaines, Libreville
Mémoires et représentations populaires des milices touaregs
Frédéric Deycard, LAM Bordeaux
Mungiki au son du Benga. Débats idéologiques et recrutement des milices au Kenya
Hervé Maupeu, LAM Pau

Discutant : à confirmer