Voici le premier billet d’une trilogie consacrée à l’Afrique de l’Ouest et plus particulièrement à l’espace saharo-sahélien, publié en parallèle sur
AGS
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Nous essaierons de comprendre en quoi cet espace est un terreau favorable à l’expansion des groupes criminels et terroristes (la frontière entre les deux est souvent floue) puis qui sont ces acteurs ? Pourquoi AQMI est descendu de l’Algérie au Sahel ? Comment s’organise la lutte contre cet avatar d’Al Qaïda ?
Un ensemble de facteurs s’imbriquent et expliquent la situation actuelle :
Un espace instable et incontrôlé : Tout d’abord la
porosité des frontières est un facteur géopolitique majeur dans la région. L’instabilité dans un pays se propage comme une tache d’huile chez les voisins. Et la région est soumise à de nombreux soubresauts politiques: coups d’Etat en Mauritanie (août 2008) et au Niger (février 2010) ou hyperstabilité (Campaoré au pouvoir depuis octobre 1987, Déby depuis février 1991). D’ailleurs l'entrée des États de la zone dans une période d'élections n'est pas rassurante.
En effet la redistribution de pouvoir est au combien déstabilisatrice et génératrice de frustrations. On y observe la naissance ou la renaissance de guerres civiles. Petit aperçu des élections à venir dans la zone : Burkina Faso : Elections présidentielles le 21 novembre 2010. Par une révision de la Constitution Compaore devrait se représenter pour la 4ème fois, Niger : référendum constitutionnel le 31 octobre 2010, les élections locales le 08 janvier 2011, les législatives couplées au 1er tour des présidentielles le 31 janvier 2011, le 2ème tour des présidentielles le 12 mars 2011 et le président élu prêtera serment le 6 avril 2011, Nigéria: janvier 2011, Tchad : les élections générales de 2011 seraient reportées, Mali et Sénégal : 2012
Une situation économique alarmante :
Les pays de la zone sont
particulièrement pauvres : le Burkina Faso, la Gambie, la Guinée Bissau, le Sénégal, le Mali, le Niger, le Tchad et le Soudan font parti des PMA (Pays les Moins Avancés) une catégorie créé par l’ONU en 1971 et regroupant les pays les moins développés socio-économiquement. Et pour cause se sont principalement des économies orientées vers l’exportation de produits de base bruts (agricoles et miniers).
La hausse du prix des matières premières n’a pas permis la réduction de la pauvreté car
la croissance économique est phagocytée par une forte croissance démographique forte. La population du Sahel devrait doubler et devrait compter 150 millions d’habitant d’ici 2040.
Et même les pays ayant connu une croissance supérieure à 5% ont réduit de façon substantielle le taux de pauvreté. Pourquoi ? Entre autres parce que la région connait
une forte corruption qui ne permet pas la redistribution des richesses : l'ONG internationale Transparency International a publié, 26 octobre, son rapport 2010 de la perception de la corruption dans 178 pays. Certains pays, comme le Niger, marquent un déclin, la Mauritanie (143ème), le Tchad (171ème) le Soudan (172ème) sont les plus mauvais élèves. Le Burkina Faso, le Sénégal, le Bénin et le Mali occupent respectivement les 98ème, 105ème, 110ème et 116ème rang.
Et
quid de l’emploie des jeunes dans une région où le taux de chômage environne les 18% : 60 % des Africains de l’Ouest ont moins de 25 ans et 70 % moins de trente ans. Cette population est frustrée par la situation politique, économique et sociale est un vivier de recrutement idéal pour des groupes criminels et/ou terroristes en manque de main d’œuvre.
Un espace vide :
La densité du Sahel est plus de 3 fois inférieure à la densité moyenne de l’Afrique subsaharienne et les populations habitent principalement dans les capitales (Nouakchott, Bamako, Niamey, N’Djamena). De fait de vastes espaces restent vides (Nord Mali, Nord Niger, Nord et Ouest Mauritanie…). Ces Etats sont faibles et n’ont pas les moyens de contrôler tout leur territoire en le peuplant ou en ni disposant des forces représentants le pouvoir central.
La souveraineté interne des Etats est défaillante. Comme le dit l’adage : « la nature a horreur du vide », certains groupes criminels et terroristes se sont chargés de le remplir.
Des populations vulnérables et marginalisées :
Le Sahel est un espace vulnérable aux famines or les famines sont circonscrites dans le temps et l’espace et l’on sait aujourd’hui que ce phénomène n’est pas seulement le résultat de calamités naturelles mais qu’il est instrumentalisé, les famines sont cachés pour affaiblir certaines populations, ou créée pour attirer des aides. Mais la malnutrition chronique et quotidienne est aussi une donnée géopolitique, elle affaiblit les populations et cette vulnérabilité devrait croitre avec l’explosion démographique : la production vivrière augmente moins vite que la population.
Ajoutez à cette marginalisation géographique et politique le facteur historique. Certaines populations sont historiquement marginalisées : en Mauritanie on observe des rivalités entre Maures, les arabo-berbères et les Négro-africains. Les Harratines, descendants d’esclaves qui vivent au service de leurs maîtres, et les Beïdanes, Maures blancs pour la plupart. Le jeune qui avait fait un attentat kamikaze contre l’ambassade de France en Mauritanie était un Harratine il semble qu’il ait trouvé dans les revendications égalitaire d’AQMI une manière de lutter contre un Islam qui légitime les hiérarchies traditionnelles. Au
Niger le pouvoir militaire appartient principalement aux Djerma-Shongaï le pouvoir économique aux Haoussas, et les Touaregs, peuplent le Nord du pays revendiquent une part du gâteau d’autant que les richesses minières sont dans leur espace de peuplement. Ils réclament : la mise en œuvre effective de la décentralisation, le développement économique, le respect de la diversité culturelle, la plus grande représentation des populations du Nord dans les instances étatiques, l’administration et l’armée ... demande explicitement un versement de 50 % des revenus des sociétés d’exploitation au profit des collectivités locales... Dès lors la question ethnique est un autre facteur géopolitique puisque de nombreuses ethnies vivent entre plusieurs pays qui deviennent des lieux de replis lors de conflits civils (ex : Soudan/Tchad, l’Algérie sahélienne pour les Touaregs en conflit avec le pouvoir central du Niger ou du Mali).
Par ailleurs les traites islamo arabe puis européennes avec la complicité parfois de certaines populations noires ont laissées des traces dans les mémoires collectives.
Pour Medhi Taj : « cette fracture raciale Nord-Sud, ancrée dans l’histoire, est à la base d’une profonde conscience ethnico-tribale structurant les sociétés du sahel africain et brouillant la pertinence du concept occidental d’Etat Nation. »
Une série de facteurs qui laissait entrevoir la situation actuelle …